Quel futur pour l’ingénierie écologique, entre science, conception et construction ?
Freddy Rey
Irstea, Centre de Grenoble
UR EMGR
Pour se développer pleinement, l’ingénierie écologique doit encore trouver sa place dans le paysage
français de l’écologie, de l’ingénierie et du génie. Le « savoir » en écologie (science) doit permettre de
nourrir le « savoir-faire » des bureaux d’étude, ceux qui conçoivent l’ingénierie écologique
(conception), afin que les entreprises de travaux puissent « faire » au mieux et mettre en application
ce qu’on appelle le génie écologique (construction). Chercheurs, praticiens et décideurs doivent
aujourd’hui s’entendre sur une vision partagée des contours et des enjeux de l'ingénierie écologique,
afin de permettre une plus grande dynamique de la communauté de recherche et de gestion
associée. Ce défi est d’autant plus important que les préoccupations environnementales sont déjà
bien présentes et vont aller croissantes, en France comme dans le monde. L’une d’entre elles reste la
préservation ou la restauration de la qualité de notre environnement. Quelles que soient les
situations, on doit penser à cette finalité. Mais pas à n’importe quel prix. Nombre d'actions
irrespectueuses de l'environnement nous ont montré que « la fin ne justifie pas (ou plus) les moyens
». Il faut penser « écologie » dans la finalité, mais aussi dans le moyen. L'ingénierie écologique, c'est
une « action par et/ou pour le vivant ». Le « par » est là pour nous inciter, autant que possible, à
utiliser les concepts de l’écologie, la connaissance du vivant, de sa structure, de son fonctionnement
et de ses fonctions, pour atteindre nos objectifs d’aménagement des milieux. Le « pour » indique que
la finalité est bien souvent écologique – la restauration d’un milieu dégradé par exemple. Mais la
finalité peut également être économique ou sociale. D’où l’importance du « par » ! La recherche
environnementale, telle qu’elle est développée à Irstea en particulier, se propose de répondre aux
défis posés par l’essor de l’ingénierie écologique aux niveaux national et international. Or, on peut se
demander s’il existe aujourd’hui une « famille scientifique » qui s’intéresse à l’ingénierie écologique.
La réponse est clairement oui, mais elle reste mal identifiée sans véritable domaine scientifique
établi. C’est pour offrir une famille scientifique identifiée à l’ingénierie écologique que nous
travaillons à Irstea, en concertation avec d’autres instituts de recherche ou universitaires, à mieux
formaliser cette discipline. Cela passe notamment par lui donner un nom. La « restauration
écologique », domaine d’action, se nourrit d’une discipline appelée « écologie de la restauration ».
Alors pour nourrir l’« ingénierie écologique », vue comme un domaine de conception et d’action,
pourquoi ne pas nommer cette discipline « écologie ingénieuriale » ?