B E S P A C E S D... Évaluation de la réinsertion professionnelle du point

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us
DOSSIER THÉMATIQUE
Évaluation de la réinsertion
professionnelle du point
de vue des sujets :
mesures de qualité de vie
Assessing vocational rehabilitation from the subject’s
point of view: the measures of quality of life
A. Leplège*
B
ien que les effets des traitements de la schizophrénie soient le plus souvent évalués par
les soignants en fonction de la diminution
des symptômes et de la prévention des rechutes,
les sujets eux-mêmes et leur entourage prennent
plutôt en compte les conséquences de ces évolutions
symptomatiques sur la qualité de la vie quotidienne
des sujets et leur capacité à vivre de façon autonome.
Cette différence de perspective pourrait être négligée
si les diminutions des symptomes et la prévention
des rechutes étaient fortement corrélées à la qualité
de vie et à la capacité des sujets à être autonomes
dans leur vie quotidienne. Dans ce domaine, comme
dans d’autres, il existe une sorte de hiatus entre la
perspective médicale et clinique et la perspective
des sujets. Cette différence de point de vue sur les
enjeux et les conséquences des soins complique la
communication médecin-malade et explique notamment les problèmes d’inadéquation du système de
santé à la demande des sujets et les problèmes d’adhérence aux traitements antipsychotiques. Dans ce
cadre, l’objectif des mesures de qualité de vie est
de renseigner les investigateurs sur le point de vue
des sujets concernant l’impact des interventions de
santé, par exemple des traitements (1).
La nécessité de prendre en compte le point de vue
des sujets est encore plus pressante dans le cas d’interventions de santé plus complexes telles qu’une
stratégie de réinsertion professionnelle. Nous l’avons
vu, l’évaluation des facteurs prédictifs de la réinsertion professionnelle des schizophrènes s’inscrit dans
un cadre de recherche plus large, celui de l’évalua-
tion des conséquences fonctionnelles (functional
outcomes) des pathologies psychiatriques. Dans la
littérature, quatre principales dimensions sont prises
en compte : la qualité de vie subjective, l’insertion
professionnelle, la qualité des relations sociales,
l’insertion sociale et l’autonomie.
Nous nous focaliserons ici sur l’évaluation de la
qualité de vie. Nous en rappellerons les principes
généraux, nous décrirons le contenu de quelques-uns
des instruments disponibles, puis nous discuterons
brièvement la place de ces méthodes dans l’élaboration et l’évaluation des stratégies de réinsertion professionnelle des sujets ayant un handicap
psychique.
Les mesures de qualité de vie en santé
Les objectifs des mesures de qualité de vie sont la
production de données fiables et reproductibles
destinées à l’information des décideurs (au premier
rang desquels se trouvent les patients) concernés
par l’amélioration de la santé, du bien-être, et par
la satisfaction à l’égard du système de santé.
La santé étant une notion complexe, ces questionnaires ne prétendent pas la mesurer dans son
ensemble, mais visent seulement à quantifier certains
de ses aspects, appelés domaines ou dimensions. Par
conséquent, le concept de qualité de vie tel qu’il est
* Département d’histoire et de philosophie des sciences, université de
Paris 7, Paris.
La Lettre du Psychiatre • Vol. V - n° 6 - novembre-décembre 2009 | 131
Résumé
Mots-clés
Qualité de vie
Pathologie
psychiatrique
Highlights
The evaluation of the predictive factors of vocational rehabilitation of subjects living with
schizophrenia is one aspect of
the evaluation of the functional outcomes of severe
mental illnesses. Other aspects
include the evaluation of the
impact of these diseases on the
quality of life of the subjects,
the quality of social relationships, the social inclusion, and
the autonomy of the subjects.
In this paper we discuss some
of the defining features of
quality of life measurement in
health service reseach and we
review some of the available
instruments.
Keywords
Quality of life
Severe mental illness
L’évaluation des facteurs prédictifs de la réinsertion professionnelle des schizophrènes s’inscrit
dans le cadre de l’évaluation des conséquences fonctionnelles des pathologies psychiatriques.
Ces conséquences concernent la qualité de vie subjective, l’insertion professionnelle, la qualité
des relations sociales, l’insertion sociale et l’autonomie. Dans cet article, nous rappelons les
principes généraux des études de qualité de vie et nous décrivons le contenu de quelques-uns
des instruments disponibles en insistant sur le sérieux ainsi que la rigueur méthodologique
et scientifique nécessaires à la réussite de ces études.
“opérationnalisé” dans ces instruments diffère de la
notion intuitive et idiosyncratique de qualité de vie à
laquelle chacun a accès. Plusieurs définitions – dites
opérationnelles – ont été proposées. Par exemple,
l’Organisation mondiale de la santé (OMS), dans une
perspective de santé publique, a défini la qualité de
vie comme “la perception qu’a un individu de sa place
dans l’existence, dans le contexte de la culture et du
système de valeurs dans lesquels il vit, en relation
avec ses objectifs, ses attentes, ses normes et ses
inquiétudes” (2). Selon d’autres auteurs (3, 4), le point
clé est de comprendre que chaque situation pathologique interfère de façon particulière avec la capacité
des individus à satisfaire leurs besoins. Si les besoins
perçus sont satisfaits, la qualité de vie est augmentée ;
s’ils sont peu satisfaits, la qualité de vie est diminuée.
Il est donc important de prendre en compte, dans les
évaluations de qualité de vie, les besoins perçus par
les patients, et pas seulement les besoins identifiés
par les médecins (tableau).
Par-delà ces différences conceptuelles, la caractéristique commune des mesures de qualité de vie
est donc de prétendre refléter l’impact des maladies et des interventions de santé sur la vie quotidienne des patients du point de vue des intéressés
eux-mêmes. Elles reposent sur le jugement que les
patients portent sur leur propre état de santé, leur
satisfaction vis-à-vis de leur santé et, surtout, sur les
répercussions de leurs maladies et des traitements
associés. Les mesures sont obtenues à partir de
l’analyse des réponses des patients à des questionnaires standardisés développés selon des méthodes
psychométriques. Soulignons qu’il n’est pas suffisant
de dire que les patients répondent à des questions
élaborées par des experts pour affirmer que leurs
réponses reflètent leur point de vue.
Tableau. Liste de besoins dont la satisfaction est importante
pour la qualité de vie.
Alimentation, sommeil, activité, vie sexuelle,
absence de douleur
Logement, sécurité, stabilité
Affection, amour, communication, sentiment
de communauté, de filiation
Curiosité, jeux, créativité, sentiment que sa vie a un sens
Identité, reconnaissance sociale, respect, estime de soi,
capacité de se réaliser
132 | La Lettre du Psychiatre • Vol. V - n° 6 - novembre-décembre 2009
Quelques instruments proposés
pour mesurer la qualité de vie
des schizophrènes
Les questionnaires mis au point pour mesurer la
qualité de vie des schizophrènes ont été développés,
dès les années 1980, dans un contexte de désinstitutionnalisation (5). Il s’agissait de permettre l’évaluation des stratégies mises en œuvre et d’améliorer
la prise en charge ambulatoire. Cela explique que
le contenu de ces questionnaires fasse une large
place à l’impact social et économique des troubles
psychotiques, comme nous allons le voir maintenant.
D’une façon générale, les instruments et échelles de
qualité de vie destinés aux patients présentant une
maladie mentale chronique sont le plus souvent de
type générique ou généraliste et évaluent de multiples
domaines de la qualité de vie en incluant des mesures
de conditions de vie (en général objectives), l’accès
aux ressources et le sentiment de bien-être.
Community Adjustment Form
L’échelle Community Adjustment Form (CAF),
développée par L.I. Stein et M.A. Test (6), est un
autoquestionnaire semi-structuré élaboré pour
évaluer la satisfaction à l’égard de la vie et de la
qualité de vie lors d’une étude randomisée visant
à étudier des systèmes de soins ambulatoires. Elle
comprend 140 questions et sa passation nécessite
environ 45 minutes. Les domaines abordés sont :
les activités de loisirs, la satisfaction de la vie, l’estime de soi, les contacts avec les amis et la famille,
l’histoire et le statut professionnel, les revenus,
l’hébergement, les relations avec la justice et les
soins médicaux.
Quality of Life Checklist
La Quality of Life Checklist (QLC), échelle développée
par U. Malm et al. (7) a été élaborée pour fournir
aux cliniciens des informations sur les aspects de
la qualité de vie des patients malades mentaux
chroniques afin de les aider dans la planification
des programmes de soins. Il s’agit d’un autoquestionnaire de 93 questions qui doit être complété
par un enquêteur après un entretien. Les différents
DOSSIER THÉMATIQUE
domaines sont évalués, de façon dichotomique,
comme “satisfaisant” ou “non-satisfaisant”. Ces
domaines comprennent : les activités de loisirs,
le travail, les relations sociales, les expériences
personnelles, l’état de santé mentale, la religion,
les connaissances et l’éducation, les dépendances
psychologiques et les contraintes économiques.
Satisfaction with Life Domains Scale
Le questionnaire Satisfaction with Life Domains Scale
(SLDS), développé par F. Baker et J. Intagliata (8),
a pour objectif d’évaluer l’impact des programmes
d’aide sociale sur la qualité de vie des patients
présentant des pathologies mentales chroniques.
Il s’agit d’un autoquestionnaire composé de 15 questions et dont la passation, menée par un enquêteur,
nécessite environ 10 minutes. Les domaines de satisfaction explorés sont les suivants : logement, voisinage, nourriture, habillement, santé, amis, relations
familiales, relations avec les autres, travail, temps
libre, loisirs, équipements disponibles et situation
économique. Les réponses à ces différentes questions permettent de calculer un index global de
satisfaction.
Oregon Quality of Life Questionnaire
L’objectif initial de l’Oregon Quality of Life Questionnaire (OQLQ) était d’évaluer la qualité de vie
des patients pris en charge par les services de santé
mentale. Selon ses auteurs, la qualité de vie résulte
d’une sorte de contrat implicite entre les individus
et la société (9). Les besoins d’un individu particulier
sont satisfaits dans la mesure où d’autres personnes
répondent à sa demande. La qualité de vie résulte
alors de l’adaptation entre les besoins individuels
(satisfaction) et les besoins de la société (performance individuelle).
L’OQLQ existe sous deux formes différentes : un
autoquestionnaire structuré (263 questions) et un
entretien semi-structuré (146 questions). Quelle que
soit la forme adaptée, elle doit être administrée par
un enquêteur spécialement formé.
L’OQLQ comprend 14 sous-échelles : détresse ou
bien-être psychologique, tolérance au stress, satisfaction complète des besoins de base, indépendance,
adaptation (individuelle et interpersonnelle), rôle du
conjoint, support social, travail à domicile, adaptation à la productivité, capacité à être employé,
travail professionnel, utilisation rationnelle du
temps, conséquences négatives de la prise d’alcool
ou de drogue.
Lehman Quality of Life Interview
L’échelle Lehman Quality of Life Interview (QOLI),
développée par A.F. Lehman et son équipe (10), a
pour objectif d’évaluer les circonstances de vie des
personnes présentant des troubles mentaux chroniques en termes de qualité de vie objective et subjective. L’entretien structuré, mené par un enquêteur
non clinicien, étudie différents domaines de la qualité
de vie, à la fois récents et passés, tels que les conditions d’hébergement, les activités quotidiennes, les
relations familiales, les relations sociales, la situation
financière, le travail, les loisirs, les problèmes légaux
et la santé. La version initiale de la QOLI comporte
143 questions, et sa passation nécessite environ
45 minutes. Cette échelle a subi de nombreuses
révisions (qui visaient principalement à améliorer
ses propriétés psychométriques et à diminuer sa durée
de passation). L’échelle initiale comprend une mesure
globale de satisfaction et une mesure de la qualité
de vie objective et subjective répartie en 8 domaines
différents. Pour chacun des domaines définis, les informations recueillies concernent à la fois la qualité de
vie objective et le degré de satisfaction la concernant.
Pour les questions portant sur la satisfaction vis-à-vis
de la vie, 7 modalités de réponse sont proposées.
Cette échelle de satisfaction a été développée dans
le cadre d’une étude évaluant la qualité de vie dans
la population générale aux États-Unis. Les variables
générées à partir de la QOLI incluent des indicateurs
de qualité de vie objective et subjective. Une version
courte de la QOLI a été publiée en 1995. Elle est
constituée de 78 questions et d’un entretien semistructuré d’une durée de 16 minutes en moyenne.
Elle mesure les mêmes domaines de qualité de vie
que la version originale.
Client Quality of Life Interview
Le Client Quality of Life Interview (CQLI), mis au point
par V. Mulkern et al. (11), vise à évaluer l’évolution
de patients présentant des troubles mentaux chroniques dans le cadre d’un programme de soutien
du National Institute of Mental Health (NIMH). Le
modèle conceptuel qui sous-tend la construction de
la CQLI postule que certains éléments sont nécessaires à une bonne qualité de vie.
La CQLI est un autoquestionnaire. Il peut être administré par un enquêteur non clinicien. Il comporte
46 questions (les réponses sont écrites par les
patients) et des échelles (renseignées par l’interviewer). Les différents domaines explorés comprennent les éléments essentiels de la vie (nourriture,
La Lettre du Psychiatre • Vol. V - n° 6 - novembre-décembre 2009 | 133
DOSSIER THÉMATIQUE
Handicap psychique
et réinsertion professionnelle
Évaluation de la réinsertion professionnelle
du point de vue des sujets : mesures de qualité de vie
habillement, hébergement, santé, hygiène, argent
et sécurité), l’emploi, l’éducation, les activités quotidiennes, celles de loisirs, la vie privée, le soutien social,
la confiance en soi, la “tranquillité d’esprit” et le temps
consacré à des activités sociales.
California Well-Being Project Client
Interview
Le California Well-Being Project Client Interview
(CWBPCI) a été développé par le département des
maladies mentales de Californie pour évaluer de façon
plus précise la santé et les attentes en matière de
qualité de vie des patients présentant une maladie
mentale.
Le projet initial rapporté par J. Campbell et al. (12)
avait trois objectifs principaux :
➤ ➤ l’analyse des facteurs de bien-être des individus ;
➤ ➤ l’élaboration d’un programme éducationnel ;
➤ ➤ la diffusion de ce programme.
Trois versions de “bien-être” ont été développées :
une pour les patients (151 questions), une pour les
parents des patients (76 questions) et une pour les
professionnels de santé (77 questions). L’instrument a
été construit de manière flexible pour rendre compte
des perspectives multiples des patients, de la famille
et des professionnels. Il peut être passé aussi bien
lors d’un entretien en face à face, que par courrier,
sous la forme d’un autoquestionnaire.
Lancaster Quality of Life Profile
Le Lancaster Quality of Life Profile (LQOLP) a été développé au Royaume-Uni au cours des années 1980 par
J.P.J. Oliver afin d’évaluer l’impact sur la qualité de vie
des programmes de soins communautaires destinés
aux malades mentaux (13). La LQOLP est dérivée de
l’échelle de Lehman (QOLI). Son cadre conceptuel est
similaire à celui de la QOLI. La LQOLP est un autoquestionnaire structuré qui doit être rempli au cours d’un
entretien mené par un clinicien. Cette échelle comporte
100 questions, et sa passation nécessite au moins une
heure. Elle évalue à la fois la qualité de vie objective et la
satisfaction à l’égard de sa vie à travers 9 thèmes différents : le travail, l’éducation, les loisirs, la religion, les
finances, les conditions d’hébergement, les problèmes
légaux, les relations familiales et sociales et la santé.
Une mesure de l’estime de soi les complète.
Quality of Life Self-Assessment Inventory
Le Quality of Life Self-Assessment Inventory (QLSAI)
développé par K. Skantze (14) a pour objectif d’aider
134 | La Lettre du Psychiatre • Vol. V - n° 6 - novembre-décembre 2009
à la planification des programmes de soins et tente de
fournir des informations sur des aspects de la qualité
de vie considérés comme importants pour les patients.
Il s’agit d’une version dérivée de l’échelle QLC (7) qui
a été utilisée essentiellement chez les patients schizophrènes chroniques ambulatoires. L’échelle QLSAI
comporte 100 questions adressées au patient, suivies
par un entretien semi-structuré adressé au clinicien
et destiné à confirmer les réponses des patients aux
échelles de satisfaction et de non-satisfaction et à
discuter avec lui de leur signification. La passation est
d’environ 10 minutes pour l’autoquestionnaire rempli
par le patient, auxquelles s’ajoutent 40 à 50 minutes
d’entretien semi-structuré. Les différents domaines
évalués concernent la santé physique, les finances, les
soins personnels et le ménage, les contacts, le travail
et les loisirs, l’éducation et le savoir, les dépendances,
les expériences personnelles, la santé mentale, le logement, l’environnement, les services communautaires
et la religion. Pour chaque question, les modalités
de réponse proposées sont dichotomiques (de type
“satisfaisant” ou “non satisfaisant”).
Quality of Life Index for Mental Health
Le Quality of Life Index for Mental Health (QLI-MH),
développé par M. Beker et al., est un instrument
visant à évaluer la qualité de vie et le point de vue du
patient mais aussi celui de sa famille et des cliniciens
(15). Il s’agit d’un autoquestionnaire qui peut être
administré par un clinicien. Des versions existent
pour les patients, la famille et les cliniciens. Cette
échelle comprend 113 questions. La version destinée
aux patients requiert environ 20 à 30 minutes ;
celle destinée aux cliniciens 10 à 20 minutes. La
QLI-MH évalue 8 domaines : la satisfaction de la
vie, les occupations, le bien-être psychologique,
la santé physique, les activités quotidiennes, les
relations sociales, les données économiques, l’évaluation des symptômes à l’aide de la Brief Psychiatric
Rating Scale (BPRS). Pour chaque domaine, le patient
évalue le niveau auquel il se situe et l’importance
qu’il accorde à ce domaine. La QLI-MH comprend
également des questions ouvertes.
Quality of Life Interview Scale
La Quality of Life Interview Scale (QOLIS) a été
développée par W. Holcomb et al. afin d’évaluer
les différents domaines d’incapacité des patients
présentant des maladies mentales chroniques (16). Il
s’agit d’un questionnaire semi-structuré administré
par un clinicien. La QOLIS comprend 87 questions
DOSSIER THÉMATIQUE
issues d’échelles déjà existantes ; elles se rapportent
à 8 facteurs : l’autonomie, l’estime de soi, le support
social, la santé physique, la colère et l’hostilité,
l’autonomie émotionnelle et l’accomplissement
personnel.
Quality of Life Scale
La Quality of Life Scale (QLS) développée par
D.W. Heinrichs et al. a pour objectif d’évaluer le
syndrome déficitaire chez les patients présentant une
schizophrénie (17). Il s’agit d’un entretien semi-structuré mené par un clinicien spécialement entraîné :
la cotation fait appel au jugement de l’enquêteur.
Cette échelle comprend 21 questions évaluant le
niveau de fonctionnement des patients. Le temps de
passation de cette échelle est d’environ 45 minutes.
Les 21 questions constitutives de la QLS peuvent
être regroupées en 4 sous-échelles susceptibles
d’être agrégées en un index. Cet instrument a été
largement utilisé dans l’évaluation des traitements
neuroleptiques chez les patients schizophrènes.
Sickness Impact Profile modifié
Le Sickness Impact Profile (SIP) modifié, développé
par A.G. Awad (18) est une adaptation d’un questionnaire généraliste appelé Sickness Impact Profile.
Il s’agit d’un autoquestionnaire de 47 questions qui
nécessite un temps de passation de 10 minutes.
Différents domaines sont évalués : l’état de santé
actuel, la qualité de vie actuelle, le sommeil et
le repos, la gestion du domicile, les interactions
sociales, la communication, les loisirs et les comportements.
Subjective Quality of Life Analysing
La Subjective Quality of Life Analysing (S.QUA.LA)
développée par M. Zannotti et al. est une échelle de
qualité de vie élaborée en langue française pour les
patients présentant des troubles psychotiques (19).
Cette échelle vise à éclairer et à orienter la prise en
charge des patients en hiérarchisant leurs difficultés.
Il s’agit pour les auteurs d’une aide à l’effort thérapeutique de réinsertion de patients essentiellement
schizophrènes. Cet autoquestionnaire comporte
24 domaines : santé, autonomie physique, bien-être
mental, environnement, habitat, sommeil, alimentation, relation familiale, relation extra-familiale, soin
de soi, descendance, amour, sexualité, politique,
croyance, loisirs passifs, loisirs actifs, sécurité, travail,
justice, liberté, art et beauté, vérité, argent. Deux
aspects de chaque domaine de la vie explorée sont
documentés, l’un se rapportant à l’appréciation de
la satisfaction dans le domaine considéré et l’autre
à l’importance du domaine considéré pour le sujet
en question. Il est également possible de résumer
l’information en 2 facteurs principaux appelés “relation naturelle au monde” et “spiritualité-corporéité”.
Échelle de qualité de vie générique :
Medical Outcomes Study
Cette échelle, développée par B. Dickey et al., s’inscrit dans le cadre d’un programme d’évaluation de
prise en charge extrahospitalière de patients psychotiques chroniques (20). Son objectif est d’évaluer
l’état de santé des patients schizophrènes. Il s’agit
d’un autoquestionnaire administré par un interviewer expérimenté et comprenant 53 questions
regroupées en 4 sous-échelles (index de l’état de
santé mentale, soutien social, fonctionnement
physique, et perception générale de l’état de santé).
Schizophrenia Quality of life
Terminons cet inventaire partiel par un instrument
développé par une équipe française et publié récemment : la Schizophrenia Quality of life (S QoL) (21).
Destiné spécifiquement à l’évaluation de la qualité
de vie des sujets souffrant de schizophrénie, cet
autoquestionnaire a été principalement mis au point
à partir de l’analyse d’entretiens avec des patients.
Dans sa version la plus courte, il comporte 41 questions regroupées en 8 dimensions : bien-être psychologique, estime de soi, relations familiales, relations
avec les amis, résilience, bien-être physique, autonomie et vie sentimentale.
Aspects psychométriques et méthodologiques des mesures de la qualité de vie
La description du contenu des instruments à
laquelle nous venons de nous livrer a pour objectif
de permettre aux utilisateurs potentiels d’apprécier la pertinence (ou validité) de l’utilisation de
ces instruments pour répondre à une question de
recherche donnée. Naturellement, il faut également
La Lettre du Psychiatre • Vol. V - n° 6 - novembre-décembre 2009 | 135
DOSSIER THÉMATIQUE
Handicap psychique
et réinsertion professionnelle
Évaluation de la réinsertion professionnelle
du point de vue des sujets : mesures de qualité de vie
être attentif à la pertinence des questions aux yeux
des sujets en organisant des tests. Mais la validité
du contenu n’est pas le seul aspect à considérer. La
durée de passation et la disponibilité en français
de l’outil sont évidemment importantes. D’autres
aspects plus techniques, dont nous ne traiterons pas
ici, doivent également être pris en compte : citons,
la précision (ou fiabilité), la sensibilité au changement, la validité prédictive, la capacité à distinguer
entre des groupes dont on sait par ailleurs qu’ils sont
en effet différents, etc. Ces aspects ou propriétés
psychométriques sont généralement décrits dans
la littérature spécialisée dont nous avons cité une
petite partie. Il va sans dire que l’analyse critique de
ces propriétés suppose la maîtrise de connaissances
spécifiques. Par ailleurs, ces instruments de mesure
doivent être utilisés dans le cadre de protocoles de
recherche conçus pour éviter le recueil de données
biaisées et dont les résultats soient le plus possible
généralisables.
Discussion
La rigueur méthodologique fait souvent défaut
aux études de qualité de vie. Les instruments sont
fréquemment choisis mal à propos. Les protocoles
manquent régulièrement de puissance. Cette situation, nuisible à la crédibilité de ce domaine, est
peut-être due au caractère apparemment intuitif
du concept de qualité de vie, qui fait méconnaître
la difficulté et la complexité inhérentes au projet de
prendre en compte le point de vue des patients quant
aux effets des interventions de tout ordre qui les
concernent. Tout cela est compliqué dans le domaine
de la psychiatrie du fait du discrédit qui s’attache
encore, dans de nombreux cercles, aux approches
scientifiques. En particulier, la quantification et les
statistiques sont prises à parti. On se réfère aussi
à l’opposition aristotélicienne entre les grandeurs
intensives et les grandeurs extensives pour affirmer
que le projet de quantifier le qualitatif est fondamentalement impossible. Comme le note O. Martin :
“L’objection née avec les premiers travaux de mesure
des sensations humaines est toujours présente…
[elle est] insuffisamment radicale pour conduire
à l’abandon des expériences de psychophysique,
mais suffisamment solide pour persister au fil des
ans” (22). Dans ce contexte, s’il faut garder ce débat
ouvert, il me semble qu’il est surtout utile d’insister
sur le sérieux et la rigueur méthodologique et scientifique nécessaires à la réussite des études de qualité
de vie. À ce prix, ces méthodes ont incontestablement toute leur place dans la description et l’analyse
des conséquences fonctionnelles des pathologies
psychiatriques, et notamment dans l’évaluation des
stratégies de réinsertion professionnelle des sujets
ayant un handicap psychique.
■
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