Quoi de neuf sur la surrénale à l’ECE ? 12 Congrès européen d’endocrinologie

Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XIV - n° 7 - septembre 2010
200
Échos des congrès
© Estelle Louiset
* Laboratoire
de différenciation et
communication neuronale
et endocrine (DC2N),
unité mixte inserm U982
IFRMP23, université de
Rouen, Mont-Saint-Aignan.
12e Congrès européen d’endocrinologie
Quoi de neuf sur la surrénale à l’ECE?
Prague, 24-28 avril 2010
Estelle Louiset, Hervé Lefebvre*
Les données les plus marquantes relatives à la surrénale présentées à Prague
durant le 12e Congrès de la Société européenne d’endocrinologie portaient
essentiellement sur les atteintes génétiques responsables de pathologies
surrénaliennes et sur les eets délétères du cortisol.
J. Young (hôpital du Kremlin-Bicêtre, Paris) a rappelé
qu’une dizaine de mutations du gène codant pour le
récepteur des glucocorticoïdes (GR) a été décrite dans
le passé. Elles sont associées à une résistance aux gluco-
corticoïdes avec diérentes présentations cliniques
chez les patients homozygotes. Une nouvelle mutation
(R469X) générant une forme tronquée du GR dépour-
vue de sites de liaison de l’hormone et de xation à
l’ADN a été identiée chez un patient hétérozygote. In
vitro, cette protéine sest avérée incapable d’exercer un
contrôle de la transcription de gènes cibles. Sur le plan
clinique, le sujet présentait à la fois une hyperplasie
bilatérale des surrénales et un hypercortisolisme sans
signe de syndrome de Cushing, ce qui est en accord
avec une sistance aux glucocorticoïdes. Ce patient ne
sécrétait pas d’aldostérone mais avait des taux anorma-
lement élevés de corticostérone, responsables d’une
hypokaliémie et d’une hypertension sévère. J. Young a
également découvert deux autres nouvelles mutations
du GR chez des patients présentant également une
hyperplasie bilarale des surnales, ce qui suggère que
des mutations inactivatrices du GR pourraient jouer un
le dans la pathogénie de ces lésions. Ne faudrait-il pas
rechercher systématiquement une éventuelle mutation
du GR chez les patients présentant un incidentalome
surrénalien associé à un hypercortisolisme infraclinique,
une hypertension artérielle et une hypokaliémie ?
En vue d’identier les gènes impliqués dans le déve-
loppement de l’hyperaldostéronisme, A. Spyroglou
(Munich, Allemagne) a développé un modèle murin
d’hyperaldostéronisme par mutagenèse chimique. La
lignée de souris, qui présente une élévation du taux
plasmatique d’aldostérone et du rapport aldostérone/
L’hypercortisolisme associé à une dysplasie micro-
nodulaire pigmentée des surrénales (DMPS) est la
pathologie endocrine la plus fréquente du complexe
de Carney. Les études génétiques avaient montré
qu’elle est associée à une activation de la voie de
signalisation de l’AMPc résultant de mutations ger-
minales inactivatrices de la sous-unité gulatrice
de la protéine kinase A (PRKAR1A) ou de la phos-
phodiestérase 11A (PDE11A). R. Libé (hôpital Cochin,
Paris), qui a reçu un prix Jeune chercheur de la Société
européenne d’endocrinologie, a séquencé le gène
codant pour la PDE11A chez 150 patients présen-
tant un complexe de Carney associé à une mutation
PRKAR1A. Son analyse génétique a révélé que la fré-
quence des mutations de PDE11A était plus élevée
chez les patients présentant une DMPS ou une tumeur
testiculaire que chez les autres porteurs de mutations
PRKAR1A. En particulier, il n’y a pas d’association entre
les mutations de PDE11A et la survenue de lésions
thyroïdiennes, hypophysaires ou cardiaques. Ces
observations révèlent une prédisposition génétique
au développement de DMPS et de tumeur testiculaire
chez les patients présentant une perte de l’activité
enzymatique de la PDE11A. R. Libé a constaté que
le syndrome de Cushing, reétant l’atteinte surréna-
lienne, apparaissait plus précocement chez les enfants
porteurs de doubles mutations PDE11A et PRKAR1A,
ce qui suggère lexistence d’une synergie entre les
2 gènes. Sur la base de ces données, on ne peut que
recommander d’entreprendre l’étude génétique de
PRKAR1A et PDE11A chez les patients présentant
une DMPS. La découverte d’une mutation de PDE11A
conduira à une surveillance étroite des glandes sur-
rénales et des testicules chez les apparentés.
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Congrès européen d’endocrinologie
rénine, ainsi qu’une hypokaliémie, ne dière pas des
animaux sauvages pour lexpression de la protéine
STAR, responsable du transfert du cholestérol dans la
mitochondrie, et du P450SCC, qui synthétise la pré-
gnénolone à partir du cholestérol. De façon inatten-
due, le taux d’expression du gène CYP11B2 codant
pour l'enzyme clé de la synthèse de l’aldostérone s’est
révélé anormalement bas dans le tissu surrénalien de
la lignée. Cette baisse dexpression de CYP11B2 n’est
pas compensée par une mutation activatrice de l’al-
dosynthase ni par une augmentation de la production
d’aldostérone dans d’autres tissus. Ce modèle animal,
intéressant pour la compréhension des mécanismes
physiopathologiques de l’hyperaldostéronisme, per-
mettra sans doute d’identier à l’avenir un gène de
susceptibilité à cette pathologie.
Il est clairement établi que la cortisolémie est
associée à une augmentation de la mortalité cardio-
vasculaire chez les patients atteints d’insusance car-
diaque chronique. La cohorte de la Ludwigshafen Risk
and Cardiovascular Health study, qui compte plus de
3 000 patients hospitalisés pour une coronarographie,
a permis à A. Tomaschitz (Graz, Autriche) d’entreprendre
une étude prospective visant à évaluer le rôle pronos-
tique éventuel de la cortisolémie sur la mortalité car-
diovasculaire au cours du syndrome coronarien aigu. La
cortisolémie initiale était similaire chez les sujets pré-
sentant ou non un syndrome coronarien aigu. Le taux
de mortalité de cause cardio-vasculaire des patients
ayant un syndrome coronarien aigu a atteint 14 % au
cours du suivi de 8 ans. L’analyse statistique a montré
que le risque de décès était corrélé au quartile de la
cortisolémie, et que le risque le plus élevé était observé
pour les cortisolémies les plus hautes, indépendam-
ment des facteurs de risque cardio-vasculaire classiques.
Cette corrélation était particulièrement forte pour les
patients hospitalisés pour angor instable ou infarctus
du myocarde. On peut penser quelle résulte des eets
cardio-vasculaires délétères du cortisol, et notamment
de son action pro-inammatoire vasculaire possible-
ment relayée par le récepteur des minéralocorticoïdes.
Cette étude prospective démontre que la cortisolémie
est un prédicteur de la mortalité cardio-vasculaire au
cours du syndrome coronarien aigu.
Les eets délétères du cortisol au cours du syndrome
de Cushing sévère sont une préoccupation en pratique
clinique, puisquils peuvent engager le pronostic vital
par le biais de complications aiguës cardio-vasculaires
ou infectieuses. Dans ces situations, il est nécessaire de
recourir à un traitement d’urgence de l’hypercortiso-
lisme. Une surrénalectomie bilatérale de sauvetage est
souvent réalisée mais elle conduit à une insusance
surrénale dénitive. Les anticortisoliques constituent
une autre alternative de prise en charge, mais leur action
peut être transitoire (métyrapone et kétoconazole) ou
diérée (mitotane). P. Kamenicky (hôpital du Kremlin-
Bicêtre, Paris) a traité par une association de mitotane,
tyrapone et de kétoconazole une rie de 10 patients
atteints de syndrome de Cushing ACTH-dépendant
très sévère. La trithérapie a entraîné une régression
rapide (24 à 48 heures) de l’hypercortisolisme imposant
le recours à un traitement substitutif par hydrocorti-
sone. Chez ces patients, les 3 anticortisoliques ont été
maintenus pendant 3,5 mois. Le mitotane a permis
par la suite le maintien d’un bon contrôle de l’hyper-
cortisolisme en attendant un traitement étiologique
chirurgical (adénomectomie hypophysaire). La tolé-
rance de la trithérapie anticortisolique a été correcte,
les eets indésirables correspondaient essentiellement
à des troubles digestifs. Dans 2 cas, une élévation des
transaminases a conduit à l’arrêt du kétoconazole. La
trithérapie mitotane + métyrapone + kétoconazole
pourrait constituer une alternative intéressante à la
surrénalectomie bilatérale dans le cadre du traitement
d’urgence de l’hypercortisolisme sévère en permettant
un contrôle rapide et prolongé de l’hypercortisolisme
autorisant secondairement la mise en œuvre du trai-
tement étiologique de l’aection.
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