Échos des congrès 12e Congrès européen d’endocrinologie Quoi de neuf sur la surrénale à l’ECE ? © Estelle Louiset Prague, 24-28 avril 2010 Estelle Louiset, Hervé Lefebvre* Les données les plus marquantes relatives à la surrénale présentées à Prague durant le 12e Congrès de la Société européenne d’endocrinologie portaient essentiellement sur les atteintes génétiques responsables de pathologies surrénaliennes et sur les effets délétères du cortisol. ✓✓ L’hypercortisolisme associé à une dysplasie micro- * Laboratoire de différenciation et communication neuronale et endocrine (DC2N), unité mixte inserm U982 IFRMP23, université de Rouen, Mont-Saint-Aignan. 200 nodulaire pigmentée des surrénales (DMPS) est la pathologie endocrine la plus fréquente du complexe de Carney. Les études génétiques avaient montré qu’elle est associée à une activation de la voie de signalisation de l’AMPc résultant de mutations germinales inactivatrices de la sous-unité régulatrice de la protéine kinase A (PRKAR1A) ou de la phosphodiestérase 11A (PDE11A). R. Libé (hôpital Cochin, Paris), qui a reçu un prix Jeune chercheur de la Société européenne d’endocrinologie, a séquencé le gène codant pour la PDE11A chez 150 patients présentant un complexe de Carney associé à une mutation PRKAR1A. Son analyse génétique a révélé que la fréquence des mutations de PDE11A était plus élevée chez les patients présentant une DMPS ou une tumeur testiculaire que chez les autres porteurs de mutations PRKAR1A. En particulier, il n’y a pas d’association entre les mutations de PDE11A et la survenue de lésions thyroïdiennes, hypophysaires ou cardiaques. Ces observations révèlent une prédisposition génétique au développement de DMPS et de tumeur testiculaire chez les patients présentant une perte de l’activité enzymatique de la PDE11A. R. Libé a constaté que le syndrome de Cushing, reflétant l’atteinte surrénalienne, apparaissait plus précocement chez les enfants porteurs de doubles mutations PDE11A et PRKAR1A, ce qui suggère l’existence d’une synergie entre les 2 gènes. Sur la base de ces données, on ne peut que recommander d’entreprendre l’étude génétique de PRKAR1A et PDE11A chez les patients présentant une DMPS. La découverte d’une mutation de PDE11A conduira à une surveillance étroite des glandes surrénales et des testicules chez les apparentés. ✓✓ J. Young (hôpital du Kremlin-Bicêtre, Paris) a rappelé qu’une dizaine de mutations du gène codant pour le récepteur des glucocorticoïdes (GR) a été décrite dans le passé. Elles sont associées à une résistance aux gluco­ corticoïdes avec différentes présentations cliniques chez les patients homozygotes. Une nouvelle mutation (R469X) générant une forme tronquée du GR dépourvue de sites de liaison de l’hormone et de fixation à l’ADN a été identifiée chez un patient hétérozygote. In vitro, cette protéine s’est avérée incapable d’exercer un contrôle de la transcription de gènes cibles. Sur le plan clinique, le sujet présentait à la fois une hyperplasie bilatérale des surrénales et un hypercortisolisme sans signe de syndrome de Cushing, ce qui est en accord avec une résistance aux glucocorticoïdes. Ce patient ne sécrétait pas d’aldostérone mais avait des taux anormalement élevés de corticostérone, responsables d’une hypokaliémie et d’une hypertension sévère. J. Young a également découvert deux autres nouvelles mutations du GR chez des patients présentant également une hyperplasie bilatérale des surrénales, ce qui suggère que des mutations inactivatrices du GR pourraient jouer un rôle dans la pathogénie de ces lésions. Ne faudrait-il pas rechercher systématiquement une éventuelle mutation du GR chez les patients présentant un incidentalome surrénalien associé à un hypercortisolisme infraclinique, une hypertension artérielle et une hypokaliémie ? ✓✓ En vue d’identifier les gènes impliqués dans le déve- loppement de l’hyperaldostéronisme, A. Spyroglou (Munich, Allemagne) a développé un modèle murin d’hyperaldostéronisme par mutagenèse chimique. La lignée de souris, qui présente une élévation du taux plasmatique d’aldostérone et du rapport aldostérone/ Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XIV - n° 7 - septembre 2010 Congrès européen d’endocrinologie rénine, ainsi qu’une hypokaliémie, ne diffère pas des animaux sauvages pour l’expression de la protéine STAR, responsable du transfert du cholestérol dans la mitochondrie, et du P450SCC, qui synthétise la prégnénolone à partir du cholestérol. De façon inattendue, le taux d’expression du gène CYP11B2 codant pour l'enzyme clé de la synthèse de l’aldostérone s’est révélé anormalement bas dans le tissu surrénalien de la lignée. Cette baisse d’expression de CYP11B2 n’est pas compensée par une mutation activatrice de l’aldosynthase ni par une augmentation de la production d’aldostérone dans d’autres tissus. Ce modèle animal, intéressant pour la compréhension des mécanismes physiopathologiques de l’hyperaldostéronisme, permettra sans doute d’identifier à l’avenir un gène de susceptibilité à cette pathologie. ✓✓ Il est clairement établi que la cortisolémie est associée à une augmentation de la mortalité cardiovasculaire chez les patients atteints d’insuffisance cardiaque chronique. La cohorte de la Ludwigshafen Risk and Cardiovascular Health study, qui compte plus de 3 000 patients hospitalisés pour une coronarographie, a permis à A. Tomaschitz (Graz, Autriche) d’entreprendre une étude prospective visant à évaluer le rôle pronostique éventuel de la cortisolémie sur la mortalité cardiovasculaire au cours du syndrome coronarien aigu. La cortisolémie initiale était similaire chez les sujets présentant ou non un syndrome coronarien aigu. Le taux de mortalité de cause cardio-vasculaire des patients ayant un syndrome coronarien aigu a atteint 14 % au cours du suivi de 8 ans. L’analyse statistique a montré que le risque de décès était corrélé au quartile de la cortisolémie, et que le risque le plus élevé était observé pour les cortisolémies les plus hautes, indépendamment des facteurs de risque cardio-vasculaire classiques. Cette corrélation était particulièrement forte pour les patients hospitalisés pour angor instable ou infarctus du myocarde. On peut penser qu’elle résulte des effets cardio-vasculaires délétères du cortisol, et notamment de son action pro-inflammatoire vasculaire possiblement relayée par le récepteur des minéralocorticoïdes. Cette étude prospective démontre que la cortisolémie est un prédicteur de la mortalité cardio-vasculaire au cours du syndrome coronarien aigu. ✓✓ Les effets délétères du cortisol au cours du syndrome de Cushing sévère sont une préoccupation en pratique clinique, puisqu’ils peuvent engager le pronostic vital par le biais de complications aiguës cardio-vasculaires ou infectieuses. Dans ces situations, il est nécessaire de recourir à un traitement d’urgence de l’hypercortisolisme. Une surrénalectomie bilatérale de sauvetage est souvent réalisée mais elle conduit à une insuffisance surrénale définitive. Les anticortisoliques constituent une autre alternative de prise en charge, mais leur action peut être transitoire (métyrapone et kétoconazole) ou différée (mitotane). P. Kamenicky (hôpital du KremlinBicêtre, Paris) a traité par une association de mitotane, métyrapone et de kétoconazole une série de 10 patients atteints de syndrome de Cushing ACTH-dépendant très sévère. La trithérapie a entraîné une régression rapide (24 à 48 heures) de l’hypercortisolisme imposant le recours à un traitement substitutif par hydrocortisone. Chez ces patients, les 3 anticortisoliques ont été maintenus pendant 3,5 mois. Le mitotane a permis par la suite le maintien d’un bon contrôle de l’hyper­ cortisolisme en attendant un traitement étiologique chirurgical (adénomectomie hypophysaire). La tolérance de la trithérapie anticortisolique a été correcte, les effets indésirables correspondaient essentiellement à des troubles digestifs. Dans 2 cas, une élévation des transaminases a conduit à l’arrêt du kétoconazole. La trithérapie mitotane + métyrapone + kétoconazole pourrait constituer une alternative intéressante à la surrénalectomie bilatérale dans le cadre du traitement d’urgence de l’hypercortisolisme sévère en permettant un contrôle rapide et prolongé de l’hypercortisolisme autorisant secondairement la mise en œuvre du traitement étiologique de l’affection. ■ Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XIV - n° 7 - septembre 2010 201