Published in: Correspondances en Nerf & Muscle (2005), Numéro spécial,... Status: Postprint (Author’s version)

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Published in: Correspondances en Nerf & Muscle (2005), Numéro spécial, pp. 20-23.
Status: Postprint (Author’s version)
Observation n° 5 (cas particulier de Parsonage & Turner)
F. Wang*, J.F. Kaux*, D. Dive**
* Service de médecine physique, Sart Tilman B35, CHU de Liège.
** Service de neurologie, Sart Tilman B3. CHU de Liège.
Il s'agit d'un homme de 31 ans, brancardier au CHU de Liège, sans antécédent notable en dehors d'une
pharyngite en janvier 1997, résolutive en 4 jours sans traitement.
Il est admis au CHU de Liège le 9 février 1997 pour l'installation brutale quelques jours auparavant, sans notion
d'effort ou de facteur déclenchant, d'une douleur intense, rapidement insomniante, à la face antérieure et externe
du bras gauche. Le membre supérieur est porté en écharpe, car sa mobilisation exacerbe la douleur.
Celle-ci irradie à l'avant-bras jusqu'au deuxième espace interosseux. Le patient rapporte également une douleur
du dos de la main gauche. On observe une diminution de la sensibilité algique dans le territoire C5-C6 gauche et
une limitation douloureuse de la rotation cervicale vers la gauche. Le scanner cervical est normal.
Le patient est orienté vers le service de neurochirurgie, où il est hospitalisé jusqu'au 19 février, soit pendant 10
jours.
Il n'existe ni déficit moteur ni amyotrophie. On note un discret déficit sensitif dans le territoire C6 gauche. Il n'y
a pas de fasciculation. Les réflexes tendineux sont présents, normaux et symétriques.
Au cours de ce séjour, le patient a bénéficié des explorations suivantes:
■ Bilan biologique standard : normal.
■ Radiographie et échographie de l'épaule et du bras gauche : normales.
■ Ponction lombaire : normale.
■ IRM cervicale : discrète protrusion disco-ostéophytique postéro-médiane C4/C5 sans conflit disco-radiculaire
ni compression médullaire.
■ Examen électromyographique (tableau I).
Tableau I. Examen de février 1997.
CONDUCTION MOTRICE
Nerfs
Latence distale (ms)
Amplitude (mV)
VCM (m/s)
Latence d'ondes F
(ms)
3.5
6,6
61
23,8
3.2
6,6
57
22,8
Médian droit
- avant-bras
Médian gauche
- avant-bras
CONDUCTION SENSITIVE
Nerfs
Médian droit
- paume/poignet
- pouce/poignet
Médian gauche
- paume/poignet
- pouce/poignet
Radial droit
- avant-bras/main
Radial gauche
- avant-bras/main
Musculo-cutané droit
- coude/avant-bras
Musculo-cutané gauche
- coude/avant-bras
Amplitude (µV)
Latence (ms)
VCS (m/s)
30
28
1.7
62
-
34
26
1,6
67
-
46
-
75
40
-
71
12
-
60
14
-
61
Examen électromyographique normal dans les muscles suivants : extensor carpi radialis brevis (radial et C6/C7), extensor digitorum
communis (radial et C7/C8), triceps (radial et C7/D1), biceps (musculo-cutané et C5/C6) et abductorpollicis brevis (médian et C8/D1).
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DISCUSSION
À ce stade, le diagnostic le plus probable est celui d'une névralgie cervicobrachiale gauche pure. Il n'y a en effet
aucun déficit moteur, mais une douleur de type névralgique dans un territoire radiculaire. À noter, la
conservation du réflexe tendineux C6 (stylo-radial). L'examen électromyographique (EMG) ne remet pas en
cause ce diagnostic. Il peut être considéré comme normal. Les potentiels sensitifs, notamment, sont normaux.
Ceux du nerf musculo-cutané et du radial sont normaux, explorant le territoire radiculaire C6. Il n'y a pas
d'atteinte neurogène périphérique en exploration à l'aiguille électrode dans les territoires radiculaires C6.
On écarte une atteinte radiculaire par méningo-radiculite sur la normalité du LCR. La discrétion des lésions
cervicales n'élimine pas une pathologie radiculaire cervicale.
TRAITEMENT ET EVOLUTION
Le patient quitte le service de neurochirurgie sans diagnostic bien précis, avec un traitement d'antalgique et
d'anti-inflammatoires non stéroïdiens ainsi que des séances de kinésithérapie. Les douleurs ont progressivement
disparu après 6 semaines d'évolution. Mais un mois après le début des plaintes apparaît une gêne motrice du
membre supérieur gauche, concernant notamment les mouvements de vissage.
Le patient est alors vu en consultation de neurologie, le 10 mai 1997.
On constate une amyotrophie de la région antéro-supéro-interne de l'avant-bras gauche, un déficit moteur de la
flexion du poignet et de la pronation de l'avant-bras gauche, une hypoesthésie à la piqûre prédominant nettement
dans le territoire du nerf radial gauche, une diminution des réflexes cubito-pronateur et stylo-radial gauches. Le
reste de l'examen est normal.
EXAMEN ELECTROMYOGRAPHIQUE
Mai 1997 (tableau II).
Tableau II. Examen de mai 1997.
CONDUCTION MOTRICE
Nerfs
Médian gauche
- avant-bras
Médian droit
- coude/carré pronateur
Médian gauche
- coude/carré pronateur
CONDUCTION SENSITIVE
Nerfs
Médian gauche
- paume/poignet
- pouce/poignet
Radial droit
- avant-bras/main
Radial gauche
- avant-bras/main
Musculo-cutané gauche
- coude/avant-bras
Latence distale (ms)
Amplitude
(mV)
VCM
(m/s)
Latence
d'ondes F (ms)
3
8
58
23.3
3.2
3.5
-
-
3.2
3
-
-
Amplitude (µV)
Latence (ms)
VCS (m/s)
67
22
48
1,6
-
73
26
-
71
15
-
56
75
Examen électromyographique. À gauche, examen normal dans les muscles suivants : extensor carpi radialis brevis (radial et C6/C7), biceps
(musculo-cutané et C5/C6), abductorpollicis brevis (médian et C8/D1), pronator quadratus (médian et C7/D1). En revanche, dans les
muscles suivants, les tracés d'effort sont très appauvris, de type neurogène, avec une abondante fibrillation au repos : pronator teres (médian
et C6/C7), flexor carpi radialis (médian et C6-C8) et flexor digitorum sublimis (médian et C7/D1).
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POTENTIELS EVOQUES SOMESTHESIQUES
Mai 1997 (figure 1).
Figure 1. Potentiels évoqués somesthésiques du nerf radial
AUTRES EXAMENS COMPLEMENTAIRES
■ Radiographies et échographies de l'avant-bras : épaississement du tendon du muscle flexor carpi radialis et
atrophie des muscles de la loge antérieure de l'avant-bras.
■ IRM du coude, de la portion proximale de l'avant-bras et du plexus brachial : normale en dehors d'un aspect de
dénervation des muscles épicondyliens internes (figure 2).
Figure 2. IRM des muscles épicondyliens internes.
■ Écho-Doppler axillo/sous-clavier : très discret signe de compression de l'artère sous-clavière gauche à hauteur
du défilé costo-claviculaire lors des manœuvres de Wright et d'Adson.
■ Radiographies de l'épaule et du thorax : normales.
■ Bilan immunologique, notamment anticorps antiganglioside, antimyéline, cryoglobulines, anticorps
antinucléaires : normaux.
■ Sérologies : les sérologies virales ont montré une positivité IgG à l'EBV et au Parvovirus B19. Les autres
sérodiagnostics sont négatifs (Lyme en particulier).
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DISCUSSION
Pour rappel, il s'agit de l'installation brutale, chez un homme de 31 ans, d'une atteinte nerveuse périphérique du
membre supérieur gauche commençant par des douleurs intenses suivies d'un déficit moteur avec amyotrophie,
de systématisation incertaine. Le bilan biologique est négatif. Le LCR est normal. Il n'y a aucun élément en
faveur d'une compression nerveuse, rachidienne ou plexique. L'EMG est en faveur d'une atteinte axonale de
composants nerveux du plexus brachial. Enfin, l'évolution a été spontanément favorable.
Une telle lésion peut résulter soit d'une atteinte tronculaire (au moins deux troncs), soit d'une atteinte plexique.
Une atteinte radiculaire paraît devoir être écartée au vu de l'altération du potentiel sensitif du radial gauche (par
rapport au côté droit) et de l'absence de lésion radiculaire sur les examens par imagerie, et au vu de l'absence
d'anomalie du LCR.
L'atteinte tronculaire doit résulter de lésions partielles de deux nerfs : du nerf médian, atteinte limitée aux
muscles épicondyliens internes avec respect des muscles thénariens et du territoire du nerf interosseux antérieur ;
de la branche sensitive du nerf radial.
L'hypothèse d'une lésion plexique est peu envisageable, car une telle atteinte (médian partiel + radial sensitif) ne
peut être réalisée par aucune lésion plexique.
L'innervation des muscles épicondyliens internes par le nerf médian est sujette à des variations anatomiques.
L'existence d'un tronc commun pour les muscles rond pronateur, fléchisseurs du poignet (palmaires) et
fléchisseurs superficiels des doigts est retrouvée dans 6 % des cas (1). Ainsi, on peut raisonnablement attribuer
les troubles neurologiques à une atteinte double, médian moteur par l'atteinte du tronc commun épicondylien et
par une atteinte isolée de la branche sensitive du nerf radial. Une telle lésion pourrait être due à une multinévrite.
On peut éliminer une origine systémique sur l'absence d'autres signes d'atteinte systémique et sur l'évolution
spontanément favorable. Enfin, toute cause compressive a également pu être écartée. La cause la plus probable
reste alors celle d'une forme atypique distale de syndrome de Parsonage et Turner.
Le syndrome de Parsonage et Turner tire son nom des deux médecins qui ont décrit cette entité en 1948 (2).
Dans la forme commune, le déficit moteur et l'amyotrophie touchent les muscles de la ceinture scapulaire :
deltoïde, sus- et sous-épineux, grand dentelé, plus rarement les muscles du bras. Une atteinte distale n'est pas
rare, faisant suite à des douleurs localisées à l'épaule ou au bras. Dès les premières séries rapportées, l'atteinte du
nerf interosseux antérieur (NIA) avait été signalée (2). L'atteinte isolée du NIA a pu être rattachée à un syndrome
de Parsonage et Turner dans 24 cas sur 33 dans la série de Seror (3). D'autres atteintes isolées ont été rapportées :
nerf interosseux postérieur, nerf ulnaire, nerf musculo-cutané (4), nerf phrénique, nerfs sensitifs (5) ou, plus
rarement, nerfs crâniens. L'atteinte des muscles épicondyliens internes, notamment le nerf du rond pronateur, a
été rapportée par England et Sumner (6). On observe fréquemment l'association d'atteintes partielles de plusieurs
troncs nerveux sur un même membre (6, 7). Cette distribution multi-névritique de l'atteinte évoque un
mécanisme dysimmun, ce qui paraît conforté par la sensibilisation des lymphocytes sanguins aux nerfs du plexus
brachial chez des patients souffrant de syndrome de Parsonage et Turner (8).
RÉFÉRENCES
1. Chantelot C, Feugas C, Guillem P et al. Innervation of the medial epicondylar muscles: an anatomic study in 50 cases. Surg Radial Anat
1999;21:165-8.
2. Parsonage MJ, Turner JWA. Neuralgic amyotrophy: the shoulder-girdle syndrome. Lancet 1948;i:973-8.
3. Seror P. Anterior interosseous nerve lesions revisited in 2004. Rev Med Liège 2004;59(Suppl. l):58-66.
4. Watson BV, Rose-Innes A, Engstrom JW et al. Isolated brachialis wasting: an unusual presentation of neuralgic amyotrophy Muscle
Nerve 2001;24:1699-702.
5. Seror P. Isolated sensory manifestations in neuralgic amyotrophy: report of eight cases. Muscle Nerve 2004;29: 134-8.
6. England JD, Sumner AJ. Neuralgic amyotrophy: an increasingly diverse entity. Muscle Nerve 1987;10:60-8.
7. Cruz-Martinez A, Barrio M, Arpa J. Neuralgic amyotrophy: variable expression in 40 patients. J Peripher Nerv Syst 2002;7:198-204.
8. Sierra A, Prat J, Bas J et al. Blood lymphocytes are sensitized to brachial plexus nerves in patients with neuralgic amyotrophy. Acta
Neurol Scand 1991;83:183-6.
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