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DOSSIER
Le déclenchement
Indications du déclenchement
artificiel du travail
Indications of induction of the labour
A. Ricbourg*, P.E. Bouet**, Ph. Gillard**, B. Lafarge*, Y. Delpech*, E. Barranger*,
Ph. Descamps**, L. Sentilhes*
L’
indication de tout déclenchement doit
être motivée par des raisons médicales
(prenant en compte le bien-être fœtal
ou toute pathologie maternelle) ; sinon, il est dit
“de convenance”. La balance bénéfice/risque d’un
déclenchement (bénéfice possible d’une diminution
de la morbidité néonatale) par rapport au risque de
morbidité maternelle (secondaire à un surrisque de
césarienne, d’hémorragie du post-partum, ou de
rupture utérine en cas d’utérus cicatriciel) doit être
évaluée pour chaque patiente.
Les facteurs de risque d’échec de déclenchement
authentifiés dans la littérature sont :
➤➤ Un score de Bishop inférieur à 3 avec une sensibilité de 73 % et une spécificité de 44 % (1), quel
que soit le mode de déclenchement.
➤➤ Dans le cadre d’un déclenchement par prostaglandines E2 :
– âge maternel > 30 ans (OR : 2,7 ; IC95 :1,3-5,6) ;
– nulliparité (OR : 4,1 ; IC95 : 1,7-10) ;
– indice de masse corporelle (IMC) > 25 kg/m2 (OR :
3,5 ; IC95 : 1,7-7,1) ;
– âge gestationnel ≤ 37 semaines d’aménorrhée (SA)
[OR : 2,9 ; IC95 : 1,3-6,6] (2).
Terme en voie de dépassement
* Service de gynécologie obstétrique, hôpital Lariboisière, Paris.
** Service de gynécologie obstétrique,
CHU d’Angers.
Le terme classique d’une grossesse est compris entre
37 SA et 42 SA ; au-delà de 42 SA on parle de “terme
dépassé”. Entre 1 et 7 % des patientes dépassent
le terme (42 SA) et près de 20 % des patientes
accouchent entre 41 SA et 41 SA + 6 jours (3).
La datation du début de grossesse doit être la plus
fiable possible. La date des dernières règles ne suffit
pas : une échographie précoce est indispensable pour
confirmer le début de la grossesse et diminuer le
nombre de déclenchements pour terme en voie de
dépassement. Une échographie précoce (inférieure
à 20 semaines) permettrait de diminuer le taux de
déclenchement pour terme en voie de dépassement
(OR : 0,69 ; IC95 : 0,52-0,82) [4].
La mortalité périnatale est doublée entre 40 et 42
SA, mais il est très difficile de définir le terme idéal
au-delà duquel la grossesse ne doit pas être poursuivie.
Deux méta-analyses d’études randomisées sont au
minimum en faveur d’un déclenchement à partir
de 41 SA + 0 jour si les conditions locales sont
favorables, puisque cette politique serait associée
à un taux identique, voire moindre, de césariennes
et de mortalité périnatale (en valeur absolue très
faible), comparée à une politique d’expectative (4,
5). Cependant, ces 2 méta-analyses présentent de
nombreuses faiblesses méthodologiques limitant
l’extrapolation de leurs résultats (6). De ce fait,
l’American College of Obstetricians and Gynecologists (ACOG) recommande que les patientes ayant
des grossesses prolongées et des conditions locales
défavorables soient déclenchées ou prises en charge
de façon expectative (grade A) [7], précisant que “de
nombreuses autorités recommandent un accouchement sans délai pour les patientes ayant une
grossesse prolongée avec des conditions locales
favorables sans autre complication” (grade C) [7].
La Society of Obstetricians and Gynaecologists of
Canada (SOGC) [8] précise : “Les femmes devraient
se voir offrir un déclenchement entre la 41 + 0 et la
42 + 0 semaine de gestation, puisque les données
actuelles indiquent que cette pratique entraîne une
baisse du taux de mortalité périnatale sans hausse
du risque de césarienne.”
La Haute Autorité de santé (HAS) [9] note que “la
réalisation d’une échographie précoce du premier
trimestre à 11-13 SA permet une détermination
précise du terme à partir de la longueur cranio-
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Points forts
Mots-clés
»» Les indications médicales classiques reconnues au déclenchement artificiel du travail sont : le terme
en voie de dépassement, la rupture prématurée des membranes, le diabète gestationnel, la suspicion
de retard de croissance intra-utérin, la prééclampsie et l’antécédent d’accouchement rapide.
»» En cas d’indication indiscutable sur col favorable avec une équipe obstétricale sur place, il semble
légitime, après avoir informé la patiente, de procéder au déclenchement pour un utérus unicicatriciel,
d’autant plus si la patiente a précédemment accouché par voie naturelle.
»» Une échographie précoce permet de diminuer le taux de déclenchement pour terme en voie de
dépassement.
Déclenchement
Rupture prématurée
des membranes
Diabète
Macrosomie
caudale du fœtus. Sa pratique systématique
contribue à réduire la fréquence des termes considérés à tort comme dépassés. Le risque de complications associées au dépassement de terme impose
une surveillance précise à partir du jour du terme
[…]. Si la femme n’a pas accouché à 41 SA + 1 jour,
il est recommandé d’initier une surveillance fœtale
toutes les 48 heures ; en l’absence d’accouchement
à 41 SA + 6 jours, il est recommandé de réaliser
un déclenchement, éventuellement précédé d’une
maturation cervicale par prostaglandines. Il est
possible de réaliser un déclenchement à partir de
41 SA + 0 jour à condition que le col soit favorable
et d’en avoir informé la femme enceinte et obtenu
son accord.”
Le Collège national des gynécologues obstétriciens
français (CNGOF) doit faire connaître ses recommandations en décembre 2011. De façon sensiblement similaire à l’ACOG et la HAS, le CNGOF
devrait insister sur le fait que la prise en charge de
ces patientes doit dépendre essentiellement des
conditions locales cervicales (6).
Rupture prématurée
des membranes
À terme, l’enjeu est de mettre en balance les risques
secondaires d’intervention entre le déclenchement
en conditions locales défavorables, qui présente
quant à elle un risque potentiel d’infection fœtale.
Avant terme, le risque de prématurité se surajoute
en cas de déclenchement.
La rupture prématurée des membranes avant terme
survient dans 3 % des grossesses et est responsable
de 30 % des accouchements prématurés (10). La
principale complication est la chorioamniotite,
qui est très significativement corrélée à la morbidité néonatale (11). Les 2 germes retrouvés le plus
fréquemment sont l’Escherichia coli et le Streptococcus agalactiae.
L’enquête EPIPAGE a démontré que le risque de
décès néonatal diminuait de 4 à 10 % par gain d’une
semaine d’âge gestationnel de naissance entre 24 et
32 SA (12). La morbi-mortalité néonatale est plus
élevée entre 34 et 37 SA qu’à terme. Entre 32 et
34 SA, le gain d’une semaine d’âge gestationnel
diminue la morbidité et la mortalité néonatale, et
fait préférer l’expectative au déclenchement. Ainsi,
entre 34 et 37 SA, les risques rares de morbidité
sévère liés à la prématurité sont à mettre en balance
avec ceux d’une infection aiguë ou d’un hématome
rétroplacentaire (13).
Pour l’ACOG (14), l’accouchement doit être
provoqué au plus tard à 34 SA en cas de rupture
prématurée des membranes avant terme, du fait
d’une augmentation du risque de chorioamniotite
et de l’inutilité de la maturation pulmonaire par
corticoïdes. L’expectative, selon l’ACOG, ne se justifie
plus. En France, le choix entre les 2 prises en charge
cliniques (expectative versus déclenchement) n’est
pas consensuel et les sociétés savantes ne tranchent
pas entre les 2 possibilités (15).
La rupture prématurée des membranes à terme
survient dans 6 à 19 % des grossesses. La revue
Cochrane a repris 12 études randomisées comparant
l’expectative à un déclenchement en cas de rupture
des membranes à terme. Aucune différence n’a été
mise en évidence entre les taux de césariennes ou
d’extractions instrumentales ou d’infections néonatales entre le groupe expectative et le groupe déclenchement du travail immédiat (16).
Le National Institute for Clinical Excellence (NICE)
[17] conclut que la patiente devrait pouvoir choisir
entre un déclenchement immédiat et une attitude
expectative qui ne doit pas excéder 96 heures.
En revanche, la HAS recommande (9) qu’“en cas de
rupture prématurée des membranes confirmée, la
conduite à tenir doit prendre en compte le risque
infectieux, qui augmente avec la durée d’exposition. Si les conditions cervicales sont favorables,
un déclenchement immédiat peut être envisagé,
à condition d’avoir réalisé une information de la
femme enceinte et obtenu son accord. Le délai
d’expectative, sauf exception, ne devrait pas excéder
48 heures.”
Highlights
– Classical medical indications
of labour induction are : beyond
term pregnancies, pretem
rupture of the membranes,
diabete, supiscion of small
for gestional age fetus, preeclampsia and past history of
quick delivery.
– In case of uncontroversial indication and favorable
cervical conditions, it is justifiable to induce labour in case
of previous cesarean delivery
all the more if the patient has
already once delivered naturally.
– Early ultrasound can permit
to decrease the number of
induction of labour in case of
beyond term pregnancies.
Keywords
Induction
Preterm rupture of the
membranes
Diabete
Macrosomia
Diabète gestationnel
Le diabète complique 2,6 % des grossesses. Il est
important de distinguer le diabète préexistant à
la grossesse (prégestationnel) et le diabète gestationnel, car la morbidité néonatale diffère entre les
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DOSSIER
Le déclenchement
2 groupes de patientes. La conduite à tenir au troisième trimestre ne sera donc pas la même. En cas de
diabète prégestationnel, la mortalité néonatale et le
nombre de complications maternelles et traumatiques
obstétricales (dystocie des épaules, plexus brachial,
fracture de clavicule) sont plus importante (18).
Les recommandations de la HAS sont succinctes :
“La conduite à tenir en cas de diabète insulinodépendant relève d’une décision pluridisciplinaire au
cas par cas. Si le diabète est mal équilibré ou avec
un retentissement fœtal, il est recommandé de ne
pas dépasser 38 SA + 6 jours. En revanche, en cas de
diabète gestationnel bien équilibré et sans retentissement fœtal, il n’y pas d’argument qui justifie une
conduite à tenir différente de celle d’une grossesse
normale (accord professionnel)” [9].
Le CNGOF a émis des recommandations pour la
pratique clinique en décembre 2010 (18). Le dépistage du diabète gestationnel n’est plus systématique
mais ciblé en présence d’au moins un des facteurs
de risque suivants : âge maternel supérieur ou égal
à 35 ans, IMC supérieur ou égal à 25 kg/m2, antécédents de diabète chez les apparentés au premier
degré, antécédents personnels de diabète gestationnel ou d’enfant macrosome. Comme la HAS, le
CNGOF ne préconise pas de prise en charge particulière en cas de diabète gestationnel bien équilibré,
que ce soit par régime ou par insulinothérapie. S’il
est mal équilibré ou s’il comporte un risque de retentissement fœtal, il est recommandé de provoquer
l’accouchement, en atteignant si possible 39 SA + 0
jour afin de diminuer le risque de détresse respiratoire du nouveau-né. Une césarienne programmée
est préconisée en cas de poids fœtal estimé supérieur
à 4 500 g, et pourra être discutée si le poids fœtal
est estimé entre 4 250 g et 4 500 g.
Suspicion de macrosomie
fœtale sans diabète
gestationnel
Il est important de le rappeler, l’échographie est un
moyen médiocre pour prédire une macrosomie fœtale,
et ce quels que soient la méthode utilisée (Hadlock,
circonférence abdominale, longueur fémorale,
Shepard), l’association ou non à des caractéristiques
maternelles (nomogramme de Mazouni ou de Nhaum
et Stanislaw), le moment de réalisation (32 SA, 37 SA,
41 SA), ou l’opérateur qui réalise cette échographie. En
outre, la morbidité néonatale devient significative à
partir d’un poids de naissance supérieur à 4 500 g (et
non 4 000 g). Enfin, les performances de l’échographie
sont encore plus médiocres s’agissant de déterminer
les macrosomes d’un poids de naissance supérieur à
4 500 g (20).
Irion et al. (21) ont réalisé une méta-analyse ayant
inclus 3 essais randomisés concernant 372 femmes.
Le déclenchement du travail en cas de suspicion de
macrosomie n’était pas associé à une diminution du
taux de césariennes par rapport à l’expectative, et
aucune différence n’était retrouvée pour la morbidité
périnatale entre les 2 groupes (dystocie des épaules).
Cependant, cette méta-analyse est de trop faible puissance pour évaluer la morbidité néonatale sévère rare
telle que l’atteinte du plexus brachial.
Les données actuelles ne permettent absolument
pas d’affirmer que le déclenchement pour suspicion
de macrosomie fœtale sans diabète gestationnel
puisse diminuer la morbidité maternelle et fœtale.
On peut espérer que les résultats de l’étude randomisée francophone multicentrique DAME, qui seront
publiés prochainement, permettront de répondre au
moins en partie à la question.
En attendant les résultats de cette étude, l’ensemble
des sociétés savantes recommande de ne pas déclencher l’accouchement en cas de suspicion de macrosomie fœtale en population générale (9, 17).
Suspicion de retard
de croissance intra-utérin
Le retard de croissance intra-utérin (RCIU) est
diagnostiqué à la naissance lors de la pesée de l’enfant.
Cependant, sa suspicion pendant la grossesse impose
une surveillance attentive, notamment lors du travail.
La mortalité périnatale de ces enfants est supérieure
à celle des enfants eutrophes du fait d’une fragilité
supérieure ; en particulier, leurs réserves métaboliques
sont inférieures à celles des enfants eutrophes, ce qui
les surexposent au risque d’acidose métabolique.
S’il existe une suspicion de pathologie fœtale sousjacente et que les inconvénients de la poursuite de la
grossesse sont jugés supérieurs à ceux de la prématurité induite et au risque de césarienne, l’accouchement peut être discuté avant 37 SA. Cependant,
le risque de césarienne est proche de 50 % des cas
avant 37 SA dans les rares études publiées (22).
La HAS précise : “On ne dispose pas de suffisamment
de données permettant de formuler une appréciation
sur les avantages ou les risques du déclenchement
artificiel du travail en cas de retard de croissance à
terme” (9).
Boers et al. (23) ont étudié l’attitude expectative après
randomisation versus déclenchement chez des patientes
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DOSSIER
au terme de 36 SA + 0 jour à 41 SA + 0 jour, avec RCIU
suspecté devant une circonférence abdominale inférieure au 10e percentile, ou une estimation de poids
fœtal inférieure au 10e percentile, ou une stagnation
de la courbe de croissance, ou les 3 associés. Dans le
bras déclenchement, ce dernier était réalisé 48 heures
après la randomisation : en cas de score de Bishop > 6,
l’amniotomie était couplée si besoin à du l’ocytocine ;
en cas de score de Bishop < 6, l’induction du travail
se faisait grâce à des prostaglandines en intravaginal
ou en intracervical, ou par une sonde de Foley dont
le ballonnet était gonflé à 30 ml. Dans le bras expectative, la surveillance était assurée par 2 rythmes
cardiaques fœtaux hebdomadaires, une échographie
et une surveillance clinique et biologique pour prévenir
l’apparition d’une éventuelle prééclampsie. Il n’y avait
aucune différence entre les 2 bras pour le taux de
circonférence abdominale inférieure au 10e percentile
(81,6 %-82,1 %), le taux d’estimation de poids fœtal
inférieur au 10e percentile (92,2 %-93,6 %) et le taux
d’oligoamnios (31,0 %-34,5 %). Le taux de déclenchement était de 95 % dans le groupe déclenchement
versus 50 % dans le groupe expectative.
Aucune différence ne ressortait pour le taux de césariennes, étonnamment faible dans les 2 groupes
(environ 14 %), pour un déclenchement sur col
défavorable par prostaglandines dans un contexte
de RCIU avec environ 30 % d’oligoamnios (94 % des
patientes dans le groupe déclenchement et 97,3 %
des patientes dans le groupe expectative avaient un
score de Bishop ≤ 6).
Il n’y avait pas de différence non plus pour la morbidité
maternelle (notamment pour les taux d’extractions
instrumentales ou de césariennes), ni pour la morbidité néonatale, notamment pour les taux de pH < 7,05
ou d’admission en réanimation néonatale. Enfin, il est
important de noter que l’estimation de poids fœtal
réalisée en anténatal était relativement performante,
car 75 % des nouveau-nés avaient un poids inférieur
au 10e percentile, et 30 % à 50 % des nouveau-nés
avaient un poids inférieur au 5e percentile. Finalement,
la seule différence observée entre les 2 groupes était
un nombre significativement plus important d’enfants
avec un poids inférieur au 3e percentile dans le groupe
expectative (40/321 versus 100/329, soit 12,5 %
versus 30,6 % ; p < 0,001). Les auteurs concluent
que les 2 attitudes semblent licites. Une des limites
à l’extrapolation des résultats de cette étude est que
la conduite du travail est très différente de la nôtre,
comme en témoigne le très faible taux de césariennes
observé dans cette étude.
Hypertension artérielle
gravidique et prééclampsie
Koopmans et al. (24) ont mené une étude multicentrique randomisée comparant expectative versus
déclenchement pour 756 patientes entre 36 et 41 SA
ayant une hypertension artérielle gravidique ou une
prééclampsie modérée. L’hypertension gravidique
était définie par une pression artérielle diastolique
supérieure ou égale à 95 mmHg à 2 reprises à plus
de 6 heures d’intervalle, et la prééclampsie par
la présence d’une hypertension gravidique associée à une protéinurie > 0,3 g/24 heures ou plus
de 2 bandelettes urinaires positives. Après randomisation, les patientes du groupe déclenchement
bénéficiaient d’une amniotomie et ocytocine si le
score de Bishop était ≥ 6 ; dans le cas contraire, une
maturation cervicale était réalisée avec des prostaglandines intracervicales ou intravaginales ou par
une sonde de Foley.
Aucune différence significative n’a été observée pour
la morbidité maternelle (hospitalisation en réanimation, hémorragie du post-partum, éclampsie,
hématome rétroplacentaire, coagulation intravasculaire disséminée, complications thromboemboliques, œdème aigu pulmonaire, HELLP syndrome)
ou néonatale (Apgar < 7 à 5 min, pH < 7,05, hospitalisation en réanimation, mort fœtale in utero)
entre les 2 groupes. Mais les auteurs ont construit
une variable composite maternelle comportant la
progression de l’hypertension (> 16/11) ou de la
protéinurie (≥ 5 g/24 h). Un taux minoré de cette
variable composite est ressorti dans le groupe
déclenchement (RR : 0,71 ; IC95 : 0,59-0,86 ; p <
0,001), ce qui fait conclure aux auteurs que le
déclenchement du travail était associé à une amélioration de la morbidité maternelle. Concernant le
sous-groupe de patientes ayant un col défavorable
(score de Bishop < 2, sachant qu’aucune information n’était disponible pour les patientes ayant un
score de Bishop compris entre 2 et 4), le taux de
césariennes avait tendance à être majoré (sans être
significatif) dans le groupe déclenchement (17 %
versus 29 % ; RR : 0,59 ; IC95 : 0,34-1,03).
En pratique, le déclenchement ou l’expectative sont
2 options possibles en cas de score de Bishop > 3,
mais, si le score de Bishop est < 3, la balance penche
pour une politique expectative afin de diminuer le
risque de césarienne. Cette position est à réévaluer
au cas par cas en fonction de la sévérité de l’hypertension artérielle gravidique ou de la prééclampsie.
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DOSSIER
Le déclenchement
Antécédent d’accouchement
rapide
Un accouchement rapide est défini par un travail
inférieur à 2 heures. Compte tenu de l’angoisse
maternelle possible à l’idée d’accoucher en dehors
de l’hôpital, un déclenchement du travail au-delà de
39 SA sous couvert de conditions locales favorables
peut être discuté avec la patiente (9).
Indications non médicales
de convenance
Les causes de déclenchement sans indication
médicale le plus fréquemment évoquées sont : la
demande de la patiente, l’éloignement du domicile,
et l’organisation de la maternité pour les multipares.
Il est très difficile de déterminer qui dans le couple
médecin/parturiente influe le plus la décision d’un
déclenchement de convenance.
Le biais principal des différentes études retrouvées
dans la littérature est qu’aucune information n’est
donnée quant à l’état du col lors de la décision de
déclenchement.
La HAS (9) recommande d’envisager un déclenchement de convenance seulement lorsque les conditions suivantes sont réunies : utérus non cicatriciel,
terme précis (à partir de 39 SA), col favorable (score
de Bishop ≥ 7), demande ou accord de la patiente et
information des modalités et des risques potentiels.
Cas particuliers
Décision obstétricale fréquente, le déclenchement
est pratiqué de manière très variable dans les maternités, y compris en situations particulières (utérus
cicatriciel, grossesse gémellaire, et présentation du
siège).
Utérus cicatriciel
L’antécédent de 2 césariennes est une indication
peu débattue à une césarienne itérative lors d’une
prochaine grossesse, du fait du risque majoré de
rupture utérine.
Le déclenchement artificiel du travail en cas d’utérus
unicicatriciel ne peut se faire, selon nous, qu’en cas
de conditions favorables cervicales avec ocytocine et
amniotomie (25, 26). Le misoprostol est à proscrire
du fait d’un trop grand nombre de ruptures utérines ;
quant aux prostaglandines E2, elles n’ont pas l’auto-
risation de mise sur le marché en cas d’utérus cicatriciel et sont déconseillées dans cette indication (27).
Lydon-Rochelle (28) a mené la plus grande étude
de cohorte sur le risque de rupture utérine chez les
patientes présentant un utérus cicatriciel. Le taux de
rupture utérine était de 0,16 % pour les césariennes
avant tout travail, de 0,52 % pour les patientes en
travail spontané, de 0,77 % pour un déclenchement
sans prostaglandines et de 2,45 % pour celles déclenchées avec des prostaglandines. Pour la HAS, “en
sélectionnant des patientes ayant une forte probabilité d’accouchement par voie basse et en évitant
les prostaglandines, on peut minimiser le risque de
rupture utérine” (9).
Grossesse gémellaire
Le nadir de la mortalité périnatale des grossesses
gémellaires se situe à 38 SA révolues, et la mortalité néonatale est augmentée de façon claire après
40 SA pour les jumeaux. Il est donc recommandé de
programmer l’accouchement des grossesses gémellaires bichoriales biamniotiques non compliquées à
partir de 38 SA et avant 40 SA (29).
Le NICE (17) ne formule pas de recommandations
sur l’intérêt d’un déclenchement systématique, du
fait du manque de données dans la littérature.
En cas de déclenchement, si le col est favorable
(Bishop > 6), l’usage de l’ocytocine couplée à l’amniotomie est souhaitable. En cas de col défavorable, la
décision est plus délicate. En effet, tous cols confondus
(favorables et défavorables), la moitié des tentatives
d’accouchement par voie basse est effective et le
risque d’hémorragie du post-partum est de 28 % (30).
En cas de col très défavorable (Bishop ≤ 3), il semble
que la césarienne doit être privilégiée.
Présentation du siège
Pour la présentation du siège, la littérature est
encore plus pauvre concernant le déclenchement, le
principal débat ayant été le mode d’accouchement.
Le Term Breech Trial de l’équipe d’Hannah (31) a
profondément modifié le mode d’accouchement des
sièges dans le monde. La conclusion des auteurs de
cet essai est que la césarienne programmée réduit la
mortalité périnatale ainsi que la morbidité néonatale
par rapport à la tentative d’accouchement par voie
basse. La validité externe et interne de cette étude
a largement été débattue et contestée.
L’étude observationnelle francophone PREMODA a
permis de montrer que le taux de césariennes avant
travail était de 59,1 %, dont 44,3 % de principe, et
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DOSSIER
que le taux d’accouchements par voie basse était
de 70 % en cas de tentative par voie basse (32). Il
n’y avait pas de différence significative en termes de
mortalité ou de morbidité sévère entre les 2 groupes.
Ainsi, la tentative de voie basse en cas de présentation du siège reste une option possible. Bien que
nous ne disposions d’aucune donnée pour déterminer
s’il est légitime de déclencher un accouchement en
cas de présentation du siège, la HAS (9) précise : “La
présentation du siège n’est pas une contre-indication
absolue au déclenchement artificiel du travail en cas
de bonnes conditions obstétricales.”
Conclusion
Décision obstétricale fréquente, le déclenchement
est pratiqué de manière très variable selon les
maternités, tant pour les indications que pour la
technique utilisée.
La surveillance du déclenchement porte sur le
bien-être fœtal et maternel. Il est recommandé de
réaliser un monitorage fœtal électronique, continu
en cas de déclenchement par amniotomie/ocytocine, et discontinu en cas de déclenchement par
prostaglandines, du fait d’une augmentation du
risque d’hypertonie utérine et, par voie de conséquence, d’anomalies du RCF.
Concernant les cas particuliers de patientes pour
lesquelles la morbidité maternelle et/ou néonatale
est potentiellement majorée (grossesse gémellaire, présentation du siège ou utérus unicicatriciel) avec une probabilité élevée de césarienne
(patientes avec conditions locales défavorables),
les avantages et inconvénients d’un déclenchement et d’une césarienne programmée doivent être
exposés à la patiente. De manière générale, dans
ces situations particulières, nous pensons qu’une
césarienne programmée doit être privilégiée dès
lors qu’il existe une indication médicale formelle
à terminer la grossesse. ■
Références bibliographiques
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La Lettre du Gynécologue • n°366 - novembre 2011 | 19
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