277 LA SEXUALITÉ CHEZ LES MOUSSES, par M. Em. Marghal. Les bryologues descripteurs ont toujours accordé une grande importance aux caractères sexuels, dans l'établis- sement des groupements systématiques. Aussi connaît-on aujourd'hui, pour l'immense majorité des espèces, la disposition morphologique des organes sexuels. Nos connaissances sont, en revanche, très limitées quant au côté physiologique de la question. C'est ce qui m'engage à résumer ici très brièvement nouveaux acquis au cours de recherches expérimenlales que nous poursuivons, mon père deu\ ordres de et faits moi, depuis 1904, sur la sexualité Le premier de ces objets concerne chez la les Mousses. sexualisation des spores (U. Comparons, sous ce rapport, l'évolution d'un type dioïtel que le Brijum caespiticium, à celle d'un type non dioïque. que, Comme nous l'avons montré expérimentalement, du Br. les morphologiquement toutes identiques, sont, au point de vue sexuel, hétérogènes. 11 existe, dans une même capsule, à coup sur, en nombre spores catspiticium, égal, des spores mâles et des spores femelles. Les spores mâles en se développant donnent un proto- (1) El. et Em. Marghal. Recherches expérimentales sur des spores chez, les Moustes dioïques. l'Académie Royale de Belgique la sexualité Mémoire couronné. Mémoires de ^ Classe des Sciences, 1906. 978 néma qui transmet cette polarité aux tiges sexifères qui en dérivent. Tous les produits, directs d'une spore mâle sont exclusivement mâles. et ou indirects, inébranlablement en est de même, en sens inverse, pour Il les spores femelleà. Chez une Mousse dioïque, dans tout comme on sait haploïdique, qui est, le il gamétophyte, y a donc uni- sexualité absolue. Vient les deux la fécondation qui réunit, dans le sporophyte, polarités jusqu'ici séparées. Ce sporophyte, qui nous est dîploïdique, est bisexuel; en fournirons tout à l'heure la preuve en étudiant la sexualité des produits de son extension végétative. Mais, lors de la formation conséquence de cellules-mères, la des spores, vraisemblablement en première division hétérotypique des la disjonction sexuelle produit ainsi des tétrades deux réapparaît et il se dont deux spores sont mâles et femelles. Celles-ci recommencent le même J'insiste tout particulièrement Mousses dioïques, les cycle. sur ce fait que, chez les individus de sexe différent naissent sur des protonémas, propres, issus de spores différentes, parce que cette conception, née de l'expérimentation, n'est pas du tout celle des systématiciens. Les traités généraux sur effet, les Muscinées expriment, en cette opinion contradictoire que, chez les Mousses dioïques, individus mâles et individus femelles naissent sur un même protonéma. Suivons maintenant l'évolution d'une Mousse non dioïnous fixerons tout à l'heure la valeur de ce terme que — — et prenons comme exemple l'ontogénie d'une Hyp- nacée, ïAinblyskgium serpens y que nous avons spéciale- ment étudiée. 279 ici, y il Toutes toutes, au point de vue de a, spores soat les les deux la sexualité, isosporie. identiques, elles renferaieiit polarités sexuelles et les transmettent aux gonophytes. Nous avons observé expérimentalement que, chez une le protonéma Mousse du type Amblystegium serpens^ secondaire issu des tiges, des feuilles bractéales, voire des cellules pariétales de l'anlhéridie ou de l'archégone peut donner, en dernière analyse, naissance, à la fois, à des produits mâles et à des produits femelles. Les cellules, points de départ de ces régénérations, étaient donc bisexuées dans ce polarisé, et l'on que cas, mêmes. Au moment de la vraisemblablement par un peut affirmer les cellules spermatide, la effet de latence du caractère le sporophyte, mais au cours de ici de ségrégation sexuelle unies restent et la mâle, dans femelle dans l'oosphère. La fécondation réunit à nouveau plus de elles- formation de ces dernières, opposé, l'une des polarités émerge seule, la qu'il n'y a sexuelles se la ; les deux sexes dans sporogénése, les deux il n'y a potentialités trouvent ainsi représentées dans chaque spore. Le Il même existe, cycle recommence. comme on le voit, une différence absolue entre une Mousse dioïque et une Mousse non dioïque. Dans la première, spores, protonéma, plantes feuillées, c'est-à-dire tous les éléments de la phase haploïdique, sont polarisés sexuellement, tandis que, chez la seconde, tout le gamétophyte, les cellules sexuelles exceptées, est bisexué. Il convient maintenant de fixer la valeur des termes dioïques et non dioïques en fonction des idées admises jusqu'ici. 280 La diécie,pour à la bryologues descripteurs, correspond séparation des sexes sur des individus différents. A il les cette condition d'ordre purement morphologique, ajouter la condition physiologique que les faut aux dépens de protonémas sexifères naissent axes issus de spores différentes. Quant à non la diécie, elle sont nombreux, où les aux dépens d'un modalités Les nombreuses mâles même la synécie, femelles sur le même fausse diécie, qui consiste mâles et Il organes des même la avec présence de fleurs mâles monécie, d'un non diécie sont la réunion des organes lemelies dans et les cas, et ils protonéma. morphologiques de c'est : comporte tous deux sexes peuvent être produits et fleur ; la de fleurs axe, et ce qu'on pourrait appeler la en la séparation des fleurs des fleurs femelles sur des axes diflérents issus même protonéma. évident que, seule, l'élude du développement est peut permettre de distinguer les dioïques vrais des faux dioïques. Ce contrôle physiologique, nous l'avons réalisé déjà pour quelques cas critiques. ainsi C'est que nous pouvons aftirmer que hygrometrica est non dioïque, malgré dictoires émises au sujet même les Fnnaria opinions contra- de cette espèce, pour VEphemerum serratum^ le qu'il en est de etc. La seconde question sur laquelle je désirerais attirer votre attention est celle de l'intervention possible de l'aposporie Mousses (1) El. dans les manifestations du sexe chez les Sexualité chez les (1). et Em. Marghal. Aposporie et 281 Sachs a le le premier montré que Ceratodon purpureus, ma aux le l'on peut obtenir, chez développement d'un proloné- dépens de certaines cellules de la capsule et du pédicelle. Plus tard, Stahl, Correns et d'autres réussirent à pro- voquer la régénération du sporophyle chez quelques espèces de Mousses. Mais toutes ces observations se sont bornées à statation de la production d'un Nous avons été plus heureux actuelle, en culture suivie, et possédons, à l'heure et sur lesquelles nous effectuer des constatations d'un très réel intérêt. Envisageons, tout d'abord, le con- une douzaine deMousses issues de régénérations de sporophytes avonspu la protonéma aposporique. Bryum le cas d'une espèce dioique, caespiticium de tout à l'heure, par exemple. La capsule non mûre, sectionnée de cette espèce, plaliquide minéral nutritif, à cée en la lumière, avec les précautions minutieuses qu'exige ce genre de cultures, émet, aux dépens de certaines cellules périphériques, au bout d'un mois environ, un protonéma qui, bientôt, produit des tiges feuilées, sexiféres. La sexualité des fleurs de ces gonophyles aposporiques est remarquable : ces fleurs sont toutes, tout au moins potentiellement, bisexuées, s} noïques, ce qui est en contradiction absolue avec les caractères te, qui est, normaux de comme nous lavons montré la plan- plus haut, stricte- ment dioique. La bisexualité du sporophyte s'affirme donc dans les Mousses (Bull, de l'Académie royale de Belgique. Classe des scien ces, n« 7, 1907). El. Ém. Maechal. Aposporie et Seœvalité chez les Mousses, de l'Académie royale de Belgique, n° 12^ 1909). et Il (Bull, 382 végétative el Ton peut poser son extension produits de en principe que, chez cette Mousse, est strictement unisexuée, tandis est, comme la théorie phase h^ploïdique la que la chromosomique phase diploïdique d'ailleurs le faisait pressentir, bisexuée. Mais, fleurs si les tiges sexiféres aposporiques produisent des munies d'organes mâles apparemment et femelles bien constitués, elles sont incapables d'assurer la repro- duction de l'espèce par sporulation. La fécondation ne s'accomplit, en effet, jamais chez cette race bivalente. Les mousses dioïques, d'origine aposporique, son tirré- médiablement stériles el ne peuvent s'étendre que par voie asexuelle. Tout autres sont les phénomènes, dans le cas d'une telle que VAmblystegium serpens. Hypnacée régénère assez facilement de capsule; le protonéma aposporique ainsi obtenu est vigoureux et donne rapidement des tiges feuillées et des fleurs. espèce non dioïque, Cette Ces dernières sont tout est la règle à fait normales : la monécie qui chez cette espèce se manifeste sans altération. Non seulement les gonophytes aposporiques ne présentent aucun trouble dans leur sexualité mais, chose beaucoup plus remarquable encore, il en est de même de leur fertilité : V Amblystegium serpens bivalent nous a donné de nombreux sporophytes. La nature intime de ces sporophytes nous ment préoccupés. A ou priori^ l'autre des origines suivantes 1°) Ils a longue- on pouvait leur assigner l'une : pouvaient provenir du développement, sans fécondation, d'une oosphère aposporique. Celle-ci étant, de par son origine, diploïdique semblait pouvoir se développer sans l'apport du contingent nucléaire mâle. 283 L'apogamie serait apparue régulateur rétablissant, dans ici le comme un phénomène sporophyte, le nombre normal de chromosomes que l'aposporie avait doublé dans la phase sexifère. pouvaient résulter Ils 2°) sexuelles cellules d'une aposporiques. fécondation Chacune de entre celles-ci étant diploïdique, le sporophyte, né de leur union, devait, dans ee cas, être tctraploïdique. L'étude cytologique de notre matériel nous a montré que c'est la seconde hypothèse qui est la vraie. Nous avons trouvé, lors de la division du tissu archesporial, un nombre de chromosomes égal à quatre fois celui de la Au phase sexifère dans l'espèce normale. cours de dans la sporogénése ce nombre est ramené spores. Celles-ci fixent définitivement les la à 2n race bivalente. Mais phénomènes d'aposporie ne les chez VAmblystegium à 2n chromosomes dans ; serpe?is, à la production d*une race une étape nouvelle peut être franchie du nombre des éléments voie de l'augmentation la se limitent pas, représentatifs. Nous avons obtenu ploïdiques feuilles : très le ia régénération de capsules tétra- protonéina a donné des gazonnements peu vigoureux qui ont fleuri, mais sont restés jusqu'ici stériles. Deviendront-ils Quoi fait de gium la icû qu'il en dans la suite ? C'est ce que chez de ces gonophytes à M, le gonophytes à 2n chez VAmblyste- soit, d'ailleurs, la fertilité et subtile, fertiles nous indiquera. l'avenir des plusieurs autres Barbula muralis, espèces etc,) suffit pour différence essentielle existant chez types dioïques et non dioïques. les (Amblystegium faire ressortir Mousses, entre 284 premiers, ont une Les races bivalentes, issues dès sexualité anormale, leurs restent stériles sible : la fleurs sont bisexuées mais reproduction par spores est impos- seule l'extension végétative s'accomplit. ; Les races diploïdiques issues des espècee non dioïques, au contraire, sont à sexualité normale et se montrent elles peuvent se fixer par la sporogénèse. fertiles ; la reproduction des formes apospori- est intéressante non seulement au point de vue des La question de ques problèmes de biologie générale qu'elle soulève, mais encore au point de vue spécial de la Bryologie. y a tout lieu d'admettre, en effet, que la régénération du sporophyte s'accomplit en dehors des conditions artificielles de l'expérimentation, qu'elle est non seuleIl ment possible, mais peut-être quente dans même relativement fré- nature. la Nous avons montré qu'à la suite de traumatismes variés qui peuvent très bien se réaliser en nature (écrasement, section du sporophyte) plusieurs espèces donnent lieu à des développements aposporiques. Bien plus, nous moment, une forme synoïque, stérile du Bryum atropurpureum, trouvée sur un mur à Gembloux, qui n'est qu'un dérivé aposporique naturel du type étudions, en ce dioïque. •La possibilité de l'existence, dans la nature, de Mousses d'origine aposporique, permettra d'interpréter certaines particularités ontogéniques laissées jusqu'ici inexpli- quées. Les cas de polygamie observés chez certains par exemple, ne sont peut-être que le Bryum, résultat de la coexistence d'un type dioïque et de ses produits synoï- ques d'aposporie. La stérilité parfois fréquente de cer- 385 formes dioïqiies qui ne s'étendent que par taines végétative peut être due, soit au soit fait que l'on se voie à l'absence d'un des sexes, trouve en présence de types apos- poriques. Au point de vue des caractères de l'appareil reproduc- teur, l'aposporie doit nouveau de facteur important et Mais l'état donc être considérée comme un la variabilité. diploïdique retentit, en outre, sur l'organi- sation générale de la plante. Une étude comparative nous a montré que la nature diploïdique se traduit par une augmentation notable dans les dimensions des cellules et des un accroissement de volume de noyaux, ainsi que par certains organes, spé- cialement des organes reproducteurs. Ces particularités peuvent constituer un critérium de différenciation entre les types normaux Tels sont, très et les dérivés de l'aposporie. rapidement esquissés, les faits qu'il m'a paru intéressant de signalera lattention des savants confrères qui m'ont fait le grand honneur de m'écouter. CONTRIBUTION A LA GÉOGRAPHIE ROTAMQUE DU JURASSIQUE BELGE : DISPERSION DE L'EQUISETUM MAXlMUiM, par A. Verhulst. Si les à vallées l'érosion ou du jurassique même sont dues au plissement, à la réunion de ces deux causes, peu importe pour l'étude qui nous occupe. Il nous suffit de constater en ce moment que le calcaire de LongwyO) (l) Dumont.