Sommaire • Infections nosocomiales : une lutte continue • Le lavage des mains : pour éviter les infections manuportées • Les eaux : sous haute surveillance • Linge hospitalier : un rôle protecteur à préserver • Déchets : les règles de l’élimination • Contamination : les soignants concernés • Les antiseptiques : rappels pratiques • Les antibiotiques : efficacité désormais limitée Hygiène D’Hippocrate aux CLIN Reconnue aujourd’hui comme une discipline à part entière, l’hygiène est une notion qui remonte à l’Antiquité. Elle joue un rôle fondamental dans l’éradication des épidémies. Elle est actuellement le seul remède contre les infections nosocomiales. maladies infectieuses “bénéficient” aujourd’un regain d’intérêt lié à la découverte Lde esd’hui nouvelles infections ou de micro-organismes pathogènes. La communauté scientifique et médicale a en effet reconnu assez récemment le fait que ces maladies infectieuses restent l’un des problèmes fondamentaux de l’humanité. Premières causes de mortalité dans les pays à faible niveau de développement, elles augmentent aussi dans les pays industrialisés, notamment chez les patients fragilisés par l’âge ou les maladies intercurrentes, qui constituent des cibles de choix pour les microbes. L’hôpital est ainsi devenu la source d’une grande partie des infections sévères. Pourtant, les hommes possèdent une connaissance empirique de la désinfection depuis des millénaires. La médecine antique, représentée par Hippocrate et Galien, est qualifiée de “naturiste”, car elle exprime l’idée de natura medicatrix : c’est elle qui développera l’hygiène, l’utilisation des plantes et le thermalisme. Ce n’est cependant qu’au milieu du xVIe siècle que les épidémies seront directement liées à l’air malsain qui, selon les médecins, exerce une influence sur l’organisme. S’appuyant sur l’analyse de différentes maladies, le professeur italien Girolamo Frascator (1483-1553), considéré comme le créateur de l’épidémiologie et le père de la pathologie moderne, distingue le premier deux modes de contamination : directe, d’individu à individu, et indirecte, via des seminaria transportés par l’air, les vêtements, les objets, etc. Il incite alors les autorités administratives à établir, en cas de contagion, des systèmes de quarantaine. Une progression cahotique Si, au XVIIIe siècle, les médecins de l’époque s’intéressent enfin aux comportements des individus et à leurs conditions de vie (propreté du corps, de la maison et de l’alimentation), ce n’est que dans la première moitié du XIXe siècle que la médecine devient véritablement scientifique : devant l’organisation économique du monde, les hygiénistes sont confrontés aux nouveaux problèmes engendrés par la naissance de l’ère industrielle. La lutte contre l’hospitalisme peut commencer : hygiène hospitalière, antisepsie listérienne (1867) et asepsie physique pasteurienne (vers 1880). Pour autant, l’hygiène va quand même suivre ensuite une progression cahotique, freinée par les deux guerres mondiales de 1914-1918 et 19391945. Il faudra attendre les années 60 pour qu’elle revienne en force et devienne une discipline dont l’importance est aujourd’hui reconnue. Cette reconnaissance a été “officialisée” en mai 1988, par la mise en place, imposée par décret, des CLIN (Comités de lutte contre les infections nosocomiales), puis en septembre 1996, lorsque la première Conférence nationale de santé a fait de la lutte contre les infections nosocomiales l’une des dix priorités pour la France. Entre 1998 et 2001, les pouvoirs publics y ont consacré plus de 120 millions d’euros, notamment pour renforcer les équipes d’hygiène, financer les actions d’amélioration de la sécurité de la stérilisation et de la désinfection, ainsi que les dispositifs médicaux à usage unique. En 2002, plus de 45 millions d’euros ont été dégagés pour poursuivre ces actions. Stéphane Henri Professions Santé Infirmier Infirmière - No 37 - mai 2002 17 Hygiène Infections nosocomiales Une lutte continue La prise de conscience que les infections acquises à l’hôpital représentent un problème de santé publique majeur est manifeste dans le monde hospitalier : leur taux est aujourd’hui un indicateur de la qualité des soins. es infections nosocomiales désignent, par définition, les infections contractées lors d’un Lséjour dans un établissement de soins. Autrefois Elles génèrent en outre des coûts importants : elles sont notamment responsables de 2 à 5 % des journées d’hospitalisation en court séjour. Globalement, trois causes principales sont à leur origine : le terrain (malades affaiblis), les soins invasifs et l’hygiène, en raison de la présence de bactéries multirésistantes. © CMEABG-UCBL/Phanie inévitables – on les appelait “pourriture d’hôpital” –, elles auraient dû pratiquement disparaître avec la venue de l’asepsie, puis des antibiotiques. Ce n’est pourtant pas le cas. En dépit d’indéniables efforts (voir en encadré), elles tuent chaque année en France plus que les accidents de la route : on estime qu’elles seraient à l’origine d’environ 10 000 décès par an, soit 2 % des patients. Les infections nosocomiales sont clairement considérées aujourd’hui comme un bon marqueur de non-qualité. Elles induisent une morbidité importante et une surmortalité non négligeable même si, faute de données nationales précises, il est difficile de les chiffrer avec certitude. On estime néanmoins que 600 000 à 1 000 000 d’infections sont acquises à l’hôpital. Staphylocoques (microscope électronique à balayage). 18 Professions Santé Infirmier Infirmière - No 37 - mai 2002 Pas de risque zéro Parmi les causes du risque infectieux, les plus importantes sont constituées par les patients et le personnel : chacun est porteur d’un grand nombre de germes dont la nature et la quantité varient selon la partie du corps concerné. Mais certains traitements à base d’antibiotiques ou certains actes invasifs (sondes urinaires, intubations, cathéters, interventions chirurgicales...) peuvent perturber cet équilibre naturel : en se déplaçant ou en se renforçant, des germes jusqu’alors bénéfiques pour la santé risquent de devenir sources de maladie. On parle alors d’une infection d’origine “endogène” puisque les patients s’infectent eux-mêmes. Le contact direct avec d’autres personnes, en particulier par les mains, ou indirect, par l’intermédiaire du matériel de soins (notamment celui utilisé durant les actes invasifs), du linge, de l’environnement (bâtiment, alimentation, eau, air) représentent autant de sources possibles de contamination, dites “exogènes”. Ces contaminations sont d’autant plus nombreuses que les malades, comme le personnel, effectuent de fréquents déplacements au sein de l’établissement. L’apparition d’une infection nosocomiale est aussi favorisée par l’état général, l’âge et la situation médicale du malade. Les prématurés, les immunodéprimés, les polytraumatisés, les diabétiques et les grands brûlés sont également très réceptifs. Logiquement, la fréquence des infections nosocomiales est donc plus élevée dans les services prenant en charge des cas lourds et dans ceux où les actes invasifs sont les plus nombreux, comme les services de réanimation et de chirurgie. En la matière, comme dans de nombreux autres domaines d’ailleurs, le risque zéro n’existe évidemment pas. Mais, même s’il est admis que ce type d’infection existera toujours, l’hygiène – ou plutôt le manque d’hygiène – est identifié comme étant le principal facteur de propagation de ce fléau. D’où la mise en place, en 1995, d’un plan quinquennal de lutte contre les infections nosocomiales, dont l’objectif était de réduire leur taux moyen de 30 % d’ici l’an 2000. La vigilance de tous Auparavant, la lutte contre les infections nosocomiales dans les hôpitaux français, aujourd’hui totalement opérationnelle, avait été organisée par le décret du 8 mai 1988 relatif à l’organisation de leur surveillance et de leur prévention, et par sa circulaire d’application définissant les missions des CLIN. Depuis, l’organisation régionale et nationale a été complétée par l’arrêté du 3 août 1992, annonçant la mise en place de cinq Centres de coordination inter-régionaux (C.CLIN) et d’un Comité technique des infections nosocomiales (CTIN). Pour mener à bien leurs missions, les CLIN sont, rappelons-le, relayés par une équipe opérationnelle. Des référents en hygiène hospitalière peuvent également être désignés dans chaque service, pour favoriser la mise en œuvre de ces actions ainsi que l’implication des personnels de santé à tous les niveaux. Car la prévention repose sur la vigilance quotidienne et générale de tout le personnel. Les professionnels de santé et les personnels administratifs sont en effet responsables de la prise en compte du risque infectieux dans leur pratique quotidienne. Quant à la direction et à la Commission médicale d’établissement, elles doivent veiller au respect des obligations et à l’amélioration de la qualité des soins en termes d’hygiène hospitalière. Résistance aux antibiotiques Le système d’alerte se trouve aujourd’hui renforcé par la mise en place d’un dispositif de signalement des infections nosocomiales : le décret 2001-671 du 26 juillet 2001 (art. R7111-12 du Code de la santé publique) détermine la nature des infections nosocomiales soumises à signalement et fixe les conditions dans lesquelles les établissements de santé sont tenus de recueillir les informations les concernant et de les signaler. A l’évidence, le travail des CLIN sera de plus en plus considéré comme un élément de qualité qui sera pris en compte pour l’accréditation ou pour la recherche de responsabilité en cas d’accident. Ils sont même devenus un passage obligé tant la France se distingue par une fréquence particulièrement élevée de résistance aux antibiotiques : 34 % des staphylocoques sont résistants à la méticilline, contre 1 % seulement dans les pays nordiques. S.H. Une mobilisation payante Bernard Kouchner, le ministre délégué à la Santé, a annoncé, le 5 mars dernier, une diminution sensible des infections nosocomiales dans les établissements de soins français qu’il attribue – à juste titre – à la mobilisation des professionnels de santé. En effet, 1 533 hôpitaux et cliniques, représentant 78 % des lits d’hospitalisation, ont participé à l’enquête de prévalence de 2001 contre 800 en 1996. Quant au nombre de services qui participent au réseau de surveillance en continu, il s’accroît sans cesse : près de 1 200 services en 1999, soit 5 fois plus qu’en 1994. Le taux de patients infectés observé en 2001 est de 6,9 % contre 8 % en 1996. « Si la comparaison brute de ces taux doit être prudente en raison des différences méthodologiques entre les deux enquêtes de prévalence, l’observation d’une réduction du taux d’infections de 13 % dans les CHU et de 24 % dans les CH est tout de même encourageante, et probablement significative, a constaté le ministre. Ces évolutions nous incitent à penser que l’amélioration de la formation et de la connaissance en hygiène, ainsi que les mesures de prévention adoptées, ont un impact ». Certes – et il l’a reconnu –, ces chiffres ne correspondent pas, loin s’en faut, à l’objectif initialement affiché d’une réduction de 30 %. « Il faut cependant considérer les caractéristiques des patients accueillis dans nos hôpitaux, a-t-il expliqué. Les progrès de la médecine permettent de soigner des patients plus âgés, plus fragiles, et donc plus susceptibles de contracter des infections. En outre, les actes invasifs sont plus fréquents, et les pathologies plus lourdes ». Les résultats de la surveillance des infections du site opératoire sont à ce titre instructifs. Une diminution de ces infections est en effet observée dans les services qui surveillent régulièrement leur taux d’infections. La surveillance répétée apparaît donc bien comme un facteur de qualité des soins et de prévention des risques. S.H. Professions Santé Infirmier Infirmière - No 37 - mai 2002 19 Hygiène Le lavage des mains Pour éviter les infections manuportées Encore ! Mettre en exergue le lavage des mains peut paraître puéril à certains. Pourtant, geste élémentaire de la prévention des infections nosocomiales, le lavage des mains est encore trop souvent négligé à l’hôpital. pparemment simple, le lavage des mains est en réalité un geste complexe, qui est rendu A d’autant plus difficile qu’il faut le répéter souvent. Son efficacité dépend de nombreux facteurs, tant matériels (quantité et qualité des consommables, etc) qu’organisationnels, qui ont tous une incidence budgétaire. Le soin qu’il convient d’apporter au lavage des mains tient au fait que la transmission des micro-organismes se fait souvent de manière directe, d’individu à individu. Les transports, la convivialité, les soins apportés aux malades, les contacts répétés avec du matériel souillé sont autant d’événements expliquant la chronologie et l’importance de la contamination manuportée, responsable de 50 à 80 % des infections nosocomiales à l’hôpital. Les mains accueillent et abritent en effet une flore impressionnante qui, en l’absence de lavage, peut atteindre des seuils critiques. Le reflet de la flore hospitalière L’objectif majeur du lavage des mains est de prévenir la transmission microbienne manuportée en éliminant la flore microbienne transitoire et, selon le type de lavage, une partie plus ou moins importante de la flore résidente, dite aussi flore commensale. Cette dernière se trouve en superficie sur la peau mais aussi dans les couches plus profondes. Elle correspond à des contaminants récents qui ne survivent qu’un temps limité sur la peau. Pour le personnel soignant, elle est le reflet de la flore hospitalière constituée de cocci pyogènes, d’entérobactéries, de pseudomonas. L’inconvénient est que ces germes pathogènes récupérés lors des soins ou lors du travail sont souvent multirésistants aux antibiotiques. Classiquement, on obtient trois types de lavage des mains. Le premier est le lavage simple, également appelé “normal” ou “habituel”, qui vise à éliminer la flore transitoire. Il doit être effectué avec un savon liquide doux, c’est-à-dire non antiseptique, à la prise de service et en le quittant, avant et après tout geste de la vie courante (distribution de repas, toilette, etc), avant et après 20 Professions Santé Infirmier Infirmière - No 37 - mai 2002 tout soin non invasif (prise de température, etc.), avant et après tout contact avec un patient ou du matériel contaminé. Le second, le lavage antiseptique, est destiné à éliminer la flore transitoire et à diminuer la flore résidente. Il doit être effectué avec un savon liquide antiseptique avant tout soin technique et tout acte invasif (injection, sondage urinaire, pansement...), dans le cadre de protocoles de lutte contre les infections nosocomiales, avant et après tout soin septique (malade infecté, mesure d’isolement), en remplacement du lavage simple. Enfin, le lavage chirurgical poursuit le même but que le lavage antiseptique. Mais il doit être effectué avant tout acte invasif à haut risque infectieux (cathétérisme central, ponction lombaire, etc.) et avant tout acte chirurgical. Surtout, il nécessite une eau bactériologiquement pure, avec une robinetterie dégagée à commande non manuelle, un savon liquide antiseptique à large spectre, une brosse à usage unique stérile imprégnée ou non de solution moussante, des essuie-mains stériles et le port de coiffe et de masques ajustés. Générer une prise de conscience Si, à l’hôpital, la politique du lavage des mains est prioritaire, elle ne peut être menée à bien que si les équipements sont correctement choisis, entretenus et utilisés, et qu’elle est abordée sous l’angle de l’organisation, de la formation et de l’évaluation. Les lavabos doivent par exemple être nettoyés et désinfectés quotidiennement ; les pains de savon sont à prescrire ; le savon liquide doit être conservé dans son emballage d’origine portant les informations nécessaires à une bonne utilisation du produit et de ses limites de consommation afin d’éviter une contamination et une dégradation de celui-ci ; enfin, les pompes distributrices doivent être changées entre chaque flacon ou soigneusement décontaminées et rincées avant réutilisation. Aujourd’hui, tout le monde semble reconnaître l’impérieuse nécessité du lavage des mains, premier barrage de l’infection nosocomiale. Il reste cependant important de renouveler régulièrement des rappels à ce sujet et de générer une prise de conscience pour le soignant du risque d’un lavage peu ou mal effectué, pour lui comme pour le malade. Dans ce contexte, l’infirmière hygiéniste se situe comme une partenaire utile et complémentaire. Elle peut même apporter une expertise extérieure. Son rôle est, entre autres, d’aider à mettre au point les recommandations de base. Port de gants et allergie L’hygiène des mains se dissocie difficilement du port de gants. La première règle est de n’enfiler des gants qu’après avoir soigneusement lavé ses mains. La seconde règle réside dans le choix de ces gants. Le développement du risque infectieux, qui a conduit à l’augmentation de l’usage de gants en latex, a été un facteur de sensibilisation des soignants et des patients. Les études sur les allergies des premiers – et les risques pour les seconds – se multiplient en effet depuis plusieurs années. A la fin des années 90, de fortes inquiétudes concernant l’allergie au latex se sont notamment manifestées, après plusieurs décès lors de l’administration de lavements barytés. Or, il s’est avéré que le responsable de ces accidents était le latex contenu dans les canules de lavements. On découvrit alors qu’en chirurgie, 13 % des réactions avec choc anaphylactoïdes observées chez les patients étaient dues au contact avec du caoutchouc naturel. La poudre des gants joue aussi un rôle important dans la formation d’adhérences et entraîne des effets négatifs sur la cicatrisation des plaies abdominales. En outre, le matériel introduit dans le corps du patient peut aussi être contaminé avec de la poudre de gant durant sa manipulation ou son insertion. Un autre problème ne doit pas être sous-estimé. La poudre est absorbable biologiquement, et le lubrifiant à base de poudre de maïs utilisé dans la fabrication des gants est traité avec de l’épichlorohydrine. Cet agent, associé à d’autres constituants chimiques également utilisés dans la fabrication des gants, peut interférer avec d’importantes procédures de diagnostic biologique, ou induire des réactions granulomateuses au sein de tissus ayant subi un traumatisme chirurgical. Enfin, l’hydratation – c’est-à-dire l’absorption de fluide par les espaces interstitiels du gant en milieu humide – contrarie les propriétés des gants de latex. En dépit de tous ces constats effectués scientifiquement, les pratiques évoluent lentement. De nombreux soignants, notamment les chirurgiens, rechignent à utiliser des gants sans poudre parce qu’ils les considèrent comme moins faciles à enfiler que les gants avec poudre. Les premiers gants chirurgicaux sans poudre, apparus en 1982, étaient pourtant conçus avec un hydrogel polymérisé similaire à celui utilisé par les fabricants de lentilles, et avaient subi de nombreux tests cliniques de sécurité. La présence de polymère procure en outre une barrière de protection évitant le contact peau-latex. La force de friction à l’enfilage (donning force) a également été mesurée : les chercheurs ont démontré que si les forces de friction des gants avec et sans poudre sont comparables lorsque les mains sont sèches, elles sont plus grandes pour les gants avec poudre avec des mains humides. En fait, les gants avec poudre se déchirent assez fréquemment quand ils sont mis avec des mains humides, ce qui n’est pas le cas des gants sans poudre. Au final, ces derniers conviennent mieux pour de nombreux actes en bloc opératoire. S.H. La désinfection des endoscopes Le principe de la désinfection des endoscopes vise à prévenir l’ensemble des risques infectieux pour chaque patient soumis à l’endoscopie. La désinfection des endoscopes comporte cinq étapes qui répondent à des règles strictes : – le traitement préliminaire doit intervenir le plus précocément possible après la fin de l’acte pour éviter le séchage des sécrétions et/ou excrétions, ou la formation des biofilms ; – le rincage élimine, par son action physique, les matières organiques résiduelles et toute trace de détergent qui pourraient interférer avec le produit de désinfection utilisé ultérieurement et altérer ainsi la qualité des optiques des endoscopes ; – la désinfection proprement dite est une opération au résultat momentané permettant d’éliminer ou de tuer les micro-organismes et/ou d’inactiver les virus indésirables portés par des milieux inertes contaminés ; – le rincage terminal a pour but d’éliminer toute trace de désinfectant sur le matériel, sans compromettre les résultats ; – enfin, le stockage doit s'effectuer dans un endroit propre et sec, à l’abri de toute source de contamination microbienne. Le personnel chargé de la désinfection des endoscopes doit recevoir une formation spécifique sur les procédés de désinfection du matériel et une information sur les risques liés à la manipulation des substances toxiques et dangereuses. Il faut aussi lui rappeler la nécessité de respecter les précautions universelles pour la prévention des accidents liés à l’exposition au sang. Professions Santé Infirmier Infirmière - No 37 - mai 2002 21 Hygiène Les eaux Sous haute surveillance Indispensable à la vie de l’établissement hospitalier, l’eau doit faire l’objet de contrôles rigoureux pour éviter tout problème de contamination. est une évidence qu’il n’est pas inutile de répéter : si l’eau contribue souvent à l’efficacité C’ des soins, elle peut aussi provoquer des dégâts eau va servir au lavage des plaies profondes ou de cavités en cours d’intervention chirurgicale ou endoscopique, ainsi qu’au rinçage du matériel avant utilisation. Enfin, les eaux à usage technique, moins sensibles, doivent tout de même être surveillées. L’eau destinée aux sanitaires par exemple doit au moins être potable, car elle est susceptible d’être consommée par les malades, et exempte si possible de germes responsables de l’hospitalisme. Paramètre essentiel de la maîtrise du risque infectieux, la qualité bactériologique de l’eau n’a pourtant pas de cadre réglementaire précis : seules les eaux pour préparation injectable, les eaux pour dilution des solutions concentrées pour hémodialyse et les eaux destinées à la consommation humaine font l’objet de normes en matière de contamination microbienne. Pas de cadre réglementaire Compte tenu de la qualité de l’eau du réseau urbain, les risques liés à l’eau de boisson apparaissent comme mineurs pour la plupart des établissements. Il convient cependant d’être prudent pour les malades très réceptifs à l’infection comme par exemple les immunodéprimés, les nourrissons, les prématurés et les personnes âgées. Quant à l’eau destinée aux soins, l’approximation n’est évidemment pas permise. Toutes les eaux à usage médical doivent ainsi faire l’objet d’une extrême vigilance, en particulier celles utilisées pour la dialyse rénale ou celles à usage chirurgical. Pour tous les usages où le patient est en contact avec de l’eau sans que ses protections naturelles – peau et muqueuses – puissent jouer un rôle de barrière ou lorsqu’il est profondément immunodéprimé, une excellente qualité bactériologique de l’eau est absolument indispensable, c’est-à-dire une exemption de germes potentiellement pathogènes ou opportunistes. Car cette 22 Professions Santé Infirmier Infirmière - No 37 - mai 2002 © Photodisc considérables si sa qualité et son circuit de distribution ne sont pas irréprochables. Destinées à des utilisations de nature très différentes (alimentaire, technique, sanitaire, médicale), les eaux utilisées à l’hôpital peuvent effectivement poser d’importants problèmes d’hygiène en véhiculant des micro-organismes responsables d’infections nosocomiales. Globalement, il existe trois activités concernées par la qualité de l’eau : le réseau, la boisson et les soins. La plus importante, l’eau de réseau ou eau potable, doit répondre à des normes de qualité garanties par la société fermière qui la délivre. Mais une fois entrée dans l’établissement, c’est celui-ci qui en a la responsabilité : il doit en effet la vérifier et en garantir le caractère potable dans les différents locaux. Il doit en outre mettre en place un réseau de surveillance pour détecter les hôtes indésirables, notamment les legionella. Certains éléments, en particulier les robinets entartrés, peuvent aussi être contaminés par des germes pyocyaniques. Chaque hôpital doit donc, pour en maîtriser la qualité, mettre en place des stratégies de contrôle, de surveillance et d’intervention. © Alix/Phanie Eau et legionella La legionella, bactérie d’origine hydrique, est l’un des agents responsables de pneumopathie d’origine nosocomiale. Son mode principal de transmission est l’inhalation de microgouttelettes d’aérosols contaminés provenant des réseaux d’eau. En effet, les résultats de la déclaration obligatoire montre que 17 % des cas de légionellose en 1999 avaient séjourné dans un hôpital ou une clinique (exposition à risque) et que, parmi eux, 86 % des cas nosocomiaux présentaient plus souvent un facteur favorisant, contre 70 % pour les cas non nosocomiaux. Une première circulaire du ministère de la Santé parue en 1997 détaillait les modalités techniques de surveillance et de prévention de la légionellose. Le 31 décembre 1998, une nouvelle circulaire rappelait la nécessité de mettre en œuvre les bonnes pratiques d’entretien des réseaux d’eau dans les établissements de santé et dans les établissements recevant du public. Plusieurs enquêtes, dont celles du CLIN Paris-Nord, ont montré que ces recommandations ministérielles étaient très incomplètement appliquées. Cette constatation pose ainsi le problème de la faisabilité des mesures proposées dans les textes officiels. Car l’application de mesures dépend à la fois des difficultés techniques et du surcoût financier parfois considérable engendré par la réfection des réseaux d’eau. Ce surcoût apparaît d’autant plus discutable que le risque de légionellose chez les patients hospitalisés reste en général faible à l’échelon d’un hôpital. En revanche, il ne faudrait pas que cela freine la prise de conscience des gestionnaires et la démarche qualité applicable aux réseaux d’eau. Pour répondre aux recommandations de la circulaire de 1998, “il est impératif que chaque établissement connaisse parfaitement son réseau d’eau, en termes de situation des différents circuits, des utilisations de l’eau et des mesures d’entretien et de maintenance des réseaux. Pour cela, un diagnostic sanitaire des réseaux et la rédaction d’un carnet sanitaire sont indispensables. La réalisation des prélèvements et la recherche des legionella dans l’eau doivent suivre les recommandations de la norme AFNOR NFT 90-431, bien que celle-ci précise plus l’analyse microbiologique que le protocole de prélèvement. Si elle est réalisée par un laboratoire extérieur à l’établissement, il faudra choisir un laboratoire agréé COFRAC ou participant à un réseau d’intercalibration entre plusieurs laboratoires, afin de bénéficier de l’expérience et de la qualité” (CLIN Paris-Nord). La recherche de l’antigène urinaire soluble de Legionella pneumophila du sérogroupe 1, qui est une technique de diagnostic biologique rapide (réponse en 15 minutes par le laboratoire), doit être privilégiée pour permettre la mise en place d’une thérapeutique adaptée. En parallèle, la mise en culture à partir d’un prélèvement bronchopulmonaire est incontournable et doit y être associée pour permettre le diagnostic des autres sérogroupes et espèces et effectuer si nécessaire, dans un deuxième temps, une comparaison des souches humaines et environnementales afin de confirmer la source de contamination. Tout cas de légionellose se déclarant dans l’établissement devra être signalé au CLIN de l’établissement et aux personnels concernés par l’événement (services cliniques et techniques, laboratoire) et déclaré à l’autorité sanitaire. Ensuite, le caractère nosocomial devra être confirmé par des arguments cliniques et microbiologiques. Une enquête environnementale devra être mise en place afin de rechercher la source potentielle de la contamination et des mesures d’urgence seront appliquées. S.H. Professions Santé Infirmier Infirmière - No 37 - mai 2002 23 Hygiène Linge hospitalier Un rôle protecteur à préserver Le choix du linge opératoire et son mode de gestion font partie intégrante de toute démarche visant à améliorer la sécurité, mais aussi à rationaliser les dépenses de santé. qu’il soit difficile de mesurer son impact, car il s’agit d’effets indirects, le linge hospitaBlierien est tenu pour responsable de 17 % des in- directement la lutte contre les infections nosocomiales, les autres correspondent davantage aux attentes des utilisateurs. Ainsi, le linge opératoire doit avant tout être stérile, interdire toute pénétration des germes par l’intermédiaire des liquides ou particules aéroportées, conserver ses propriétés en milieu humide et sous une forte pression, résister à l’abrasion et à la rupture par traction. Il doit aussi être facile à draper, simple à utiliser, respecter l’environnement et offrir un bon rapport coût/efficacité. Par principe, tout linge venant d’un service de soins doit être considéré comme contaminé et aucun tri préalable ne doit être effectué. Pour la collecte du linge et le lavage du linge contaminé, les sacs à ouverture thermosoluble et la décontamination à froid sont requis. Hormis les soins contaminants, le tri du linge est, lui aussi, soumis à des règles essentielles. Le personnel doit notamment être protégé de la tête au pied, ce qui implique le port de gants, un lavage hygiénique des mains avec savon antiseptique, le port d’un masque filtrant à liens auriculaires élastiques et, éventuellement, une coiffe pour éviter la dispersion des particules en suspension dans la chevelure. En cas d’accident enfin, le médecin du travail doit être alerté. Si le personnel présente des plaies aux mains, l’éviction est à pratiquer d’office. fections nosocomiales. A ce titre, il constitue l’un des éléments majeurs de la lutte contre le risque infectieux, un vecteur essentiel de l’hygiène hospitalière. Sa gestion a en outre des conséquences non négligeables en termes financiers. Au bloc, par exemple, où la question est évidemment encore plus cruciale pour la sécurité du patient et du personnel, les économies engendrées par le passage au non-tissé sont, d’après plusieurs études, proportionnelles au coût global des infections nosocomiales. © Voisin/Phanie Des règles à respecter Le fonctionnement de la filière linge – que le linge soit réutilisable ou à usage unique – doit satisfaire à plusieurs critères. Le premier concerne 24 Professions Santé Infirmier Infirmière - No 37 - mai 2002 Les avantages du non-tissé Chaque établissement a son mode de gestion du linge, mais son choix est désormais guidé par la meilleure sécurité au meilleur coût. Dans ce contexte, le débat entre le tissé réutilisable ou le non-tissé à usage unique reste plus que jamais d’actualité, d’autant que les normes de qualité, de sécurité et d’efficacité concernant le linge entrent en compte pour l’accréditation. Depuis longtemps, les pays nordiques et anglosaxons ont, eux, opté pour un recours massif au non-tissé, qui présente trois avantages : d’abord, il ne dégage pas et ne laisse pas échapper spontanément de particules ; ensuite, il offre la possibilité de traiter efficacement l’air des salles d’opération équipées de flux laminaire ; enfin, il possède la caractéristique de ne ●●● Hygiène ●●● Mais le non-tissé est également vanté sur le plan économique. On sait que le linge utilisé lors d’une intervention chirurgicale représente un poste de dépenses important en raison des différents types de champs nécessaires et de la lourdeur des circuits de recyclage et de restérilisation. Or, depuis plus de dix ans maintenant, on constate que les coûts obtenus par l’utilisation du non-tissé (coût de l’élimination compris) sont nettement inférieurs à ceux induits par le tissé. Le non-tissé s’avère en outre simple à gérer. Il est livré neuf et stérile à l’établissement : la responsabilité de sa stérilité incombe donc au fabricant et non au pharmacien hospitalier jusqu’à sa réception dans l’établissement. pas être microporeux, donc de freiner la progression de l’humidité en assurant une barrière antimicrobienne. Sur le plan pratique, il fait gagner un temps précieux. La présence d’accessoires tels que les bandes adhésives, les poches de recueil, les films à inciser incorporés simplifient les protocoles de drapage. Par ailleurs, un seul champ opératoire en non-tissé suffit dans la plupart des cas. Après l’intervention, un seul geste est nécessaire pour rassembler le non-tissé dans un sac destiné aux déchets contaminés puisque l’emballage a préalablement été éliminé. Quant aux tâches de tri et de comptage, elles sont supprimées. Seul le contrôle de la présence éventuelle d’objets reste indispensable. S.H. Déchets Les règles de l’élimination Les 700 000 tonnes de déchets hospitaliers produites chaque année doivent être éliminées soit par incinération, soit par l’intermédiaire de procédés de prétraitement par désinfection. en dehors du risque infectieux, d’autres problèmes existent. Souvent coupants ou piquants (seringues, scalpels...), chimiquement toxiques (détergents puissants, médicaments...), parfois radioactifs, un même déchet peut présenter à lui seul plusieurs risques. Au total, les “rebuts” peuvent être classés en quatre catégories : les déchets radioactifs, les déchets d’activité de soins à risque infectieux, les déchets assimilables aux ordures ménagères et les déchets dits spéciaux (mercure, bains et films radiologiques, piles, aérosols, peintures...). Cette multiplicité ne facilite pas la tâche des établissements, qui ont l’obligation de prendre en charge leur élimination. Celle-ci doit être “un processus étape par étape, formant un ensemble homogène et cohérent, associant les responsables de l’hygiène hospitalière, des services économiques et de la logistique, les industriels de l’emballage et du traitement, et enfin les sociétés de service”. La méthodologie, particulièrement rigoureuse, passe par “la connaissance des circuits internes dans chaque structure, l’identification des déchets et de leur production, un 26 Professions Santé Infirmier Infirmière - No 37 - mai 2002 © Garo/Phanie maladies nosocomiales ont mis en avant la pour les établissements de santé, Lde esnécessité, gérer leurs déchets d’activité de soins. Mais, choix d’emballages conformes aux exigences d’hygiène et de sécurité, un transport sans faille, un respect des contrats signés et une formation du personnel hospitalier”. Le double intérêt de la désinfection Trois possibilités existent pour le traitement des déchets : l’incinération conjointe avec les ordures ménagères, l’incinération spécifique et la désinfection. L’incinération conjointe avec les ordures ménagères présente l’avantage d’une élimination de bonne qualité, liée à la maîtrise des conditions d’exploitation dans les usines centralisées. Les projets d’installation d’usines d’incinération prévoient généralement ce dispositif de traitement conjoint. La deuxième solution, l’incinération spécifique, traite uniquement les déchets à risque et est relativement exigeante en matière d’installation. Le four doit en effet être installé soit à côté d’une usine d’incinération d’ordures ménagères avec un traitement des fumées en commun, soit de manière indépendante. Cette alternative est à étudier lorsque le gisement atteint un minimum de 3 500 tonnes par an, sur une zone géographique concentrée. Le dernier choix possible est la désinfection. Depuis 1991, il est en effet possible de déroger à l’obligation d’incinération en utilisant des procédés de prétraitement par désinfection. Ces technologies, dont le but est de faire perdre aux déchets contaminés leur caractère infectieux, font l’objet d’une procédure de validation par le Conseil supérieur d’hygiène publique de France. Le principe des appareils de désinfection est double : il s’agit, d’une part, de modifier l’appa- rence des déchets dans un but de prévention visà-vis des personnels les manipulant (suppression des risques de blessures par des déchets piquants, tranchants ou coupants), et, d’autre part, de réduire la contamination microbienne des déchets afin de les amener à un niveau de contamination inférieur – ou au plus égal – à celui des déchets ménagers. Des procédures sévères Dans la pratique, un premier procédé physicochimique consiste à broyer les sacs de déchets pour supprimer les risques de blessures et permettre une action désinfectante au cœur de la matière. Le magma obtenu est ensuite désinfecté par pulvérisation et trempage dans un produit bactéricide, fongicide et virucide. Un autre système, thermique celui-là, préconise, après avoir broyé les déchets, de les stériliser par l’intermédiaire d’une chaleur humide d’une centaine de degrés, produite pendant une demi-heure par des générateurs de micro-ondes. Quelle que soit la solution choisie, le traitement des déchets hospitaliers est extrêmement réglementé. Les pouvoirs publics – en l’occurrence le ministère de l’Environnement – ont en effet mis en place des plans départementaux d’élimination des déchets ménagers et assimilés, et des plans régionaux pour les déchets industriels et contaminés. Ces plans, obligatoires, doivent aboutir à la mise en place de réseaux de traitement. Ils doivent également fixer des objectifs en matière de recyclage, de réutilisation et de valorisation, y compris énergétique. Pour ce faire, des procédures très sévères sont élaborées avec plusieurs niveaux de contrôle. S.H. Contamination Les soignants concernés Souvent sous-évalué par les soignants, le risque de contamination est un risque professionnel pourtant bien réel, qu’il importe de connaître pour mettre en place une politique de prévention efficace. es maladies infectieuses font partie des premiers risques professionnels identifiés en Lmilieu hospitalier. De nombreuses infections peuvent être contractées dans l’exercice de la profession de soignant, à travers les diverses situations qu’elle occasionne (contact avec le malade ou avec des produits d’excrétion et de sé- crétion, prélèvement biologique, linge souillé...). Dans ce domaine, et même si elle est donnée au cours de la formation initiale, l’information de tous les soignants doit être renouvelée. Il faut notamment rappeler les voies et les modalités de contamination, les façons de lutter contre la transmission, les vaccinations nécessaires, obliProfessions Santé Infirmier Infirmière - No 37 - mai 2002 ●●● 27 © Raguet/Phanie Hygiène ●●● gatoires ou non, les principales règles d’hygiène à observer. Hygiénistes et soignants de la médecine du travail doivent ici collaborer pour la surveillance continue de l’écologie microbienne des différents services, pour les enquêtes épidémiologiques réalisées à la suite des problèmes infectieux déclarés, pour la surveillance continue des secteurs à risque et pour la recherche appliquée en hygiène hospitalière. Des préalables obligatoires D’une manière générale, les risques infectieux sont essentiellement liés à l’utilisation de produits ou tissus biologiques, ainsi qu’aux dispositifs médicochirurgicaux. Concernant ces derniers, des équipes de recherche ont par exemple relevé des cas de maladie de Creutzfeldt-Jakob provoqués par des instruments ayant été en contact avec le système nerveux central de malades, par des instruments neurochirurgicaux et par des électrodes profonds de stéréo-encéphalographie. Pour cette raison, une circulaire de 1995 a défini les actes et patients à risque. Depuis quelques années, l’industrie du matériel médicochirurgical propose régulièrement du matériel plus sûr, susceptible de réduire le risque d’exposition au sang, vecteur le plus classique des infections virales. Pourtant, les études de suivi des accidents ne montrent pas un “effondrement” de leur taux de survenue. Réfléchir sur une stratégie de prévention nécessite donc une démarche complexe, qui n’est pas uniquement fondée sur le matériel. En effet, le risque n’est ni reconnu, ni accepté, tant pour le personnel que pour le patient. Les situations et les gestes à 28 Professions Santé Infirmier Infirmière - No 37 - mai 2002 risque ne sont pas toujours identifiés par les soignants, et les mesures efficaces sont mal connues. De plus, le travail n’est pas nécessairement organisé pour réduire le risque et le matériel de sécurité est souvent indisponible ou non utilisé. Il convient donc d’envisager le sujet sous des angles novateurs, de déterminer les moments auxquels le risque est plus important et auxquels la prévention doit être recherchée, de mettre en œuvre les mesures de précaution universelles (voir encadré) et, enfin, d’évaluer le bénéfice d’un nouveau matériel. Reste une question de taille : comment favoriser la prévention à l’échelle d’une équipe, voire d’un établissement ? A l’évidence, l’information simple ne suffit pas. Il faut donc s’efforcer de raisonner en termes de programme et d’objectifs qui seront fixés à partir de deux préalables obligatoires : l’évaluation des pratiques et des besoins, d’une part, la formation des équipes concernées (de type formation-action aboutissant à la réalisation de protocoles de conduites préventives adaptées au service), d’autre part. S.H. Des précautions universelles Pour protéger le personnel des agents infectieux véhiculés par le sang ou les autres liquides biologiques, il existe des précautions universelles. Ce sont en fait huit recommandations américaines, reprises en France par la circulaire DGS/DH n° 23 du 3 août 1989 : 1. ne pas recapuchonner les aiguilles ; 2. ne pas dégager à la main les aiguilles des vacutainers, des seringues ou des porte-aiguilles ; 3. toujours recueillir les objets piquants ou tranchants dans des conteneurs adaptés, imperforables, incinérables et de taille adéquate ; 4. porter des gants toutes les fois où l’on aura un contact avec du sang, des liquides organiques ou des muqueuses, ou avec des surfaces ou du matériel souillés ; 5. couvrir toute plaie ; 6. porter une blouse, un masque et des lunettes en cas de risque de projections ; 7. se laver les mains avant et après chaque soin, et immédiatement après un contact avec du sang ou des liquides biologiques en utilisant de l’eau et du savon, puis un antiseptique majeur, de l’eau de Javel à 0,1 % ou de l’alcool à 70 °C ; 8. en cas de projections de sang ou de liquides biologiques, décontaminer immédiatement les surfaces avec de l’eau de Javel dont les bains doivent être renouvelés quotidiennement. Les antiseptiques Rappels pratiques Les antiseptiques sont des produits qui permettent momentanément d’éliminer ou de tuer des micro-organismes et/ou d’inactiver certains virus sur des tissus vivants*. effet des antiseptiques est limité aux micro-organismes présents au moment de L’ l’opération. nuée en présence de matières organiques. Or, un lavage de la plaie élimine déjà une bonne partie des débris organiques : – il ne faut surtout pas mélanger ou appliquer plusieurs antiseptiques différents. Beaucoup d’antiseptiques sont incompatibles avec les autres familles. De plus, l’utilisation des antiseptiques peut amener une certaine toxicité qui est doublement augmentée si on en utilise plusieurs en même temps. Enfin, l’emploi abusif de plusieurs antiseptiques ne peut-il pas engendrer une résistance des micro-organismes ? – il faut respecter le délai d’action de l’antiseptique. En effet, il est préférable d’attendre au moins une minute pour qu’un antiseptique soit pleinement efficace ; Les antiseptiques avec autorisation de mise sur le marché (AMM) sont de véritables médicaments. Il existe deux grandes classes d’antiseptiques : – les solutions alcooliques ; – les solutions aqueuses. Les antiseptiques alcooliques ne s’emploient ni sur les plaies, ni sur les muqueuses. Ils sont généralement utilisés pour une antisepsie de la peau saine. Les antiseptiques aqueux s’emploient indifféremment sur peau saine, sur les plaies ou les muqueuses. Seuls les antiseptiques aqueux peuvent s’employer sur des ulcères. ●●● Les différents produits aqueux On distingue quatre grandes classes d’antiseptiques aqueux : – les halogènes chlorés ; – les halogènes iodés ; – les biguanides ; – les oxydants. Les colorants ne sont pas considérés comme des antiseptiques malgré une faible propriété antiseptique reconnue. * Définition des antiseptiques selon le CLIN et selon l’AFNOR (Association française de normalisation). © Garo/Phanie Précautions d’emploi Il existe de nombreux produits sur le marché et chacun a ses propriétés. Avant d’utiliser un antiseptique, il est donc important de connaître ses propriétés, ses contre-indications, ses effets secondaires et son mode d’emploi. L’infirmier doit se référer à une prescription médicale et lire la notice avant d’utiliser un antiseptique. Des recherches infirmières théoriques, il ressort quelques précautions générales pour l’utilisation des antiseptiques : – un antiseptique ne s’emploie que sur une peau ou une plaie préalablement nettoyée. En effet, l’action de beaucoup d’antiseptiques est dimi- Professions Santé Infirmier Infirmière - No 37 - mai 2002 29 Hygiène ●●● – il est conseillé ensuite de rincer tout antiseptique, afin de réduire les effets secondaires dermatologiques (allergie, eczéma). Il faut porter une attention toute particulière pour éviter la contamination du flacon. Plusieurs règles d’asepsie peuvent éviter cela : – vérifier la date de péremption ; – noter impérativement la date d’ouverture sur le flacon d’antiseptique car il faut respecter la durée d’utilisation du produit après son ouverture ; – ne jamais transvaser un produit dans un autre flacon ; – conserver les flacons à l’abri de la chaleur et de la lumière ; – limiter le stockage en grande quantité dans les postes de soins. Antiseptiques et ulcères L’utilisation des antiseptiques sur des plaies s’explique, en théorie, de la manière suivante : – sur plaie non infectée : prévenir l’infection en éliminant la flore transitoire mais sans altérer le processus de cicatrisation ; – sur plaie infectée : traiter localement l’infection par un antiseptique adapté aux micro-organismes en cause et prévenir une aggravation de l’infection. Sur le terrain, l’utilité d’une antisepsie de la peau saine est reconnue en prévention d’une infection, surtout avant un acte invasif. Mais il semble que l’intérêt des antiseptiques sur peau lésée soit en fait un sujet très controversé dans le monde médical. Aucune étude expérimentale évaluant l’efficacité des antiseptiques n’a été retrouvée dans les conditions d’une plaie. D’où l’intérêt de la démarche d’examiner les conduites des soignants effectuée dans le service de rééducation vasculaire de l’hôpital Broussais (voir PSII no 36, pages 16-17) face à l’utilisation des antiseptiques sur les ulcères de jambe au stade de bourgeonnement. Aline Quéguiner Corine Geffrault Céline Thomas IDE, service de rééducation vasculaire, hôpital Broussais-HEGP, Paris. Les antibiotiques Efficacité désormais limitée Au cours des dernières décennies, la découverte des antibiotiques et leur efficacité ont quelque peu entamé la vigilance au niveau de la prévention. Résultat : les bactéries évoluent et font de la résistance. approche globale devient indispensable pour infléchir la progression des résistances bacL’ tériennes. En effet, l’objectif de diminuer la pression de sélection des bactéries résistantes et leur diffusion ne peut être atteint que si l’on agit sur l’ensemble des facteurs en cause. Il devient donc urgent de modifier l’utilisation d’antibiotiques en médecine, c’est-à-dire d’éviter une antibiothérapie mal adaptée, sous-dosée, mal administrée ou prescrite inutilement trop longtemps. Mais il est tout aussi impératif de se mobiliser contre la trop large utilisation des antibiotiques chez les animaux d’élevage. Des bactéries qui s’adaptent Depuis les années 40, les antibiotiques sauvent la vie de patients atteints de maladies infectieuses, telles que méningites, septicémies, endocardites, pneumonies, tuberculose, etc. 30 Professions Santé Infirmier Infirmière - No 37 - mai 2002 Aujourd’hui, l’évolution alarmante des résistances bactériennes incite à prendre des mesures permettant de limiter le mauvais usage d’antibiotiques. On sait depuis longtemps que les bactéries s’adaptent à l’environnement imprégné d’antibiotiques : cela s’appelle la pression de la sélection. Les bactéries ont développé plusieurs stratégies pour échapper à l’antibiotique (production de bêtalactamases, rejet de l’antibiotique vers l’extérieur, diminution de la perméabilité de la paroi bactérienne), cela grâce à des mutations ou à un apport de matériel génétique par des petites capsules d’ADN, lesquelles s’échangent aussi bien entre souches de la même espèce qu’entre espèces différentes. Il est admis que le tube digestif est un lieu propice aux échanges génétiques entre bactéries, parmi lesquelles les entérocoques, qui sont la résistance). Comme le rappelle le Pr P. Courvelin (Pasteur), « on a observé que l’utilisation des antibiotiques en concentrations faibles stimule la sélection des souches résistantes et la dissémination des gènes de résistance de bactérie en bactérie ». Ces bactéries multirésistantes peuvent infecter un malade qui n’a jamais pris d’antibiotiques. Autrement dit, non seulement les personnes qui ont déjà pris trop d’antibiotiques, mais aussi n’importe quelle autre personne peut contracter une infection à germe multirésistant. Selon une récente étude américaine portant sur le Staphylococcus aureus, aucun facteur de risque n’était retrouvé chez les patients portant des souches résistantes (55 % des souches isolées), ni une maladie sous-jacente ni une exposition particulière aux antibiotiques. Certes, il est tentant de se “couvrir” pour éviter le moindre risque, et les médecins en ville craignent souvent la survenue des complications de certains infections. Toutefois, les prescripteurs doivent faire des efforts pour diminuer les prescriptions qui ne sont pas nécessaires. Quant aux patients, ils doivent eux aussi être responsabilisés pour ne pas faire pression sur le médecin, en prenant en compte le fait que des infections présumées virales guérissent spontanément en 5 à 7 jours (sauf chez les personnes ayant un terrain allergique). Une consommation désordonnée Les spécialistes tirent la sonnette d’alarme au sujet de la consommation excessive, l’une des causes d’apparition des résistances bactériennes. « L’augmentation (+ 50 %) des prescriptions a été considérable, en particulier au cours de ces dix dernières années. Sur ce plan, la France se place en tête des pays européens. En ville, environ 80 % des prescriptions sont faites pour des infections respiratoires hautes ou basses (un volume surprenant étant donné que la majorité d’entre elles sont d’origine virale), 15 % pour les infections urogénitales, 5 % concernent le reste des pathologies infectieuses », observe le Pr D. Peyramond (Lyon). En milieu hospitalier, 20 à 50 % des prescriptions ne correspondent pas aux recommandations en antibioprophylaxie chirurgicale. A côté de la surconsommation, l’utilisation inappropriée est sur la sellette, à savoir des prescriptions de doses insuffisantes car trop faibles (ou non correctement prises par le patient) et des traitements inutilement prolongés (permettant à la bactérie de développer le mécanisme de ●●● © Goodshoot responsables d’un grand nombre d’infections nosocomiales et de la quasi-totalité des infections urinaires. Une transmission interhumaine des bactéries résistantes, mais aussi le transfert à l’homme des bactéries de la flore des animaux, notamment à travers la chaîne alimentaire, ont été démontrés par des travaux scientifiques. C’est dire qu’il faut se préoccuper de l’exposition aux antibiotiques de toutes les populations, humaines, animales et végétales ! A l’heure actuelle, les pneumocoques en ville sont résistants dans 50 % des cas (seulement 5 % il y a dix ans) et cette résistance s’étend à plusieurs classes d’antibiotiques (bêtalactamines, macrolides). Haemophilus influenzae est devenu résistant à l’amoxicilline dans 40 % des cas ; Escherichia coli résiste dans 10 à 11 % des cas à l’amoxicilline + acide clavulanique et devient résistant aux fluoroquinolones (3 à 5 %) ; le streptocoque bêtahémolytique du groupe A commence à devenir moins sensible aux macrolides. A l’hôpital, les germes les plus résistants sont les entérobactéries, les pseudomonas et les staphylocoques (20 % des souches résistantes à la méticilline et certaines souches sont résistantes même à la vancomycine). D’où le risque accru d’infections nosocomiales à bactéries multirésistantes et d’hospitalisation prolongées ainsi que d’échecs thérapeutiques en ville, notamment dans l’otite et les pneumonies (il y a 15 ans, les échecs étaient exceptionnels). Professions Santé Infirmier Infirmière - No 37 - mai 2002 31 Hygiène ●●● «Il importe de savoir sélectionner les antibiotiques adaptés à chaque situation en fonction des bactéries “cibles”, de leur niveau de résistance actuel dans l’Hexagone, mais aussi de tenir compte du terrain du patient. Il faut choisir la durée du traitement appropriée à la situation et à l’antibiotique lui-même. Ainsi, dans l’angine aiguë à streptocoque A, le traitement de 10 jours de pénicilline est nécessaire pour éradiquer la bactérie (mais on se heurte à un problème de compliance dès que le patient se porte mieux) ; en revanche, 4 à 5 jours de céphalosporine orale ou 3 jours d’azithromycine suffisent. Lorsque les traitements raccourcis sont possibles, ils ont l’avantage d’améliorer l’observance des patients, précise le Pr H. Portier (Dijon). Prenons un autre exemple, celui de l’otite moyenne de l’enfant de moins de 2 ans, en sachant que la crèche est reconnue comme un lieu d’acquisition et de dissémination des pneumocoques résistants à la pénicilline : en cas d’échec sous amoxicilline + acide clavulanique dû au pneumocoque Antibiotiques dans l’élevage En mettant en avant surtout les prescriptions excessives chez l’homme, certains minimisent l’utilisation massive d’antibiotiques dans l’élevage d’animaux, non seulement à titre thérapeutique mais aussi comme additifs alimentaires promoteurs de croissance. Il semble encore plus difficile, chez l’animal, de modifier ces stratégies visant la rentabilité économique (et parfois la compensation de l’absence d’hygiène et de mauvaises pratiques d’élevage). Les chercheurs scandinaves rappellent que les souches multirésistantes des entérocoques ont été retrouvées dans la volaille, chez les porcs et dans le tube digestif de l’homme, et qu’elles peuvent transmettre leur fragment d’ADN mobile à d’autres germes plus dangereux. Autre exemple, les salmonelles antibiorésistantes ont été détectées chez les animaux de boucherie en Europe, en Asie et en Amérique du Nord. Pour le moment, les avis d’experts sur l’appréciation du risque restent partagés. Une récente conférence de l’Office international des épizooties (OIE) a tout de même incité à la prudence dans l’utilisation des médicaments vétérinaires et à la surveillance des quantités d’antibiotiques utilisés en élevage. A noter que plusieurs molécules autorisées comme additifs ont été déjà supprimées : l’avoparcine (qui peut sélectionner des entérocoques résistants aux glycopeptides), l’arcacine, la bacitracine, la spiramycine, la tylosine et la virginiamycine. L.C. 32 Professions Santé Infirmier Infirmière - No 37 - mai 2002 résistant, la ceftriaxone demeure le traitement le plus adapté ». En ce qui concerne l’angine, grâce à l’arrivée des tests de diagnostic rapide (TDR), il est désormais plus facile de différencier une angine virale d’une angine à streptocoque A, laquelle nécessite une antibiothérapie du fait du risque de RAA (rhumatisme articulaire aigu), de complications locorégionales (phlegmon), voire de portage chronique. Les TDR, d’un coût modeste, permettent de décider en quelques minutes de l’opportunité de l’antibiothérapie ; ils ne sont fiables qu’à 97 %, mais le consensus d’experts, en 1996, a conclu qu’en cas de TDR négatif, il n’est pas nécessaire de faire un prélèvement de gorge chez les patients à risque. Les strepto-tets que l’on attend depuis plusieurs années vont enfin être disponibles en septembre 2002. Comme l’a montré une évaluation en Bourgogne, ils devraient entraîner une diminution d’au moins 50 % chez l’enfant (et plus encore chez l’adulte) du nombre de prescriptions d’antibiotiques. Si quelques nouveaux antibiotiques sont en cours de recherches ou d’évaluation comme les kétolides (dérivés de l’érythromycine) ou le linezolid (famille originale des oxazolidinones), la crainte que le développement de la résistance bactérienne soit plus rapide que la mise au point de nouveaux antibiotiques demeure. Ludmila Couturier D’après les communications effectuées lors du Medec 2002 et du 9e Colloque sur le contrôle épidémiologique des maladies infectieuses à l’Institut Pasteur Un plan quinquennal En novembre 2001, Bernard Kouchner a annoncé le plan quinquennal 2001-2005 destiné à préserver l’efficacité des antibiotiques et une marge thérapeutique dans la pathologie infectieuse. Ce dernier repose sur la campagne d’information auprès des professionnels de santé et des patients, sur la création dans chaque établissement d’un comité des antibiotiques et sur la désignation d’un médecin référent en antibiothérapie, l’introduction d’un module dans les études médicales, sur la création d’un réseau sentinelle de 70 laboratoires d’analyses médicales qui devront suivre l’évolution des résistances aux antibiotiques, et, bien entendu, sur la généralisation de l’utilisation des strepto-tests. L.C.