MISE AU POINT
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La Lettre du Cancérologue - Volume XIII - n° 5 - septembre-octobre 2004
Problèmes liés à l’utilisation des AANS
Les effets indésirables potentiels varient en fonction du type
d’AANS (30). Le flutamide est associé à des diarrhées et à une hépa-
totoxicité. Des troubles visuels et une intolérance à l’alcool ont été
rapportés après une prise de nilutamide. Le bicalutamide à la dose
de 50 mg/j est, dans l’ensemble, mieux toléré. Dans l’étude de
Schellhammer et al. (10), l’incidence de la diarrhée était significa-
tivement plus faible avec le bicalutamide qu’avec le flutamide (12 %
versus 26 % ; p < 0,001). Dans cette étude, l’hématurie était le seul
effet indésirable noté plus fréquemment dans le bras bicalutamide
(12 % versus 6 %). Cette hématurie était dans la grande majorité
des cas peu importante, ne justifiant pas l’arrêt du traitement. Dans
l’ensemble, les patients ayant dû arrêter les AANS étaient plus
nombreux dans le bras flutamide (16 % versus 10 % dans le bras
bicalutamide). Il faut cependant noter que la gynécomastie et les
douleurs mammaires n’ont pas été relevées dans cette étude.
La prise unique de bicalutamide favorise probablement la com-
pliance à ce traitement au long cours (trois prises par jour pour le
flutamide et le nilutamide).
Le surcoût du BAC doit également être pris en compte. Le béné-
fice de ce traitement quant à la survie n’apparaît qu’à partir de la
deuxième année. Mis en balance avec d’autres interventions onco-
logiques dans des situations comparables, ce coût reste toutefois
acceptable (31). Comme trop souvent, une étude médico-écono-
mique n’a pas été faite en France. Le coût-efficacité serait bien
entendu amélioré si des études futures arrivaient à cerner un sous-
groupe de patients qui bénéficieraient plus particulièrement du BAC.
Quel avenir pour le BAC utilisant les AANS ?
Il est vraisemblable qu’une partie de la population pourrait béné-
ficier de façon plus significative du BAC. Une des études de réfé-
rence sur ce sujet est celle de Crawford et al. (11). Cette étude
randomisée en double aveugle a porté sur 603 hommes porteurs
d’un cancer de la prostate métastatique et répartis en deux
groupes : un groupe BAC (n = 303) et un groupe analogue de la
LH-RH + placebo. L'étude des sous-groupes a montré que l'amé-
lioration était plus marquée chez les sujets en bon état général
avec une maladie moins évoluée.
Cette étude suggère par exemple que les sujets ayant une charge
tumorale métastatique minime auraient un bénéfice supérieur. La
caractérisation de ces cancers prostatiques évolués bénéficiant au mieux
du BAC devrait être l’objet d’études futures : caractéristiques démo-
graphiques, cinétique du PSA préthérapeutique, marqueurs molécu-
laires sont des exemples de critères utilisables, familiers aux urologues.
Par ailleurs, le meilleur moment pour l’introduction des AANS
n’a pas été étudié de façon prospective, comparative : vaut-il
mieux instaurer d’emblée un BAC ou attendre la progression
sous suppression androgénique en monothérapie ?
CONCLUSION
Le BAC utilisant les AANS peut être envisagé dans le cadre d’un
cancer métastatique de la prostate dans plusieurs circonstances :
✓Temporairement, lors de l’initiation d’une suppression andro-
génique, pour éviter les complications potentielles en rapport
avec le phénomène du flare-up.
✓Au moment de la progression de la maladie sous suppression
androgénique en monothérapie. Jusqu’à 50 % des patients pré-
sentent une diminution de plus de 50 % du PSA pendant une durée
médiane de 4 mois. L’impact sur la survie n’est pas connu.
✓D’emblée dans le cadre d’un BAC. Les études randomisées
ont montré un bénéfice sur la survie qui n’était cependant pas tou-
jours significatif. La méta-analyse du PCTCG, qui reste la réfé-
rence actuellement, montre un bénéfice significatif, bien que
modeste, dans le groupe traité par analogues de la LH-RH asso-
ciés aux AANS par rapport aux groupes traités par analogues de
la LH-RH en monothérapie.
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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Tableau I. Introduction secondaire du bicalutamide chez des patients ayant un cancer de la prostate hormonodépendant.
Nombre de patients avec diminution PSA > 50 %
Réponse préalable
Auteur Nombre Dose/24 h Flutamide préalable au retrait du flutamide Réponse (médiane)
de patients (mg) Oui Non Oui Non
Joyce (28) 31 150 6/14 1/17 2/6 4/6 4 mois
(43 %) (6 %)
Scher (27) 39 200 10/26 2/13 5/10 5/10 3,5 mois
(38 %) (15 %)