La Lettre du Cardiologue - n° 305 - janvier 1999
57
GÉNÉTIQUE
statistiques complémentaires, paires de germains et test de désé-
quilibre de transmission [TDT], ont été utilisées). Sept régions
chromosomiques d’intérêt ont ainsi été mises en évidence et les
gènes candidats présents dans ces régions sont en cours d’analyse.
Une autre stratégie couramment employée pour mettre en évi-
dence les gènes impliqués dans les maladies multifactorielles est
l’étude d’association de la maladie avec des gènes candidats.
La limite principale de ces études réside dans la difficulté de
mettre en évidence des variants génétiques ayant une implication
fonctionnelle. S. Liggett (Cincinnati) a étudié les polymorphismes
et leur conséquence fonctionnelle dans deux gènes d’intérêt
majeur dans l’insuffisance cardiaque, les gènes des récepteurs
ß1- et ß2-adrénergiques. Plusieurs polymorphismes ont été mis
en évidence dans ces deux gènes. Le polymorphisme Thr164Ile
induit probablement une modification de la région protéique dans
laquelle les ligands se fixent (poche), et diminue ainsi l’affinité
des ligands pour le récepteur. Ce polymorphisme a été analysé
chez 259 patients insuffisants cardiaques et 212 contrôles ; il
influe sur le pronostic de la maladie : risque relatif (décès ou trans-
plantation) = 4,81; p < 0,001.
LES CARDIOMYOPATHIES DILATÉES
Une nouvelle localisation a été décrite dans le cas des CMD fami-
liales à transmission autosomique dominante (M. Jung, Berlin)
sur le bras long du chromosome 2. Cela porte à 8 le nombre de
loci connus, alors que seul le gène de l’actine cardiaque a été
impliqué dans la maladie (tableau I). Ce nouveau locus s’étend
sur 24 cM ; le gène candidat situé dans cette région est celui de
la nébuline, une protéine sarcomérique. Le phénotype associé à
ce locus est caractérisé par une dilatation ventriculaire, une
altération de la fonction systolique et la présence de blocs atrio-
ventriculaires de premier degré.
D’autre part, une étude présentée par D. Duboc (Paris) a montré
que parmi les 58 membres d’une famille, 5 présentent une dys-
trophie musculaire d’Emery-Dreifuss et 12 une atteinte exclusi-
vement cardiaque caractérisée par un défaut de conduction et une
arythmie ventriculaire entraînant une cardiomyopathie dilatée
sévère. Quel que soit le phénotype, la maladie est localisée en
1q11-23, ceci suggérant que la cardiomyopathie dilatée peut être
la seule manifestation clinique de la forme autosomique domi-
nante de la dystrophie musculaire d’Emery-Dreifuss.
Lors de l’étude systématique du gène de la cardiotrophine 1
(J. Erdmann, Berlin), une mutation rare, Ala92Thr, dans une
région conservée entre les espèces dans l’exon 3, a été mise en
évidence chez un patient parmi 208 et 204 ADN contrôles exa-
minés ; jusqu’à présent, le rôle causal de cette mutation dans la
maladie n’a pas été mis en évidence.
La recherche de 4 mutations ponctuelles pathogéniques dans l’ADN
mitochondrial des leucocytes de 48 patients atteints de cardiomyo-
pathie dilatée s’est révélée négative, suggérant que ces mutations
ne sont pas une cause majeure de cardiomyopathie dilatée.
L’association de gènes codant des protéines du système des endo-
thélines a été recherchée dans une population de 433 patients
appariés pour le sexe et l’âge avec 400 contrôles (P. Charron,
Paris). Aucun des trois polymorphismes analysés situés dans les
gènes de l’endothéline 1 et des récepteurs A et B aux endothé-
lines n’est associé à la maladie ; cependant d’autres polymor-
phismes dans ces mêmes gènes sont en cours d’étude, et les résul-
tats préliminaires sont encourageants.
LES CARDIOMYOPATHIES HYPERTROPHIQUES
Sept gènes codant tous des protéines sarcomériques ont été impli-
qués dans les cardiomyopathies hypertrophiques (tableau II).
Dans une famille française originaire des Caraïbes, il a été mis
en évidence pour la première fois que des mutations dans deux
gènes différents, le gène de la chaîne lourde de la myosine ß et
le gène de la protéine C, “co-ségrègent” avec la maladie
(R. Isnard, Paris). Dans cette famille, deux individus sont à la fois
porteurs d’une mutation dans le gène de la myosine et dans celui
de la protéine C ; ils sont doubles hétérozygotes. Chez ces deux
Locus Gène Mode de transmission/phénotype
1q32 ? Autosomique dominant/forme “pure” *
9q13-22 ? Autosomique dominant/forme “pure” *
15q14 Actine Autosomique dominant/forme “pure” *
cardiaque
10q21-23 ? Autosomique dominant + prolapsus valvulaire mitral
1p1-q1 ? Autosomique dominant + défaut de conduction
+ tachyarythmie
2q11-22 ? Autosomique dominant + défaut de conduction
+ arythmie + bloc atrio-ventriculaire de premier degré
3p22-25 ? Autosomique dominant + défaut de conduction
+ tachyarythmie
6q23 ? Autosomique dominant + défaut de conduction
+ myopathie
??Autosomique récessif
Xp21 Dystrophine Lié au chromosome X
Tableau I. Loci et gènes impliqués dans les cardiomyopathies dilatées
familiales.
* Forme “pure” = forme non associée à une autre pathologie.
Locus Gène Protéine
14q11.2-12 MYH7 Chaîne lourde ß de la myosine (ß-MyHC)
3p21.2-21.3 MYL3 Chaîne légère essentielle ventriculaire
de la myosine (MLC-1s/v)
12q23-24.3 MYL2 Chaîne légère régulatrice ventriculaire
de la myosine (MLC-2s/v)
1q3 TNNT2 Troponine T cardiaque (cTnT)
19p13.2-q13.2 TNN13 Troponine I cardiaque (cTnI)
15q22 TPM1 α-tropomyosine (α-TM)
11p11.2 MYBPC3 Protéine C cardiaque (cMyBP-C)
7q3 ? ?
Tableau II. Gènes impliqués dans la cardiomyopathie hypertrophique
familiale.