La préoccupation première de l'Eglise fut alors de subsister. Ce qui a permis cette survie a été
l’institution patriarcale, les Patriarches pouvant, sans intervention extérieure, assurer la succession
apostolique en pourvoyant les évêchés vacants, les prêtres mariés insérés dans le terroir et qui
assuraient les sacrements dans les coins les plus isolés, la liturgie en langue vivante qui permettait au
peuple de s'instruire des vérités fondamentales et essentielles de la Foi, les textes liturgiques orientaux
étaient pleins d'enseignements dogmatiques.
La conquête ottomane de la Syrie en 1516 ne modifia pas tout de suite la situation des Chrétiens, mais
un redressement spectaculaire s'opéra à partir du 17e siècle. Les Chrétiens de Syrie sortirent de leur
isolement. Les frontières nord tombèrent et ils furent de nouveau en contact avec Constantinople et le
monde grec oriental. L'Empire ottoman entretint des relations diplomatiques et commerciales avec
l'Occident. Des colonies de commerçants européens s'établirent en Syrie, notamment à Alep et à Damas.
Les chrétiens locaux nouèrent des contacts plus faciles avec ces étrangers. Ils s'initièrent au négoce et
une riche bourgeoisie chrétienne se constitua. En même temps les missionnaires catholiques
s'installèrent à Alep entre 1625 et 1627 (Capucins, Jésuites, Carmes en plus des franciscains déjà fixés en
1571) et de là ils essaimèrent vers Damas, Saida et Tripoli. Des chrétiens syriens firent des voyages en
Europe pour des études (collège grec, collège maronite, collège urbain) et le négoce. Par suite de ces
contacts, les chrétiens syriens devinrent plus riches et plus instruits. Ils connurent alors un
développement démographique plus important que celui de leurs compatriotes musulmans. Un
mouvement de sympathie envers Rome, les idées et les formes de piété occidentales introduites par les
missionnaires, amena des dissensions internes au sein des communautés traditionnelles melkites, syro-
jacobites et arméniennes. ( les Arméniens s'introduisent en Syrie dès la fin du Moyen-Age et leur
communauté s'agrandit au 17e siècle avec la fuite des Arméniens de la Perse vers la Syrie.)
Les Chrétiens orientaux pro-romains et les chrétiens opposants vécurent quelques temps dans la même
Eglise mais, en raison des idées de l'époque, finirent par former des Eglises distinctes. La scission
définitive des Melkites en 2 branches est de 1724, celle des Arméniens en 1740 et celle des Syro-
Jacobites en 1783. Les Ottomans refusèrent de reconnaître les catholiques orientaux (rattachés à Rome)
qui durent vivre en clandestinité et leur hiérarchie se réfugier au Liban. Ils subirent persécutions et
tracasseries et ne furent reconnus comme groupe distinct qu'en 1830, sous la pression des puissances
catholiques.
Malgré ce redressement chrétien du point de vue démographique, culturel et économique, la situation
politique n'avait pas changé. Les chrétiens étaient dépourvus des pleins droits civiques et soumis à
toutes sortes d'avanies. Cependant les idées de la Révolution française et les pressions des puissances
occidentales sur l'Empire Ottoman amenèrent les Sultans à émettre diverses mesures libératrices à
l'égard des chrétiens (1839,1856), qui abrogeaient la situation de "dhimmis" des chrétiens et les
reconnaissaient comme citoyen à part égale. Ils restèrent dispensés du service militaire moyennant le
paiement du "badal'. Ils n'y furent astreints qu'après 1910.
Les Chrétiens devancèrent culturellement leurs concitoyens musulmans par suite des nombreuses écoles
fondées par les religieux étrangers et les Eglises locales. Des Syriens sont à l'origine des principales
congrégations religieuses fondées au Liban au 18e Siècle, tant chez les Melkites, les Syriens, les