Les orthèses de la main rhumatoïde (en dehors de la chirurgie) M

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Les orthèses de la main rhumatoïde
(en dehors de la chirurgie)
" M. Baba Aissa, A. Mardini, F. Lambert*
Points
f orts
# Les orthèses de la main font partie des
moyens thérapeutiques dans la polyarthrite
rhumatoïde, en contraignant ou en fixant les
articulations dans un but antalgique ou pour
prévenir ou corriger des déformations.
# Plusieurs types d’orthèses peuvent être pres-
crits selon les indications posées : orthèses de
repos ou orthèses correctrices ou de fonction.
# Leur confection doit respecter la prescription
médicale en s’adaptant à la morphologie de
chaque patient.
# Leur efficacité dépend de l’observance du
patient, pour lequel une information et une
éducation sont indispensables.
Mots-clés : Orthèses - Polyarthrite rhumatoïde Main rhumatoïde.
L
a polyarthrite rhumatoïde (PR) est une maladie systémique évolutive à prédominance articulaire dont la prise
en charge impose une stratégie thérapeutique multidisciplinaire. Parmi les articulations les plus touchées, le poignet
et la main présentent des déformations particulièrement fréquentes et invalidantes du fait de leurs conséquences fonctionnelles. Les orthèses sont des appareillages orthopédiques
destinés à immobiliser, soutenir ou protéger les parties auxquelles ils sont directement fixés. Elles font partie de l’arsenal thérapeutique mis à disposition du rhumatologue dans la
polyarthrite rhumatoïde.
* Centre de rééducation J.-Ficheux, 02410 Saint-Gobain.
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En fonction des indications, des orthèses de différents types
sont utilisées selon des règles de prescription précises. Leur
réalisation doit être rigoureuse, de même que leur observance
et leur surveillance.
ACTIONS MÉCANIQUES ET OBJECTIFS THÉRAPEUTIQUES (1)
Les mécanismes d’action des orthèses prescrites dans la PR
dépendent de l’objectif fixé par le médecin. Les orthèses peuvent, selon leurs caractéristiques techniques et la qualité de
leur réalisation :
! Assurer un rôle de stabilisation, c’est-à-dire fixer une articulation dans une position donnée. Les objectifs sont alors la
prévention des déformations articulaires, l’assistance de fonctions déficientes, la lutte contre la douleur ou la régression
d’une inflammation.
! Assurer un rôle de posture, en maintenant, voire en contraignant une articulation dans une position déterminée. Les objectifs recherchés sont alors la prévention de l’aggravation ou la
correction d’une déformation, ou encore la récupération d’un
déficit d’amplitude articulaire.
! Assurer une limitation d’amplitude en fixant une angulation d’amplitude articulaire déterminée. Moins employées en
rhumatologie, elles sont essentiellement indiquées en période
postopératoire.
TYPES D’ORTHÈSES ET INDICATIONS
Il existe plusieurs types d’orthèses dans la main rhumatoïde
selon le but recherché, l’importance et le siège des déformations. Ces orthèses de main sont utilisées dans un but préventif, curatif (si les déformations sont réductibles) ou palliatif.
On retrouve : les orthèses de repos, les orthèses correctrices
et de fonction.
Orthèses de repos
Il s’agit d’orthèses statiques non déformables qui stabilisent
les articulations, et évitent ainsi l’enraidissement en mauvaise
position. Elles ont en outre un effet antalgique.
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Orthèse préventive globale (2, 3, 1, 4) (photos 1 et 2)
C’est l’orthèse de base de la main rhumatoïde. Il s’agit d’une
orthèse anti-brachio-digitale palmaire qui s’étend de la moitié inférieure de l’avant-bras jusqu’à l’extrémité distale des
doigts, le poignet en extension (20° environ), les métacarpophalangiennes (MCP) en légère flexion, les interphalangiennes
proximales (IPP) en flexion de 40° environ. Le pouce est maintenu en opposition et abduction, la première MCP fléchie à
20° afin d’éviter la rétraction de la première commissure. Un
rebord latéral, sur lequel s’appuie la face interne du cinquième
doigt, prévient le coup de vent cubital.
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! Un début de déformation en boutonnière nécessite la flexion
à 90° des MCP, afin de faciliter la réductibilité passive de la
lésion en évitant la mise en tension des tendons fléchisseurs.
L’orthèse préventive globale est indiquée en cas de poussée
inflammatoire et douloureuse, en cas de déformations à leur
stade de début, quand elles sont encore réductibles, afin de
prévenir leur aggravation.
Orthèses partielles (3)
Elles sont plus rarement utilisées pour la main rhumatoïde,
souvent siège d’une atteinte polyarticulaire.
! L’orthèse de la première colonne digitale maintient le pouce
en position de fonction (MCP en abduction et légère flexion,
IP en extension). Elle est indiquée dans l’atteinte élective du
pouce quand apparaît une déformation en adduction ou en Z
évolutive et douloureuse (photo 3).
2
Photo 3. Orthèse de la première colonne digitale.
Photos 1 et 2. Orthèse préventive globale.
Des ajustements sont nécessaires en fonction des lésions observées (5, 3) :
! Un début de déformation en coup de vent cubital nécessite
un positionnement le plus axé possible du poignet et des doigts.
Ces derniers sont placés en extension maximale afin de diminuer les conséquences des rétractions musculaires.
! En présence d’une ténosynovite des fléchisseurs au poignet
ou à la main, il est nécessaire de fléchir le poignet de quelques
degrés et de positionner les doigts en extension afin d’éviter
toute rétraction tendineuse.
! Un début de déformation en col de cygne impose la mise
en extension des MCP, de façon à limiter la subluxation palmaire de la base de la première phalange.
! Le collier métacarpien immobilise les MCP en légère
flexion en laissant le poignet libre. Cette orthèse est indiquée
dans la prévention du coup de vent cubital des doigts.
! Les orthèses digitales mono-articulaires :
" Les orthèses immobilisant les IPP (par exemple l’orthèse statique de Boyes) risquent d’induire une hyperextension des
MCP. Elles sont indiquées principalement, et avec prudence,
dans la déformation en boutonnière.
" Les orthèses immobilisant les IPD sont utilisées dans la
déformation en maillet. Deux orthèses sont facilement réalisables : l’orthèse statique thermoplastique de Stack (photo 4),
Photo 4. Orthèse statique thermoplastique de Stack.
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conçue comme un manchon immobilisant l’IPD, et l’attelle
d’Elliot (photo 5), appliquée à leur face dorsale de P2 à P3,
qui exerce la même fonction.
poignet et l’ensemble des métacarpiens (en laissant libres les
MCP), apporte un bon confort au patient au détriment de
l’action correctrice.
Plus efficace pour la correction des déformations, l’orthèse
rigide (photo 6) est proche anatomiquement de l’orthèse
souple. Constituée en matériau rigide, elle enveloppe la partie distale de l’avant-bras, le poignet et l’ensemble des métacarpiens, laissant libre les MCP. La correction à apporter lors
du moulage doit être précise ; il est souvent nécessaire de réaliser le moulage en traction axiale. La pose et la dépose sont
possibles grâce à une découpe le long du bord cubital de l’orthèse. Idéalement, l’articulation trapézo-métacarpienne est
laissée libre afin que la main reste le plus fonctionnelle possible, mais selon la clinique, il est parfois nécessaire de la bloquer par l’orthèse.
5
6
5bis
Photos 5 et 5 bis. Attelle d’Elliot (face et profil).
Orthèses correctrices et de fonction
L’évolution de la PR conduit souvent à une aggravation des
déformations articulaires de la main et du poignet et impose la
réalisation d’orthèses correctrices. Elles ont pour objectifs la
prévention et la correction d’une déformation articulaire. Ces
orthèses peuvent également avoir un rôle de protection au cours
des activités de la vie quotidienne, qui soumettent les articulations fragilisées à des contraintes multiples et répétées.
On distingue les orthèses monoarticulaires, qui assurent la correction d’une articulation, des orthèses polyarticulaires, qui
assurent la correction de plusieurs articulations différentes.
Orthèses monoarticulaires
Pour le poignet (3, 1, 6) la prescription de différents types
d’orthèses fonctionnelles est possible.
L’utilisation d’une orthèse souple, constituée d’un manchon
en néoprène englobant la partie distale de l’avant-bras, le
18
6bis
Photos 6 et 6 bis. Orthèse rigide (profil et 3/4).
Prescrite dans le respect de ses indications, l’orthèse articulée
offre un bon compromis entre correction et fonctionnalité. Elle
est constituée de trois parties : la pièce proximale en matériau
rigide qui entoure la partie distale de l’avant-bras, la pièce distale circulaire autour des métacarpiens et la pièce intermédiaire métallique articulée reliant les deux précédentes. Grâce
à son axe, les mouvements de flexion-extension du poignet
sont possibles, majorant les possibilités fonctionnelles de la
main. Les déformations sont corrigées au cours de la fabrication de l’orthèse, mais des modifications ultérieures sont
possibles par torsion des barres métalliques constituant la pièce
intermédiaire.
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Les orthèses du poignet sont indiquées en cas de désaxation
du carpe (déviation radiale ou cubitale, subluxation antérieure)
à un stade débutant pour l’orthèse souple, qui dispose d’une
efficacité antalgique et de stabilisation, mais qui n’assure qu’un
faible rôle de réaxation, à un stade plus avancé pour les orthèses
rigides ou articulées. Bien sûr, en cas de déformations articulaires associées, des orthèses polyarticulaires seront préférables.
Pour les interphalangiennes proximales (IPP), les déformations les plus fréquentes sont le col-de-cygne et la boutonnière ; réductibles à un stade initial, elles ont tendance à se
fixer au cours de l’évolution de la maladie et à être mal tolérées par le patient.
! Les orthèses anti-col-de-cygne ont pour objectif d’éviter
l’hyperextension des IPP lors de l’ouverture des doigts sans
gêner la fermeture de la main.
" L’orthèse statique en 8 maintient l’IPP en légère flexion
(environ 20°), grâce à deux anneaux qui appliquent respectivement un appui dorsal sur P1 et P2, et qui se réunissent à la
face palmaire de P1 afin de libérer l’IPP. Cette orthèse est réalisée en matériau thermoformable ou en métal, et peut alors
être portée comme un bijou (7, 5, 3) (photo 7).
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d’un col-de-cygne ou d’une boutonnière ; un prolongement de
l’orthèse de l’IPP prévient alors respectivement l’hyperflexion
ou l’hyperextension de l’IPD.
Le pouce adductus peut être pris en charge par une orthèse
en thermoplastique d’ouverture de la première commissure.
Moulée sur la colonne du pouce, elle laisse libre l’interphalangienne et s’étend sur le deuxième métacarpien en veillant
à laisser libre la MCP de l’index (4).
Orthèses polyarticulaires
Dans le cas de déformations touchant le carpe et les MCP,
l’orthèse couplée poignet-MCP (photo 8) est capable d’assurer une correction optimale. Elle est constituée de trois parties : une pièce proximale et une pièce intermédiaire du même
type que celle de l’orthèse articulée monoarticulaire du poignet. Seule la pièce distale est modifiée, en lui apportant un
prolongement interdigital, fixé au bracelet métacarpien, prenant appui sur les faces latérales des premières phalanges des
quatre derniers doigts.
La pièce intermédiaire de l’orthèse fonctionnelle articulée permet, là aussi, les mouvements de flexion et d’extension du poignet. À l’origine, cet axe articulé n’était pas présent et les possibilités fonctionnelles de la main étaient moindres.
Outre les déviations axiales du carpe, elle permet une correction des déviations digitales grâce à l’action imposée par les
cloisons interdigitales sur les faces latérales des premières phalanges. Sa meilleure indication est donc l’existence conjointe
de déviations du carpe et des doigts (même si ces dernières
vont en sens contraire) (4).
Photo 7. Orthèse statique en 8.
Le doigtier anti-col-de-cygne en thermoplastique est constitué d’un manchon entourant P2 qui se prolonge d’une expansion dorsale moulée sur l’IPP (à 20° de flexion) et sur P1
(6, 4).
Ces deux orthèses permettent la flexion mais bloquent l’extension complète de l’IPP.
"
! Les orthèses anti-boutonnière sont parfois prescrites. Leur
objectif consiste à prévenir la fixation de la flexion de l’IPP.
Citons le manchon thermoformable, qui est moulé de P1 à P2,
bloquant l’IPP en extension ou les orthèses en 8 inversé, qui
empêchent la flexion de l’IPP.
Pour les interphalangiennes distales (IPD), les déformations
peuvent être associées à des déformations de l’IPP dans le cas
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Photo 8. Orthèse couplée poignet-MCP.
Dans le cas de déformations touchant les MCP, les orthèses
sont le plus souvent basées sur le principe qui consiste à exercer un appui sur les faces latérales de P1 des quatre derniers
doigts (faces internes en cas de déviation cubitale et faces
externes en cas de déviation radiale).
! Il existe plusieurs orthèses, dont l’orthèse souple de stabilisation métacarpophalangienne. Cette dernière est constituée
d’une partie entourant les quatre derniers métacarpes et de
quatre sangles (une pour chaque doigt) qui viennent s’y attacher. Pour la mise en place, le patient ramène une à une les
sangles de façon à ce que chacune d’elles exerce une pression
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sur la face interne (en cas de déviation cubitale) de P1 de
chaque doigt. Cette orthèse, dont la mise en place est facile,
apporte un certain confort au patient, mais son rôle préventif
reste discutable (3).
! L’orthèse statique de stabilisation des MCP est faite d’une
pièce ; elle entoure les quatre derniers métacarpes et présente
à sa face dorsale ou palmaire des prolongements qui forment
des cloisons interdigitales en appui sur le bord latéral de P1
des quatre derniers doigts (photo 9). Sa conception dépend
de l’importance de la déviation. L’orthèse dorsale est utilisée
en cas de déviation mineure ; on recourt à l’orthèse palmaire,
qui limite davantage les mouvements de flexion des MCP, en
cas de déviation importante (3, 4).
! Le bandeau anti-déviation cubitale est réalisé en matériau
thermoformable. Il est circulaire, moulé autour des métacarpes
des quatre derniers doigts avec un appui débordant sur la première phalange du V. Le moulage se fait avec une flexion des
MCP de 40 à 60° ; la partie palmaire est réduite ou tubulée
dans le pli palmaire pour ne pas être gênante. Ce bandeau est
indiqué dans les déviations cubitales débutantes et réductibles
(1) (photo 11).
Photo 11. Bandeau anti-déviation cubitale.
Photo 9. Orthèse statique de stabilisation des MCP.
Le pouce en Z associe une flexion de la MCP et une hyperextension de l’IP. L’orthèse thermoplastique est moulée sur la
face dorsale du premier métacarpien et de P1 du pouce, en
veillant à maintenir la MCP en légère flexion ; une extension
palmaire immobilise l’IP grâce à l’ajout d’un Velcro. L’attelle
qui laisse libre la trapézo-métacarpienne est maintenue fixée
par un autre Velcro autour du poignet (photo 12).
! L’orthèse articulée anti-déviation des MCP est constituée
de deux parties. Une pièce proximale métacarpienne dorsale
s’étend du poignet (une sangle qui fait le tour du poignet assure
la fixation de cette pièce sans en gêner les mouvements) aux
faces latérales des MCP des deuxième et cinquième doigts. Elle
s’articule à ce niveau grâce à deux axes qui permettent la flexion
et l’extension des MCP avec la pièce distale. Cette dernière est
constituée de logettes moulées autour des quatre dernières phalanges (4) (photo 10). Cette orthèse est particulièrement efficace et fonctionnelle, mais sa réalisation est difficile (8, 4).
Photo 12. Le pouce en Z.
RÉALISATION (5, 9, 10, 11, 4)
Matériau
Photo 10. Orthèse articulée anti-déviation des MCP.
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Le matériau le plus employé est un plastique thermoformable
à basse température (70°), souvent perforé, afin de limiter la
sudation et la macération. Il possède la propriété physique de
se ramollir quand il est chauffé et de durcir en conservant la
forme imposée en refroidissant. Il est parfaitement rigide à
température ambiante. Une doublure de mousse, appliquée en
fin de réalisation, est un élément de confort supplémentaire.
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Matériel nécessaire
Contrôle
La réalisation d’orthèses de qualité exige un minimum de
matériel adapté. Il faut disposer d’un four à thermostat ou
d’une étuve d’eau chaude qui sert à chauffer le thermoplastique, d’un pistolet à air chaud utile pour les retouches et les
travaux de précision, de ciseaux et d’un cutter pour la découpe,
et d’une pince à riveter (ou de colle en cas d’allergie au métal)
pour fixer les attaches.
L’opérateur vérifie en fin de réalisation si l’ensemble des
objectifs recherchés est satisfaisant, en particulier le bon positionnement des segments articulaires. Dans le cas d’orthèses
correctrices, une radiographie sous orthèse peut être utile afin
de s’assurer de la qualité de la correction. Il est impératif de
s’assurer que le patient ou un tiers peut mettre en place et retirer l’orthèse sans difficulté. En cas de problème (conflit cutané,
compression...) apparaissant dans les jours qui suivent la
réalisation de l’orthèse, l’opérateur doit être disponible afin
d’effectuer les modifications nécessaires.
Réalisation
Le temps de réalisation est de 10 à 60 minutes par orthèse
selon sa complexité. Elle comporte différentes étapes :
La préparation du patient et du matériau
Le patient doit être confortablement installé. Il est nécessaire
d’ôter les bijoux qui pourraient gêner la réalisation de l’orthèse et de libérer l’avant-bras de tout vêtement. La plaque est
découpée, souvent à l’aide d’un patron, et en tenant toujours
compte de la morphologie du patient.
Le moulage
La partie préalablement découpée est chauffée pendant 2 à
3 minutes à 70°, entraînant ainsi son ramollissement, qui se
maintiendra jusqu’à refroidissement (environ une dizaine de
minutes).
Pendant ce laps de temps, une découpe plus précise (facilitée
par la souplesse acquise lors du réchauffement) est effectuée,
puis le moulage est réalisé après s’être assuré que la chaleur
emmagasinée par le matériau ne présente plus de danger pour
le patient.
La découpe est alors directement appliquée sur la peau du
patient et maintenue en place jusqu’à refroidissement, en
veillant en permanence à conserver les segments articulaires
en bonne position. Une fois le thermoplastique refroidi, celuici garde définitivement sa forme (sauf s’il est à nouveau
réchauffé).
Plusieurs opérateurs ou l’utilisation d’une bande Velpeau sont
parfois nécessaires pour le maintien du plastique au contact
du patient.
Il est souvent indispensable de réaliser l’orthèse par étapes
successives ou d’en retravailler certaines parties ; l’utilisation
d’un pistolet à air chaud, plus précis, apporte alors une aide
précieuse.
Les retouches
Après s’être assuré, orthèse en place, du bon positionnement
des articulations, les bordures en excès sont éliminées. Un renfort est parfois mis en place sur les bords de l’orthèse afin
d’éliminer tout angle vif et, ainsi, d’en majorer le confort.
L’opérateur vérifie l’absence de conflit cutané ainsi que la facilité de pose ou de dépose de l’orthèse.
La finition
La mise en place d’une doublure en mousse collée sur le plastique peut compléter l’orthèse. La fixation de Velcro servant
au maintien de l’orthèse achève le travail de confection.
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OBSERVANCE, SURVEILLANCE ET EFFICACITÉ
Observance
Le suivi régulier d’un traitement au long cours impose que le
médecin et surtout les patients soient convaincus de son efficacité réelle et en acceptent les contraintes (8, 12, 13). Dans
le traitement de la PR, l’efficacité de l’appareillage des mains
est reconnue par les professionnels, mais parfois difficilement
par les patients, en dehors des poussées inflammatoires. Le
taux d’observance des orthèses globales de repos est en
moyenne de 47 %, avec des variations selon les études (8, 14,
15, 16). Dans l’étude rétrospective réalisée par M. Revel et al.
au CHU de Cochin, 68 patients sur 153 (les deux tiers) portaient régulièrement et selon prescription leurs orthèses depuis
cinq ans (15). Les raisons invoquées pour l’abandon de l’orthèse étaient l’inconfort et l’encombrement, malgré l’effet
antalgique observé par 55 % des patients. L’autre motif
d’abandon était la rémission de la maladie (15).
Les orthèses à port nocturne
Il s’agit essentiellement des orthèses de repos, qui agiront avec
efficacité moyennant un port prolongé pendant la phase aiguë
de l’inflammation. Dès que la phase aiguë est amendée, le port
alterné d’un côté et de l’autre peut être conseillé, sans risque
de voir diminuer l’action préventive.
Les orthèses à port diurne
Les orthèses de repos partielles, dont la durée quotidienne de
mise en place doit être inscrite sur l’ordonnance, sont portées
quelques heures par jour, généralement de façon fractionnée.
Les orthèses de fonction seront utilisées de façon progressive,
initialement pour quelques tâches. Puis le patient étendra de
lui-même leur usage à des activités variées.
Surveillance (9, 14)
Rôle du patient
L’enseignement oral, si possible couplé à une information
écrite du patient, est fondamental lors de la prescription d’orthèses. Le patient devra être informé de l’objectif de l’appareillage, en connaître les conditions de port (sens, durée), les
conseils d’hygiène et de nettoyage, les incidents pouvant
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survenir (rupture d’un élément usé...) et les signes d’un
mauvais ajustement (rougeur, douleur anormale...).
Un patient (ou un tiers) qui est dans l’incapacité de positionner correctement son appareillage ou d’en surveiller l’utilisation constitue une contre-indication à la confection d’orthèse(s) (11).
Rôle du thérapeute
L’orthèse ne doit jamais être abandonnée au patient sans une
surveillance régulière, sous peine de se révéler plus nuisible
qu’utile. Il s’agit d’un traitement et, comme tel, ses effets doivent être régulièrement contrôlés, à la fois pour surveiller sa
tolérance et pour adapter son action à l’évolution clinique. Les
modifications qu’il faudra apporter en fonction de l’évolution
sont de deux ordres :
Des modifications de la durée d’utilisation : à réduire en présence d’un risque d’enraidissement ou dans le cas de pression
cutanée trop forte (œdème...), ou à augmenter pour un gain
d’amplitude articulaire.
Des modifications de la nature même de l’action, dans le cas
d’une évolution clinique qui modifie les données mécaniques,
ou si un programme différent est envisagé.
La surveillance doit être également attentive à l’entretien de
l’orthèse, à ses points faibles que constituent les éléments les
plus fragiles (rembourrages, attaches, sangles...), ainsi qu’aux
problèmes de tolérance cutanée, tolérance du matériau (rarement mais parfois allergisant) et tolérance à la pression et à la
macération. Lorsque le traitement associe une prise en charge
en kinésithérapie ou en ergothérapie, les conditions optimales
de surveillance sont réunies, le contrôle étant alors réalisé par
le paramédical, habitué à la surveillance, voire à la confection
d’orthèses.
Efficacité
Les orthèses de repos globales sont les plus connues et les plus
utilisées dans la main rhumatoïde. Elles sont efficaces sur les
douleurs et ont un effet anti-inflammatoire démontré à court
terme, mais plus incertain à long terme. Pour certains, après
trois semaines d’immobilisation continue, l’inflammation
locale diminue et la mobilité du poignet s’améliore, mais cet
effet s’estompe une semaine plus tard.
L’efficacité de ces orthèses dans la prévention des déformations n’est pas démontrée (12, 11). L’étude randomisée de
Johnson (17), qui compare l’évolution des mains des patients
portant une orthèse globale de repos d’un seul côté, confirme
l’effet antalgique et anti-inflammatoire, mais observe une
progression symétrique du coup de vent cubital après dix-sept
mois de suivi.
Les ortho-bagues proposées dans la prévention et le traitement
des déformations des doigts longs se révèlent efficaces et bien
acceptées (7).
Les orthèses de stabilisation des MCP des quatre derniers
doigts, qui limitent la déviation cubitale et la subluxation
palmaire au cours de différentes prises, ont un rôle préventif
discutable mais apportent un certain confort aux patients.
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RÈGLES DE PRESCRIPTION ET ASPECTS
PRATIQUES (5)
Plusieurs possibilités s’offrent au médecin prescripteur :
! si le médecin réalise lui-même l’orthèse, la cotation est de
K20 pour les orthèses statiques et de K40 pour les orthèses
dynamiques ;
! s’il ne réalise pas l’orthèse, il peut adresser le patient à un
kinésithérapeute libéral habitué à la fabrication d’orthèses, à
un centre de rééducation ( la plupart d’entre eux disposent des
moyens matériels et humains nécessaires), ou à un orthoprothésiste.
Dans tous les cas, des règles communes de prescription sont
à respecter. Le médecin doit préciser sur l’ordonnance les particularités de l’orthèse demandée : finalité, matériaux, limites
anatomiques, points d’appui, orientation des tractions et détails
des fonctions. Les spécifications doivent être nombreuses et
précises, afin d’obtenir l’orthèse souhaitée.
Pour un kinésithérapeute libéral : il n’existe actuellement
aucune nomenclature concernant le paiement d’une orthèse.
La législation reste floue jusqu’à une prochaine réforme.
Pour un centre de rééducation : la cotation reste identique à
celle appliquée par le médecin (K20 ou K40).
Pour un orthoprothésiste : si l’orthèse est référencée au tarif
interministériel des prestations sanitaires (TIPS) en grand
appareillage (cas plus rare dans les orthèses de la PR), sa réalisation est réservée aux orthoprothésistes. Dans ce cas, une
demande d’entente préalable auprès de la Caisse nationale
d’assurance maladie est nécessaire avant sa fabrication. L’orthoprothésiste est alors tenu de se conformer au tarif indiqué
et ne peut effectuer de dépassement. Le patient n’avance pas
d’argent pour son appareillage, qui sera directement payé par
la Caisse à l’orthoprothésiste.
Si l’orthèse est référencée au TIPS en petit appareillage (ce
qui est le cas le plus fréquent), sa fabrication n’est pas soumise à une demande d’entente préalable. Le remboursement
s’effectue alors sur la base du TIPS, qui peut être dépassé par
l’orthoprothésiste (le dépassement reste à la charge du
patient) ; le patient avance alors le paiement et est par la suite
remboursé par sa Caisse.
Dans le cas d’un patient hospitalisé, l’orthèse est prise en
charge dans le prix de journée.
CONCLUSION (18)
Les orthèses occupent une place primordiale dans l’arsenal
thérapeutique de la main rhumatoïde, que ce soit dans un but
antalgique, de lutte contre l’instabilité, ou dans la prévention
et correction des déformations. L’orthèse doit être simple,
confortable, légère, peu encombrante et même discrète pour
les orthèses fonctionnelles, et, enfin, facile d’entretien.
La Lettre du Rhumatologue - n° 281 - avril 2002
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Chez ces patients aux articulations douloureuses et déformées,
à la peau souvent fragilisée par le traitement cortisonique,
l’adaptation des orthèses ne doit souffrir aucune approximation. Elle suppose une parfaite connaissance de la physiologie des déformations et de l’évolution prévisible de ces dernières. Leur réalisation dans un cadre spécialisé ou par un
professionnel entraîné ainsi que la surveillance à court, moyen
et long terme sont impératives pour la tolérance et l’efficacité
de l’orthèse.
Le traitement orthopédique ne peut être efficace que si l’adhésion et la participation active du patient sont acquises. C’est
dire l’importance de l’information et de l’éducation du patient,
capitales dans la polyarthrite rhumatoïde.
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7. Bregeon C, Colin D, Le Mauff C, Billabert C, Masson C, Renier JC. Les orthobagues : nouvelles orthèses de prévention et de traitement des déformations des
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Actualités en rééducation fonctionnelle et réadaptation (16e édition ). Ed.
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médecine orthopédique et physiothérapie. Université Paris-V, 1999-2000.
AUTOQUESTIONNAIRE FMC
1. L’orthèse préventive globale :
a. est une orthèse anti-brachio-digito palmaire
b. nécessite la mise en extension des métacarpophalangiennes en cas de déformation en boutonnière
c. est contre-indiquée en cas de poussée inflammatoire
d. est une orthèse de repos de port essentiellement nocturne
2. Pour la confection d’une orthèse :
a. le matériau le plus utilisé est le plastique thermoformable
b. la fixation est assurée par des Velcros
La Lettre du Rhumatologue - n° 281 - avril 2002
c. une réalisation en deux temps est nécessaire
d. une doublure en mousse améliore le confort de l’orthèse
3. Les orthèses de la main rhumatoïde sont indiquées :
a. en cas de poussée inflammatoire
b. s’il existe un début de déviation des doigts en coup de
vent cubital
c. uniquement lorsque les déformations sont réductibles
d. afin d’arrêter un traitement de fond
RÉPONSES FMC
1. a, d ; 2. a, b, d ; 3. a, b.
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