
3ème trimestre 2010 •45
Un génie que l'on aurait tort d'ignorer
mettant l’homme à l’écart, l’écologie a été réductionniste
et a restreint son champ temporel et spatial d’analyse.
Néanmoins, elle reste un mode d’investigation fonda-
mental des connaissances, elle explicite des méthodes,
elle fiabilise des résultats et formalise des théories. Et
les théories donnent un sens,de la signification au
réel, conditionnent la pensée.Notamment, l’écologie a
pointé la capacité des écosystèmes à être autonomes en
manipulant leur environnement et à produire des biens et services. Mais il fallait aller
plus loin, jusqu’à une réelle manipulation de la nature, et sauter le pas. Un grand pas.
Celui qui allait permettre de préserver, voire de créer à nouveau de la biodiversité.
L’ingénierie écologique est ce pas, cette limite qu’il fallait franchir.En dépit de toutes
les divergences d’opinions qui sont nées avec ce concept,de nombreux écologues scien-
tifiques, tels Robert Barbault et Alain Pavé,voient en l’ingénierie écologique un moyen
de réconcilier « la discipline scientifique Écologie avec les demandes de la société 4».
Le fameux oxymore
Définissons précisément ce qu’est l’ingénierie écologique.Il s’agit de la manipulation
du vivant (individus, populations, écosystèmes) par l’homme qui en utilise les compé-
tences tout en les respectant. L’idée est de maximiser les services écologiques sur un
site donné.Pour réussir,l’ingénierie écologique va utiliser des « espèces ingénieurs »
(coraux, castors, vers de terre et bien d’autres 5) qui créent, modifient, détruisent ou
maintiennent des habitats par leurs actions mécaniques et ont, de fait, un impact sur
les conditions abiotiques et biotiques (notamment sur la biodiversité) d’un écosystème.
Ces espèces vont travailler pour l’homme et son bien-être. Un vrai défi.
Dans un sens plus large, l’ingénierie écologique est l’aménagement d’un territoire, en
passant par la gestion d’écosystèmes existants (gestion courante,restaurations, réha-
bilitations, dépollutions de sites) jusqu’à la création ou la reconstruction de nouveaux
écosystèmes. Dans sa quête,cette discipline se veut à la charnière entre les données
4. Cf.Frédéric Gosselin, « Pour une définition de l’ingénierie écologique plus intégrée avec le développement
durable et avec l’écologie », revue française Ingénieries,Cemagref Éditions, 2003, p. 139-147.
5. Clive G. Jones, John H. Lawton et Moshe Shachak, « Organisms as ecosystem engineers », Oikos,1994, n°69,
p. 373-386.
C’est en
excluant
l’hommede son
champ
de réflexion
quel’écologie
afailli.