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Douleur et addiction aux opias
Pain and opiate addiction
N. Authier (1 et 2), P. Courty (1)
Mots-clés : Hyperalgésie, Méthadone, Buprénorphine, Tolérance.
Key words: Hyperalgesia, Methadone, Buprenorphine, Tolerance.
La prise en charge de la douleur chez les patients pendants aux opiacés est
complexe du fait notamment de lexistence des phénomènes d’hyperalgésie
induite par la prise aigue mais aussi chronique d’opiacés illicites ou dans la
cadre de thérapies substitutives. Des outils d’évaluation spécifiques devront à
l’avenir être utilisés plus systématiquement chez ces patients à risque de façon
à pouvoir mettre en place des adaptations thérapeutiques précoces.
Providing pain management for known opioid abusers is a challenging clinical task, in part because little is
known about their pain experience and analgesic requirements. Chronic exposure to methadone or other
opioid agonists is associated with the developpement of a heightened sensitivity to pain. This pain hypersen-
sitivity has been attributed to a relative predominance of pronociceptive mechanisms like activation of the
NMDA receptor system. Their complaints of pain should be evaluated seriously and managed aggresively.
1. CSST/SATIS, CMP B, CHU Gabriel-Montpied,
63000 Clermont-Ferrand.
2. Laboratoire de toxicologie, UFR médecine phar-
macie, 63000 Clermont-Ferrand Nicolas.
Les liens de causalité entre douleur et dé-
pendances, notamment aux opiacés, restent
complexes et bidirectionnels (voir encadré).
Cependant, une mauvaise prise en charge de
la douleur du sujet dépendant aux opiacés
peut avoir comme conséquences négatives
un recours à l’utilisation de produits illicites,
à l’automédication par des antalgiques sou-
vent inappropriés, voire au déséquilibre d’un
traitement substitutif en cours. Sans parler
des conséquences médicales et psychosocia-
les de la recherche de drogues…
De l’addiction à la douleur
La prévalence de la douleur dans la popu-
lation générale a été évaluée à 22 % sur un
échantillon de 25 916 patients en soin pri-
maire (6). En cas d’antécédents de compor-
tement addictif, une étude a montré, chez
des patients porteurs d’une infection par le
VIH, une plus grande intensité de la symp-
tomatologie douloureuse (7).
Dans une population de 248 patients issus
de trois centres méthadone, 61,3 % se sont
plaints de douleurs chroniques. Chez eux,
on retrouve significativement plus de pro-
blèmes de santé physique et mentale, de
consommation de médicaments prescrits ou
utilisés en automédication que chez les pa-
tients substitués non algiques, 44 % d’entre
eux appréhendent un risque de dépendance
accrue aux opiacés lors de la prescription de
ces molécules à visée antalgique (8).
Une autre étude a comparé deux groupes de
patients dépendants, d’une part aux opia-
cés (n = 390) et de l’autre à l’alcool et/ou
à la cocaïne (n = 531). Elle a trouvé une
prévalence (80 %), intensité (38 % douleurs
sévères) et durée (61 % supérieure à 6 mois)
supérieures pour le groupe “opiacés” (non
significativement). Par ailleurs, la préva-
lence des douleurs chroniques sévères est
significativement supérieure pour ce même
groupe avec 37 % (versus 24 %) des patients
concernés. La durée du traitement semble
être le facteur le plus corrélé à cette douleur
chronique (OR : 2,23). Les conséquences
sur la qualité de vie (sommeil, humeur, so-
cialisation…) ne semblent en revanche pas
différentes entre les deux groupes (9).
Une étude récente sur des patients substi-
tués par de la méthadone (n = 170) a révélé
55,3 % de douleurs chroniques (> 6 mois),
avec une proportion significativement su-
périeure dans ce sous-groupe de patholo-
gies chroniques (74,5 % versus 44,7 %).
En termes d’intensité, ces douleurs étaient
à 12,8 % légères, 40,4 % modérées, 23,4 %
sévères et 23,4 % très sévères. La durée de
la symptomatologie douloureuse était cor-
rélée avec son intensité et significativement
associée avec les posologies de méthadone
qui sont d’autant plus élevées que les dou-
leurs sont anciennes (10).
Deux hypothèses peuvent donc s’opposer ou
plus sûrement s’associer dans l’explication
d’une plus forte prévalence des phénomè-
nes douloureux chez les patients sous trai-
tement substitutif aux opiacés : d’une part,
le processus d’hyperalgésie induite par les
opiacés et, d’autre part, une fréquence plus
élevée de la prévalence des manifestations
douloureuses (11).
Hyperalgésie et tolérance
Les phénomènes de tolérance et d’hyperal-
gésie induits par les opiacés peuvent avoir
les mêmes conséquences (par exemple, la
nécessi d’augmenter les doses), mais sont
sous-tendus par des canismes de neuro-
plastici neuronale difrents. Ainsi, la to-
rance serait en partie le à une sensibili-
sation des processus antinociceptifs activés
par les opioïdes alors que l’hyperalsie in-
duite découlerait d’une sensibilisation des
systèmes pronociceptifs. L’augmentation
des doses compense la tolérance et aggrave
l’hyperalsie induite. Ce phénone d’hy-
persensibilité à la douleur chez les patients -
pendants aux opiacés n’est pas corri par les
traitements substitutifs et ne gresse qu’après
plusieurs mois d’abstinence (12). Les agonis-
tes purs opias, bien qu’étant des analsi-
ques très puissants, ne présentent pas toujours
le meilleur profil pharmacologique, du fait de
leur capacité à induire des processus d’hyper-
sensibilisation centrale impliquant des systè-
mes pronociceptifs tels que les acides aminés
excitateurs (glutamate/récepteurs NMDA).
Ceux-ci sont à l’origine d’une hypersensibi-
li à la douleur d’instauration secondaire et
durable. Cela explique notamment pourquoi
un antagoniste NMDA comme la tamine
est efficace dans la prise en charge de douleur
postopératoire de patients trais en pero-
ratoire par des agonistes opias µ tels que le
mifentanil et le fentanyl.
C’est ainsi qu’à l’instar d’autres mocules,
la bupnorphine, bien que moins puissante
que les deux pdentes, semble psenter un
profil pharmacologique plus attractif du fait de
ses propriétés antihyperalgésiques liées à son
action antagoniste k responsable d’une inhibi-
tion des processus pronociceptifs NMDA dé-
pendants. La buprénorphine, via sa propriété
antagoniste opia k, et lathadone via son
action antagoniste NMDA, pourraient être des
mocules de choix dans la palette des antalgi-
ques disponibles (13, 14). Une étude cente
chez l’animal a montré que les proprs
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hyperalsiques de la thadone sont liées à
l’un de ses énantiores (L), qui est pourvu
de toute activi antagoniste sur les récepteurs
NMDA (15).
Malgré cela, ces mocules semblent, elles
aussi, être impliqes dans la survenue des
phénomènes d’hyperalgésie induite. Bien que
la méthadone possède une activi antagoniste
sur les cepteurs NMDA, justifiant parfois son
utilisation dans des cas de torance ou d’hy-
peralgésie à la morphine, une diminution des
seuils de douleur a é observée chez des
patients sous thadone (16). Il semblerait, en
effet, que les patients sous méthadone au long
cours ont une sensibili plus grande aux sti-
muli douloureux que les sujets qui ne sont pas
sous opias. Une étude de Compton et al.
(17), évaluant la torance et les seuils de dou-
leur à une stimulation thermique froide, a mon-
t l’absence d’effet analsique de posologies
stables de méthadone, voire une diminution des
seuils de sensibilité ainsi qu’une moindre tolé-
rance à la douleur. Une étude plus récente du
même auteur (18) a objecti une diminution
des seuils de torance et de douleur après avoir
reproduit, chez le volontaire sain, une pen-
dance physique aiguë aux opias. Ces études
tendent à prouver que la thadone est dénuée
d’efficaci analgésique chez les patients subs-
tits au long cours et qu’il convient donc de
les considérer comme sujets à velopper une
symptomatologie douloureuse (19).
Par ailleurs, l’hyperalgésie a toujours été -
crite comme un symptôme important des phé-
nones de sevrage aux opias, connus pour
activer les systèmes pronociceptifs. Une étude
de Doverty et al. (20) retrouve une difrence
significative entre le ratio torants/intorants
(par rapport à la douleur) de patients pen-
dants (8 %) par rapport à un groupe contle
(30 %), dans la cadre d’un programme de se-
vrage des opias. Certains auteurs évoquent
donc la tition de micro-sevrages comme
favorisant des canismes pronociceptifs,
source d’hypersensibilité, notamment chez
les patients substitués par des mocules à
longue demi-vie permettant une prise unique
quotidienne.
Dysrégulation de l’homéostasie
des systèmes anti-
et pronociceptifs
Les opiacés endogènes, lors de leur admi-
nistration, activeraient simultanément les
systèmes inhibiteurs (antinociceptifs) et
excitateurs (pronociceptifs) avec pour consé-
quence un effet antalgique à court terme et
une hypersensibilité à long terme. Ce dernier
phénomène étant probablement en cause, non
seulement dans la notion de tolérance, mais
aussi dans l’instauration des processus de
chronicisation de cette douleur (21).
Selon la torie des processus adverses, -
veloppée par Solomon (22), postulant qu’une
drogue administrée induit des canismes
centraux opposants venantduire son effica-
cité, l’administration d’opiacés serait respon-
sable d’un effet imdiat hédonique positif.
À celui-ci, viendrait se surajouter un effet
gatif (hyperalgésie), au fur et à mesure des
administrations, retardé dans le temps et d’in-
tensicroissante.
La mise en œuvre de processus de sensibili-
sation à la douleur passe donc par l’activation
de systèmes facilitateurs (pronociceptifs) ca-
pables de masquer un effet antalgique et de
clencher un phénomène de tolérance. Le
système des acides aminés excitateurs via
les récepteurs NMDA semble être fortement
impliqué dans la genèse de cette sensibilisa-
tion. En effet, la stimulation des récepteurs
opiacés µ induit une activation indirecte des
protéines kinases Cγ (PKCγ) elles mêmes
responsables d’une activation durable des sys-
mes facilitateurs NMDA dépendants, favo-
risant l’hyperalgésie. L’ouverture secondaire
des canaux calciques potentialisera l’activité
des PKCγ cant une boucle d’amplification
de ce processus.
Autre système facilitateur : les neuropep-
tides anti-opioïdes capables d’atténuer les
effets analgésiques des ligands opioïdes en-
dones et exogènes. La liration de ces
peptides augmente avec la répétition et/ou
l’augmentation des doses d’opiacés adminis-
trées. Ils persistent aps arrêt du traitement,
donc sont également responsables, en partie,
des troubles douloureux liés au sevrage. Les
trois principaux peptides impliqués sont la
cholécystokinine (CCK), le neuropeptide
FF (NPFF) et l’orphanine FQ (nociceptine).
Enfin, il semblerait qu’il existe des interactions
entre le système NMDA et celui des neuro-
peptides anti-opioïdes. Ainsi, l’activation des
cepteurs NMDA induit une libération dose
pendante de NPFF dans la moelle épinière.
La dynorphine A, un opioïde endone dont
les propriétés pronociceptives ont été démon-
trées, participerait à ces processus via l’acti-
vation descepteurs NMDA (23, 24).
D’autres canismes ont été évoqués pour
expliquer l’hyperalgésie induite par les mor-
phiniques. Tout d’abord, une sensibilisation
des récepteurs, lors de traitements prolongés,
liée, d’une part, à l’activi phosphorylante
des protéines kinases C (isoforme γ) sur les
cepteurs NMDA et µ, et, d’autre part, à des
processus d’internalisation des récepteurs
opioïdes. Ensuite, la prise chronique d’opia-
s peut induire une activation des protéines
Gs à l’origine d’une augmentation des taux
d’AMPc responsable dans la moelle épinière
d’une libération accrue d’acides aminés ex-
citateurs. De plus, l’activation des cepteurs
NMDA peut induire l’isoforme supraspinal
nNOS1 de la NO synthase responsable d’une
diminution du potentiel antinociceptif des
agonistes opiacés µ. Enfin, lors de prises chro-
niques d’opiacés, il peut s’instaurer des pro-
cessus facilitateurs descendants, dépendant
notamment de la CCK et de la nociceptine,
venant contrecarrer les processus inhibiteurs
descendants antinociceptifs (16).
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Prévalence d’abus chez les patients douloureux
La prévalence exacte d’abus de substances dans une population de patients douloureux chroni-
ques reste difficile à définir, mais ne serait pas significativement difrente de celle de la popu-
lation rale. Une revue de ces dones estime cette prévalence entre 3,2 % et 18,9 % (1).
Hojsted et al. (2) indiquent, dans un article récent, que la pvalence des addictions aux opia-
cés varie de 0 à 50 % chez les patients souffrant de douleurs non canreuses, alors qu’elle n’est
que de 0 % à 7,7 % chez les patients cancéreux.
Une autre étude rapporte une pvalence de l’abus d’opiacés entre 9 et 41 % chez des patients
traités par cette famille d’antalgiques pour des douleurs chroniques. Par ailleurs, 14 à 34 %
d’entre eux consommeraient des produits illicites de façon concomitante (3).
En outre, l’existence préalable d’une symptomatologie douloureuse chez des patients devant
entrer dans un programme de substitution par thadone ne semble pas les difrencier des
autres patients, en termes de réduction des consommations d’opiacés.
Elle semble, en revanche, corrélée avec la persistance de probmes psychosociaux (4).
Trafton et al. (5) rapportent, chez des vétérans américains traités par méthadone, plus
de consommation de toxiques de type sédatifs, cannabis et opiacés chez ceux qui ont
des douleurs.
Enfin, les patients substitués douloureux ont plus de probmes dicaux et psychiatriques
(anxiété, dépression), et moins d’activis physiques et sociales. Leurs comportements addictifs
les portent plus à la recherche de substances à proprs analsiques.
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Du plaisir dans la douleur
La douleur est un processus motivationnel
intervenant dans la mise en place de com-
portements facilitateurs ou inhibiteurs, re-
flets de la réponse des circuits pronocicep-
tifs et antinociceptifs du système nerveux
central en réponse aux stimuli environne-
mentaux. Le phénomène d’hyperalgésie
induit par les opiacés endogènes serait à
considérer comme un phénomène d’adap-
tation normal et protecteur.
L’utilisation chronique d’opiacés à visée
thérapeutique, mais aussi addictive, induit
des processus d’adaptation physiologiques
à l’origine d’une tolérance vis-à-vis de leur
effet antalgique, mais aussi parfois d’une
sensibilité accrue aux stimulations doulou-
reuses. Ainsi, l’homéostasie entre le sys-
tème opioïde (endorphines, enképhalines)
et les systèmes anti-opioïdes (neuropeptide
FF, nociceptine, cholécystokinine) endogè-
nes, pourrait être perturbée par la prise au
long cours d’opiacés (11, 25).
Le circuit de la récompense, connu pour
être à l’origine des processus de dépen-
dance, serait aussi impliqué dans les phé-
nomènes de douleur (aversif) et d’analgésie
(plaisir), impliquant notamment, dans les
deux cas, le système opioïde endogène et
des régions cérébrales communes (subs-
tance grise périaqueducale, noyau accum-
bens, cortex cingulaire antérieur, amygda-
le…). Ainsi, les addictions, notamment aux
opiacés (de substitution compris), peuvent,
en plus des comorbidités anxieuses ou dé-
pressives induites, altérer l’intégration des
informations liées à des stimuli douloureux
et potentialiser à terme les perceptions dou-
loureuses. Tout comme ces dernières peu-
vent être à l’origine d’une amplification
d’une addiction aux opiacés (26).
Une évaluation clinique
objective incomplète
Quelques études cliniques se sont intéres-
sées à l’évaluation objective des seuils de
douleur chez des patients sous traitement
substitutif aux opiacés. Ainsi, l’équipe de
Ling aux États-Unis a montré, dans un
première étude contrôlée, une diminution
significative (p < 0,002) de la tolérance à
la douleur provoquée par un stimulus froid
dans le groupe méthadone (n = 60 ; poso-
logie 66,2 ± 19 mg) (27).
Au cours d’une seconde étude contrô-
lée, incluant peu de patients (n = 18 par
groupe), cette équipe a mesuré les seuils
de tolérance à une stimulation douloureuse
froide de patients sous méthadone (66,2 ±
21 mg) ou buprénorphine (8,9 ± 1,7 mg).
Les deux groupes traités n’ont pas présen-
de différence, mais un abaissement signi-
ficatif de leurs seuils de douleur comparés au
groupe témoin (p < 0,02). L’usage concomi-
tant de substances illicites, notamment opia-
cées, pour certains patients (respectivement,
72 % et 61 % pour les groupes méthadone
et buprénorphine), serait l’un des biais à
l’origine de l’absence de différence entre les
deux groupes traités. Lorsqu’on ne tient pas
compte de ces patients dans les résultats, on
trouve une hypersensibilité plus grande dans
le groupe méthadone comparé à celui des
patients sous buprénorphine (28).
Une troisième étude contrôlée de cette
équipe, utilisant des stimuli toniques
(thermique/froid) et phasiques (électrique)
sur un groupe de patients sous méthado-
ne (n = 16) testés au taux résiduel (juste
avant prise) et 3 heures après traitement a
montré, pour le stimulus électrique, une
diminution significative (p = 0,013) des
seuils de tolérance avant traitement ainsi
que des seuils de détection (p = 0,002) et
de tolérance (p = 0,015) 3 heures post-trai-
tement. De plus, les seuils de détection et
de tolérance sont significativement plus
élevés 3 heures après la prise de la métha-
done (p < 0,001). Concernant le stimulus
thermique froid, on retrouve la différence
significative à 0 et 3 heures, ainsi qu’entre
0 et 3 heures pour les seuils de tolérance.
Compte tenu des différences de seuils de
tolérance entre les tests, les patients sem-
blent plus sensibles au stimulus thermique
froid. De plus, les seuils nociceptifs, quel-
que soit le test, sont plus élevés chez les
patients présentant des taux sanguins éle-
vés de méthadone (29).
Une dernière étude contrôlée (n = 60) ré-
cente de Doverty et al. (20) menée dans le
cadre d’un programme de sevrage de pa-
tients dépendants aux opiacés (héroïne et
méthadone), a évalué la latence d’appari-
tion de la douleur, son intensité et le seuil de
tolérance à un test thermique au froid. Les
auteurs concluent à l’existence de seuils de
tolérance plus faibles chez les patients trai-
tés mais associés à une intensité de symp-
tôme plus faible et une latence d’apparition
plus longue, une donnée en contradiction
avec les trois études précédentes.
Enfin, une étude récente a montré qu’une
rotation de molécule par de la morphine à
libération prolongée chez des patients subs-
titués par de la méthadone et présentant
une hyperalgésie, ne présente aucun intérêt,
n’ayant permis d’améliorer ni les seuils no-
ciceptifs ni de corriger les troubles de l’hu-
meur associés (30).
Conclusion
Dans la pratique courante, l’impression cli-
nique va plutôt dans le sens d’un mal-être
sans plainte douloureuse avérée. Toutefois,
le contexte de dépendance peut rendre dif-
ficile l’identification par le clinicien des
plaintes douloureuses chez ces patients
pour lesquels l’utilisation plus systémati-
que d’outils spécifiques d’évaluation, voire
de dépistage de symptômes douloureux,
devrait se généraliser. D’autant plus que
la survenue de phénomènes douloureux,
aigus ou chroniques, chez des patients dé-
pendants aux opiacés et sous traitement de
substitution, est une cause possible d’exa-
cerbation des abus de substances voire de
déséquilibre du traitement substitutif.
Des études récentes évoquent l’intérêt que
représenterait la coadministration de très
faibles doses d’antagonistes opiacés dans
l’atténuation de cette hyperalgésie induite
(31).
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Le VHC : une Maison du patient
La Maison du patient vient d’ouvrir ses portes à Lyon, après cinq
années de gestation, elle propose gratuitement : des consultations
individuelles d’éducation thérapeutique animées par des infirmiè-
res spécialisées, chaque malade trouve des réponses aux ques-
tions liées à l’hépatite C, aux soins, aux répercussions personnelles
et professionnelles, un soutien psychologique avec un psychologue
clinicien et des permanences d’associations. Elle met aussi à la dis-
position des professionnels de santé un réseau ville-hôpital, un ac-
compagnement de leurs malades et une permanence téléphonique
du lundi 14 h au vendredi 17 h. Dans le cadre des ateliers, les pro-
fessionnels peuvent également échanger sur leurs pratiques et se
former. Adressés par leur médecin généraliste ou spécialiste pour
être intégrés à un programme d’accompagnement et d’éducation,
les parents y sont reçus sur rendez-vous. Le programme est piloté
par une coordinatrice, deux infirmières formées à l’éducation thé-
rapeutique et un psychologue.
Le projet a été porpar l’Association ville-hôpital hépatite C de
Lyon (AVHEC) qui réunit l’ensemble des partenaires institution-
nels et associatifs (notamment Hépatites écoute et soutien, très
impliquée) chargés de la prévention, dépistage, suivi médical et so-
cial des malades de la région. Elle est financée dans le cadre de la
dotation régionale pour le développement des réseaux à hauteur
de 787 000 euros. Sa capacité d’accueil est, pour le moment, de 250
patients. Cette structure est vouée à terme à prendre le relais du
service d’accompagnement thérapeutique créée à l’Hôtel-Dieu, il y
a quatre ans par le Pr Christian Trépo.
Maison du patient, AVHEC, 5, cours Charlemagne, 69002 Lyon.
l. :04 78 42 92 51.
Plan de gestion de risque pour le Champix®
À l’occasion de la commercialisation de Champix®, l’AFSSAPS a voulu
préciser des informations concernant sa sécurid’emploi et publier la
seconde fiche de synthèse du plan de gestion de risque mis en place.
En bref : le Champix®, indiqué dans l’aide au sevrage tabagique chez
l’adulte doit être administré à des fumeurs motivés pour arrêter et
néficiant de conseils et d’un suivi du médecin. Les effets indésirables
identifiés sont principalement des nausées (observées chez environ
un tiers des patients) et, moins fréquemment, des maux de tête et
des troubles du sommeil. L’AFSSAPS précise qu’en raison de l’absence
d’études chez l’enfant et l’adolescent de moins de 18 ans ainsi que
chez la femme enceinte ou en cours d’allaitement, le Champix® ne
doit pas être utilipour ces catégories de personnes. De même, une
attention particulière doit être portée aux personnes âgées (plus de
75 ans), à celles qui souffrent d’épilepsie, de pathologies cardiovasculai-
res, de bronchopneumopathie chronique obstructive ou de psychose.
L’arrêt du traitement peut être assocà une augmentation de l’irri-
tabilité, de l’envie de fumer, de la dépression et/ou de l’insomnie. À
surveiller. La dose initiale du traitement est d’un comprimé à 0,5 mg
par jour, puis augmente progressivement, jusqu’à la dose de 1 mg deux
fois par jour du 8e jour à la fin du traitement (12 semaines). Enfin,
l’Afssaps souligne qu’un plan de gestion des risques adapté a été mis
en place au niveau européen pour détecter et traiter tout signal d’ef-
fets indésirables nouveaux dans les conditions réelles d’utilisation du
dicament. En complément, l’Afssaps met en place un suivi national
de pharmacovigilance.
http://agmed.sante.gouv.fr/ et www.afssaps.sante.fr
Brèves
Bonnes lectures ensoleillées et rendez-vous dès la rentrée
À tous nos lecteurs, à tous nos abonnés
Le Courrier des addictions vous souhaite de tout
cœur un bel été et vous remercie de la fidélité
de votre engagement
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