DOSSIER Le déclenchement Indications du déclenchement artificiel du travail Indications of induction of the labour A. Ricbourg*, P.E. Bouet**, Ph. Gillard**, B. Lafarge*, Y. Delpech*, E. Barranger*, Ph. Descamps**, L. Sentilhes* L’ indication de tout déclenchement doit être motivée par des raisons médicales (prenant en compte le bien-être fœtal ou toute pathologie maternelle) ; sinon, il est dit “de convenance”. La balance bénéfice/risque d’un déclenchement (bénéfice possible d’une diminution de la morbidité néonatale) par rapport au risque de morbidité maternelle (secondaire à un surrisque de césarienne, d’hémorragie du post-partum, ou de rupture utérine en cas d’utérus cicatriciel) doit être évaluée pour chaque patiente. Les facteurs de risque d’échec de déclenchement authentifiés dans la littérature sont : ➤➤ Un score de Bishop inférieur à 3 avec une sensibilité de 73 % et une spécificité de 44 % (1), quel que soit le mode de déclenchement. ➤➤ Dans le cadre d’un déclenchement par prostaglandines E2 : – âge maternel > 30 ans (OR : 2,7 ; IC95 :1,3-5,6) ; – nulliparité (OR : 4,1 ; IC95 : 1,7-10) ; – indice de masse corporelle (IMC) > 25 kg/m2 (OR : 3,5 ; IC95 : 1,7-7,1) ; – âge gestationnel ≤ 37 semaines d’aménorrhée (SA) [OR : 2,9 ; IC95 : 1,3-6,6] (2). Terme en voie de dépassement * Service de gynécologie obstétrique, hôpital Lariboisière, Paris. ** Service de gynécologie obstétrique, CHU d’Angers. Le terme classique d’une grossesse est compris entre 37 SA et 42 SA ; au-delà de 42 SA on parle de “terme dépassé”. Entre 1 et 7 % des patientes dépassent le terme (42 SA) et près de 20 % des patientes accouchent entre 41 SA et 41 SA + 6 jours (3). La datation du début de grossesse doit être la plus fiable possible. La date des dernières règles ne suffit pas : une échographie précoce est indispensable pour confirmer le début de la grossesse et diminuer le nombre de déclenchements pour terme en voie de dépassement. Une échographie précoce (inférieure à 20 semaines) permettrait de diminuer le taux de déclenchement pour terme en voie de dépassement (OR : 0,69 ; IC95 : 0,52-0,82) [4]. La mortalité périnatale est doublée entre 40 et 42 SA, mais il est très difficile de définir le terme idéal au-delà duquel la grossesse ne doit pas être poursuivie. Deux méta-analyses d’études randomisées sont au minimum en faveur d’un déclenchement à partir de 41 SA + 0 jour si les conditions locales sont favorables, puisque cette politique serait associée à un taux identique, voire moindre, de césariennes et de mortalité périnatale (en valeur absolue très faible), comparée à une politique d’expectative (4, 5). Cependant, ces 2 méta-analyses présentent de nombreuses faiblesses méthodologiques limitant l’extrapolation de leurs résultats (6). De ce fait, l’American College of Obstetricians and Gynecologists (ACOG) recommande que les patientes ayant des grossesses prolongées et des conditions locales défavorables soient déclenchées ou prises en charge de façon expectative (grade A) [7], précisant que “de nombreuses autorités recommandent un accouchement sans délai pour les patientes ayant une grossesse prolongée avec des conditions locales favorables sans autre complication” (grade C) [7]. La Society of Obstetricians and Gynaecologists of Canada (SOGC) [8] précise : “Les femmes devraient se voir offrir un déclenchement entre la 41 + 0 et la 42 + 0 semaine de gestation, puisque les données actuelles indiquent que cette pratique entraîne une baisse du taux de mortalité périnatale sans hausse du risque de césarienne.” La Haute Autorité de santé (HAS) [9] note que “la réalisation d’une échographie précoce du premier trimestre à 11-13 SA permet une détermination précise du terme à partir de la longueur cranio- 14 | La Lettre du Gynécologue • n° 366 - novembre 2011 LG 2011-11.indd 14 07/11/11 17:29 Points forts Mots-clés »» Les indications médicales classiques reconnues au déclenchement artificiel du travail sont : le terme en voie de dépassement, la rupture prématurée des membranes, le diabète gestationnel, la suspicion de retard de croissance intra-utérin, la prééclampsie et l’antécédent d’accouchement rapide. »» En cas d’indication indiscutable sur col favorable avec une équipe obstétricale sur place, il semble légitime, après avoir informé la patiente, de procéder au déclenchement pour un utérus unicicatriciel, d’autant plus si la patiente a précédemment accouché par voie naturelle. »» Une échographie précoce permet de diminuer le taux de déclenchement pour terme en voie de dépassement. Déclenchement Rupture prématurée des membranes Diabète Macrosomie caudale du fœtus. Sa pratique systématique contribue à réduire la fréquence des termes considérés à tort comme dépassés. Le risque de complications associées au dépassement de terme impose une surveillance précise à partir du jour du terme […]. Si la femme n’a pas accouché à 41 SA + 1 jour, il est recommandé d’initier une surveillance fœtale toutes les 48 heures ; en l’absence d’accouchement à 41 SA + 6 jours, il est recommandé de réaliser un déclenchement, éventuellement précédé d’une maturation cervicale par prostaglandines. Il est possible de réaliser un déclenchement à partir de 41 SA + 0 jour à condition que le col soit favorable et d’en avoir informé la femme enceinte et obtenu son accord.” Le Collège national des gynécologues obstétriciens français (CNGOF) doit faire connaître ses recommandations en décembre 2011. De façon sensiblement similaire à l’ACOG et la HAS, le CNGOF devrait insister sur le fait que la prise en charge de ces patientes doit dépendre essentiellement des conditions locales cervicales (6). Rupture prématurée des membranes À terme, l’enjeu est de mettre en balance les risques secondaires d’intervention entre le déclenchement en conditions locales défavorables, qui présente quant à elle un risque potentiel d’infection fœtale. Avant terme, le risque de prématurité se surajoute en cas de déclenchement. La rupture prématurée des membranes avant terme survient dans 3 % des grossesses et est responsable de 30 % des accouchements prématurés (10). La principale complication est la chorioamniotite, qui est très significativement corrélée à la morbidité néonatale (11). Les 2 germes retrouvés le plus fréquemment sont l’Escherichia coli et le Streptococcus agalactiae. L’enquête EPIPAGE a démontré que le risque de décès néonatal diminuait de 4 à 10 % par gain d’une semaine d’âge gestationnel de naissance entre 24 et 32 SA (12). La morbi-mortalité néonatale est plus élevée entre 34 et 37 SA qu’à terme. Entre 32 et 34 SA, le gain d’une semaine d’âge gestationnel diminue la morbidité et la mortalité néonatale, et fait préférer l’expectative au déclenchement. Ainsi, entre 34 et 37 SA, les risques rares de morbidité sévère liés à la prématurité sont à mettre en balance avec ceux d’une infection aiguë ou d’un hématome rétroplacentaire (13). Pour l’ACOG (14), l’accouchement doit être provoqué au plus tard à 34 SA en cas de rupture prématurée des membranes avant terme, du fait d’une augmentation du risque de chorioamniotite et de l’inutilité de la maturation pulmonaire par corticoïdes. L’expectative, selon l’ACOG, ne se justifie plus. En France, le choix entre les 2 prises en charge cliniques (expectative versus déclenchement) n’est pas consensuel et les sociétés savantes ne tranchent pas entre les 2 possibilités (15). La rupture prématurée des membranes à terme survient dans 6 à 19 % des grossesses. La revue Cochrane a repris 12 études randomisées comparant l’expectative à un déclenchement en cas de rupture des membranes à terme. Aucune différence n’a été mise en évidence entre les taux de césariennes ou d’extractions instrumentales ou d’infections néonatales entre le groupe expectative et le groupe déclenchement du travail immédiat (16). Le National Institute for Clinical Excellence (NICE) [17] conclut que la patiente devrait pouvoir choisir entre un déclenchement immédiat et une attitude expectative qui ne doit pas excéder 96 heures. En revanche, la HAS recommande (9) qu’“en cas de rupture prématurée des membranes confirmée, la conduite à tenir doit prendre en compte le risque infectieux, qui augmente avec la durée d’exposition. Si les conditions cervicales sont favorables, un déclenchement immédiat peut être envisagé, à condition d’avoir réalisé une information de la femme enceinte et obtenu son accord. Le délai d’expectative, sauf exception, ne devrait pas excéder 48 heures.” Highlights – Classical medical indications of labour induction are : beyond term pregnancies, pretem rupture of the membranes, diabete, supiscion of small for gestional age fetus, preeclampsia and past history of quick delivery. – In case of uncontroversial indication and favorable cervical conditions, it is justifiable to induce labour in case of previous cesarean delivery all the more if the patient has already once delivered naturally. – Early ultrasound can permit to decrease the number of induction of labour in case of beyond term pregnancies. Keywords Induction Preterm rupture of the membranes Diabete Macrosomia Diabète gestationnel Le diabète complique 2,6 % des grossesses. Il est important de distinguer le diabète préexistant à la grossesse (prégestationnel) et le diabète gestationnel, car la morbidité néonatale diffère entre les La Lettre du Gynécologue • n°366 - novembre 2011 | 15 LG 2011-11.indd 15 07/11/11 17:29 DOSSIER Le déclenchement 2 groupes de patientes. La conduite à tenir au troisième trimestre ne sera donc pas la même. En cas de diabète prégestationnel, la mortalité néonatale et le nombre de complications maternelles et traumatiques obstétricales (dystocie des épaules, plexus brachial, fracture de clavicule) sont plus importante (18). Les recommandations de la HAS sont succinctes : “La conduite à tenir en cas de diabète insulinodépendant relève d’une décision pluridisciplinaire au cas par cas. Si le diabète est mal équilibré ou avec un retentissement fœtal, il est recommandé de ne pas dépasser 38 SA + 6 jours. En revanche, en cas de diabète gestationnel bien équilibré et sans retentissement fœtal, il n’y pas d’argument qui justifie une conduite à tenir différente de celle d’une grossesse normale (accord professionnel)” [9]. Le CNGOF a émis des recommandations pour la pratique clinique en décembre 2010 (18). Le dépistage du diabète gestationnel n’est plus systématique mais ciblé en présence d’au moins un des facteurs de risque suivants : âge maternel supérieur ou égal à 35 ans, IMC supérieur ou égal à 25 kg/m2, antécédents de diabète chez les apparentés au premier degré, antécédents personnels de diabète gestationnel ou d’enfant macrosome. Comme la HAS, le CNGOF ne préconise pas de prise en charge particulière en cas de diabète gestationnel bien équilibré, que ce soit par régime ou par insulinothérapie. S’il est mal équilibré ou s’il comporte un risque de retentissement fœtal, il est recommandé de provoquer l’accouchement, en atteignant si possible 39 SA + 0 jour afin de diminuer le risque de détresse respiratoire du nouveau-né. Une césarienne programmée est préconisée en cas de poids fœtal estimé supérieur à 4 500 g, et pourra être discutée si le poids fœtal est estimé entre 4 250 g et 4 500 g. Suspicion de macrosomie fœtale sans diabète gestationnel Il est important de le rappeler, l’échographie est un moyen médiocre pour prédire une macrosomie fœtale, et ce quels que soient la méthode utilisée (Hadlock, circonférence abdominale, longueur fémorale, Shepard), l’association ou non à des caractéristiques maternelles (nomogramme de Mazouni ou de Nhaum et Stanislaw), le moment de réalisation (32 SA, 37 SA, 41 SA), ou l’opérateur qui réalise cette échographie. En outre, la morbidité néonatale devient significative à partir d’un poids de naissance supérieur à 4 500 g (et non 4 000 g). Enfin, les performances de l’échographie sont encore plus médiocres s’agissant de déterminer les macrosomes d’un poids de naissance supérieur à 4 500 g (20). Irion et al. (21) ont réalisé une méta-analyse ayant inclus 3 essais randomisés concernant 372 femmes. Le déclenchement du travail en cas de suspicion de macrosomie n’était pas associé à une diminution du taux de césariennes par rapport à l’expectative, et aucune différence n’était retrouvée pour la morbidité périnatale entre les 2 groupes (dystocie des épaules). Cependant, cette méta-analyse est de trop faible puissance pour évaluer la morbidité néonatale sévère rare telle que l’atteinte du plexus brachial. Les données actuelles ne permettent absolument pas d’affirmer que le déclenchement pour suspicion de macrosomie fœtale sans diabète gestationnel puisse diminuer la morbidité maternelle et fœtale. On peut espérer que les résultats de l’étude randomisée francophone multicentrique DAME, qui seront publiés prochainement, permettront de répondre au moins en partie à la question. En attendant les résultats de cette étude, l’ensemble des sociétés savantes recommande de ne pas déclencher l’accouchement en cas de suspicion de macrosomie fœtale en population générale (9, 17). Suspicion de retard de croissance intra-utérin Le retard de croissance intra-utérin (RCIU) est diagnostiqué à la naissance lors de la pesée de l’enfant. Cependant, sa suspicion pendant la grossesse impose une surveillance attentive, notamment lors du travail. La mortalité périnatale de ces enfants est supérieure à celle des enfants eutrophes du fait d’une fragilité supérieure ; en particulier, leurs réserves métaboliques sont inférieures à celles des enfants eutrophes, ce qui les surexposent au risque d’acidose métabolique. S’il existe une suspicion de pathologie fœtale sousjacente et que les inconvénients de la poursuite de la grossesse sont jugés supérieurs à ceux de la prématurité induite et au risque de césarienne, l’accouchement peut être discuté avant 37 SA. Cependant, le risque de césarienne est proche de 50 % des cas avant 37 SA dans les rares études publiées (22). La HAS précise : “On ne dispose pas de suffisamment de données permettant de formuler une appréciation sur les avantages ou les risques du déclenchement artificiel du travail en cas de retard de croissance à terme” (9). Boers et al. (23) ont étudié l’attitude expectative après randomisation versus déclenchement chez des patientes 16 | La Lettre du Gynécologue • n° 366 - novembre 2011 LG 2011-11.indd 16 07/11/11 17:29 DOSSIER au terme de 36 SA + 0 jour à 41 SA + 0 jour, avec RCIU suspecté devant une circonférence abdominale inférieure au 10e percentile, ou une estimation de poids fœtal inférieure au 10e percentile, ou une stagnation de la courbe de croissance, ou les 3 associés. Dans le bras déclenchement, ce dernier était réalisé 48 heures après la randomisation : en cas de score de Bishop > 6, l’amniotomie était couplée si besoin à du l’ocytocine ; en cas de score de Bishop < 6, l’induction du travail se faisait grâce à des prostaglandines en intravaginal ou en intracervical, ou par une sonde de Foley dont le ballonnet était gonflé à 30 ml. Dans le bras expectative, la surveillance était assurée par 2 rythmes cardiaques fœtaux hebdomadaires, une échographie et une surveillance clinique et biologique pour prévenir l’apparition d’une éventuelle prééclampsie. Il n’y avait aucune différence entre les 2 bras pour le taux de circonférence abdominale inférieure au 10e percentile (81,6 %-82,1 %), le taux d’estimation de poids fœtal inférieur au 10e percentile (92,2 %-93,6 %) et le taux d’oligoamnios (31,0 %-34,5 %). Le taux de déclenchement était de 95 % dans le groupe déclenchement versus 50 % dans le groupe expectative. Aucune différence ne ressortait pour le taux de césariennes, étonnamment faible dans les 2 groupes (environ 14 %), pour un déclenchement sur col défavorable par prostaglandines dans un contexte de RCIU avec environ 30 % d’oligoamnios (94 % des patientes dans le groupe déclenchement et 97,3 % des patientes dans le groupe expectative avaient un score de Bishop ≤ 6). Il n’y avait pas de différence non plus pour la morbidité maternelle (notamment pour les taux d’extractions instrumentales ou de césariennes), ni pour la morbidité néonatale, notamment pour les taux de pH < 7,05 ou d’admission en réanimation néonatale. Enfin, il est important de noter que l’estimation de poids fœtal réalisée en anténatal était relativement performante, car 75 % des nouveau-nés avaient un poids inférieur au 10e percentile, et 30 % à 50 % des nouveau-nés avaient un poids inférieur au 5e percentile. Finalement, la seule différence observée entre les 2 groupes était un nombre significativement plus important d’enfants avec un poids inférieur au 3e percentile dans le groupe expectative (40/321 versus 100/329, soit 12,5 % versus 30,6 % ; p < 0,001). Les auteurs concluent que les 2 attitudes semblent licites. Une des limites à l’extrapolation des résultats de cette étude est que la conduite du travail est très différente de la nôtre, comme en témoigne le très faible taux de césariennes observé dans cette étude. Hypertension artérielle gravidique et prééclampsie Koopmans et al. (24) ont mené une étude multicentrique randomisée comparant expectative versus déclenchement pour 756 patientes entre 36 et 41 SA ayant une hypertension artérielle gravidique ou une prééclampsie modérée. L’hypertension gravidique était définie par une pression artérielle diastolique supérieure ou égale à 95 mmHg à 2 reprises à plus de 6 heures d’intervalle, et la prééclampsie par la présence d’une hypertension gravidique associée à une protéinurie > 0,3 g/24 heures ou plus de 2 bandelettes urinaires positives. Après randomisation, les patientes du groupe déclenchement bénéficiaient d’une amniotomie et ocytocine si le score de Bishop était ≥ 6 ; dans le cas contraire, une maturation cervicale était réalisée avec des prostaglandines intracervicales ou intravaginales ou par une sonde de Foley. Aucune différence significative n’a été observée pour la morbidité maternelle (hospitalisation en réanimation, hémorragie du post-partum, éclampsie, hématome rétroplacentaire, coagulation intravasculaire disséminée, complications thromboemboliques, œdème aigu pulmonaire, HELLP syndrome) ou néonatale (Apgar < 7 à 5 min, pH < 7,05, hospitalisation en réanimation, mort fœtale in utero) entre les 2 groupes. Mais les auteurs ont construit une variable composite maternelle comportant la progression de l’hypertension (> 16/11) ou de la protéinurie (≥ 5 g/24 h). Un taux minoré de cette variable composite est ressorti dans le groupe déclenchement (RR : 0,71 ; IC95 : 0,59-0,86 ; p < 0,001), ce qui fait conclure aux auteurs que le déclenchement du travail était associé à une amélioration de la morbidité maternelle. Concernant le sous-groupe de patientes ayant un col défavorable (score de Bishop < 2, sachant qu’aucune information n’était disponible pour les patientes ayant un score de Bishop compris entre 2 et 4), le taux de césariennes avait tendance à être majoré (sans être significatif) dans le groupe déclenchement (17 % versus 29 % ; RR : 0,59 ; IC95 : 0,34-1,03). En pratique, le déclenchement ou l’expectative sont 2 options possibles en cas de score de Bishop > 3, mais, si le score de Bishop est < 3, la balance penche pour une politique expectative afin de diminuer le risque de césarienne. Cette position est à réévaluer au cas par cas en fonction de la sévérité de l’hypertension artérielle gravidique ou de la prééclampsie. La Lettre du Gynécologue • n°366 - novembre 2011 | 17 LG 2011-11.indd 17 07/11/11 17:29 DOSSIER Le déclenchement Antécédent d’accouchement rapide Un accouchement rapide est défini par un travail inférieur à 2 heures. Compte tenu de l’angoisse maternelle possible à l’idée d’accoucher en dehors de l’hôpital, un déclenchement du travail au-delà de 39 SA sous couvert de conditions locales favorables peut être discuté avec la patiente (9). Indications non médicales de convenance Les causes de déclenchement sans indication médicale le plus fréquemment évoquées sont : la demande de la patiente, l’éloignement du domicile, et l’organisation de la maternité pour les multipares. Il est très difficile de déterminer qui dans le couple médecin/parturiente influe le plus la décision d’un déclenchement de convenance. Le biais principal des différentes études retrouvées dans la littérature est qu’aucune information n’est donnée quant à l’état du col lors de la décision de déclenchement. La HAS (9) recommande d’envisager un déclenchement de convenance seulement lorsque les conditions suivantes sont réunies : utérus non cicatriciel, terme précis (à partir de 39 SA), col favorable (score de Bishop ≥ 7), demande ou accord de la patiente et information des modalités et des risques potentiels. Cas particuliers Décision obstétricale fréquente, le déclenchement est pratiqué de manière très variable dans les maternités, y compris en situations particulières (utérus cicatriciel, grossesse gémellaire, et présentation du siège). Utérus cicatriciel L’antécédent de 2 césariennes est une indication peu débattue à une césarienne itérative lors d’une prochaine grossesse, du fait du risque majoré de rupture utérine. Le déclenchement artificiel du travail en cas d’utérus unicicatriciel ne peut se faire, selon nous, qu’en cas de conditions favorables cervicales avec ocytocine et amniotomie (25, 26). Le misoprostol est à proscrire du fait d’un trop grand nombre de ruptures utérines ; quant aux prostaglandines E2, elles n’ont pas l’auto- risation de mise sur le marché en cas d’utérus cicatriciel et sont déconseillées dans cette indication (27). Lydon-Rochelle (28) a mené la plus grande étude de cohorte sur le risque de rupture utérine chez les patientes présentant un utérus cicatriciel. Le taux de rupture utérine était de 0,16 % pour les césariennes avant tout travail, de 0,52 % pour les patientes en travail spontané, de 0,77 % pour un déclenchement sans prostaglandines et de 2,45 % pour celles déclenchées avec des prostaglandines. Pour la HAS, “en sélectionnant des patientes ayant une forte probabilité d’accouchement par voie basse et en évitant les prostaglandines, on peut minimiser le risque de rupture utérine” (9). Grossesse gémellaire Le nadir de la mortalité périnatale des grossesses gémellaires se situe à 38 SA révolues, et la mortalité néonatale est augmentée de façon claire après 40 SA pour les jumeaux. Il est donc recommandé de programmer l’accouchement des grossesses gémellaires bichoriales biamniotiques non compliquées à partir de 38 SA et avant 40 SA (29). Le NICE (17) ne formule pas de recommandations sur l’intérêt d’un déclenchement systématique, du fait du manque de données dans la littérature. En cas de déclenchement, si le col est favorable (Bishop > 6), l’usage de l’ocytocine couplée à l’amniotomie est souhaitable. En cas de col défavorable, la décision est plus délicate. En effet, tous cols confondus (favorables et défavorables), la moitié des tentatives d’accouchement par voie basse est effective et le risque d’hémorragie du post-partum est de 28 % (30). En cas de col très défavorable (Bishop ≤ 3), il semble que la césarienne doit être privilégiée. Présentation du siège Pour la présentation du siège, la littérature est encore plus pauvre concernant le déclenchement, le principal débat ayant été le mode d’accouchement. Le Term Breech Trial de l’équipe d’Hannah (31) a profondément modifié le mode d’accouchement des sièges dans le monde. La conclusion des auteurs de cet essai est que la césarienne programmée réduit la mortalité périnatale ainsi que la morbidité néonatale par rapport à la tentative d’accouchement par voie basse. La validité externe et interne de cette étude a largement été débattue et contestée. L’étude observationnelle francophone PREMODA a permis de montrer que le taux de césariennes avant travail était de 59,1 %, dont 44,3 % de principe, et 18 | La Lettre du Gynécologue • n° 366 - novembre 2011 LG 2011-11.indd 18 07/11/11 17:29 DOSSIER que le taux d’accouchements par voie basse était de 70 % en cas de tentative par voie basse (32). Il n’y avait pas de différence significative en termes de mortalité ou de morbidité sévère entre les 2 groupes. Ainsi, la tentative de voie basse en cas de présentation du siège reste une option possible. Bien que nous ne disposions d’aucune donnée pour déterminer s’il est légitime de déclencher un accouchement en cas de présentation du siège, la HAS (9) précise : “La présentation du siège n’est pas une contre-indication absolue au déclenchement artificiel du travail en cas de bonnes conditions obstétricales.” Conclusion Décision obstétricale fréquente, le déclenchement est pratiqué de manière très variable selon les maternités, tant pour les indications que pour la technique utilisée. La surveillance du déclenchement porte sur le bien-être fœtal et maternel. Il est recommandé de réaliser un monitorage fœtal électronique, continu en cas de déclenchement par amniotomie/ocytocine, et discontinu en cas de déclenchement par prostaglandines, du fait d’une augmentation du risque d’hypertonie utérine et, par voie de conséquence, d’anomalies du RCF. Concernant les cas particuliers de patientes pour lesquelles la morbidité maternelle et/ou néonatale est potentiellement majorée (grossesse gémellaire, présentation du siège ou utérus unicicatriciel) avec une probabilité élevée de césarienne (patientes avec conditions locales défavorables), les avantages et inconvénients d’un déclenchement et d’une césarienne programmée doivent être exposés à la patiente. De manière générale, dans ces situations particulières, nous pensons qu’une césarienne programmée doit être privilégiée dès lors qu’il existe une indication médicale formelle à terminer la grossesse. ■ Références bibliographiques 1. Park KH, Hong JS, Shin DM, Kang WS. 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