Bases scientifiques et techniques de l'éradication de la peste bovine

Rev. sci. tech. Off. int. Epiz., 1982, 1 (3), 589-618
Bases scientifiques et techniques
de l'éradication de la peste bovine
en Afrique intertropicale*
A. PROVOST**
Résumé : Les rappels historiques de l'évolution de la panzootie bovipesti-
que, étayés par la connaissance moderne de la virologie et de l'immunolo-
gie de la peste bovine, conduisent à l'ébauche d'un schéma épizootiologi-
que logique. Il en découle la notion de la possibilité d'éradication de la
maladie si la couverture vaccinale du bétail réceptif s'approche au maxi-
mum du taux idéal de 100
p.
100. Il est proposé un plan d'action continen-
tale pour l'Afrique, prenant en compte l'existence de deux « creusets
infectieux », l'un en Afrique occidentale, l'autre en Afrique orientale.
La peste bovine est une maladie infectieuse, très contagieuse, inoculable,
touchant les espèces animales de l'Ordre des Artiodactyles ; elle est clinique-
ment caractérisée par une fièvre élevée, une stomatite nécrosante et une
gastro-entérite souvent hémorragique et elle se termine la plupart du temps
par la mort. Une immunité solide et durable suit la première atteinte de la
maladie.
Cette définition classique de la peste bovine, très vraie autrefois, ne s'appli-
que plus maintenant que lors d'apparition en pays ou en zone jusque-là
vierge : plateau de l'Adamaoua, au Cameroun, et province d'Ubangui, au
Zaïre, en 1960. Dans les contrées naguère ou encore contaminées mais où une
couverture prophylactique est peu ou prou entretenue, l'expression clinique
est moins dramatique, la morbidité plus erratique, la mortalité moins cons-
tante, voire nulle. Par contre, dans les pays qui, pour des raisons diverses, ne
vaccinent plus leur cheptel bovin mais vivent dans une mouvance de contagion
bovipestique (cas du Tchad, de la Guinée, de la Sierra Leone et de la Péninsule
arabique) on pourrait fort bien voir apparaître le visage de la peste d'antan.
* Texte d'une conférence donnée le 2 novembre 1981 à Nairobi lors d'une réunion OUA/FAO/
OIE sur l'éradication de la peste bovine en Afrique.
* Directeur Général de l'Institut d'Elevage et de Médecine vétérinaire des Pays tropicaux. 10,
rue Pierre-Curie, 94704 Maisons-Alfort Cedex (France).
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Les raisons de cette transformation, celle d'une « peste historique » en une
« peste actuelle », sont complexes mais importantes à connaître pour leurs
applications pratiques dans un plan raisonné d'éradication du contage bovi-
pestique. Elles seront expliquées plus loin.
LE CONTEXTE ÉPIZOOTIOLOGIQUE MONDIAL EN, 1980-1981
Partie du sous-continent indien, la peste bovine a ravagé l'Afrique intertro-
picale à la fin du siècle dernier (Carte 1). En 1960, elle était toujours solide-
ment implantée, tant en Afrique tropicale qu'en Inde et au Pakistan (Carte 2),
ainsi que dans la Péninsule indochinoise.
En Afrique, à la suite des opérations du PC 15* de 1962 à 1976 (Carte 3),
la peste n'existait plus, l'an dernier, que dans une zone centrée sur le delta
intérieur du Niger et vraisemblablement en Ethiopie, et le nord de la Somalie,
bien que l'on manque de précisions pour ces deux dernières localisations
(Carte 4).
On sait que de ces foyers d'enzootie, elle
s'est
échappée vers la côte ouest-
africaine (Haute-Volta, Nigeria en septembre 1980) et que le Soudan est pério-
diquement recontaminé. Djibouti a été touché ; la maladie a produit des per-
tes sensibles. Tout récemment (octobre 1981), plusieurs foyers ont été signalés
dans l'extrémité méridionale de la Somalie, menaçant directement le Kenya
mais indiquant aussi la confusion épizootiologique qui prévaut dans la corne
de l'Afrique**.
Il est important de souligner que la situation épidémiologique est sans
changements notables en Inde depuis plusieurs années, bien qu'une campagne
nationale y soit menée depuis 1955 ; c'est en ces circonstances qu'il paraît
juste de parler de contrôle et non d'éradication. On manque de renseigne-
ments pour le Pakistan et l'Afghanistan.
La pérennité de la peste bovine dans le sous-continent indien menacerait-
elle l'Afrique si celle-ci venait à se débarrasser du fléau ? Dans ce contexte, il
faut rappeler ce qui n'est pas apparent sur les cartes qu'échappée
d'Af-
ghanistan en 1969, la maladie a envahi l'Iran puis Bahrein, atteignant la Syrie,
le Liban, la Turquie et la Jordanie dans le second semestre de 1970 et le Yemen
en août 1971 ; seul l'Irak ne fut pas touché. On remarquera qu'en ces circons-
tances, la contamination a suivi la voie terrestre.
En tout état de cause et en toute bonne logique pour autant que l'éradi-
cation intervienne en Afrique on pourrait trouver prudent de continuer
d'entretenir une large couverture immunitaire sur la côte orientale africaine
après la phase d'éradication. On notera pourtant que le danger n'est pas parti-
* Projet conjoint 15 de l'OUA/CSTR pour la lutte contre la peste bovine.
** Bien mieux, on peut accuser l'Afrique d'être la source du contage dans les épisodes pestiques
survenus en 1979 à Koweit.
591
* D'après MACK R. Trop. An. Hlth.
Prod.
(1970) 2, 210-219.
culièrement menaçant puisque (excepté les malheureuses importations de
zébus indiens en 1887 et 1889 !), on ne connaît pas de contamination de l'Afri-
que,
de Madagascar ou des îles Mascareignes en provenance de l'Inde ou du
Pakistan ; les courants commerciaux ne vont pas en ce sens.
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