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LA SEXUALITÉ CHEZ LES MOUSSES,
par M. Em. Marghal.
Les bryologues descripteurs ont toujours accordé une
grande importance aux caractères sexuels, dans
l'établis-
sement des groupements systématiques.
Aussi connaît-on aujourd'hui, pour l'immense majorité des espèces, la disposition morphologique des organes
sexuels.
Nos connaissances sont, en revanche, très limitées quant
au côté physiologique de
la
question.
C'est ce qui m'engage à résumer
ici
très brièvement
nouveaux acquis au cours de recherches expérimenlales que nous poursuivons, mon père
deu\ ordres de
et
faits
moi, depuis 1904, sur
la
sexualité
Le premier de ces objets concerne
chez
la
les
Mousses.
sexualisation des
spores (U.
Comparons, sous ce rapport, l'évolution d'un type dioïtel que le Brijum caespiticium, à celle d'un type
non dioïque.
que,
Comme
nous l'avons montré expérimentalement,
du Br.
les
morphologiquement toutes
identiques, sont, au point de vue sexuel, hétérogènes. 11
existe, dans une même capsule, à coup sur, en nombre
spores
catspiticium,
égal, des spores mâles et des spores femelles.
Les spores mâles en se développant donnent un proto-
(1)
El. et Em. Marghal. Recherches expérimentales sur
des spores chez,
les
Moustes dioïques.
l'Académie Royale de Belgique
la
sexualité
Mémoire couronné. Mémoires de
^ Classe des Sciences, 1906.
978
néma
qui
transmet cette polarité aux tiges sexifères
qui en dérivent. Tous
les produits, directs
d'une spore mâle sont exclusivement
mâles.
et
ou indirects,
inébranlablement
en est de même, en sens inverse, pour
Il
les
spores
femelleà.
Chez une Mousse dioïque, dans tout
comme on sait haploïdique,
qui est,
le
il
gamétophyte,
y a donc uni-
sexualité absolue.
Vient
les
deux
la
fécondation qui réunit, dans
le
sporophyte,
polarités jusqu'ici séparées.
Ce sporophyte, qui
nous
est dîploïdique, est bisexuel;
en fournirons tout à l'heure
la
preuve en étudiant
la
sexualité des produits de son extension végétative. Mais,
lors de la formation
conséquence de
cellules-mères,
la
des spores, vraisemblablement en
première division hétérotypique des
la disjonction sexuelle
produit ainsi des tétrades
deux
réapparaît et
il
se
dont deux spores sont mâles et
femelles.
Celles-ci
recommencent
le
même
J'insiste tout particulièrement
Mousses
dioïques, les
cycle.
sur ce
fait
que, chez les
individus de sexe différent naissent
sur des protonémas, propres, issus de spores différentes,
parce que cette conception, née de l'expérimentation,
n'est pas
du
tout celle des systématiciens.
Les traités généraux sur
effet,
les
Muscinées expriment, en
cette opinion contradictoire que, chez les
Mousses
dioïques, individus mâles et individus femelles naissent
sur un
même
protonéma.
Suivons maintenant l'évolution d'une Mousse non dioïnous fixerons tout à l'heure la valeur de ce terme
que
—
—
et
prenons
comme exemple
l'ontogénie d'une
Hyp-
nacée, ïAinblyskgium serpens y que nous avons spéciale-
ment
étudiée.
279
ici,
y
il
Toutes
toutes,
au point de vue de
a,
spores soat
les
les
deux
la sexualité, isosporie.
identiques,
elles renferaieiit
polarités sexuelles et les transmettent
aux gonophytes.
Nous avons observé expérimentalement que, chez une
le protonéma
Mousse du type Amblystegium serpens^
secondaire issu des tiges, des feuilles bractéales, voire
des cellules pariétales de l'anlhéridie ou de l'archégone
peut donner, en dernière analyse, naissance, à
la fois,
à
des produits mâles et à des produits femelles.
Les cellules, points de départ de ces régénérations,
étaient
donc bisexuées
dans ce
polarisé,
et l'on
que
cas,
mêmes. Au moment de
la
vraisemblablement par un
peut affirmer
les cellules
spermatide,
la
effet
de latence du caractère
le
sporophyte, mais au cours de
ici
de ségrégation sexuelle
unies
restent
et
la
mâle, dans
femelle dans l'oosphère.
La fécondation réunit à nouveau
plus
de
elles-
formation de ces dernières,
opposé, l'une des polarités émerge seule,
la
qu'il n'y a
sexuelles
se
la
;
les
deux sexes dans
sporogénése,
les
deux
il
n'y a
potentialités
trouvent ainsi représentées dans
chaque spore.
Le
Il
même
existe,
cycle recommence.
comme on
le voit,
une différence absolue
entre une Mousse dioïque et une Mousse non dioïque.
Dans
la
première, spores, protonéma, plantes feuillées,
c'est-à-dire
tous les éléments de la phase haploïdique,
sont polarisés sexuellement, tandis que, chez la seconde,
tout le gamétophyte, les cellules sexuelles exceptées, est
bisexué.
Il
convient maintenant de fixer
la
valeur des termes
dioïques et non dioïques en fonction des idées admises
jusqu'ici.
280
La diécie,pour
à
la
bryologues descripteurs, correspond
séparation des sexes sur des individus différents.
A
il
les
cette condition d'ordre
purement morphologique,
ajouter la condition physiologique que les
faut
aux dépens de protonémas
sexifères naissent
axes
issus de
spores différentes.
Quant à
non
la
diécie, elle
sont nombreux, où les
aux dépens d'un
modalités
Les
nombreuses
mâles
même
la
synécie,
femelles sur le
même
fausse
diécie,
qui consiste
mâles
et
Il
organes
des
même
la
avec présence de fleurs mâles
monécie,
d'un
non diécie sont
la
réunion
des organes lemelies dans
et
les cas, et ils
protonéma.
morphologiques de
c'est
:
comporte tous
deux sexes peuvent être produits
et
fleur
;
la
de fleurs
axe, et ce qu'on pourrait appeler la
en
la
séparation des fleurs
des fleurs femelles sur des axes diflérents issus
même
protonéma.
évident que, seule, l'élude du développement
est
peut permettre de distinguer
les
dioïques vrais des faux
dioïques.
Ce contrôle physiologique, nous l'avons réalisé déjà
pour quelques cas critiques.
ainsi
C'est
que nous pouvons aftirmer que
hygrometrica est non dioïque, malgré
dictoires émises au sujet
même
les
Fnnaria
opinions contra-
de cette espèce,
pour VEphemerum serratum^
le
qu'il en est
de
etc.
La seconde question sur laquelle
je désirerais attirer
votre attention est celle de l'intervention possible de
l'aposporie
Mousses
(1)
El.
dans
les
manifestations
du sexe chez
les
Sexualité chez
les
(1).
et
Em. Marghal.
Aposporie
et
281
Sachs a
le
le
premier montré que
Ceratodon purpureus,
ma aux
le
l'on
peut obtenir, chez
développement d'un proloné-
dépens de certaines cellules de
la
capsule et du
pédicelle.
Plus tard, Stahl, Correns et d'autres réussirent à pro-
voquer
la
régénération
du sporophyle chez quelques
espèces de Mousses.
Mais toutes ces observations se sont bornées à
statation de la production d'un
Nous avons
été plus
heureux
actuelle, en culture suivie,
et
possédons, à l'heure
et
sur lesquelles nous
effectuer des constatations d'un très réel intérêt.
Envisageons, tout d'abord,
le
con-
une douzaine deMousses issues
de régénérations de sporophytes
avonspu
la
protonéma aposporique.
Bryum
le
cas d'une espèce dioique,
caespiticium de tout à l'heure, par exemple.
La capsule non mûre, sectionnée de cette espèce, plaliquide minéral nutritif, à
cée en
la
lumière,
avec
les
précautions minutieuses qu'exige ce genre de cultures,
émet, aux dépens de certaines cellules périphériques, au
bout
d'un mois environ,
un protonéma
qui, bientôt,
produit des tiges feuilées, sexiféres.
La sexualité des fleurs de ces gonophyles aposporiques
est
remarquable
:
ces fleurs sont toutes, tout
au moins
potentiellement, bisexuées, s} noïques, ce qui est en contradiction absolue avec les caractères
te,
qui
est,
normaux de
comme nous lavons montré
la
plan-
plus haut, stricte-
ment dioique.
La bisexualité du sporophyte s'affirme donc dans
les
Mousses (Bull, de l'Académie royale de Belgique. Classe des scien
ces, n« 7, 1907).
El.
Ém. Maechal. Aposporie et Seœvalité chez les Mousses,
de l'Académie royale de Belgique, n° 12^ 1909).
et
Il (Bull,
382
végétative el Ton peut poser
son extension
produits de
en principe que, chez cette Mousse,
est strictement unisexuée, tandis
est,
comme
la théorie
phase h^ploïdique
la
que
la
chromosomique
phase diploïdique
d'ailleurs
le faisait
pressentir, bisexuée.
Mais,
fleurs
si les
tiges sexiféres
aposporiques produisent des
munies d'organes mâles
apparemment
et femelles
bien constitués, elles sont incapables d'assurer la repro-
duction de l'espèce par sporulation.
La fécondation ne s'accomplit, en
effet,
jamais chez
cette race bivalente.
Les mousses dioïques, d'origine aposporique, son tirré-
médiablement
stériles el
ne peuvent s'étendre que par
voie asexuelle.
Tout autres sont
les
phénomènes, dans
le
cas d'une
telle que VAmblystegium serpens.
Hypnacée régénère assez facilement de capsule;
le protonéma aposporique ainsi obtenu est vigoureux et
donne rapidement des tiges feuillées et des fleurs.
espèce non dioïque,
Cette
Ces dernières sont tout
est la règle
à fait
normales
:
la
monécie qui
chez cette espèce se manifeste sans altération.
Non seulement les gonophytes aposporiques ne présentent aucun trouble dans leur sexualité mais, chose
beaucoup plus remarquable encore, il en est de même de
leur fertilité
:
V Amblystegium
serpens
bivalent nous a
donné de nombreux sporophytes.
La nature intime de ces sporophytes nous
ment préoccupés. A
ou
priori^
l'autre des origines suivantes
1°)
Ils
a
longue-
on pouvait leur assigner l'une
:
pouvaient provenir du développement, sans
fécondation, d'une oosphère aposporique. Celle-ci étant,
de par son origine,
diploïdique semblait pouvoir se
développer sans l'apport du contingent nucléaire mâle.
283
L'apogamie serait apparue
régulateur rétablissant, dans
ici
le
comme un phénomène
sporophyte,
le
nombre
normal de chromosomes que l'aposporie avait doublé dans
la
phase sexifère.
pouvaient résulter
Ils
2°)
sexuelles
cellules
d'une
aposporiques.
fécondation
Chacune
de
entre
celles-ci
étant diploïdique, le sporophyte, né de leur union, devait,
dans ee
cas, être tctraploïdique.
L'étude cytologique de notre matériel nous a montré
que c'est la seconde hypothèse qui est la vraie.
Nous avons trouvé, lors de la division du tissu archesporial, un nombre de chromosomes égal à quatre fois
celui de la
Au
phase sexifère dans l'espèce normale.
cours de
dans
la
sporogénése ce nombre
est
ramené
spores. Celles-ci fixent définitivement
les
la
à
2n
race
bivalente.
Mais
phénomènes d'aposporie ne
les
chez VAmblystegium
à 2n chromosomes
dans
;
serpe?is, à la
production d*une race
une étape nouvelle peut être franchie
du nombre des éléments
voie de l'augmentation
la
se limitent pas,
représentatifs.
Nous avons obtenu
ploïdiques
feuilles
:
très
le
ia
régénération de capsules tétra-
protonéina
a
donné des gazonnements
peu vigoureux qui ont
fleuri,
mais sont
restés jusqu'ici stériles.
Deviendront-ils
Quoi
fait
de
gium
la
icû
qu'il
en
dans
la
suite ? C'est ce
que
chez
de ces gonophytes à M, le
gonophytes à 2n chez VAmblyste-
soit, d'ailleurs,
la fertilité
et
subtile,
fertiles
nous indiquera.
l'avenir
des
plusieurs autres
Barbula muralis,
espèces
etc,) suffit
pour
différence essentielle existant chez
types dioïques et non dioïques.
les
(Amblystegium
faire ressortir
Mousses, entre
284
premiers, ont une
Les races bivalentes, issues dès
sexualité
anormale, leurs
restent stériles
sible
:
la
fleurs sont
bisexuées mais
reproduction par spores est impos-
seule l'extension végétative s'accomplit.
;
Les races diploïdiques issues des espècee non dioïques,
au contraire, sont à sexualité normale et se montrent
elles peuvent se fixer par la sporogénèse.
fertiles
;
la
reproduction des formes apospori-
est intéressante
non seulement au point de vue des
La question de
ques
problèmes de biologie générale qu'elle soulève, mais
encore au point de vue spécial de
la
Bryologie.
y a tout lieu d'admettre, en effet, que la régénération du sporophyte s'accomplit en dehors des conditions
artificielles de l'expérimentation, qu'elle est non seuleIl
ment
possible, mais peut-être
quente dans
même
relativement fré-
nature.
la
Nous avons montré qu'à la suite de traumatismes
variés qui peuvent très bien se réaliser en nature (écrasement, section du sporophyte) plusieurs espèces donnent
lieu à des
développements aposporiques. Bien plus, nous
moment, une forme synoïque, stérile du
Bryum atropurpureum, trouvée sur un mur à Gembloux,
qui n'est qu'un dérivé aposporique naturel du type
étudions, en ce
dioïque.
•La possibilité
de l'existence, dans
la
nature, de Mousses
d'origine aposporique, permettra d'interpréter certaines
particularités
ontogéniques laissées
jusqu'ici
inexpli-
quées.
Les cas de polygamie observés chez certains
par exemple,
ne sont peut-être que
le
Bryum,
résultat
de
la
coexistence d'un type dioïque et de ses produits synoï-
ques d'aposporie. La
stérilité
parfois fréquente
de cer-
385
formes dioïqiies qui ne s'étendent que par
taines
végétative peut être due, soit
au
soit
fait
que
l'on se
voie
à l'absence d'un des sexes,
trouve en présence de types apos-
poriques.
Au
point de vue des caractères de l'appareil reproduc-
teur, l'aposporie doit
nouveau de
facteur important et
Mais
l'état
donc être considérée comme un
la variabilité.
diploïdique retentit, en outre, sur l'organi-
sation générale de la plante.
Une étude comparative nous
a
montré que
la
nature
diploïdique se traduit par une augmentation notable dans
les
dimensions des cellules
et des
un accroissement de volume de
noyaux,
ainsi
que par
certains organes, spé-
cialement des organes reproducteurs. Ces particularités
peuvent constituer un critérium de différenciation entre
les
types
normaux
Tels sont,
très
et les
dérivés de l'aposporie.
rapidement esquissés,
les
faits qu'il
m'a paru intéressant de signalera lattention des savants
confrères qui m'ont fait le grand honneur de m'écouter.
CONTRIBUTION A LA GÉOGRAPHIE ROTAMQUE
DU JURASSIQUE BELGE
:
DISPERSION DE L'EQUISETUM MAXlMUiM,
par A. Verhulst.
Si les
à
vallées
l'érosion
ou
du jurassique
même
sont dues au plissement,
à la réunion de ces
deux causes,
peu importe pour l'étude qui nous occupe. Il nous suffit
de constater en ce moment que le calcaire de LongwyO)
(l)
Dumont.
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