suivante : c’est la seule méthode scientifique possible ; d’abord l’homme, sa façon de se
repérer sur la terre, ses besoins vitaux, ses discours, des inventions, et ses gestes. ; ensuite,
l’objet de ces besoins, discours, inventions et gestes. Si cette méthode n’est pas suivie, le
propos sera directement et essentiellement théologique, et donc fautif autant que
malhonnête. :2
Dans ce domaine religieux, les précautions légitimes à l’égard des sources musulmanes
doivent redoubler. La vénération de la déesse Méfiance doit être la règle. :
3 La religion traditionnelle n’a sans doute produit aucun document écrit, si ce n’est dans les
inscriptions, pour les aspects extérieurs du culte.
L’enquête doit alors porter sur des textes étrangers ou, pire encore, sur des textes
musulmans, qui portent un regard dénonciateur et calomnieux sur le système précédent.
4
3
Préjugés centenaires
Mais les préjugés ont la vie dure: jusqu’au XXème siècle, les chercheurs chrétiens, spiritualistes
et islamophiles ont jeté un regard condescendant devant ce qu’ils considéraient comme des
mentalités dépravées des rituels simplets, des idoles répugnantes, des conceptions primitives
dans un système au bord de l’effondrement. Le meilleur exemple est celui du révérend
écossais Watt, héritier de la culture coloniale britannique, ou bien l’orientaliste catholique
belge H. Lammens : le premier par islamophilie mal comprimée, le second par
islamophobie affichée5. De ce point de vue, la révolution musulmane 6 apparaît alors en
!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
2 Sur le phénomène religieux engénéral, et pour observer un point de vue tout à fait vicié sur le
“paganisme”, cf. P. Poupard (haut dignitaire de l'église catholique), Les Religions, Paris, 1994.
3 Cf. T. Fahd, Le Panthéon de l’Arabie Centrale à la veille de l’Hégire, Paris, 1968 (et son long article
Jahiliyya dans l’Encyclopédie de l’Islam ; G. Ryckmans, Les religions arabes préislamiques, Louvain,
1951 ; J. Wellhausen, Reste arabischen Heidentums, Berlin, 1927 ; J. Henninger, « Pre Islamic Bedouin
Religion », in F. Gabrieli, L’Antica Societa Beduina, Rome, 1959 ; A. Jamme, « Le panthéon sud-
arabique », Le Muséon 1947 ; A.F. L. Beeston, « The religions of pre-islamic Yemen », in Chelhod
1984, p. 259-69. Le premier à avoir étudier ce sujet est l’Anglais R. Pococke, Specimen Historiae
Arabum, Oxford 1649 suivi de G. Bergmann, De Religione Arabum anteislamica dissertatio historico-
theologica, Strasbourg 1834, puis E. Osiander, « Studien über die vorislamischen Araber », Zeitung d.
Deutsch. Morgenland. Gesellschaft 7/1853; Tilman Seidensticker, “Die Quellen zur vorislamischen
Religionsgeschichte”, Asiatische Studien 57/2003; M.Höfner, "Die vorislamischen Religionen
Arabiens." in Religionen Altsyriens, Altarabiens und der Mander, Stuttgart 1970; J. Retsö, The Arabs, p.
600: “The Arabs and their religion”; M.J. Roche, "Religions préislamiques d'Arabie", Annuaire de
l'EPHE (Section des Sciences religieuses) 115/2008.
4 CF. M.Watt, « Pre-islamic Religion in the Quran », Islamic Studies 15, 1976 ; I. Goldziher,
"Glanures païennes dans l'islam, Revue d'Histoire des religions 24/1891. "
5 Cf. « L’ecclésiastique épiscopalien Ecossais »(la formule est de M. Rodinson) W.M. Watt, auteur du
Mahomet à la Mecque, Paris, 1958, p. 47 : « Décadence de la religion archaïque ».
6 Dussaud 1955, p. 158 : « Nous sommes donc amenés à jeter un coup d’oeil sur la radicale
transformation qui s’est opérée au coeur du monde arabe pour aboutir à l’oeuvre politico-religieuse
que fut l’islam »."