Published in: Correspondances en Nerf & Muscle (2005), Numéro spécial, pp. 20-23.
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D
ISCUSSION
Pour rappel, il s'agit de l'installation brutale, chez un homme de 31 ans, d'une atteinte nerveuse périphérique du
membre supérieur gauche commençant par des douleurs intenses suivies d'un déficit moteur avec amyotrophie,
de systématisation incertaine. Le bilan biologique est négatif. Le LCR est normal. Il n'y a aucun élément en
faveur d'une compression nerveuse, rachidienne ou plexique. L'EMG est en faveur d'une atteinte axonale de
composants nerveux du plexus brachial. Enfin, l'évolution a été spontanément favorable.
Une telle lésion peut résulter soit d'une atteinte tronculaire (au moins deux troncs), soit d'une atteinte plexique.
Une atteinte radiculaire paraît devoir être écartée au vu de l'altération du potentiel sensitif du radial gauche (par
rapport au côté droit) et de l'absence de lésion radiculaire sur les examens par imagerie, et au vu de l'absence
d'anomalie du LCR.
L'atteinte tronculaire doit résulter de lésions partielles de deux nerfs : du nerf médian, atteinte limitée aux
muscles épicondyliens internes avec respect des muscles thénariens et du territoire du nerf interosseux antérieur ;
de la branche sensitive du nerf radial.
L'hypothèse d'une lésion plexique est peu envisageable, car une telle atteinte (médian partiel + radial sensitif) ne
peut être réalisée par aucune lésion plexique.
L'innervation des muscles épicondyliens internes par le nerf médian est sujette à des variations anatomiques.
L'existence d'un tronc commun pour les muscles rond pronateur, fléchisseurs du poignet (palmaires) et
fléchisseurs superficiels des doigts est retrouvée dans 6 % des cas (1). Ainsi, on peut raisonnablement attribuer
les troubles neurologiques à une atteinte double, médian moteur par l'atteinte du tronc commun épicondylien et
par une atteinte isolée de la branche sensitive du nerf radial. Une telle lésion pourrait être due à une multinévrite.
On peut éliminer une origine systémique sur l'absence d'autres signes d'atteinte systémique et sur l'évolution
spontanément favorable. Enfin, toute cause compressive a également pu être écartée. La cause la plus probable
reste alors celle d'une forme atypique distale de syndrome de Parsonage et Turner.
Le syndrome de Parsonage et Turner tire son nom des deux médecins qui ont décrit cette entité en 1948 (2).
Dans la forme commune, le déficit moteur et l'amyotrophie touchent les muscles de la ceinture scapulaire :
deltoïde, sus- et sous-épineux, grand dentelé, plus rarement les muscles du bras. Une atteinte distale n'est pas
rare, faisant suite à des douleurs localisées à l'épaule ou au bras. Dès les premières séries rapportées, l'atteinte du
nerf interosseux antérieur (NIA) avait été signalée (2). L'atteinte isolée du NIA a pu être rattachée à un syndrome
de Parsonage et Turner dans 24 cas sur 33 dans la série de Seror (3). D'autres atteintes isolées ont été rapportées :
nerf interosseux postérieur, nerf ulnaire, nerf musculo-cutané (4), nerf phrénique, nerfs sensitifs (5) ou, plus
rarement, nerfs crâniens. L'atteinte des muscles épicondyliens internes, notamment le nerf du rond pronateur, a
été rapportée par England et Sumner (6). On observe fréquemment l'association d'atteintes partielles de plusieurs
troncs nerveux sur un même membre (6, 7). Cette distribution multi-névritique de l'atteinte évoque un
mécanisme dysimmun, ce qui paraît conforté par la sensibilisation des lymphocytes sanguins aux nerfs du plexus
brachial chez des patients souffrant de syndrome de Parsonage et Turner (8).
R
ÉFÉRENCES
1. Chantelot C, Feugas C, Guillem P et al. Innervation of the medial epicondylar muscles: an anatomic study in 50 cases. Surg Radial Anat
1999;21:165-8.
2. Parsonage MJ, Turner JWA. Neuralgic amyotrophy: the shoulder-girdle syndrome. Lancet 1948;i:973-8.
3. Seror P. Anterior interosseous nerve lesions revisited in 2004. Rev Med Liège 2004;59(Suppl. l):58-66.
4. Watson BV, Rose-Innes A, Engstrom JW et al. Isolated brachialis wasting: an unusual presentation of neuralgic amyotrophy Muscle
Nerve 2001;24:1699-702.
5. Seror P. Isolated sensory manifestations in neuralgic amyotrophy: report of eight cases. Muscle Nerve 2004;29: 134-8.
6. England JD, Sumner AJ. Neuralgic amyotrophy: an increasingly diverse entity. Muscle Nerve 1987;10:60-8.
7. Cruz-Martinez A, Barrio M, Arpa J. Neuralgic amyotrophy: variable expression in 40 patients. J Peripher Nerv Syst 2002;7:198-204.
8. Sierra A, Prat J, Bas J et al. Blood lymphocytes are sensitized to brachial plexus nerves in patients with neuralgic amyotrophy. Acta
Neurol Scand 1991;83:183-6.