Bulletin de la Société Astronomique du Valais Romand Page 7
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Et si aujourd'hui, nous nous éclipsions …
Chapitre deuxième par Annick Clerc-Bérod
Conditions en latitude et en longitude pour les éclipses et nombre d'éclipses - 1ère partie
Dans le chapitre introductif, nous avions vu que les
conditions essentielles d'éclipse étaient les suivantes :
•L'ombre de la Terre étant à l'opposé du Soleil, la Lune
ne peut traverser l'ombre de la Terre qu'à l'époque
de la Pleine Lune, et donc l'éclipse de Lune n'est pos-
sible qu'à la Pleine Lune.
•De même, l'ombre de la Lune ne peut venir effleurer
la Terre que si la Lune se trouve entre le Soleil et la
Terre, formant écran à la lumière du Soleil (pour cer-
tains observateurs terrestres du moins), et donc
l'éclipse de Soleil n'est possible qu'à la Nouvelle Lune.
Les éclipses ne peuvent ainsi avoir lieu qu'aux dates des
syzygies (ça c'est un nouveau mot que j'ai découvert, et
qui doit faire un malheur au scrabble…), mot qui désigne
indifféremment la conjonction ou l'opposition. Mais
cette condition essentielle n'est pas suffisante, le plan de
l'orbite lunaire faisant un angle d'environ 5°17 avec le
plan de l'écliptique.
Pour établir des conditions supplémentaires, il faut faire
appel à ce que l'on appelle la ligne des nœuds qui repré-
sente à chaque instant l'intersection du plan de l'éclipti-
que et de celui de l'orbite lunaire. Les intersections de la
ligne des nœuds avec l'orbite de la Terre sont appelés
nœuds de l'orbite lunaire. Pour qu'il y ait une éclipse, il
faut donc, dans le repère écliptique géocentrique, que la
direction Terre-Soleil soit près de la ligne des nœuds au
moment de la syzygie (figure 1).
Figure 1
Orbite de la Lune, orbite appa-
rente du Soleil et ligne des
nœuds
Mais une complication se présente : les nœuds ne sont
pas fixes, car la trajectoire de la Lune n'est en fait pas
tout-à-fait plane et n'est pas fermée : elle s'enroule dans
le Zodiaque entre -5,17 et +5,17° de latitude, un peu
comme un fil de laine à la surface d'une pelote. Les
nœuds rétrogradent ainsi sur l'écliptique et chacun en
fait le tour en 18,6 ans (ainsi, en 9,3 ans, les éclipses, à
l'un ou à l'autre nœud, se produisent tout autour de
l'écliptique et toutes les constellations du Zodiaque en
sont le théâtre, et non seulement deux constellations
fixes diamétralement opposées…).
Une première conséquence de la rétrogradation des
nœuds réside dans la fréquence avec laquelle le Soleil
traverse un nœud. A priori, le Soleil ne traverserait un
nœud que tous les 6 mois : les occasions favorables à
une éclipse seraient espacées de 6 mois en 6 mois. Mais
à cause de cette rétrogradation des nœuds, d'environ
19° entre deux passages du Soleil, le temps que met ce
dernier à revenir au même nœud (laps de temps appelé
année des éclipses ou année draconique) est plus court
que l'année normale est dure 346,6 jours. C'est donc
tous les 173,3 jours que l'occasion d'avoir une éclipse se-
ra offerte.
Une autre conséquence de la non fixité de la ligne des
nœuds, qui nous intéresse plus particulièrement dans ce
chapitre, est que les syzygies ne se produisent pas tou-
jours à la même hauteur de l'orbite lunaire. Pour qu'il y
ait une éclipse, il faut donc que, dans le repère écliptique
géocentrique, la direction Terre-Soleil soit près de la li-
gne des nœuds au moment de la syzygie. Il est donc né-
cessaire d'établir des critères pour caractériser les
"bonnes" syzygies.