La peste porcine africaine et la peste porcine classique

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Rev. sci. tech. Off. int. Epiz.,
1988, 7 (4), 901-908.
La peste porcine africaine
et la peste porcine classique
chez le sanglier en Sardaigne
A. FIRINU * et C. SCARANO **
Résumé : Les foyers de peste porcine africaine (PPA) et de peste porcine
classique (PPC) ayant entraîné des mortalités parmi les sangliers vivant dans
les zones montagneuses de la province de Nuoro ont été recensés pendant dix
ans, et leur nombre comparé à celui des foyers avec mortalité de ces deux
maladies chez les porcs domestiques des mêmes zones.
Les anticorps anti-PPA ont été recherchés chez des sangliers apparemment
sains, abattus au cours des saisons de chasse annuelles, et des essais d'isolement
du virus ont été effectués à partir des organes des animaux séropositifs.
Bien que la diffusion de l'infection chez le sanglier ait été démontrée par
la présence d'anticorps (5% de séropositifs chaque année), la mortalité causée
par la PPA a été négligeable en comparaison de celle observée chez les porcs
domestiques et de celle causée par la PPC chez des sangliers des mêmes zones.
Cela pourrait indiquer une certaine résistance des sangliers à la forme mortelle
de la PPA.
L'absence du virus de la PPA chez les sangliers séropositifs et les résultats
d'une étude de l'évolution annuelle du taux de séropositivité dans cinq territoires
comparables font penser que cette population redevient indemne en un laps de
temps relativement court.
MOTS-CLÉS : Animaux sauvages - Epidémiologie - Italie - Maladies animales Maladies virales - Porc - Sanglier - Virus de la peste porcine africaine - Virus
de la peste porcine classique.
INTRODUCTION
Le sanglier (Sus scrofa ferus) est présent dans de nombreuses régions de la
Sardaigne, île au relief essentiellement montagneux ou collinaire, coupé de quelques
rares plaines. On estime la population des sangliers en Sardaigne à plus de 70 000 têtes.
L a province de N u o r o , en particulier, est surtout faite de montagnes. Du fait de
sa végétation et de son relief, nombreuses sont les zones inaccessibles à l ' h o m m e ,
donc favorables à la multiplication de différentes espèces d'animaux sauvages. Parmi
celles-ci, le sanglier représente une population de plus de 40 000 têtes ( 1 , 5).
* Istituto Zooprofilattico Sperimentale della Sardegna «G. Pegreffi», via Kennedy, 2, Nuoro, Italie.
** Istituto Zooprofilattico Sperimentale della Sardegna « G . Pegreffi», via Duca degli Abruzzi, 8,
Sassari, Italie.
902
Dans ces mêmes zones, l'élevage en liberté du porc domestique (Sus scrofa
domestica), représente 7 0 % de l'élevage porcin de l'ensemble de la province. Il est
donc compréhensible que cette méthode d'élevage ait, j u s q u ' à présent, voué à l'échec
toute tentative d'éradication de la peste porcine africaine qui, depuis son introduction
en 1978, y persiste à l'état enzootique. Les possibilités de contact entre animaux
sauvages et animaux domestiques sont nombreuses et les maladies contagieuses des
porcs domestiques se transmettent très facilement aux sangliers. C'est ainsi que des
épizooties de peste porcine classique survenues chez les porcs domestiques de 1974
à 1978 ont p r o v o q u é une forte mortalité chez les sangliers ; il s'agissait cependant
d'observations recueillies par des éleveurs, des chasseurs et des gardes-chasse, qui
n ' o n t pas toujours été confirmées par le laboratoire ( 1 , 3, 5, 6, 7).
Depuis l'apparition de la P P A , l'intérêt épizootiologique de la transmission du
contage aux animaux sauvages nous a conduits à renforcer la surveillance. A cet effet,
nous avons persuadé les personnes intéressées de remettre à nos laboratoires les
cadavres de sangliers afin d'établir la cause de leur mort ; d ' a u t r e part, nous avons
fait effectuer des prélèvements de sang, et dans certains cas de ganglions lymphatiques,
sur les sangliers qui sont normalement chassés dans les différentes zones de la province,
afin de connaître l'étendue et l'évolution de la P P A dans cette population sauvage.
DIFFUSION ET MORTALITÉ
Nous ne pouvons pas présenter les taux de mortalité en valeur absolue pour chaque
maladie, car il aurait fallu, pour cela, connaître le nombre total de sangliers, le nombre
de malades et de morts. P a r conséquent, sur la base de ce qui nous a été remis, nous
pouvons seulement comparer les foyers avec mortalité que nous avons nous-mêmes
diagnostiqués et qui ont été confirmés au laboratoire pendant dix ans pour les deux
maladies, dans chacune des deux populations animales (Figure 1).
En outre, de 1979 à 1985, nous avons organisé la récolte de sérums sanguins chez
les sangliers (apparemment sains) tués pendant les parties de chasse qui se déroulent
chaque année en décembre et janvier. Nous avons ensuite analysé ces sérums, pour
y rechercher des anticorps de la P P A , par les techniques E L I S A (18) et
d'immunofluorescence indirecte (2, 5, 8).
TABLEAU I
Recherche d'anticorps anti-PPA sur des sangliers
chassés en Sardaigne (province de Nuoro)
pendant six parties de chasse annuelles
Pourcentage annuel de sangliers (apparemment sains) séropositifs P P A
1979
1980
1981
1982
1983
1984
Nombre de sangliers
examinés
Nombre de sangliers
positifs
Pourcentage de
séropositifs
127
144
508
193
400
461
2
15
28
10
22
23
1,6
10,4
5,5
5,2
5,5
4,9
903
PPA chez les porcs domestiques (mortalité). Nombre total de foyers en
10 ans : 247 dans 49 communes
•PPC chez les porcs domestiques.
Nombre total de foyers en 10 ans :
35 dans 14 communes
- PPA chez les sangliers. Nombre total
de foyers en 10 ans : 8 dans 8 communes
-PPC chez les sangliers. Nombre total
de foyers en 10 ans : 15 dans 9 communes
FIG.1
Peste porcine africaine et peste porcine classique
dans la province de Nuoro (Sardaigne) de 1978 à 1987
comparaison de l'incidence annuelle
chez les sangliers et les porcs domestiques
904
Q
Communes avec foyers chez les porcs domestiques de 1984 à 1987
Communes avec séropositivité chez les sangliers de 1979 à 1985
Communes avec mortalité de sangliers de 1978 à 1987
FIG.2
Diffusion de la peste porcine africaine
parmi les porcs domestiques et les sangliers en Sardaigne
905
Les résultats présentés dans le Tableau I mettent en évidence une large diffusion
du virus de la P P A dans la province, c o m m e le démontrent le pourcentage élevé de
sujets séropositifs apparemment sains (100 séropositifs sur 1 833 examinés, soit 5,4%)
et leur répartition géographique dans 20 communes (Figure 2). P a r contre, la mortalité
observée a été faible, surtout après les premières années, et particulièrement en
comparaison avec le n o m b r e des foyers enregistrés chez les porcs domestiques. Cette
mortalité a été constatée dans huit c o m m u n e s , soit moins de la moitié des vingt où
nous avons trouvé une séropositivité parmi les sangliers (Figures 1 et 2).
P a r contre, l'évolution des foyers de P P C , pour laquelle nous n'avons pas de
données sérologiques, est assez superposable dans les deux populations, et le n o m b r e
des foyers avec mortalité chez les sangliers est beaucoup plus élevé, à la fois en valeur
absolue et en valeur relative, par r a p p o r t aux foyers chez les porcs domestiques
(Figure 1).
P E R S I S T A N C E D E L ' I N F E C T I O N P A R L A P P A C H E Z LES S A N G L I E R S
Le taux élevé d'incidence annuelle de séropositivité vis-à-vis de la P P A chez les
sangliers, considéré pour l'ensemble de la province, qui a été supérieur à 5 % de 1980
à 1986 (Tableau I), pourrait paraître alarmant, surtout si l'on considère la possibilité
que le sanglier soit, comme porteur sain, un réservoir biologique du virus, exactement
comme le phacochère (Phacochoerus aethiopicus) l'est en Afrique (1). En Sardaigne,
la situation serait toutefois moins compliquée car, j u s q u ' à présent et d'après nos
recherches effectuées pendant huit mois, la présence des tiques du genre Ornithodoros,
réservoir le plus important du virus en Afrique, peut être exclue.
Mais la comparaison des taux d'incidence annuelle de séropositivité dans chacune
des cinq zones homogènes de la province, dont la population de sangliers n'est pas
en contact avec celle des autres zones, et des foyers de maladie observés chez les porcs
domestiques au cours des douze mois précédant les saisons de chasse pendant lesquelles
nous avons effectué les prélèvements, nous permet de nous faire une idée plus précise
de la durée de l'infection au sein de cette population de sangliers.
E n effet, nous avons pu constater
considérable, voire une disparition totale
d ' u n e saison de chasse à l'autre, lorsqu'il
domestiques au cours des douze derniers
presque constamment une diminution
des taux de positivité dans chaque zone,
n'est pas survenu de foyers chez les porcs
mois (Tableau II).
Il semble donc que les sangliers de chaque zone deviennent séronégatifs, ce qui
pourrait signifier qu'ils se sont libérés du virus, dans un laps de temps de douze mois,
en l'absence de nouvelles sources d'infection représentées par les porcs domestiques.
L a recherche du virus que nous avons poursuivie, selon la méthode de Malmquist
(9) et l'inoculation à des porcs, au départ de ganglions lymphatiques de 32 sangliers
séropositifs et de 25 autres séronégatifs, a été entièrement négative.
CONCLUSIONS
1. Le sanglier de Sardaigne est sensible à la P P A , et les conditions du milieu dans
lequel il vit facilitent la diffusion du contage ; la résistance du sanglier à la maladie,
906
T A B L E A U II
Incidence annuelle de séropositivité PPA chez les sangliers comparée à l'incidence
des foyers chez les porcs domestiques pendant l'année précédente
dans cinq zones de la province de Nuoro (Sardaigne)
(1) Foyers chez les
porcs domestiques
(2) Tests sérologiques
effectués chez les
sangliers
Années
Zones
Barba
Seulo-Belvi
Ogliastra
Nuoro
Barbagia
Ollolal
Baronía
Marghine
Planargia
1978
19781979
(1)
(2)
Tests
Positive
14
0
0
0
0
0
0
0
0
0
0
0
0
0
0
1979
19791980
(1)
21
18
0
0
0
(2)
Tests
Positifs
•
•
44
0
26
23
2(7,7 Wo) 0
20
0
14
0
1980
19801981
(1)
(2)
Tests
Positifs
0
6
14
7
0
•
•
•
•
30
1(3,3 %)
26
4(15 <%)
28
2(7 %)
60
8(13 %)
0
0
1981
19811982
(1)
(2)
Tests
Positifs
0
o
184
3(1,6%)
0
1982
19821983
(D
(2)
Tests
Positifs
1983
19831984
(1)
(2)
Tests
Positifs
1984
19841985
(1)
(2)
Tests
Positifs
0
•
77
o—J
3
3
•
158
25(16 %)
8
0
•
28
0^
0
3
•
•
•
•
•
40
1(2,5 %)
30
3(10 %)
16
1(6,2 %)
65
2(3 %)
42
3(7,1 %)
3
2
•
m
3
61
0
3
9
3
•
•
•
192
56
3(5,4 %) 12(6,3 %)
43
0^
66
1(1,6%)
43
6(12,2 %)
11
8
13
2
•
•
•
•
7
0
82
0
97
o-J
214
21(9,8 %)
•
Zones avec foyers chez les porcs domestiques pendant l'année précédente.
•
Zones sans foyer chez les porcs domestiques pendant l'année précédente.
1
•
J
61
2(3,3 %)
Diminution ou disparition des sangliers positifs par rapport à la saison de chasse précédente.
907
la mortalité étant très faible, surtout si o n la compare à la mortalité due à la P P C ,
est donc probablement liée à des facteurs intrinsèques qui s'opposent à l'action
pathogène du virus.
2. L a population de sangliers semble se libérer du virus dans u n laps de temps
assez bref (douze mois).
A l'aide de recherches utilisant l'infection expérimentale, nous pourrons étudier
la réponse immunitaire du sanglier à l'infection, et vérifier également si nos
observations sur la durée de persistance de l'infection dans cette espèce se confirment.
Considérant le rôle a p p a r e m m e n t peu important du sanglier dans la diffusion de
la maladie, et le résultat négatif à ce j o u r des recherches visant à déceler la présence
en Sardaigne des tiques du genre Ornithodoros, réservoir potentiel du virus de la P P A ,
on peut raisonnablement estimer qu'il n'existe en fait aucun obstacle technique à
l'éradication de la maladie.
LA PESTE PORCINA AFRICANA Y LA PESTE PORCINA CLÁSICA EN EL JABALÍ
EN CERDEÑA. - A. Firinu y C. Scarano.
Resumen: Los focos de peste porcina africana (PPA) y de peste porcina clásica
(PPC) que han provocado casos mortales entre los jabalíes que viven en las
zonas montañosas de la provincia de Nuoro se han inventoriado durante diez
años, comparándolos luego a la cantidad de focos con mortalidad de estas dos
enfermedades en los cerdos domésticos de las mismas zonas.
Se han buscado los anticuerpos anti-PPA en jabalíes aparentemente sanos,
sacrificados en las temporadas de caza anuales, y se han efectuado pruebas de
aislamiento del virus en los órganos de los animales positivos.
Aunque la difusión de la infección en el jabalí se ha demostrado por la
presencia de anticuerpos (5% de seropositivos cada año), la mortalidad causada
por la PPA ha sido despreciable en comparación con la observada en los cerdos
domésticos y la causada por la PPC en los jabalíes de las mismas zonas. Esto
podría indicar una determinada resistencia de los jabalíes a la forma mortal
de la PPA.
La ausencia del virus de PPA en los jabalíes seropositivos y los resultados
de un estudio de la evolución anual de la proporción de seropositividad en cinco
territorios comparables permiten pensar que esta población está otra vez
prácticamente libre de la enfermedad tras un lapso de tiempo relativamente corto.
PALABRAS CLAVE: Animales salvajes - Cerdo - Enfermedades animales Enfermedades virales - Epidemiología - Italia - Jabalí - Virus de la peste porcina
africana - Virus de la peste porcina clásica.
*
* *
908
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