© Pierre Aymard et ArchéoJuraSites

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Pierre AYMARD
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ALESIA…
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LA VERITE CACHEEADANS LES TEXTES
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TABLE DES MATIERES
Peut-on encore polémiquer sur la question d’Alésia ?
Déjà Bibracte, avant Alésia.
Avant-propos
INTRODUCTION
Passages étudiés du Bellum Gallicum, Livre VII, Ch 62 à 90 :
1) Regroupement de l’armée romaine à Sens. Dispositions pour le cantonnement des
légions
2) Recrutement des cavaliers germains
3) L’embuscade de Vercingétorix
4) La direction prise par la colonne romaine
5) Discours de Vercingétorix à ses cavaliers, la veille de l’embuscade préliminaire.
6) Serment des cavaliers gaulois avant l’embuscade.
7) L’instant « T » de l’embuscade.
8) Retrait des bagages.
9) César arrive sur une hauteur dominant le champ de bataille.
10) Première intervention décisive des cavaliers germains.
11) Victoire des Germains, qui capturent l’état-major éduen de la cavalerie gauloise.
12) La fin des combats de Montsogeon
13) Sur le retrait de la cavalerie gauloise.
14) Vercingétorix se retire vers Alesia.
15) César protège ses bagages.
16) César arrive devant Alesia.
17) Début des travaux d’investissement.
18) Description de l’oppidum.
19) Autres indications sur le relief de l’oppidum.
20) La plaine de 3 000 pas, en avant de l’oppidum.
21) Autre indication sur la géographie de l’oppidum.
22) Particularité du flanc Est de l’oppidum.
23) Sur la longueur de la circonvallation.
24) Première tentative pour briser l’encerclement.
25) La retraite des cavaliers gaulois trouble les défenseurs du rempart.
26) Deuxième victoire des Germains.
27) Renvoi des cavaliers par Vercingétorix. Appel de l’armée extérieure.
28) Sur les possibilités de départ des cavaliers gaulois.
29) Dispositions pour le siège.
30) Sur les travaux romains.
31) Sur l’encerclement romain au-dessus des falaises.
32) Sur l’encerclement romain en plaine.
33) Sur les difficultés des Romains.
34) Nouvelles tentatives gauloises de briser l’étau.
35) Sur le perfectionnement des défenses.
36) Etablissement de la circonvallation contre l’armée extérieure.
37) Levée de l’armée extérieure.
38) Inquiétude de l’armée gauloise d’Alesia.
39) Sur les fortifications romaines extérieures.
40) Les Romains craignaient l’arrivée de l’armée extérieure.
41) Sur la position d’Alesia par rapport aux nations gauloises.
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42) L’armée extérieure arrive.
43) Attaque des cavaliers gaulois dans la plaine de 3 000 pas.
44) Nouveau positionnement de l’infanterie gauloise.
45) Les assiégés voyaient au bas les positions avancées de l’armée extérieure.
46) L’arène constituée par la plaine de 3 000 pas.
47) Attaque nocturne des fantassins gaulois dans la plaine de 3 000 pas.
48) Sur les camps romains de la plaine de 3 000 pas.
49) Sur les pièges de la plaine.
50) Fin de l’attaque nocturne.
51) L’armée gauloise intérieure fait une sortie pour aider l’armée extérieure.
52) Contournement des défenses romaines du Nord.
53) A propos de la colline Nord.
54) Description du (des) camp (s) Nord.
55) L’approche de Vercassivellaun.
56) L’attaque générale de la contrevallation par l’armée intérieure.
57) Les Romains sont sur le point d’être submergés.
58) César suit la situation de près.
59) Vercassivellaun est sur le point de vaincre sur les fortifications supérieures.
60) Le rôle des mouvements de terrain.
61) Les Romains n’ont plus d’armes aux fortifications supérieures.
62) Labiénus est envoyé en renfort aux fortifications Nord.
63) César monte lui-même auprès des combattants.
64) L’armée intérieure attaque les falaises de la contrevallation.
65) Percée de l’armée intérieure sur les falaises.
66) César envoie des renforts au-dessus des falaises.
67) César monte lui-même au combat.
68) César rétablit lui-même le front de la contrevallation.
69) César se prépare à contre-attaquer dans le secteur Nord.
70) Labiénus en arrive à la dernière extrémité.
71) Labiénus informe César de la manœuvre ultime.
72) César se hâte pour prendre part au combat.
73) La descente magistrale de César.
74) Une clameur générale s’élève de tous côtés.
75) Les Gaulois de Vercassivellaun sont arrivés sur les remparts romains.
76) La cavalerie de César surgit dans le dos des Gaulois.
77) Les troupes de Vercassivellaun, encerclées, perdent la partie.
78) Epilogue.
CONCLUSION
Annexe I) : Comparaison entre le site d’Alesia et celui de Besançon.
Annexe II) : Les explications confuses de Joël Le Gall sur la phase finale du siège d’Alesia.
Annexe III) : Le plan d’Alise avant Napoléon III .
Annexe IV) Les leçons de César.
Annexe V) La mise en place de l’embuscade et la bataille de cavalerie préliminaire au siège.
Annexe VI) A propos d’épigraphie.
Annexe VII) Les controverses entre historiens concernant la stratégie de la bataille d’Alesia.
Annexe VIII) Quelques remarques sur le site web du MuséoParc.
Annexe IX) Commentaires sur les « Mémoires » du général d’Empire Marbot.
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PEUT-ON ENCORE POLEMIQUER
SUR LA LOCALISATION D’ALESIA ?
C’est le titre d’un article paru dans le journal de Côte-d’Or « Le Bien Public-Les Dépêches »
en date du 11 janvier 2009, publié par des professeurs universitaires et archéologues, en
réponse à l’émission produite par Frédéric Lusa sur la chaîne de TV Canal +, le 12 décembre
2008, qui rappelait qu’un certain André Berthier, ancien archiviste à Constantine, avait
proposé une thèse alternative. Il aurait découvert Alesia par la méthode du portrait-robot,
comme en investigation criminelle. Cette thèse aboutirait à Syam et à Chaux des Crotenay,
près de Champagnole, dans le Jura. Hérésie pour les tenants d’Alise- mont Auxois, site
pourtant controversé depuis que Napoléon III l’eût placé au rang de dogme officiel !
Toute « l’intelligentsia » (Université, CNRS, DRAC de Bourgogne et de Franche-Comté,
etc…) s’est liguée contre la découverte d’André Berthier et sa propagation. Malheur au média
qui ose la porter à la connaissance du public ! La réaction négative immédiate à l’émission de
Canal + en est la démonstration.
C’est ici que la petite phrase de J.G.Bulliot, à propos de Bibracte, nous revient à l’esprit, en
repensant à l’obstiné A.Berthier :
« Les savants les plus accrédités m’étaient opposés. Il me fallut entrer en lutte avec des
érudits dont l’autorité m’aurait effrayé si mon opinion ne m’eût semblé solidement fondée. »
Qu’y a-t-il donc dans cette hypothèse Berthier qui dérange tant ces doctes archéologues ou
historiens, au point qu’ils durent faire une déclaration commune pour rétablir leur
certitude dans l’opinion publique : la bataille d’Alésia est à Alise en Bourgogne…point final ?
D’où vient cette « fatwa » contre André Berthier et ceux qui regardent avec lui pour trouver
enfin une réponse adaptée au texte de César ?
Loin de calmer ma curiosité, cet « impressionnant faisceau de preuves » et ces milliers de
photographies aériennes de René Goguey annoncés dans l’article du Bien Public m’ont fait
remettre au jour cette étude des textes, à laquelle je réfléchissais depuis quelques années, sans
me décider à la publier…Né en Auvergne, près de Gergovie et de la statue clermontoise d’un
Vercingétorix vainqueur, je vis en Bourgogne depuis une quarantaine d’années, près de la
statue napoléonienne d’un Vercingétorix perdant et honteux, sur un mont Auxois où il ne
pouvait effectivement que perdre et être ainsi traité de lâche par certains historiens. Rétablir
son honneur me tenait à cœur, et j’en voyais la possibilité.
Bien que ne me désintéressant pas de l’économie touristique de l’Auxois, devrais-je, au nom
de ce principe, laisser construire sans exprimer mon inquiétude, un nouvel « Archéodrome »,
comme celui de la société d’autoroutes APRR à Beaune,- maintenant arrêté par manque de
rentabilité- mais en beaucoup plus grand et coûteux, sur les sables mouvants historiques de la
plaine des Laumes ?
Depuis de nombreuses années je visite le site « officiel » des Laumes et le survole
périodiquement - chaque survol m’apportant, au contraire de René Goguey, un peu plus la
conviction de l’impossibilité que ce site soit en rapport avec celui de César. J’ai par contre
pris soin d’aller, en toute équité, étudier aussi en détail depuis près de vingt ans celui de
l’hypothèse d’André Berthier dans la région de Champagnole (Jura). Voici un demi-siècle
qu’elle est connue, mais on s’obstine à la négliger, en la rabaissant au même niveau que
d’autres alternatives plus ou moins fantaisistes au site des Laumes.
Jean-Paul Jacob, ancien conservateur régional d’archéologie en Franche-Comté entre 1981 et
1988, écrit dans l’article du Bien Public du 11 janvier 2009, que « le portrait-robot
d’A.Berthier est cohérent, mais ce n’est pas une preuve », …pas plus que le coup de compas
de J.G.Bulliot n’était une preuve pour trouver Bibracte. Il fallut des fouilles de longue durée,
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financées par Napoléon III, pour qu’enfin ses idées se transforment en preuves.Berthier n’a
pas eu la chance de Bulliot, aucun décret d’un quelconque empereur-archéologue n’a pu
l’aider : depuis André Malraux en 1964-1965, ou Duhamel en 1970-1971-1972, les fouilles
lui ont été quasi systématiquement refusées ; le peu qu’il a pu trouver, sans aucun appui
technique de la DRAC, lui a été d’emblée contesté. Ce n’était pourtant pas un amateur : il
avait consacré sa vie à la découverte et l’étude archéologique de la ville de Tiddis, en Algérie,
travail qui avait reçu à l’époque l’agrément de J. Carcopino, son supérieur hiérarchique (1).
C’est aussi de Constantine qu’il avait établi son portrait-robot d’Alesia, située quelque part en
Gaule à 2 000 km au Nord. Survint alors une brouille immédiate avec Carcopino, qui venait
de publier « Alesia et les Ruses de César », où il défendait le site des Laumes, tout en
inventant les « Séquanes de l’Ouest », au mont Auxois. Il admettait ainsi la valeur des textes
anciens plaçant la marche de César et la bataille d’Alesia chez les Séquanes, à l’Est de la
Saône. Mais, s’il ne put déplacer le mont Auxois en Séquanie, il n’eut aucun problème pour
faire émigrer le peuple séquane à l’ouest de la Saône ! C’est dire le comportement de certains
chercheurs vis-à-vis des textes. Cette thèse a enfin été réfutée par d’autres scientifiques,
prouvant que, dans ce domaine comme dans bien d’autres, il n’est de science exacte.
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« Beaucoup d’erreurs évidentes en géographie ancienne
doivent leur origine à des traditions
A et ignorante
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très anciennes fabriquées par la vanité patriotique
des auteurs monastiques et
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autres qui ont écrit dans l’intervalle du VIII et XIVème siècles, et dont l’autorité n’est ni plus
dque celle de cet ancien chroniqueur qui fait descendre
importante ni plus digne de confiance
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les Français des Troyens. »
a historique et comparée des Gaules cisalpines et
Walkener, « Géographie ancienne,
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transalpines », I, Paris 1839,
p 339
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© PREDOMINANCE des TEXTES ANCIENS ou de l’ARCHEOLOGIE ?
(1) Comme Jérôme Carcopino aurait, d’après un témoignage, activement collaboré pendant la Seconde Guerre Mondiale, le
Gouvernement français à la Libération n’aurait pas souhaité rajouter un discrédit historique au discrédit sur l’homme en
contrant son point de vue sur Alésia, qui restera donc au mont-Auxois
Joël Le Gall, ancien professeur à la Sorbonne, ainsi que Ch.Goudineau, professeur au Collège de
France, pour la partie littéraire,
Michel Reddé, professeur à l’Université de Nantes et directeur de l’Institut des Hautes Etudes,
maître d’oeuvre des fouilles effectuées aux Laumes de 1991 à 1996, pour la partie archéologique,
sont considérés comme faisant autorité sur la question d’Alesia.
Nous avons choisi de nous baser plus spécialement sur leurs publications dans l’étude présente, tout
en les comparant sur certains points à d’autres auteurs spécialisés comme C.Jullian, J.Carcopino,
E.Thevenot, M.Rambaud, J.Harmand, etc…ainsi qu’à la revue mensuelle des fouilles d’Alise, par la
Sté des Sciences de Semur : « Pro ALESIA », de 1906 à 1908.
De profondes discordances existent entre ces auteurs, tant sur la détermination de certains lieux
géographiques évoqués par César, que sur leurs propres appréciations des différentes phases
stratégiques ou tactiques de l’ensemble des combats constituant la bataille d’Alesia.
6
(Cf. Annexes II et VII ci-après). Tous parlent bien du même texte de César, le « Bellum Gallicum »,
- appelé aussi indistinctement : « De Bello Gallico » -, que nous écrirons ci-après « BG ». Mais ils
l’interprètent à leur manière, chacun construisant ses explications personnelles, en écrivant qu’elles
sont les seules possibles sur le site d’Alesia- Les Laumes.
Les Directions Régionales des Affaires Culturelles (DRAC) et leurs services archéologiques, le
CNRS ainsi que les Universités, admettent globalement les idées de ces auteurs proposant comme
seule possible la thèse de l’emplacement de la bataille d’Alesia aux Laumes/mont-Auxois, sans se
positionner clairement pour ou contre telle ou telle interprétation, par exemple pour le Réa ou pour
Bussy comme montagne Nord, lors de la bataille finale.
Pour le lecteur averti, cette thèse apparaît ainsi basée sur des sables mouvants, malgré les éléments
archéologiques proposés comme témoins ou même preuves. Si elle était inébranlable, tous les
auteurs cités ci-dessus auraient une explication commune (voir annexes). Il y aurait beaucoup moins
de littérature à ce sujet…et cela n’aurait laissé aucune place à la moindre polémique sur le lieu de la
bataille d’Alesia, polémique dans laquelle se sont engouffrés de ce fait des chercheurs de sites
alternatifs, sérieux ou fantaisistes.
Nous avons souhaité y voir nous-mêmes plus clair, et apporter au lecteur une vision comparative du
problème, - car nous estimons, devant tant de contradictions, qu’il y a toujours un problème, malgré
les récentes fouilles de Michel Reddé,- en repartant des textes anciens, celui de César en particulier.
Il était donc nécessaire d’examiner, d’abord le texte du BG lui-même et la façon de César de
s’exprimer à travers celui-ci, la manière dont il a été retranscrit et traduit, puis l’utilisation de ce
texte ainsi traduit par tel ou tel historien ou archéologue …pour qu’enfin la vérité ne se cache plus
derrière les textes !
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« Une traduction trahit toujours un texte : si elle cherche à en retrouver le style, elle s’éloigne du fond,
et si elle veut conserver le fond, elle ne peut retrouver le mouvement original. Pour une étude
historique, c’est le fond qui compte ».
J.Le Gall, « Alesia, Archéologie et Histoire » Fayard 1963
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« Le texte de la e
Guerre des Gaules donne au lecteur une telle impression d’aisance et de clarté qu’on
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est tenté a priori
de le considérer comme établi sur la base solide d’une tradition indiscutable. »…
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« Vingt années d’études, de conférences et de controverses alesisennes m’ont appris que beaucoup de
© auraient été évitées, beaucoup de papier et d’encre économisés, si les érudits avaient
discussions
d’abord recherché, à travers les textes des manuscrits, ce que César a réellement écrit »
Ex : 10 000 ou 11 000 pas : les manuscrits de la famille « a » portent XI ; ceux de la famille « b »
portent X. Une étude et une confrontation des manuscrits s’imposent avant toute discussion. »
E.de Saint-Denis – « Alesia, Textes littéraires antiques »- J.Le Gall, E. De Saint-Denis et R.WeilPrésentation. Les Belles-Lettres - 1980.
Ainsi est-il possible, d’après J. Le Gall et E. De Saint-Denis, que les traductions soient orientées selon la
sensibilité des traducteurs, en fonction des leçons qu’ils ont retenues de telle ou telle série de
manuscrits. L’interprétation ne peut-elle aller au-delà de la simple sensibilité? Les linguistes n’ont-ils
pas - même inconsciemment -, en s’éloignant du mot-à-mot, pu orienter leur texte en bon français selon
une vision adaptée au site des Laumes, considéré a priori comme étant celui de la bataille d’Alesia ?
Le Gall et De Saint-Denis vont encore plus loin dans ce sens:
« On doit juger chaque cas en lui-même, d’après le contexte, d’après l’usage de César, d’après les
suggestions du sens critique. J’ajouterais : d’après les résultats des fouilles archéologiques, en ce qui
concerne notre texte sur les retranchements d’Alésia et autour d’Alésia, texte unique qui appelle sans
cesse une confrontation avec les témoignages des auteurs écrivains grecs ou latins, et avec les données
7
des archéologues. » J.Le Gall et E.De Saint-Denis : « ALESIA, Textes littéraires antiques » (Belles
Lettres 1980)
Autrement dit, pour ces universitaires littéraires, c’est clairement le terrain des Laumes qui doit guider
les traducteurs dans l’établissement de leur texte, puisque Alesia est aux Laumes. Michel Reddé,
directeur des fouilles de l’année 1991 et suivantes, financées en grande partie par le Conseil Général de
Côte d’Or, ne dira pas autre chose. Mais, à sa décharge, était-ce vraiment son rôle de repartir des textes
anciens en latin ou en grec ? Ne devait-il pas faire confiance aux traductions publiées par les littéraires,
même si ces littéraires ne sont pas archéologues ni militaires, et ne voient pas très bien les
improbabilités, ni même les impossibilités d’appliquer les traductions des manuscrits au terrain d’Alesia
pré-convenu, et imposé au XIXème siècle par Napoléon III ?
Michel Reddé s’autorise ainsi à proclamer que, lorsque ce qu’il trouve sur le terrain ne correspond pas
au texte, c’est le texte de César qui est faux ou, pour le moins, vague et incomplet. Il faut cependant
remarquer que le Bellum Gallicum- (BG), « Les Commentaires » de César est considéré par ailleurs,
comme suffisamment crédible. Est-ce donc ce texte lui-même de César, qui doit être remis en cause, les
séries de manuscrits - et leurs copies successives du IXème au XIVème siècle, - leur traduction par les
latinistes, ou l’interprétation de tout ceci par les archéologues ?
Nous allons tenter de le vérifier en reprenant les ouvrages de deux auteurs ayant publié une traduction
du Bellum Gallicum de César, après avoir étudié soigneusement les séries de manuscrits pour établir
leur texte. Nous allons les confronter mot pour mot, en suivant la chronologie du texte de César dans le
chapitre VII du BG consacré à Alesia.
Nous pourrons ainsi vérifier comment s’applique leur traduction, non seulement par rapport au site des
Laumes, mais aussi, après avoir éliminé d’emblée les « fantaisistes », par rapport à celui paraissant le
plus crédible qui ait pu lui être opposé : celui de Crotenay-Syam-Chaux des Crotenay, près de
Champagnole (Jura). Celui-ci a été découvert en 1962 par André Berthier, correspondant de l’Institut,
selon la méthode du portrait-robot, à 2 000 km de distance, et sans qu’aucun lien toponymique ou intérêt
quelconque local puisse lui être opposés.
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Déjà BIBRACTE, avant ALESIA…
« Je dois convenir que les savants les plus accrédités m’étaient opposés. Il me fallut donc entrer
en lutte avec des érudits dont l’autorité m’aurait effrayé si mon opinion ne m’eut semblé
solidement fondée». (« Bibracte et les Eduens » Goudineau et Peyre Ed. Errance 1993)
Jacques-Gabriel Bulliot, négociant en vin
Découvreur du site de Bibracte au mont Beuvray.
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Une controverse sur la localisation du site de Bibracte a existé dans la deuxième moitié du 19ème siècle.
Les membres de la Commission de la Carte des Gaules, avec son président Mr.De Saulcy, le colonel
Stoffel, archéologue had hoc de l’Empereur, chargé de la cartographie des Gaules (1), ainsi que
l’évêque d’Autun, étaient persuadés que cette ville était l’ancien oppidum des Eduens durant la période
de l’indépendance gauloise. On y avait découvert notamment deux inscriptions à la déesse « Bibracte »,
présentée comme une preuve indiscutable.
Or un négociant en vins de Saône et Loire, qui avait fait ses « humanités » et connaîssait le latin, JeanGabriel Bulliot, s’était penché sur le texte du BG. Il avait été fasciné par l’épisode du passage des
Helvètes chez les Eduens, qui avait accéléré l’arrivée en Gaule de César et de ses légions, six années
avant Alesia. (2)
Il découvrit que, lors de cette bataille, le texte du BG indiquait que Bibracte devait se trouver à 18 milles
(27 km) du lieu où les Romains s’étaient affrontés avec les Helvètes. Ayant déterminé ce lieu grâce aux
données du BG de César, il montra à Stoffel qu’avec son compas au rayon de 27 km, il ne se trouvait
aucun lieu correspondant à la bataille en prenant Autun pour centre du cercle. Par contre, à partir du
Beuvray, la concordance apparaîssait. Stoffel resta sceptique, ne voulant pas se rendre à l’évidence.
Bulliot découvrit un oppidum à l’aspect massif et prohéminent, comme les oppida gaulois d’avant la
romanisation des Gaules. C’est là que, peu-à-peu, il mit à jour les restes d’une ville gauloise entourée
d’un murus gallicus, qui s’avéra être Bibracte.
Devant ces faits incontestables, l’évêque d’Autun, ayant pris la peine de se déplacer au Mont- Beuvray,
se rangea à l’avis de J.G.Bulliot et entreprit de convaincre Napopléon III de lui donner les moyens
d’exécuter des fouilles.
Il dut pour cela passer outre les avis contraires obstinés du colonel Stoffel.
Celui-ci, après avoir visité le site, guidé par J.G.Bulliot, et avoir écouté ses explications, fit mine
d’ignorer sa découverte, avant de tenter, plus tard, de la récupérer à son compte !
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En fait André Berthier, avec son portrait-robot, a procédé en 1962 de manière semblable à
J.G.Bulliot un siècle auparavant : partant des composantes incontournables du BG et des textes
anciens, et les appliquant à une carte, sans aucun a priori d’ordre toponymique, il a découvert un
site pour Alesia que personne ne connaissait, et qui, évidemment, correspond beaucoup mieux aux
textes, puisqu’il en est tiré.
1) Voici une remarque édifiante, relevée par B.Marque dans : « Pour l’identification de Gergovie », Tulle, 1934, p.10 et 11, à
propos de « l’archéologue » Stoffel au service de Napoléon III :
« Il (Stoffel), tenait naturellement à contenter l’empereur et il fit son possible pour retrouver les deux fossés qu’on lui signalait…ce
n’était hélas qu’un fossé d’écoulement…Stoffel prévint loyalement l’empereur de son échec partiel…mais celui-ci passa outre et, en
1865, le nom malencontreux de Merdogne fut officiellement remplacé par le beau nom de Gergovie. » Cité par P.Eychart dans « La
Bataille de Gergovie », Ed .Créer, 63 Nonette, 1987
9
2) Une partie des Eduens avait appelé César au secours, tandis qu’une faction était pour le moins réservée : le chef des cavaliers
éduens alliés à César contre les Helvètes, Dumnorix, avait tourné bride avec ses 4000 cavaliers au moment crucial, et ainsi failli faire
perdre la bataille aux Romains. Les Eduens ont toujours été hésitants et divisés sur la conduite à tenir face à César. Nous verrons
plus tard, à Gergovie, se reproduire le même scénario : les cavaliers éduens, arrivant à Gergovie en alliés des Romains, ont
finalement rallié Vercingétorix sous la pression d’une partie de leurs chefs.
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t Comme le
« Lorsque l’on cherche, le danger c’est d’appliquer à une expérience un cadre pré-établi.
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S et la capacité à
disait Pasteur, il faut s’incliner devant les résultats.Cela nécessite un esprit d’ouverture
a
remettre en cause les concepts de base, si le résultat ne cadre pas. »
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Professeur Luc Montagner
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é « eureka, j’ai trouvé ».) 1996
Sur ARTE, « Les plaisirs de la science » (soirée Théma – documentaire
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« César est le plus simple
A et le plus fidèle de tous les historiens » (Cicéron)
reste un grand chef, sa loyauté est au-dessus de tout soupçon, il
« Vercingétorix
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est impossible
plus d’habilité. »
Pi de conduire la guerre avec
BG VII, 21 – L.A.Constans
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« On lui reconnaissait des dons supérieurs de discernement et de prévision. »
BG VII, 30 – L.A.Constans
« J’ai entrepris cette guerre, non à des fins personnelles, mais pour conquérir la
liberté de tous. »
(Vercingétorix – rapporté par César) BG VII, 84 – L.A.Constans
10
Avant –Propos
Ayant traduit de longs passages de la « Guerre des Gaules » (Bellum Gallicum) de César durant
mes études secondaires, j’ai été sensibilisé tout particulièrement par les batailles de Gergovie et
d’Alesia, en 52 av JC, durant lesquelles s’est jouée l’indépendance gauloise.
Les descriptions précises de César dans son rapport militaire qu’était le BG m’étonnaient quand je
visitais par la suite le site des Laumes. Les traductions me paraissaient assez édulcorées au parfum
de ce site, et pouvaient parvenir à égarer le lecteur non averti, bien que les auteurs soient pourtant
sérieux et reconnus officiellement, surtout L.A.Constans, dont les livres servaient à l’étude de la
Guerre des Gaules dans les classes de latin des collèges.
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Par exemple, « Cujus collis radices duo … flumina subluebant » évoquaient plus pour moi deux
torrents de montagne encaissés, pouvant s’opposer au passage d’une armée (emploi de flumen plutôt
que rivus par César), qui « lavaient par en-dessous » les racines de la colline.
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Dans « mediocri interjectio spacio pari altitudinis fastigio oppidum cingebant », l’oppidum d’Alesia
m’apparaissait comme étroitement ceinturé par des hauteurs de même altitude, avec des falaises
sommitales « fastigio » qui ceinturaient de très près l’oppidum (du verbe cingere), comme une corde
autour du cou.
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…Et que dire de la plaine « de 3000 pas », soit 4 500m (en longueur), « intermissam collibus »
inserrée dans l’interstice laissé libre entre ces mêmes falaises sommitales ? Ce n’est pas l’impression
que l’on a depuis le sommet du mont Auxois où les « loca praerupta », les abrupts indiqués par
César, sont totalement absents de la contrevallation tracée sur le plan de Napoléon III.
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… Et où sont encore les « abruptis ripis » rajoutées par Florus au récit de César, comme pour le
confirmer, les « rives abruptes » de l’Oze et de l’Ozerain, simples ruisseaux de plaine ?
Il y a des dizaines et des dizaines d’expressions du BG qui n’ont rien à voir avec le site des Laumes,
sur les plans géographique, stratégique ou tactique. Cela m’a paru tellement étrange que, pour tenter
de comprendre le problème, j’ai décidé de reprendre les textes latins, d’examiner la façon dont on les
a traduits, en comparant les deux traductions, et de les appliquer aux deux sites concurrents pour voir
auquel le BG de César correspond le mieux.
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Alors, dirons-nous, César s’est-il trompé de site, puisque, d’après J. Le Gall et M.Reddé, ce que l’on y
trouve n’a qu’une ressemblance partielle avec son BG ? Il était cependant bien présent, lui, en - 52.
N’a-t-il pas dit totalement la vérité, ou bien son texte est-il trop imprécis pour que des indications
incontestables puissent en être retirées ?
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Pourtant, aucune identification du site d’Alesia n’est possible sans ce texte. C’est bien à partir de
celui-ci qu’au IXème siècle le moine Eric, de Saint Germain d’Auxerre, visitant l’abbaye de Flavigny,
toute proche de l’ancienne ville gallo-romaine d’« Alisiia » qui servait de carrière de pierres à sa
construction, a fait circuler la légende de la découverte d’Alesia au mont Auxois dans toute la
chrétienté, dans le but tout à fait louable « que cette bataille qui a vu la fin de l’indépendance gauloise
ne soit pas perdue de la mémoire des hommes ».
Car ce site de la bataille semble bel et bien avoir été perdu depuis l’Antiquité gallo-romaine.
Certaines « Vies des Saints » évoquent le nom d’Alesia, généralement écrit « Alisia », ou « pagus
alsenses », le plus souvent à propos du martyr de Sainte-Reine qui s’y est déroulé. (1) Cependant
nous ne relevons aucune référence à une immense bataille entre César et Vercingétorix. Aucun
chroniqueur du haut Moyen-Age ayant une valeur historique reconnue, comme Sidoine Apollinaire au
5ème siècle ou Grégoire de Tours au 6ème siècle ne l’ont, semble-t-il, jamais évoqué. La ville aurait
été rasée, d’après Florus, par les soldats romains, ce qui était tout à fait leur habitude pour les villes
qui leur avaient résisté. (cf : Carthage, en Numidie, capitale d’Hannibal, détruite par Scipion, et qui
mettra cent ans avant de revoir la moindre habitation sur son emplacement ou, en Gaule même,
Bourges –Avaricum-, rasée par César au début de l’année -52. Quarante mille personnes, femmes et
enfants compris, y ont péri, alors que Vercingétorix avait conseillé de l’évacuer sans résistance.
11
Alesia, symbole de la lutte pour l’indépendance Gauloise, n’aurait jamais du pouvoir se développer
rapidement aussitôt après la bataille, pour devenir florissante comme Alise à l’époque gallo-romaine.
Les fouilles archéologiques relèvent sur le mont Auxois les traces d’au moins deux incendies de la
ville durant cette période gallo-romaine. Des évènements graves s’y sont donc bien passés durant la
période romanisée. Malheureusement, aucune relation précise comme le BG ne nous est parvenue
sur ces évènements. Il est cependant possible d’émettre quelques pistes, - que l’on pourra
argumenter ou réfuter par les monnaies douteuses de Napoléon III, mais qui montrent que d’autres
évènements militaires ayant entraîné un siège à la polyorcétique romaine ont pu s’y dérouler :
Par exemple, la révolte des Eduens en 21 ap J.-C.(2), matée par les légions romaines venues
spécialement de Germanie, ne pourrait-elle pas avoir atteint Alisiia, capitale du « pagus alsensis » et
laissé des traces de type « polyorcétique romaine », avec agger- levée de terre-, tours et fossés,
visibles sur les milliers de photos aériennes de René Goguey autour du mont Auxois ? La porte dans
la palissade, de type « clavicula », n’existait pas encore du temps de César, qui n’en parle pas
précisément dans le BG. Elle avait été reconnue dans des fortifications seulement au 1er siècle après
JC. Mais, comme R.Goguey en a repéré une, apparaissant sur ses photos aériennes, celle-ci a été
fouillée par M.Reddé, qui l’a rattachée au siège d’Alesia.
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Par ailleurs, quand César écrit : « Hoc intermissio spatio duas fossas quidecim pedes latas » Ayant
donc laissé semblable intervalle entre cette ligne et la suivante, il creusa deux fossés larges de quinze
pieds et chacun de profondeur égale (L.A. Constans) », le nombre de fossés à retrouver n’est-il pas
de deux, et non trois comme il en a été retrouvé dans la plaine des Laumes, même si le troisième est
plus petit ? Nous reviendrons souvent dans cet ouvrage sur les incohérences entre ce qui a été
retrouvé sur le terrain lors des dernières fouilles (sous la direction de Michel Reddé) et les textes.
Pour en savoir plus sur la précision de l’écriture de César, nous avons recherché plus haut dans le
BG si la description d’autres sites géographiques que celui d’Alesia, connus ceux-là avec certitude
sans la moindre polémique à l’heure actuelle, pouvaient nous éclairer. Et, curieusement, la description
du site de Besançon (Vesontio, capitale des Séquanes au temps de César), que nous avons toujours
sous les yeux, nous montre une incroyable précision dans les mots que César utilise. Nous voyons
notamment que le même verbe « cingere » : « entourer étroitement », comme la corde autour du cou,
que nous voyons appliqué à la boucle du Doubs autour de l’oppidum des Séquanes, (cf BG I-38), l’est
également aux collines autour de celui d’Alesia. (Voir Annexe I ci-après, étude et photo satellite).
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Il ne peut donc, à mon sens, être question d’imprécision chez César. Tout au plus faut-il faire la
part de ce qu’il peut écrire pour rajouter à sa gloire. Mais ce n’est pas dans la description d’un site
géographique, où il ne retient que les éléments en rapport avec les évènements militaires, qu’il faut
chercher une distorsion de la réalité. Les découvertes des chercheurs, linguistes, historiens ou
archéologues, sur le terrain de la bataille d’Alesia, à commencer par la localisation de la bataille
préliminaire de cavalerie, introuvable sur le site des Laumes, doivent donc correspondre au texte.
(Voir ci-après ce qu’écrit J.LeGall sur la localisation, ou plutôt l’absence de localisation de cette
bataille autour du mont Auxois.)
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Si un élément d’un puzzle ne coïncide pas, doit-on chercher à le faire entrer de force dans sa case, et
affirmer par exemple que l’archéologie de terrain doit avoir prépondérance sur le texte du BG,
largement corroboré par plusieurs auteurs anciens ? C’est pourtant ce qui ressort des campagnes de
fouilles de 1992 à 1996, dirigées par Michel Reddé. Celles-ci avaient été commandées et financées
par le Conseil Général de Côte d’Or, non pas pour établir véritablement si la bataille d’Alesia est bien
située au mont Auxois – mais pour retrouver les traces des fouilles de Napoléon III afin d’établir une
base historique à un lieu d’exposition projeté à des fins touristico-économiques, un Muséo-Parc. (Voir
ci-après). C’est en cela que M. Reddé pouvait devenir le « Stoffel » du Conseil Général, devant
répondre aux attentes de son commanditaire par une nécessité de résultat. Heureusement, il précisa
très honnêtement, devant la réalité du problème, que son rôle était tout d’abord d’extirper les tares du
dossier napoléonien. Et dieu sait s’il y en avait (3). Il n’est pas étonnant qu’il se soit parfois trouvé
enfermé dans des complexités inextricables, l’emmenant à déclarer ou laisser sous-entendre que, si
ce qu’il trouvait sur le terrain n’était pas ce qui était indiqué dans le BG, c’est que le texte de César
était faux ou trop imprécis…Il dut donc se résoudre à accepter d’avance qu’Alesia était au mont
Auxois, et travailler en conséquence, avec ou sans César...S’est-il imprégné au préalable, de façon
précise, des textes originaux latins ou grecs ? Qui, de toute façon, le lui demandait ?.
Cela dit, que penser des affirmations des historiens, des littéraires universitaires, et d’un photographeaérien archéologue, enfin rassurés que le responsable des fouilles archéologiques autour du mont
12
Auxois ne vienne pas infirmer leur conviction, mais leur apporte au contraire des preuves nouvelles
pour conforter celles, pour le moins pas très scientifiques, du dossier Napoléon III ? M.Reddé n’auraitil pas pu éviter de s’enfermer dans le syllogisme : « Alesia est aux Laumes, donc ce que l’archéologie
en retire doit être attribué à la bataille de l‘ été – 52 » ? Ses découvertes nouvelles, comme les
anciennes, ne pourraient-elles s’appliquer à des travaux de poliorcétique, de type « romain » certes,
mais exécutés dans le cadre d’une autre bataille que celle d’Alesia ? N’oublions jamais les mots de
César, qui n’avait pas l’habitude d’encenser les chefs ennemis, à propos de Vercingétorix: « On ne
peut conduire la guerre de meilleure manière contre moi », et « Vercingétorix est un grand chef ».
Un tel chef peut-il être devenu à ce point stupide pour s’être laissé enfermer dans ce piètre oppidum
d’Alisiia au mont Auxois, laissant ainsi le chemin de Bibracte tout proche ouvert au pillage romain, au
lieu d’aller défendre cet oppidum où se tenait le conseil des peuples de la Gaule centrale ? …cette
même Bibracte chère à J.G. Bulliot, qui a du lutter ferme pour en faire reconnaître le site au MontBeuvray, seul contre ces mêmes certitudes de certains érudits n’acceptant aucune remise en
cause…? Malgré tout, c’est pourtant bien à lui que l’avenir a donné raison. A lui, et ensuite à son
neveu J. Déchelette, qui deviendra la référence en archéologie pendant de nombreuses années.
Contre toute attente, et après bien des hésitations, Napoléon III s’était décidé à financer ses travaux
de recherche. Le même Napoléon III qui venait de décréter qu’Alise au mont Auxois serait Alesia dans
son livre « L’histoire de Jules César », contre l’avis de Jules Quicherat, l’un des maîtres de
l’archéologie de l’époque. Comprenne qui pourra.Chercher ailleurs, lorsque des voix différentes
s’élèvent, pas toutes stupides, peut parfois être une sage décision. Dans le cas d’Alesia, la recherche
effective de la vérité historique pourrait, de plus, parvenir à réhabiliter Vercingétorix dans son honneur
de plus grand chef que la Gaule ait jamais connu, et qui fut tout près de battre un autre chef génial,
Caius Julius Caesar.
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Mais il faudrait pour cela changer les livres d’histoire. Reconnaissons que cela n’est pas facile à
admettre, ni à mettre en œuvre.
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D’après le chanoine Marullier (Cf J. LeGall, Alesia-Textes Littéraires Antiques), les « Vies des Saints » écrites du
Vème au IXème siècle mentionnent souvent « Alisia » ou « pagus alsensis ». Nous observons cependant que le mot
« Alesia » est rarement écrit avec un « e », mais le plus souvent avec un « i ». Par exemple : « et in territurio Edua
civitate, loco Alisia, natale Sancte Reginae martyrae » = « …au territoire de la cité d’Autun, au lieu (nommé) Alise, le
jour de la naissance (au ciel) de Sainte-Reine, martyre ». Aucune mention de bataille.
2)
« Les privilèges fiscaux dont jouissaient les cités fédérées et libres avaient été, semble-t-il, supprimés par Tibère.
Ce furent, en effet, les deux principales de ces cités, naguère privilégiées, les Trévires, les plus belliqueux des
Gaulois, et les Eduens, les plus puissants peut-être mais jusque là les plus prudents qui, en 21 après J.-C, donnèrent
le signal de la révolte….les Eduens révoltés purent s’emparer d’Autun… (NB …Alisiia était une cité éduenne
proche de Bibracte).Ils trouvèrent aussi à Autun une école de gladiateurs ; ils crurent pouvoir en faire une troupe
d’élite. Ce premier succès avait entraîné leurs voisins les Séquanes. Les paysans accouraient de toute part pour
rejoindre les révoltés. Leur armée atteignait 40 000 hommes, mais les armes faisaient défaut. C’est avec des
couteaux et des épieux de chasse que cette troupe dut affronter les légions venues du Rhin. (NB / d’où les travaux
retrouvés, de poliorcétique romaine, mais non césarienne, ainsi que les umbos de bouclier et les ossements de petits
chevaux germains.) » Albert Grenier « La Gaule, province romaine,Didier,1946. Une autre révolte touchant les
Eduens fut celle de Vindex, en 68-70 ap J.-C., qui s’opposa à Néron, lequel se tua. Les troubles dus à sa succession
furent très graves en Gaule et en Germanie, qui furent tout prêts de faire sécession. Ce fut Vespasien et ses légions
d’Orient qui vinrent rétablir l’ordre romain en battant Vitellius, qui s’était auto-proclamé empereur. Albert Grenier
poursuit : « Il se produisit alors chez les Eduens (NB- contre Vitellius) un mouvement curieux. A la voix d’un
prophète Marice, se prétendant inspiré des dieux, huit mille paysans de la petite tribu des Boïens, entraînant
derrière eux, partout où ils passaient, le peuple des campagnes, se proclamèrent « champions des Gaules ». Les
villes ne partagèrent pas leur délire ; Autun résista.-(NB- …et Alisiia ?) Marice fut pris et jeté aux bêtes. »
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3) « Sortir du dossier napoléonien les éléments fallacieux » M.Reddé, juin 1994 - Rapport sur les recherches d’AliseSainte-Reine de l’année 1993 à l’Université de Bourgogne.
13
INTRODUCTION
Les Commentaires de la Guerre des Gaules – Bellum Gallicum [BG] (on dit aussi « De Bello
Gallico ») par Julius Caïus Caesar [César] n’indiquent pas précisément le lieu de la bataille
d’Alesia. Ils permettent cependant de définir sa localisation en juxtaposant les indications
géographiques, stratégiques et tactiques qu’il recèle, sans même le recours aux hasardeuses
données toponymiques. De nombreux manuscrits, du IX ème au XIVème siècle, existent encore
de nos jours, référencés en deux séries principales, « a » et « b », comportant elles-mêmes
plusieurs sub-divisions. Joël Le Gall et E.de Saint-Denis en ont publié un recensement dans
« ALESIA, Textes Littéraires Antiques » (Les Belles Lettres- 1980). Nous verrons que les
traducteurs scrupuleux, dont L.A Constans, en ont fait une analyse méticuleuse avant d’établir
leur texte, car ils devaient souvent arbitrer, parmi les séries, entre deux ou plusieurs variantes,
selon leur propre sensibilité. E. de Saint-Denis, tout comme L.A.Constans, pensent qu’aucune
série ne peut définitivement l’emporter sur une autre, et qu’il faut trancher selon le contexte. Il y a
donc une part d’interprétation et de subjectivité dans les textes rendus en français.
Les traducteurs ont pu avoir sous les yeux l’image réelle ou la représentation graphique du site
des Laumes, dans l’Auxois, immortalisée par Napoléon III dans son Histoire de Jules César. Mais
ils ne connaissaient pas celle de l’hypothèse d’A.Berthier, dans le Jura. Or celle-ci est la seule qui
ne soit pas fondée au premier abord sur une ressemblance de nom. C’est aussi la seule qui, partant
du texte du BG et des autres auteurs anciens, sans en changer quoi que ce soit ni le triturer en tous
sens, aboutit à un lieu géographique précis, et non l’inverse.
Retrouve-t-on effectivement, dans le texte latin du BG, des indices permettant de juger si les
traductions n’ont pas été adaptées, consciemment ou non, au site des Laumes ? C’est le but de
cette étude comparative sur deux latinistes réputés, avec vérification de leur corrélation et
appréciation de leurs annotations sur les deux « candidats-sites », y compris si les traductions ne
sont pas discordantes.
Pour cela, nous avons étudié tout d’abord le texte « référence » latin et français de
L.A.Constans, aux éditions Les Belles Lettres, Association Guillaume Budé, Paris 1926 ; 13ème
tirage, 1990. Ensuite, nous avons retenu une autre traduction française : César, la guerre des
Gaules, de M.Rat, GF Flammarion, 1964.
Nous avons ainsi relevé des phrases de César concernant le siège d’Alesia, dans lesquelles
les deux auteurs présentaient des différences de traduction importantes dans un même paragraphe.
De la même façon, nous avons constaté de nombreuses phrases au sujet desquelles ils
étaient en concordance, mais où certains mots latins nous paraissaient rendus en un français ne
permettant pas la bonne compréhension du déroulement de l’action, ou même étaient purement et
simplement éludés quand ils ne voyaient pas comment ils pouvaient les appliquer aux Laumes.
Les textes, ainsi édulcorés et tronqués, peuvent laisser paraître une certaine correspondance avec
ce site. Cependant, la réalité est toute autre : plus on se rapproche du texte latin, plus on s’éloigne
du mont Auxois. Ce qui force notre perplexité, c’est qu’à l’opposé, le récit de César prend place,
sans qu’il soit nécessaire de le tronquer ou l’étirer en tous sens, dans le cadre naturel du site
découvert par A.Berthier par la méthode du portrait-robot, à Crotenay-Syam-Chaux-des-Crotenay
(Jura), près de Champagnole, et seulement celui-ci.
Il est évident qu’Alise Sainte Reine est une bourgade gallo-romaine pleine d’intérêt. Elle
mérite à elle seule l’attention des collectivités pour sa mise en valeur. Quant à y placer la bataille
de Vercingétorix contre César en -52, nous ne pouvons y souscrire, quitte à devenir l’un des
« vilains canards », comme disait Jean-François Bazin lors d’un colloque de la communauté
scientifique à l’Université de Dijon. Aucun des arguments de Napoléon III, J. Le Gall ou même
M.Reddé ne nous satisfait béatement. Pour comprendre ce qui s’est passé, il faut fermer les yeux
sur Alise et se laisser pénétrer par les phrases clefs de César.
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Non seulement ce site « officiel » ne correspond pas du point de vue géographique mais -cela estil étonnant ?- aucune des phases finales de la bataille n’y trouve sa place1. Seule l’archéologie y
trouverait son compte.
Que sont, en regard de la réalité des textes, les trouvailles de Napoléon III -monnaies par
centaines, armes par brassées que l’on extrayait d’un fossé du mont Réa-, si la bataille d’Alesia
n’a pu avoir lieu sur ses pentes ? Au mieux une erreur, au pire...comme l’avouait Michel Reddé, il
faut extraire du dossier napoléonien les éléments « fallacieux ». Il en a trouvé, mais n’en a-t-il pas
laissé ?
Que l’on soit bien clair : nous ne prétendons pas -cela n’est pas de notre compétenceapporter personnellement la preuve archéologique qu’Alesia est à Crotenay-Syam-Chaux-desCrotenay, Jura. Nous avons simplement fait la constatation que nous pouvons y replacer, en
parfaite concordance avec le texte du BG, les diverses phases de la bataille, alors que les
historiens balbutient des explications le plus souvent contradictoires concernant cette bataille aux
Laumes. Chacun émettant sa propre hypothèse, aucun consensus ne peut se dégager sur certaines
phases capitales, à commencer par l’emplacement de l’embuscade de Vercingétorix, appelée
« bataille de cavalerie » préliminaire au siège d’Alesia, puis notamment sur l’emplacement du -ou
des - camps nord, les superiora castra de César, et le déroulement de la bataille finale sur ses
pentes.
C’est à partir de ces incertitudes, et bien d’autres, que le Muséo-Parc des Laumes est
censé nous expliquer la réalité.
Cette reconstitution doit-t-elle être fidèle au texte de César, (par exemple deux fossés et
des tours espacées de 24 m) ou à ce qu’a retrouvé M. Reddé sur le terrain (trois fossés et des tours
espacées de 18 m en plaine ou de 40 m avec un seul fossé plus loin), éclairé par milliers de photos
aériennes –si l’on en croit l’article du BP du 11 janvier 2009-? Il paraît évident qu’il ne s’agit pas
de la même bataille.
M. Reddé est excusable dans la mesure où sa mission n’était pas de vérifier si
l’affirmation de Napoléon III et des historiens : « Alesia = Alise », est fondée ou non, mais, Alise
étant sans discussion possible Alesia, de retrouver les vestiges du siège pour édifier un nouvel
archéodrome, appelé plus tard Muséo-Parc, sur leur emplacement.
« Alésia à l’assaut de l’économie touristique », lit-on dans un autre article du BP, avec une photo
du superbe bâtiment circulaire de l’architecte Bernard Tschumi. Très bien, mais si ce n’était pas
Alesia, et que cela devienne une évidence dans quelques années, ou même plus tard ?... Aucune
crainte à avoir, rétorquent en choeur les archéologues aux responsables politiques du département
de Côte d’Or qui financent le projet… C’est ce que nous avons tenu à vérifier. Car les politiques
pourront toujours dire : « Nous avions fait confiance à des experts », ce qui est excusable. Ce qui
l’est moins, c’est qu’ils engagent l’argent public sans avoir écouté les voix discordantes et fait
auparavant effectuer par d’autres « experts » plus neutres et à l’œil neuf les vérifications
nécessaires sur le site alternatif crédible proposé. Louis de Broissia, en temps que président du
Conseil Général de Côte d’Or à l’époque du lancement de ce projet, l’avait proposé, et a
renouvelé récemment sa proposition de fouilles à Chaux-des-Crotenay au président du Conseil
Général du Jura. Mme Christine Albanel, ministre de la Culture, l’aurait également proposé dans
un article du périodique « Le Point ».
Cette étude reste dans le domaine purement philologique, se rapportant pour l’essentiel à
des phrases ou des mots des deux traducteurs étudiés. Elle n’est pas exhaustive. Nous pourrions la
compléter en reprenant le texte du BG VII « in extenso », presque toutes les phrases de la fin du
chapitre VII, y compris celles n’appelant aucun commentaire sur leur traduction, pouvant mériter
une remarque sur leur concordance avec le site des Laumes, ou sur d’autres aspects stratégiques,
géographiques ou tactiques de cette épopée de César en Gaule.
Notre démarche n’a aucun autre but que la recherche de la vérité historique, et non, bien
entendu, de nuire à l’économie locale. Bien au contraire, nous osons espérer que celle-ci n’aura
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Voir en annexe II les tentatives d’explication de J.Le Gall.
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pas à souffrir plus tard d’un fiasco financier de ce projet, qui ne manquerait pas de se trouver
accéléré au cas où le cours des évènements imposerait un jour à l’évidence l’hypothèse
A.Berthier.
BELLUM GALLICUM (BG) / LIVRE SEPTIEME :
Nous commencerons l’examen des traductions à l’instant où le lieutenant de César, Titus
Labiénus, qui prenait le dessus à Lutèce, avec ses quatre légions, sur la peuplade gauloise des
Parisii, est brusquement rappelé à Sens par César. Celui-ci revient avec six légions de Gergovie,
où Vercingétorix l’a tenu en échec, et passe difficilement la Loire en crue. Nous sommes au
printemps -52. Cet échec des Romains sur l’oppidum arverne a stimulé l’ardeur des autres nations
qui étaient hésitantes. Le regroupement de toute l’armée est devenu urgent devant le soulèvement
général de la Gaule centrale et la défection des Eduens. Ceux-ci viennent de brûler les dépôts
contenant les réserves romaines et emmené les otages qui étaient sous leur garde à Noviodunum,
sur la Loire. De plus, leur importante cavalerie vient de rallier le chef arverne à Gergovie. César
n’a plus, à cet instant, de corps de cavalerie mercenaire. Et sans cela, il sait qu’il ne peut tenir tête
à la coalition des nations de la Gaule centrale qui commence à s’opérer. Il décide donc d’aller
recruter des cavaliers chez les Germains.
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1. BG / LIVRE SEPTIEME : chapitre 62, paragraphe 1 h
:
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r ROMAINE A SENS –
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REGROUPEMENT DE L’ARMEE
DISPOSITIONS POUR LE CANTONNEMENT
DES LEGIONS
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d Agedincum, ubi impedimenta totius exercitus relicta
« Hoc negotio confecto Labienus revertitur
r
erant ; inde cum omnibus copiis ad
pervenit ».
adeCaesarem
(NB/ Ce texte, comme les suivants
cette
étude,
est celui établi par L.A.Constans)
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L.A Constans : « Cette A
action terminée, Labiénus retourne à Agedincum (Sens), où avaient été
laissés les bagages de
toute l’armée; puis, avec toutes ses troupes, il rejoint César ».
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M. Rat : « Cette
affaire
terminée, Labiénus retourne à Agedincum, où les bagages de toute
r
l’armée avaient
ieété laissés. De là, avec toutes ses troupes, il rejoint César.
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Les deux traductions indiquent de la même façon que Labiénus rejoint César avec toutes
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ses troupes. S’agit-il uniquement des siennes propres ? César n’a pas indiqué « suis copiis », « ses
propres troupes », ce qui s’opposerait à «omnis »= « toutes ». C’est donc bien avec l’ensemble
des dix légions, plus le supplementum (équivalent d’environ deux légions) resté à Sens, et
l’ensemble des bagages, que Labiénus va rejoindre César. Celui-ci était donc déjà parti ailleurs.
Mais où et pourquoi faire ? Il ne le dit pas. A partir de cet instant, il restera muet dans le BG sur
son plan d’action pendant un temps estimé à deux mois. Une version du BG, établie par E.Benoît
et S.Dosson (Lib. Hachette- 16ème tirage), d’après semble-t-il la première série de manuscrits,
donne la précision « die III » = « en trois jours ». L.A.Constans et M.Rat n’ont pas retenu cette
précision. En trois étapes d’une journée (3 x 25 km), Labiénus et toute l’armée pouvaient être
entrés profondément au cœur du territoire des Lingons, où César négociait déjà les détails de la
répartition des légions pendant le temps nécessaire au recrutement des cavaliers germains -environ
deux mois. Etant dans la région de Langres, il n’était alors plus question de la faire démarrer de
Sens ou de Joigny, selon certains auteurs, pour la faire ensuite passer plus naturellement près du
mont Auxois en allant vers la Séquanie.
D’autre part, nous constatons que L.A.Constans ne traduit pas « inde » par son sens de là,
indiquant le lieu comme la traduction de M.Rat, mais par le sens temporel puis, sans précision sur
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le point de départ. C’est pourtant bien de ce point, de là, que Labiénus est parti pour retrouver
César. Le « puis » temporel paraît suffisant à L.A.Constans.Mais il n’apporte aucune précision. Il
découle de cette action que César, remontant de Gergovie après avoir de justesse pu passer la
Loire en crue (fin avril / début mai -52), avait déjà en tête le recrutement de cavaliers mercenaires.
Il lui fallait pallier d’urgence la défection de la cavalerie éduenne qui venait de rallier
Vercingétorix. Sans cela, il n’avait pas de chance de pouvoir regagner la Province avec son
armée. Il faut se souvenir que les Romains enrôlaient des cavaliers mercenaires dans des pays
« amis » et que leurs armées n’avaient pas de cavalerie autonome. La cavalerie avait un rôle
essentiel pour battre la campagne à la recherche des approvisionnements et de la nourriture pour
les soldats.
Quittant l’axe Sud-Nord (Gergovie-Sens), il orienta donc sa marche vers l’Est, en
direction des Lingons - comme le confirme le texte de Dion Cassius : « César se rendit chez les
Lingons », à partir d’un certain point de son parcours qu’il n’indique pas. Il est clair que César
avait besoin de s’appuyer sur les peuples restés hors de la coalition dans le nord-est de la Gaule
pour renforcer son armée par le recrutement d’une nouvelle cavalerie mercenaire.
La « frontière » entre les Sénons et les Lingons se situant près de Saint Florentin, il est
probable que César se soit rendu directement vers cette région avec quelques cohortes de
protection. Il existait à Avrolles (Eburobriga), tout près de Saint Florentin, un oppidum de l’âge
de bronze qui devint l’aboutissement d’une future voie romaine. Il était certainement déjà
raccordé à des voies protohistoriques venant de la Puisaye et traversant l’Yonne au gué de
Bonnard (identifié comme l’antique Bandritum au Sud de Migennes, à 18 km au Nord-Ouest
d’Auxerre)1.
Il semble tout naturel de penser que le parcours de César en pays Sénon révolté, sans son
armée complète, devait être le plus court possible. Il ne devait pas comporter, par sécurité,
l’édification d’un camp de nuit. Ce parcours s’effectua donc probablement en moins d’une
journée. En tenant compte de cette réflexion, nous pensons que César a dû quitter son armée au
gué de Bonnard, l’envoyant à la base arrière fortifiée de Sens pour se regrouper avec celle de
Labiénus et les troupes de réserve (supplementum) qui gardaient cette base.
Pendant ce temps, lui-même pouvait franchir en une courte étape d’une vingtaine de
kilomètres la distance jusqu’à la frontière lingone (Bandritum-Eburobriga = 20 km). Il
commençait alors au plus vite ses négociations secrètes avec les peuples qui lui étaient restés
fidèles : tout d’abord les Lingons (Langres), mais aussi sans doute les Rèmes (Reims), les
Tricasses (Troyes), Leuques (Toul), voire les Trévires (Trèves) et même au-delà, pour la
dispersion de sa grande armée pendant le temps nécessaire au recrutement et à l’incorporation des
cavaliers mercenaires. Ses douze légions ne pouvaient pas rester durant deux mois, sans l’épuiser
complètement, sur le territoire d’une seule nation « amie » comme les Lingons.
Lorsque Labiénus rejoindra ensuite César « là où il se trouve », sans précision de
l’endroit, ce sera pour recevoir les ordres d’affectation de chaque unité dans un lieu pré-établi. Il
est certain que depuis Sens, César ne pouvait prévoir comment, sans concertation préalable avec
les peuples restés fidèles, assurer la subsistance de ses légions pendant les deux mois précédant
les moissons. On admet2 que ces deux mois sont nécessaires à l’envoi d’une mission chez les
peuples germains trans-rhénans pour le recrutement, l’acheminement et enfin l’incorporation
(avec changement de chevaux) des cavaliers mercenaires dans l’armée romaine.
L’ « escapade » furtive de César avec une protection réduite s’explique donc aisément. On
voit qu’elle était même une nécessité3.
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Cf. Au long des voies romaines de l’Yonne, J.P.Delor, édité par les musées d’Auxerre en 1993
Cf. A.Berthier et A.Wartelle : « ALESIA ».
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Au 19èmeet 20ème siècles, certains comme E.Thévenot, plaçaient le départ de cette armée chez les Sénons pour pouvoir la
faire passer par le mont Auxois, sans voir qu’elle déboucherait ainsi chez les Eduens et non chez les Séquanes. Cette opinion
paraît actuellement abandonnée. L’intégration de la cavalerie venue de Germanie et le départ de la région de Langres
semblent faire consensus, même si cela oblige César à se détourner de 90° à droite de son axe de marche vers le Sud-Est pour
revenir au mont Auxois. Napoléon III voyait le combat de cavalerie à Montsaugeon (Haute-Marne), car on y aurait trouvé
2
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2. BG / LIVRE SEPTIEME : chapitre 65, paragraphe 2 :
RECRUTEMENT DES CAVALIERS GERMAINS
« Caesar, trans Rhenum in Germaniam mittit [...?] ad eas civitates quas superioribus annis
pacaverat, equitesque ab his arcessit et levis armaturae pedites qui inter eos proeliari
consuerant ».
L.A.Constans : « César, ...envoie des messagers au-delà du Rhin en Germanie, chez les peuples
qu’il avait soumis au cours des années précédentes, et se fait fournir par eux des cavaliers avec les
soldats d’infanterie légère qui sont habitués à combattre dans leurs rangs ».
M.Rat : « César ... envoie (…qui ?) au-delà du Rhin en Germanie vers les Etats qu’il avait soumis
les années précédentes, et en obtient des cavaliers ».
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Il est évident que le mot « nuntius » soit « messager » ne se trouve pas dans le texte latin
du BG établi par L.A.Constans. M.Rat, lui, n’invente pas le mot. Son texte s’en trouve
étrangement tronqué et incomplet. Y aurait-il un hiatus dans les manuscrits ? Toujours est-il que
nous ne voyons absolument pas quelques « messagers » partir seuls dans les pays transrhénans
sans le soutien des légions, traversant le pays des Trévires, qui n’obéissent jamais, nous dit César
plus haut dans le BG, que sous la pression d’une armée, et qui se battaient encore l’année
précédente contre les Romains.
Il est probable qu’une partie des légions, et non uniquement des messagers, soit partie vers
le Nord pour procéder à l’enrôlement. Quant au fait que César n’ait recruté aucun cavalier
mercenaire plus près de lui, chez les Lingons ou les Rèmes par exemple, personne n’en a signalé
l’étrangeté. Nous croyons pour notre part qu’il s’agissait d’une intention délibérée du chef romain
de recruter exclusivement des Germains, qu’il savait être seuls en mesure d’avoir un ascendant
psychologique sur la cavalerie éduenne qu’il connaissait bien. Peut-être aussi redoutait-il une
défection des cavaliers de ces peuples, trop proches des tribus révoltées. L’exemple des Eduens à
Gergovie était tout frais dans sa mémoire.
Nous verrons plus loin que César a eu un « flair » génial de prendre tout le temps nécessaire pour
recruter des cavaliers mercenaires, et surtout des Germains, car nous verrons que ce sont eux qui,
par quatre fois durant l’épisode d’Alesia, vont se montrer décisifs et même, peut-on dire, sauver
l’armée romaine.
César, bien que discret sur la valeur des hommes quand il ne s’agit pas de ses légionnaires, avoue
implicitement leur esprit d’initiative et leur courage au combat.
Ce sont eux, notamment, qui ont capturé l’état-major de la cavalerie de Vercingétorix, au milieu
de 15 000 cavaliers gaulois, en attaquant d’instinct la colline où il se tenait, lors de la bataille de
cavalerie préliminaire au siège d’Alesia, et ceci sans attendre les ordres de César.
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des fers à chevaux en grande quantité au bord de la Vingeanne, sans se soucier du délai d’un seul jour imposé par le BG :
« Altero die », pour atteindre le mont Auxois, ce qui est impossible.
Nous pensons par contre que c’est peut-être ici qu’aurait pu avoir eu lieu l’incorporation des cavaliers Germains avant le
départ pour la Province. Il serait en tout état de cause intéressant de retrouver des traces de ces fers. S’agit-il d’hipposandales
telles celles retrouvées dans la vallée de la Thoreigne, dans le Jura ? cf J.L Odouze : « Dans le Jura gallo-romain », Cercle
Girardot, Lons-le-Saunier, 1992.
18
3. BG / LIVRE SEPTIEME : chapitre 66, paragraphe 1 :
L’EMBUSCADE DE VERCINGETORIX
« Interea, dum haec geruntur »
L.A.Constans : « Sur ces entrefaites »
M.Rat : « Sur ces entrefaites »
« Sur ces entrefaites » : à ce moment-là (dictionnaire Hachette). Cela laisse entendre un
laps de temps très court.
Aucun traducteur ci-dessus ne rend précisément la phrase de César.
1 - « Interea » : pendant ce temps
2 - « dum haec geruntur » : tandis que ces événements s’accomplissent.
César insiste à travers deux expressions juxtaposées presque synonymes, l’une renforçant
l’autre « interea » et « dum », pour nous faire comprendre qu’il s’agit d’un événement très
important qui s’accomplit et qui prend beaucoup de temps. La simple traduction « sur ces
entrefaites » n’est pas explicite et ne rend pas la pensée de César. Les historiens ont ainsi pu sousestimer le temps nécessaire et les difficultés probables de ce recrutement vital pour César.
Nous avons vu qu’il a fallu environ deux mois pour finaliser ce recrutement : voyage au-delà du
Rhin, négociations, sélection, incorporation, voyage retour chez les Lingons, changement de
chevaux avec ceux des officiers et évocats, car ceux des Germains étaient moins bons (moins
grands que les chevaux de l’Auxois des Eduens ?).Pendant ce temps, il fallait préparer les convois
de chariots de bagages pour le passage par les montagnes. César, sachant par ses espions que les
routes de la plaine de Saône et de Bresse vers les Allobroges étaient coupées par les Gaulois
révoltés, avait prévu de passer par la montagne du Jura (« …in Sequanos : vers la Sequanie » pour
rejoindre Genève.
La route directe traversant le Jura central par la cluse de Morbier et le col de Saint-Cergues
comporte, comme les routes protohistoriques de montagne (Jura et Vosges en particulier, d’après
A Grenier), des ornières taillées dans le roc vif pour guider les roues des chariots et éviter le
chavirement dans les ravins. Ces ornières ont, en région de montagne, un écartement de 1,05 à
1,10 m. Il est possible de le mesurer en plusieurs endroits sur la voie ancienne de Poligny à
Genève, comme au col de la Savine, ou a sud d’Entre-Deux-Monts, à la Vie du Four, ou encore à
la crête de la montagne de l’Heute, au sud-est de Poligny (voie proto-historique antérieure à
César, et dénommée sur les cartes IGN « Voie romaine du Pointat »). Or, en plaine, les
écartements étaient généralement de plus de 1,30 m, et comportaient parfois un double orniérage
(environ 1,10m et 1,30 m). Les chariots à écartement de 1,10 m pouvaient donc malgré tout
rouler en plaine, alors que l’inverse était impossible. (1)
Ce ne sont que des suppositions, car César ne le précise pas, mais il est probable qu’il ait fallu
changer les essieux, sinon recontruire tous les chariots. Les deux mois d’inactivité des
légionnaires ont pu être employés à cette tâche.
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1) « L’ornière ou plutôt la rainure, empêchait le véhicule de dévier ; elle était particulièrement utile dans les voies étroites
de la montagne, où elle diminuait le danger du précipice voisin. Le fait a été reconnu tout d’abord en Grèce. Il a été signalé
(cf .Quiquerez, Mém.Soc. Eul. Doubs, 1865, p 339, 343, 1867, p.220-224) également en Gaule, dans le Jura notamment et
cela pour une époque qui est fort vraissemblablement celle de l’indépendance. » « Non seulement il y avait des rainures
longitudinales ; il y avait aussi des rainures transversales pour prévenir le glissement des chevaux et des bêtes de somme sur
la pierre unie… » « La voie moyenne aurait été sensiblement la même qu’aujourd’hui, à savoir 1,32 m ; c’est celle que nous
donnent les chars gaulois de la Marne. A côté d’elle aurait existé une voie étroite de 1,10 m, et peut-être plusieurs voies
larges de 1,55m à 1,80m pour les très grands chariots. » J. Dechelette et A.Grenier, « Sur les Voies Celtiques, Manuel
d’Archéologie préhistorique, celtique et gallo-romaine, Picard, 1934 »
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4. BG / LIVRE SEPTIEME : chapitre 66, paragraphe 2 :
LA DIRECTION PRISE PAR LA COLONNE ROMAINE
“Cum Caesar in Sequanos per extremos Lingonum fines iter faceret…fugere in provinciam
Romanos Galliaque excedere”.
L.A.Constans : « Comme César faisait route vers le pays des Séquanes en traversant l’extrêmité
du territoire des Lingons …les Romains sont en fuite vers la Province, ils quittent la Gaule» (L.A.
Constans)
M. Rat : « Tandis que César faisait route vers le pays des Séquanais en passant par les confins
extrêmes des Lingons…les Romains, leur dit-il, s’enfuient dans leur Province et abandonnent la
Gaule »… »
Les deux auteurs traduisent « in Sequanos » par : « vers le pays des Séquanes ». Il leur
paraît évident que César ne peut pas faire route « en Séquanie », comme pourrait l’indiquer le sens
premier de « in »1 : « en » et non « vers » (qui se traduit par « ad »). Comme l’un et l’autre sens de
« in » semblent pouvoir être admis, les historiens ont en choeur utilisé le seul qui soit favorable
pour rendre vraisemblable la situation d’Alise = Alesia, expliquant que l’autre est inadapté.
Cependant, l’autre sens « chez les Séquanes », c’est-à-dire à l’Est de la Saône, n’a pas de
raison d’être rejeté a priori pour deux raisons, en dehors du débat purement philologique :
1 - La bataille de cavalerie est située chez les Séquanes par deux historiens anciens, Dion
Cassius et Plutarque. Il faut les dénigrer ici pour neutraliser leur phrase défavorable au site
d’Alise, alors que par ailleurs on en admet la rigueur lorsque leur texte redevient acceptable.
2 - La simple observation de la position et du mouvement de l’armée romaine à partir de
son branle-bas de départ chez les Lingons oblige à la prudence. Des espions vont rapporter à
Vercingétorix que « les Romains sont en fuite vers la Province et ils quittent la Gaule ». Pour
correspondre au qualificatif « en fuite », et surtout « quittent la Gaule », à un observateur gaulois
placé chez les Eduens comme Vercingétorix à cet instant précis, entre Bibracte et la côte
chalonnaise, dans quelle direction doit être orienté le vecteur ayant pour origine le pays des
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Cf. Gaffiot : « in » + accusatif. Premier sens : aboutissement d’un mouvement « dans, en, sur ».
Ex : « in Ubios legatos mittere » (BG IV, 11, 2) : « envoyer des députés chez les Ubiens ». En quoi la construction de cette
phrase du même auteur (César) dans le même livre (Bellum Gallicum) est-elle différente de celle étudiée ci-dessus ? Nous
avons le même « in » + accusatif « Ubios ». L’idée de mouvement est dans le verbe « mittere » comme dans « iter faceret » :
« il faisait route ».
J.Le Gall (RMA n°2 Spécial Alesia, 1987, p.28) ne l’entend pas de cette oreille, car il sait bien que toute l’hypothèse
alisienne repose sur cette phrase :
JLeG. : « Le texte décisif est cependant celui de César lui-même (66, 2) : « ...cum Caesar in Sequanos... iter facere » (sic,
pour faceret). Ce que Constans a traduit par : « ... comme César faisait route vers le pays des Séquanes ».
Prétendre, comme on a osé le faire, que dans le latin de César (nb : César a-t-il inventé un latin propre à lui-même ?) « in »
suivi de l’accusatif, signifie que le but du déplacement avait été atteint, par conséquent que l’armée romaine était déjà
parvenue chez les Séquanes au moment de la bataille, est une étrange interprétation du « in » de la question « quo » qui a été
réfutée depuis longtemps : il suffit d’ailleurs de lire la phrase suivante, prêtée par César à Vercingétorix : « fugere in
Provinciam Romanos », ce que L.A.Constans a rendu par : « les Romains sont en fuite vers la Province ». L’armée romaine
n’a pas atteint la Province, puisqu’il y a eu la « bataille de cavalerie » et le siège d’Alesia.
Par conséquent César, selon ses propres dires, n’était pas arrivé chez les Séquanes et affirmer le contraire, comme le fait
Dion Cassius et comme le fait peut-être Plutarque, c’est se mettre en contradiction avec lui, donc avoir tort » (J.Le Gall)
NB : Par analogie, se mettre en contradiction avec J.Le Gall, c’est donc avoir tort ?
Si l’on se réfère à l’exemple précédent « in Ubios legatos mittere » : « envoyer des députés chez les Ubiens », on n’est pas
sûr que ceux-ci aient atteint les Ubiens. Le seul fait de les envoyer avec l’intention qu’ils y parviennent semble justifier le
mot « chez » et non « vers », car on ne sait pas à l’avance s’ils arriveront à destination, de même que César ne savait pas à
l’avance s’il atteindrait la Province.
L’exemple « in Proviciam Romanos » n’est donc pas décisif, car comment L.A.Constans pourrait-il traduire autrement ? En
effet, les Romains ne se trouvant pas dans la Province, ils ne pouvaient qu’aller « vers » la Province. De ce fait, « in » +
accusatif peut être admis d’après nous dans le sens « vers » tout comme dans le sens « en », selon le contexte.
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Lingons1, représentant l’axe de marche des légions pour que les expressions suivantes du BG
puissent toutes être valables simultanément ?
1 - « vers la Séquanie », à défaut de « en Séquanie » ou « chez les Séquanes », ce qui
éliminerait la controverse.
2 - « vers la Province », mais les routes directes le long de la Saône et par la Bresse sont
coupées par les Gaulois révoltés. Il reste les cluses du Jura pour s’enfuir.
3 - « quittent la Gaule », et non « en cours d’invasion du territoire éduen ».
Il suffit de regarder une carte pour s’apercevoir que l’orientation du vecteur est
obligatoirement vers le Sud-Est de Langres, donc vers la Séquanie et non vers le territoire éduen.
L’expression « per extremos Lingonum fines » est traduite par L.A.Constans par son sens normal :
« per » c’est-à-dire « à travers ». Ceci exclut donc l’idée qui transparaît chez M.Rat, qui traduit
« per » par « en passant par ». Cela pourrait laisser croire à un passage de la colonne romaine « le
long de » la frontière lingonne, et permettrait un départ de la région de Saint Florentin, donc un
passage par le site d’Alise Sainte Reine; mais alors César ne peut être annoncé « en fuite »
puisqu’il doit au préalable traverser le territoire éduen (l’Auxois et la côte chalonnaise).
L’adjectif « extremos » est l’indication d’une pointe extrême, situé le plus au bout par
rapport à un observateur, plutôt qu’une simple frontière. César ne dit pas « extremos fines » pour
évoquer la frontière d’un peuple gaulois. Le seul mot « finis » (singulier) : « limite » est suffisant.
(Pour Gaffiot, « fines » au pluriel signifie les limites d’un champ, d’un pays, et par extension ce
pays lui-même)
César insiste en employant le mot « extremos »2 car il veut nous faire comprendre qu’il
s’agit d’une « pointe extrême » par rapport à l’endroit où il se trouve dans le découpage de la
frontière du pays lingon. Il va déplacer son armée pour séjourner le moins possible en territoire
ennemi, d’une pointe extrême Sud-Est de la frontière lingonne à la pointe extrême Nord de celle
des Allobroges (Genève) :
« Extremum oppidum Allobrogum est Geneva » (BG, Livre I, chapitre 6, paragraphe III) :
« La ville qui est le plus près de l’extérieur dans le pays des Allobroges est Genève » (Gaffiot)
L.A.Constans traduit par : « La dernière ville des Allobroges est Genève ». C’est moins explicite.
Si nous recherchons sur une carte des peuples gaulois ce qui peut paraître « le plus près de
l’extérieur du pays des Lingons » en pensant que César, voulant secourir au plus tôt les
Allobroges, devait chercher le chemin « le plus facile », « quo facilius » et aussi le plus court
possible en territoire ennemi, éliminant donc tout franchissement de la frontière lingonne qui
passerait chez les Eduens (de plus n’aurait-il pas signalé ce passage ?) nous trouvons une « pointe
extrême » du territoire lingon dans la région Pontailler-Auxonne. On s’aperçoit de surcroît que,
sur cette pointe, passe une voie ancienne qui traverse la Saône à Pontailler, se dirigeant vers
Champvans, le gué sur le Doubs à Tavaux , Poligny, Crotenay, Champagnole, Chaux-des
Crotenay, la cluse de Morbier, le col de Saint-Cergues, Nyon et Genève. Est-ce le hasard ?
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J.Le Gall admet que le départ de l’armée romaine s’est effectué chez les Lingons : « Mais si César au moment de la
‘bataille de cavalerie’ n’était pas chez les Séquanes, où donc était-il sinon chez les Lingons, aux extrémités méridionales de
leur territoire, pas très loin par conséquent du Mont-Auxois. »
Une remarque s’impose d’emblée pour reprendre J.Le Gall sur cette idée de distance : n’oublions pas que la pointe
méridionale la plus extrême du territoire lingon en direction de Genève où se rendait César est la région d’AuxonnePontailler-sur-Saône, c’est-à-dire la frontière séquane elle-même. Celle-ci était donc plus proche qu’Alise du point de départ
de l’armée romaine au Sud de Langres. De plus, elle était dans la direction que prenait César, « quittant la Gaule et en fuite
vers la Province », sur la route « secondaire » dirions-nous aujourd’hui, de Langres à Genève par la seule cluse du Jura
central : celle de Morbier. Nul besoin dans ce cas d’expliquer un crochet aussi incompréhensible en direction de l’Ouest vers
l’oppidum d’Alisia... crochet motivé uniquement par la poursuite de Vercingétorix. Mais nous ne pensons pas que celui-ci,
qui n’avait pas fait de faute de stratégie jusqu’ici, ne se serait pas aperçu qu’il laissait, en se dirigeant vers Alisia, un
boulevard d’invasion à César vers Bibracte. Le général romain aurait très bien pu cesser de penser à sa marche vers la
Province et, profitant de l’aubaine, laisser Vercingétorix s’enfermer idiotement dans Alisia puis fondre sur Bibracte laissée
sans défense !
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C’est en fait à notre avis ce que Le Gall appelle « le latin de César » : des expressions typiques comme « quae supra
demonstravimus » = « comme nous venons de l’expliquer », ou encore des mots presque synonymes qui renforcent
puissamment une idée qu’il veut nous faire bien comprendre ; c’est le cas dans « extremos fines ».
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(D’après Maillard de Chambure1, La voie romaine de Langres à Genève, par Mirebeau,
Pontailler, Poligny, etc...)
On déduit de tous ces faits que, même si César n’a pas dit explicitement qu’il entrait en
Séquanie, le contexte veut que ce soit ainsi qu’il faille placer sa marche.
Nous disposons en outre, hormis le texte peut-être ambigü de César, et les témoignages de
Dion Cassius et de Plutarque, situant sans équivoque la bataille d’arrêt dite « de cavalerie » (et
donc d’Alesia) en Séquanie, de celui d’un traducteur grec anonyme qui écrivait avant la chute de
l’empire byzantin, à une époque où la bibliothèque de Constantinople existait encore : « Se voyant
à la tête de troupes si nombreuses, pensant que César marchait vers la Province à travers
(préposition grecque « dia ») le pays des Séquanes, afin de pouvoir secourir plus facilement les
siens, Vercingétorix... » (C.J. CAESARIS INTERPRES GRAECUS, éd. Lemaire, lib.VII, ch.
LXVI).
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Il est quelque peu surprenant que César, se rendant en Séquanie avec toute son armée, les
Séquanes ne se soient pas spécialement inquiétés de cette intrusion dévastatrice sur leurs terres. Ils
auraient de toute évidence mis leur oppidum de Vesontio (Besançon) en état de défense ou
l’auraient évacué et brûlé, selon les consignes de Vercingétorix à Avaricum (Bourges). César
aurait-il pu le passer sous silence dans le BG ? Il en est de même s’il avait voulu attaquer
l’oppidum éduen de Bibracte, passant dans ce cas près d’Alise.
Non, il voulait se glisser le plus discrètement possible entre les deux, évitant Bibracte, où se tenait
l’armée coalisée principale, et Vesontio, excluant ainsi le passage par la Cluse de Pontarlier et
accréditant celle de Morbier.
A partir du franchissement de la Saône vers Pontailler-Auxonne, en quatre ou cinq étapes
seulement parcourues en Séquanie, et assez loin cependant de l’oppidum de Vesontio, il serait
hors de portée de l’armée gauloise coalisée. Mais à partir de ce franchissement, il n’était plus sur
le territoire ami des Lingons, et les espions de Vercingétorix veillaient…
Celui-ci, averti de cette situation depuis son campement chez les Eduens, et sachant les Romains
étirés en une longue colonne de vingt à trente kilomètres, une partie encore chez les Lingons et
l’avant-garde franchissant déjà le Doubs en Séquanie, ralentie par les chariots des bagages, eut
une réactivité impressionnante. Sachant les oppida séquane et éduen hors de la destination des
Romains, il va abandonner soudainement sa politique de « terre brûlée » et envoyer sa cavalerie à
bride abattue par un itinéraire distinct de celui de César mais convergent à celui-ci, pour devancer
son avant-garde et lui tendre une embuscade. Son but était bien de profiter de cette aubaine pour
détruire l’armée romaine, sinon « …ils reviendront l’année prochaine avec de plus grandes
forces, et la guerre sera sans fin » (M.Rat)
Le terrain idéal pour tendre une embuscade à une armée romaine aussi puissante, avec 15000
cavaliers et un contigent limité à 80 000 hommes, ce n’est pas la large vallée de la Vingeanne,
comme le pensait Napoléon III, ni la plaine de Dijon ou les plateaux du sud du Châtillonnais.
Non, un paysage montagneux comme le Jura est bien plus approprié. Là, derrière une chaîne
allongée pouvant masquer l’embuscade, la première partie de la colonne ennemie pouvait être
détruite avant que le gros des troupes n’arrrive en renfort. Là encore, il était possible ensuite de
« décrocher » et de se regrouper sur un verrou barrant un passage étroit où les ennemis restants
seraient dispersés et leurs bagages détruits. Vercingétorix avait vu juste. Mais pouvait-ce être dans
la plaine des Laumes ?
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Maillard de Chambure : Mém. Comm. Antiquités de Côte d’Or, 1838-41, I, p. 243.
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5. BG / LIVRE SEPTIEME : chapitre 66, paragraphe 3
DISCOURS DE VERCINGETORIX A SES CAVALIERS, LA VEILLE DE
L’EMBUSCADE PRELIMINAIRE
« Si pedites suis auxilium ferant ’atque in eo morentur’ ».
L.A.Constans: « Si les fantassins essaient de secourir ceux qu’on attaque »
M.Rat : « Si les fantassins portent secours à leurs camarades et s’y attardent »
« Ceux qu’on attaque » donne bien l’indication qu’il ne s’agit pas d’une attaque générale
de toute l’armée romaine, que Vercingétorix avait toujours évitée jusqu’ici, mais bien d’une
embuscade restreinte sur une partie de la colonne : soit sur l’avant-garde, soit au milieu pour la
couper en deux, soit plus à l’arrière, sur les bagages(1). L’indication de César « qua rae
nuntiata » « quand ces évènements m’eurent été annoncés », nous apprend qu’il ne se trouvait pas
en tête, qu’il ne voyait donc pas directement ce qui se passait, et que c’est bien l’avant-garde qui
était attaquée. Cela est confirmé par le fait que la cavalerie gauloise était divisée en trois corps,
dont l’un barrait la route, tandis que les deux autres apparaissaient sur chaque flanc des premières
légions (comment pourraient-ils apparaître sur les flancs de toute la colonne, étirée sur vingt à
trente kilomètres ?)
Vercingétorix avait donc bien prévu, avant même de lancer ses cavaliers pour couper la route à
César, l’endroit où il pouvait le faire avec le maximum de chances.
Nous avons dit qu’il avait été averti par ses espions aussitôt que les Romains avaient quitté le
territoire lingon, c’est-à-dire le passage de la Saône, qu’il ne signale pas, car le franchissement
d’une rivière, même importante, est naturel pour son armée. Il signale le franchissement d’ un
cours d’eau uniquement lorsqu’il présente des difficultés particulières, comme le passage de
l’Allier en crue au mois d’avril précédent, ou, quelques années auparavant, le passage du Rhin à
l’aide d’un pont construit en seulement 10 jours, pour impressionner les Germains.
Nous devons considérer que Vercingétorix surveillait particulièrement le nord du pays éduen, où
s’était évanouie l’armée de César au mois de mai, s’attendant à la voir déboucher du pays lingon
aux environs de Nuit-Saint-Georges, pour aller vers la Province par la plaine de la Saône.
Comment pouvait-il imaginer que César préfèrerait passer par le Jura ? Au lieu de se préparer à
faire à nouveau la terre brûlée devant les Romains, il change soudain de stratégie.
Depuis la côte beaunoise ou chalonnaise, il apprend que les Romains passent la Saône, donc ils
vont suivre la route du Jura central. Il n’y a qu’une seule cluse et une seule route permettant le
passage des chariots (voir ci-après Annexe V). Les Gaulois la connaissent aussi bien que les Romains.
Vercingétorix va immédiatement réagir en envoyant d’abord la cavalerie, puis en mettant en état
de défense le puissant verrou qu’est l’oppidum de l’Alesia du petit peuple mandubien,
militairement négligeable, que traverse la route allant vers Genève et la Province romanisée des
Allobroges…cela ne semble pas être, encore une fois, l’Alésia du « pagus alsensis » au mont
Auxois, à l’opposé du déroulement de cette action.
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1) Voici ce que César nous apprend sur les différents dispositifs de marche qu’il faisait prendre à son armée et à ses bagages,
selon les degrés de risque d’une attaque ennemie : BG II, 19 (traduction L.A.Constans), campagne contre les Nerviens, cinq
ans avant Alesia : « César, précédé de la cavalerie, suivait à peu de distance avec toutes ses troupes (suis copiis)…car,
à l’approche de l’ennemi, il avait pris les dispositions qui lui étaient habituelles : « Six légions avançaient sans bagages, puis
venaient les convois de toute l’armée, enfin deux légions, celles qui avaient été levées le plus récemment, fermaient la
marche et protégeaient les bagages ».
23
6. BG / LIVRE SEPTIEME : chapitre 66, paragraphe 4 :
SERMENT DES CAVALIERS GAULOIS AVANT L’EMBUSCADE
« ... qui non bis per agmen hostium perequitarit ».
L.A.Constans : « ... pour celui qui n’aura pas deux fois traversé à cheval les rangs ennemis »
M.Rat : « ...si l’on n’a pas deux fois traversé la colonne de l’ennemi » (M.Rat)
« per » : « à travers ».
« agmen » : «armée en marche » (et non « acies » : « armée en rangs pour une bataille »).
Exemple : « ordo agminis » (BG livre II, chapitre 19, paragraphe I) = « disposition de la
colonne en marche ». (Gaffiot)
Il est évident que la traduction de « agmen » par « rangs » de L.A.Constans laisse penser à
une disposition de l’armée romaine en formation pour une bataille rangée, comme si elle s’était
préparée au choc, ce qui brouille la compréhension de l’action.
En fait il n’en est rien. M.Rat traduit bien « la colonne ». L’armée romaine a été surprise
par Vercingétorix en formation de marche en colonne, ralentie par les chariots des bagages. Seule
l’efficacité militaire des légionnaires d’avant-garde leur a évité la déroute, avant même l’arrivée
auprès d’eux des renforts de César et des cavaliers germains.
Cette harangue montre que Vercingétorix ne s’attendait pas à recevoir le choc des cavaliers
germains, sinon il aurait laissé une partie de sa cavalerie en réserve pour les contrer. Il a sousestimé gravement la cavalerie de César, ne pensant pas qu’elle serait constituée des mercenaires
germains tant redoutés. Sa phrase : « Quant aux cavaliers ennemis, il ne faut pas douter qu’il ne
s’en trouve pas un parmi eux pour oser seulement quitter la colonne.» L.A.Constans, montre que
Vercingétorix se doutait de la présence de cavaliers au milieu de la colonne ennemie mais il ne
pensait pas que ce fût des Germains, connaissant leur valeur et la terreur qu’ils inspiraient aux
Gaulois.
C’est la plus grave erreur de Vercingétorix dans cette campagne d’Alesia, car ce sont eux, malgré
leur nombre inférieur aux cavaliers gaulois, qui vont faire pencher quatre fois la balance, dans un
moment très incertain, du côté de César.
Nous savons que César avait prévu cela, quand il avait ordonné que ses officiers et ses évocats
échangent leurs propres chevaux avec ceux que les Germains avaient ramenés d’outre-Rhin, jugés
inférieurs.(1) Il faut penser qu’ils étaient de taille inférieure et, dans un combat entre cavaliers,
celui qui a l’avantage pour porter ses coups est celui qui domine l’autre. César connaissait bien la
taille des chevaux éduens, ce qui justifie son ordre, qui ne dut pas être très apprécié de ses
officiers, mais la suite a prouvé qu’il a eu raison.
« Eorum adventu, quod minus idoneis equis utebantur »= « A leur arrivée, comme ils avaient des
chevaux médiocres,- il prend ceux des tribuns militaires, des autres chevaliers romains, des
évocats, et les leur donne ».L.A.Constans. La traduction de « minus idoneis » par « médiocre » ne
donne pas une idée de taille. César veut dire plutôt que les chevaux germains étaient : « moins
adaptés à la situation », donc plus petits que ceux des gaulois(2).
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1) Sur la taille des chevaux germains, César nous renseigne, plus haut dans le BG :
« Les Germains n’importent même pas de chevaux, qui sont la grande passion des Gaulois, et qu’ils acquièrent à n’importe
quel prix ; ils se contentent des chevaux indigènes, qui sont petits et laids…il n’y a pas à leurs yeux de plus honteuse molesse
que de faire usage de selles. Aussi n’hésitent-ils pas à attaquer, si peu nombreux soient-ils, n’importe quel corps de
cavalerie dont les chevaux sont sellés. » BG IV, 2,2 L.A.Constans.
2) Quand et où s’est effectué ce transfert ? César ne le précise pas, mais il faut le placer après le regroupement de toute
l’armée (les légions ayant nécessairement été dispersées pendant environ deux mois chez les Rèmes, les Leuques, les
Trévires et les Lingons) puisque César leur fait attribuer les chevaux de tous ceux qui en avaient dans son armée. On peut
estimer le nombre à environ 300 par légion, soit entre 3 000 et 4 000. Cela paraît suffisant pour César contre les 15 000
cavaliers de Vercingétorix, car il savait par expérience que 800 calaviers germains étaient capables d’oser attaquer 5 000
24
cavaliers gaulois : « Mais les ennemis, dès qu’ils aperçurent nos cavaliers, qui étaient au nombre d’environ cinq mille,
tandis qu’eux-mêmes n’en avaient pas plus de huit cent…chargèrent les nôtres…Ils eurent vite fait de mettre le désordre
dans nos rangs ; puis, comme nos cavaliers se reformaient, ils mirent pied à terre, selon leur coutume et, frappant les
chevaux par-dessous, jetant à bas un très grand nombre de nos hommes, ils mirent les autres en fuite ». L.A.Constans, BG
IV, 12,1
C’était une époque où les cavaliers germains étaient ses ennemis… César en a certainement retenu la leçon.
Le lieu de départ étant le territoire des Lingons en direction du Sud-Est, c’est là qu’il faut chercher ce regroupement.
Napoléon III situait la bataille de cavalerie préliminaire au pied de la butte de Montsaugeon, près de Prauthoy. Car c’est là
qu’auraient été trouvés au XIXème siècle des ossements provenant de chevaux non ferrés, et surtout une assez grande
quantité d’hipposandales dans un même endroit situé près de la Vingeanne- lieu idéal pour l’abreuvement de tant d’ animaux.
Si cela était vérifié, ne serait-ce pas le signe de la préparation, en ce lieu, d’un nombre important de chevaux avant un long
voyage, plutôt que le lieu d’une bataille, où les accessoires perdus, comme les hipposandales, devraient nécessairement se
trouver disséminés ? Mais comme l’hypothèse de Napoléon III a été abandonnée, sans qu’une meilleure ne lui ait été
opposée, qui va rechercher s’il existe encore des traces de ces hipposandales près de la Vingeanne ?
7. BG / LIVRE SEPTIEME : chapitre 67, paragraphe 1 :
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« Pugnatur una omnibus in partibus.Constitit agmen ».
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L.A.Constans : « On se bat partout à la fois.LaA
colonne fait halte » (L.A. Constans)
M.Rat : « On se bat sur tous les points à la t
fois.La colonne s’arrête » (M.Rat)
e à corps sur l’avant-garde romaine. Obligatoirement, la
Les cavaliers gaulois sont arrivés au
corps
d
colonne se trouve arrêtée. Que se r
passe-t-il ?
« Constare » a pour traductiona
: maintenir solidement (Gaffiot).
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Ex : « priusquam totis viribus fulta constaret hostium acies » BG III, 60, 9 = « sans attendre que
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l’armée romaine fut positionnée en ordre de bataille avec toutes ses forces », et non « arrêtée avec
A
toutes ses forces ».
e du contexte que la colonne fait plus que s’arrêter sans réagir. Les
Nous déduisons
r
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légionnaires, étirés sur le chemin à raison de quatre ou cinq de front, voyant surgir de chaque côté
ie de cavaliers ennemis fondant sur eux au galop de charge, prennent instantanément
des milliers
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leur formation de combat, s’agglutinant par petits groupes autour des enseignes et faisant front
avec
leur pilum. Cette réaction de survie, habituelle aux vétérans de six années de campagne en
©
Gaule , leur a permis d’attendre l’arrivée de César et des renforts, qu’il répartissait sur les points
L’INSTANT « T » DE L’EMBUSCADE
1
où « il lui paraîssait » que ses soldats faiblissaient2.
Lorsqu’il dit qu’une colonne en marche s’arête simplement, comme pour une pause, César dit :
«signa constituit » = « faire halte » (planter les enseignes) BG VII, 47,1.
1
Voici un exemple donné par César sur cette façon de réagir de ses légionnaires : (BG II, 21, trad.L.A.Constans) « On fût
tellement pris de court, et l’ardeur offensive des ennemis fut telle, que le temps manqua non seulement pour arborer les
insignes, mais même pour mettre les casques et enlever les housses des boucliers. Chacun, au hasard de la place où il se
trouvait en quittant les travaux du camp, rejoignit les premières enseignes qu’il aperçut, afin de ne pas perdre à la recherche
de son unité le temps qu’il devait au combat ». On imagine sans peine une situation similaire lors de l’attaque- surprise de la
cavalerie gauloise, et sans doute aussi lors de l’attaque de Vercingétorix sur les travaux d’investissement romains au début du
siège d’Alesia.
2
Voir à ce sujet ce que nous apprend le général du 1er Empire Marbot (Voir en annexe), sur la meilleure façon de résister
pour des fantassins, à une charge de cavalerie : les attendre sur place sans bouger en leur faisant front « avec une haie de
baïonnettes ».
25
8. BG / LIVRE SEPTIEME : chapitre 67, paragraphe 2 :
RETRAIT DES BAGAGES
« Impedimenta intra legiones recipiuntur ».
L .A.Constans : « On rassemble les bagages au milieu des légions » (L.A. Constans)
M.Rat : « Les bagages sont placés entre les légions » (M.Rat)
La préposition « intra » qui se trouve dans le texte latin de L.A.Constans donne l’idée : « à
l’intérieur de, au sein de ». Mais certains manuscrits portent la préposition « inter », que M.Rat
traduit par : « entre ». Les chariots étaient-ils donc au sein de chaque légion, ou entre celles-ci ?
César avait-il adopté le dispositif de marche en pays ennemi (huit légions en tête, le train des
bagages, et quatre légions en couverture à l’arrière) ou le dispositif de marche sans crainte de
rencontrer l’ennemi (chaque légion avec ses propres bagages) ?
La différence est importante pour la localisation d’Alesia :
Si c’est le premier dispositif (avec crainte de l’ennemi) qui est adopté (inter), César pensait
rencontrer l’armée de Vercingétorix. Il pouvait donc se trouver au sud de Langres, en direction de
Chalon et la vallée de la Saône. Si c’est le deuxième (intra) (sans crainte d’une forte opposition
ennemie), il pensait pouvoir rejoindre en trois ou quatre jours les contreforts du Jura (Poligny), où
il se trouverait à l’abri de Vercingétorix, n’ayant que quelques peuplades locales comme les
Mandubiens à bousculer.
Nous pensons que les chariots portant les bagages se trouvaient « intra », « au sein de
chaque légion ». C’est-à-dire que les bagages de la légion de tête devaient se trouver à l’arrière de
cette dernière, couverts par deux ou trois cohortes d’arrière-garde précédant les enseignes de la
légion suivante. En effet, nous savons que l’attaque des cavaliers gaulois a eu lieu sur la tête de la
colonne romaine. Vercingétorix, lors de sa harangue à ses cavaliers avant l’attaque, leur avait dit :
« Si les fantassins (romains) essaient de secourir ceux qu’on attaque, et s’y attardent, ils ne
peuvent plus avancer. Si, ce qu’il croit plus probable, ils abandonnent leurs bagages pour ne plus
penser qu’à leur vie… »BG VII, 66 L.A.Constans.
Il ressort de cette phrase deux éléments : Vercingétorix n’attaque pas toute l’armée romaine, mais
bien les deux ou trois légions de tête, ensuite que ces légions avaient leurs propres bagages,
puisque le chef gaulois pense qu’ils vont les abandonner. Pour cette raison nous optons pour les
bagages « intra », à l’intérieur de chaque légion. César pensait donc bien qu’il aurait distancé
Vercingétorix lorsqu’il aborderait une zone sûre, qui ne pouvait être qu’une région de montagne
lui permettant de protéger son arrière-garde.
Lors de l’attaque des cavaliers gaulois, celle-ci portant sur le point faible et vital pour les
Romains qu’était le train des chariots, les muletiers ont d’instinct cherché leur survie en intégrant
au plus vite l’intérieur de leur légion, se retrouvant de ce fait « intra legiones ». Aucune des deux
traductions ne donne une idée précise de ce retrait des chariots.
« Recipere » : « tirer en arrière à soi, retirer, ramener » (Gaffiot).
On ne voit pas simplement dans ce verbe le sens de « rassembler » de la traduction de
L.A.Constans, ni « placés » de la traduction de M.Rat, mais rétractés comme un escargot dans sa
coquille. Les bagages étaient sans doute protégés par les unités qui se trouvaient les plus proches.
Il faut bien avoir à l’idée qu’une seule légion, par hypothèse à raison de cinq hommes par rang et
un mètre vingt entre chaque rang, pouvait former une colonne longue d’un kilomètre et demi... Si
les chariots se trouvaient derrière cette colonne, seules les cohortes de queue, ainsi que les
premières de la légion suivante avaient le temps de s’écarter pour entourer et protéger les bagages.
César ne s’attendait à l’évidence pas à une attaque, sinon il n’aurait pas laissé les bagages des
légions de tête en première ligne. Il ne cherchait pas le combat. Il quittait effectivement la Gaule.
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9. BG / LIVRE SEPTIEME : chapitre 67, paragraphe 3 :
CESAR ARRIVE SUR UNE HAUTEUR DOMINANT LE CHAMP DE BATAILLE
« Si qua in parte nostri laborare aut gravius premi videbantur ».
L.A.Constans : « S’il voyait nos cavaliers en difficulté ou en dangeureuse posture sur quelque
point »
M.Rat : « Partout où les nôtres lui paraissent fléchir ou être trop vivement pressés »
L.A.Constans traduit le verbe « videbantur » par : « il voyait ». Nous savons que le latin a
plusieurs mots différents pour préciser la vision de quelque chose. Gaffiot donne pour ce verbe :
« paraître, sembler à quelqu’un ». M.Rat indique bien précisément ce sens : « lui paraissent ».
C’est l’indication claire que César, arrivé depuis le milieu de la colonne, s’était arrêté sur une
hauteur dominant la situation, à une distance telle qu’il pouvait discerner les mouvements de
troupes –et non les voir distinctement- donc peut-être à environ un kilomètre de distance. Pour
assurer ainsi la distribution des renforts et avoir une vision aussi globale du champ de bataille, il
fallait bien qu’une montagne soit sur son chemin, lui masquant l’embuscade tant qu’il n’avait
gravi son sommet, et lui permettant alors de dominer les combats.1). Dans l’hypothèse A.Berthier,
la voie protohistorique de Langres à Genève, au-delà du plateau de Poligny, traverse en son milieu
une chaîne jurassienne assez escarpée, allongée sur vingt kilomètres du nord au sud, donc
incontournable : la Côte de l’Heute. César, depuis cette montagne qui auparavant lui cachait
l’embuscade, découvre devant lui la plaine de Crotenay, avec sur la droite, « ad dextro latere », la
colline de Montsogeon 2).
Derrière celle-ci coule une rivière, l’Ain. Immédiatement derrière l’Ain, sur une terrasse alluviale,
des milliers de fantassins gaulois attendent, en avant du camp (« pro castris ») de leur chef
Vercingétorix, dont les enseignes brillent sur le plateau, au-dessus et derrière eux 2) : le plateau de
Mont-sur-Monnet.
Tous les éléments d’un portrait-robot du site de la bataille apparaissent et se mettent en
place de façon quasi parfaite.
L.A.Constans traduit ensuite, de manière restrictive, « nos cavaliers ». M. Rat indique tout
simplement « les nôtres » (« nostri »). Les cavaliers germains n’étaient pourtant pas les seuls à
pouvoir être en mauvaise posture. L.A.Constans ne respecte pas ici la précision du texte : César
indique logiquement « nostri » : « les nôtres », ce qui inclut tous les combattants romains,
légionnaires et cavaliers. De plus, il est évident que les cavaliers germains se trouvaient moins en
difficulté que les légionnaires. Leur action suivante le prouve.
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1 Voici ce qui est arrivé à César, un jour où il ne s’est pas trouvé sur une hauteur dominant son champ de bataille (BG II, 22,
trad.L.A.Constans) : « Comme les légions, sans liaison entre elles, luttaient chacune séparément et que des haies très
épaisses, ainsi qu’on l’a dit plus haut, barraient la vue, on n’avait pas de données précises pour l’emploi des réserves, on ne
pouvait pourvoir aux besoins de chaque partie du front, et l’unité de commandement était impossible ».
2 A ne pas confondre avec celle de Montsaugeon, au sud de Langres, près de Prauthoy, où les Germains avaient peut-être
échangé leurs chevaux. Simple coïncidence de nom ? Au pied de la colline de Montsaugeon (Haute-Marne), les Germains
incorporent l’armée romaine, et sur celle de Montsogeon (Jura), ils battent les cavaliers gaulois ! Une recherche toponymique
pourrait-elle fournir une explication ?
2
) Vercingétorix ne pouvait, lui aussi, qu’être placé sur une hauteur, pour avoir une vue du champ de bataille et de ses
cavaliers par-delà la rivière et par-dessus ses troupes situées « en avant de son camp ».
27
10. BG / LIVRE SEPTIEME : chapitre 67, paragraphe 4 :
PREMIERE INTERVENTION DECISIVE DES CAVALIERS GERMAINS
« Tandem Germani ad dextro latere summum jugum nacti hostes loco depellunt ».
L.A.Constans : « Enfin les Germains, sur la droite, avisant une hauteur qui dominait le pays,
bousculent les ennemis qui s’y trouvaient »
M.Rat : « Enfin les Germains, à l’aile droite, avisant une hauteur culminante, chassent les
ennemis »
. Cela veut dire, dans le texte latin, littéralement : « ouf ! ». Après un long combat
incertain, ... enfin, les Germains vont, de leur propre initiative (sans l’ordre de César) prendre
d’assaut cette colline de Montsogeon, capturer l’état-major de la cavalerie qui s’y trouve, et
inverser tout à coup le sort de la bataille. C’est la première intervention décisive des cavaliers
germains. Il y en aura trois autres au cours du siège d’Alesia.
Que les chefs gaulois n’aient pas pu s’enfuir de la colline attaquée où ils étaient postés
doit attirer notre attention : pourquoi ne pas s’échapper par l’arrière quand les défenses de la
colline cèdent par devant, ou l’inverse ?
La particularité du Montsogeon en fournit l’explication : l’avant, côté plaine de Crotenay,
est en pente douce (un cheval peut y monter). Par contre, l’arrière, contre l’Ain, est très escarpé :
une chute de la falaise est une mort assurée. Les chefs éduens ont pu être acculés au bord du
précipice et durent se rendre. La défense de leur emplacement, préparée à la hâte, n’était pas
suffisante pour arrêter l’élan des Germains. La surprise de leur présence et la terreur qu’ils
inspiraient aux Gaulois, dut en outre contribuer à la défaite de l’état-major éduen et à la retraite
de toute la cavalerie.
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11. BG / LIVRE SEPTIEME m
: chapitre 67, paragraphe 5 :
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VICTOIRE DESe
GERMAINS QUI CAPTURENT L’ETAT-MAJOR EDUEN DE LA
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CAVALERIE GAULOISE
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« fugientesP
usque ad flumen, ubi Vercingetorix cum pedestribus copiis consederat ».
© : « ils les poursuivent jusqu’à la rivière, où Vercingétorix avait pris position avec
L.A.Constans
son infanterie »
M.Rat : « ... les poursuivent jusqu’à la rivière, où Vercingétorix s’était placé avec ses forces
d’infanterie »
Les Gaulois qui défendaient la colline ont dû partir sous la pression des Germains. Ils ont
reflué jusqu’à la rivière1 qui se trouvait au pied, tandis que ceux qui étaient tout en haut -les chefsont été capturés.
Dans l’hypothèse A.Berthier, l’action se comprend aisément au Montsogeon, à droite du
champ de bataille de la plaine de Crotenay (Jura), de même que l’inaction des fantassins de
Vercingétorix.
Le rôle d’enclume qui leur était attribué sur le bord du plateau et de la terrasse de l’Ain
n’impliquait pas de mouvement pour ces fantassins, qui avaient pour mission de capturer ou
1
« flumen » = rivière, au sens césarien, c’est-à-dire un cours d’eau qui représente un obstacle au franchissement par une
armée. Ce terme seul de « flumen » rend impossible la découverte du lieu de la bataille de la cavalerie à moins d’une étape
d’Alise Sainte Reine : il n’y a aucune rivière pouvant arrêter une armée à moins de 20 km à la ronde.
28
détruire les éléments de la colonne ennemie, repoussés sur la rivière par la charge des cavaliers.
Ils ne devaient donc pas bouger. Le sort de la bataille a voulu que ce furent les cavaliers gaulois
qui arrivèrent en premier et partirent à toute bride sur Alesia, laissant les troupes à pied se
bousculer pour escalader le plateau avec les cavaliers germains dans leur dos, d’où les 3000morts
annoncés par César.
Son plan étant visiblement de détruire seulement l’avant-garde romaine, et ensuite de
« décrocher » pour se regrouper plus loin, selon la technique classique de la guérilla, il importait
que Vercingétorix fût placé sur une très bonne position défensive et ne la quitte pas, juqu’à ce que
les autres légions, arrivées au secours des premières passent à l’attaque. On ne peut rien lui
reprocher sur le site aussi propice de la région de Crotenay. On ne peut pas parler
comparativement du site de l’embuscade à Alise Sainte Reine, car il n’existe pas. (1)
1)
Joël Le Gall et E de Saint-Denis résument bien le désarroi des universitaires à ce sujet :
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« Ces préliminaires de la bataille d’Alésia et ce combat de cavalerie (appelé souvent bataille de Dijon) ont donné lieu à
de fréquentes controverses ; de nombreuses localisations ont été proposées tout autour d’Alesia (Alise). Nous n’avons
pas à discuter de ce problème, irritant et insoluble, tant que des vestiges n’auront pas été exhumés par les archéologues.
(NB- Mais où les archéologues vont-ils fouiller, si l’historien ou le latiniste ne leur précise pas le lieu ?). Les données
topographiques fournies par le texte de César sont en effet très imprécises et indigentes : emplacement de trois camps
gaulois (66 ,1), une hauteur, jugum, et un cours d’eau, flumen (67,5) ; c’est tout. En outre, une indication de temps :
après la déroute de sa cavalerie, Vercingétorix fit route sans arrêt vers Alésia, où, poursuivi par César, il s’enferma le
lendemain (altero die) (68,1-2)
« Sur la localisation de ce combat de cavalerie…ont été proposés : 1°) Au N.O.d’Alésia, Noyers, Ancy-le-Franc,
Tonnerre-Montbard, Fain-les-Montbard, Perrigny-les-Rougemont, Tonnerre-Ravière, Nogent-les-Montbard, Coulmierle-Sec, Senailly, Moutiers-Saint-Jean, Jully ; 2°) au S.et S.E, Dijon, Messigny, Is-sur-Tille, les Veronnes, Mirebeau,
Sennecey, ouest de Dijon. 3°) dans le Châtillonais, Beneuvre, Aignay-le-Duc, Châtillon-sur-Seine, Montigny-sur-Aube,
Lamargelle ; 4°) dans la vallée de l’Aube, Auberive ; 5°) à l’Est, dans la vallée de la Vingeanne, Prauthoy-Sacquenay,
Fontaine-Française ; sans compter les systèmes comtois qui, voulant situer Alésia à Alaise (Doubs), placent le combat
de cavalerie à l’Est de la Saône. J.Carcopino l’a localisé à Baigneux-les-Juifs, et Em .Thevenot à Laignes. Où
A.Wartelle le situerait-il dans la région de Syam-Cornu (Jura) ? Mystère ! » d’ après : « Alesia - Textes littéraires
antiques », par J.Le Gall, E de Saint-Denis et R.Weil. Les Belles-Lettres, Publications de l’Université de Dijon, 1980.)
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Nous voyons bien que les historiens n’ont pas étudié sérieusement le site de Syam-Chaux-desCrotenay de l’hypothèse A.Berthier, reprise par André Wartelle, car le lieu de la bataille de cavalerie
préliminaire au siège d’Alesia en fait partie. A.Berthier l’a immédiatement découvert à Crotenay, à
l’Ouest de Champagnole, car il est intimement intégré à ce site. Nous nous efforçons de démontrer ici
que le lieu proposé pour cette bataille s’adapte parfaitement au BG de César, lequel nous fournit bien
plus d’indications qu’il n’en paraît chez Le Gall et De Saint-Denis :
Il est placé sur la route protohistorique (qui deviendra ensuite romaine, avec quelques modifications de
tracé), de Langres à Genève.
Il est à dix mille pas (15 km), du camp romain présumé de Poligny (dernier camp de plaine avant
d’aborder les plateaux du Jura) (« Ils s’établissent en trois camps à environ dix mille pas des
Romains » BG VII, 66 ,3). Pour établir cette mesure, il fallait bien que ce soit par rapport à un camp
fixe, et non à une colonne en marche…
La montagne allongée de la Côte de l’Heute, que franchit la route protohistorique, immédiatement audessus de la plaine de Crotenay, (idéale pour déployer 15 000 cavaliers), constitue un obstacle
masquant la vue de l’embuscade, et permettant ensuite à César la supervision du champ de bataille.
Sur la droite de ce champ de bataille, par rapport à l’observateur placé sur le col de la Côte de l’Heute
(indiqué sur la carte IGN : « Voie romaine du Pointat », apparaît la colline de Montsogeon, idéale pour
placer l’état-major éduen de la cavalerie et lui permettre de dominer le champ de bataille, tout en
restant bien en vue de Vercingétorix, positionné sur les rebords abrupts du plateau de Mont-surMonnet, derrière l’Ain.
Car nous trouvons aussi la rivère (l’Ain), qui fait défaut partout ailleurs à distance convenable du mont
Auxois. C’est, le mot « flumen » de César, qui veut dire : « rivière faisant obstacle au passage d’une
armée, et nécessitant des dispositions particulières pour son franchissement. ». «... fugientes usque ad
flumen – ils s’enfuient jusqu’à la rivière…où Vercingétorix avait pris position avec son armée »
(L.A.Constans, BG 67)
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Ensuite, nous trouvons le camp où César passa la nuit, le soir de la bataille de cavalerie, avant de
camper, le lendemain, « altero die », devant l’oppidum d’Alesia : c’est la plaine de Champagnole,
abritée derrière l’Ain.
Jouxtant cette plaine au Nord, la colline de Mont-Rivel apparaît comme la colline sur laquelle César a
fait monter les chariots des bagages de toute l’armée, -ce qu’il ne faisait qu’en cas de danger extrême,
car il craignait sans doute un retour possible des cavaliers gaulois, retirés certes, mais encore
redoutables, malgré la capture de leur état-major-. Son vaste replat sommital de 40 ha, et le chemin qui
en permettait l’accès dès cette époque en faisait un lieu bien adapté (voir : « Mont-Rivel, site galloromain en Franche-Comté », par François Leng.
Enfin, l’oppidum lui-même d’Alesia, oppidum ipsum) placé au sommet de l’éperon barré de Chauxdes-Crotenay, est situé à quelques kilomètres seulement de Champagnole. Il suffit de suivre la vallée
de l’Ain vers le Sud. Le lendemain, César y campera et en décidera immédiatement le blocus. La
proximité immédiate lui aura même permis, avant d’y lancer toutes ses légions, d’y envoyer des
groupes d’éclaireurs en tous sens pour en connaître auparavant la nature topographique et les défenses.
Nous voyons bien que ce problème « irritant est insoluble », d’après J.Le Gall, qu’est la localisation de
l’embuscade près du mont Auxois pour l’Université de Bourgogne, trouve une solution simple et
claire dans l’hypothèse A.Berthier.
Nous pouvons affirmer que, tant que ce lieu ne sera pas retrouvé à une proche distance du mont
Auxois, il sera prématuré d’envisager toute reconstitution historiquement valable de la bataille
d’Alésia au Muséo-Parc de la plaine des Laumes.
Mais il est permis de douter, vu l’acharnement des chercheurs depuis le XIXème siècle,- à moins de
déplacer une rivière importante pour la faire passer à moins d’une douzaine de kilomètres du site
d’Alise-Les Laumes,- qu’il ne soit jamais possible de trouver le lieu de cette fameuse embuscade.
Cependant, contrairement à ceux qui se satisfont de cette situation de statu-quo, nous pensons qu’il est
indispensable de le retrouver avant d’aller plus loin dans l’étude historique d’Alesia.
s
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it
c
r
A
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J
o
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S
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12. BG / LIVRE SEPTIEME : chapitred
67, paragraphe 6 :
r
a
LA FIN DES COMBATS DE MONTSOGEON
m
y
« Persequuntur compluresque
interficiunt ».
Aun grand carnage »
L.A.Constans : « et en
font
reun grand nombre »
M.Rat : « et en tuent
r
ie » : chez César, ce mot veut dire « un bon nombre ».
« complures
P
Exemple : « complures hostium » Hirtius = « bon nombre d’ennemis » (BG VIII, 48, 7).
©La différence entre « un grand nombre », comme sur les traductions ci-dessus, et un « bon
nombre d’entre eux » est importante. En effet, le deuxième terme relativise le nombre par rapport
à l’effectif engagé, tandis que le premier, pris dans l’absolu, ne donne aucune indication. Nous
pensons que ce nombre dut être assez restreint.
D’abord parce que César n’en donne pas le chiffre exact, tandis qu’à la fin de la même
journée, quand ses cavaliers poursuivront l’arrière-garde gauloise, il annoncera le nombre de trois
mille tués chez ses ennemis. Il s’agit là pour lui d’un grand nombre, qui mérite d’être consigné
dans son rapport qu’est le BG.
Ensuite, nous savons que les combats de cavalerie à cavalerie (cf / Les mémoires du Général
Marbot) sont peu meurtriers.
César indique seulement : « omnibus locis fit caedes » : « un peu partout, il y a des tués » BG VII,
67. Ce n’est pas là l’indication de pertes colossales.
Le fait marquant de cet épisode n’est pas tant la prise d’une colline par les Germains que
la qualité de combattants gaulois qui s’y trouvaient : l’état-major éduen de la cavalerie au
complet : « Trois Eduens de la plus haute naissance sont faits prisonniers et conduits à César :
30
Cotos, chef de la cavalerie….Cavarillos,… et Eporédorix… ». Cela va complètement
désorganiser l’attaque gauloise et changer le cours de la bataille.
13. BG / LIVRE SEPTIEME : chapitre 68, paragraphe 1 :
SUR LE RETRAIT DE LA CAVALERIE GAULOISE
« Fugato omni equitatu Vercingétorix… ».
L.A.Constans : « Après la déroute de toute sa cavalerie »
M.Rat : « Voyant toute sa cavalerie en déroute »
Nous comprenons le texte ainsi : « omni equitu » : « toute sa cavalerie »
« fugato » : participe passé du verbe « fugare » : « chasser, bousculer » de « fuga »,
« fuite » Gaffiot). Il semble bien qu’il y ait une idée de bousculade, suivie d’un retrait, mais pas
d’une défaite, encore moins d’une déroute catastrophique avec dispersion totale.
s
e
it
S
a
Le texte pourrait être ainsi reporté en langage militairer: « Toute sa cavalerie ayant
ucorps de cavalerie gauloise -qui
décroché rapidement ». Leurs chefs ayant été capturés, les trois
J
attendaient les ordres de ces derniers pour rompre le combat
et décrocher sur une position établie
oaprès
é
à l’avance (l’oppidum d’Alesia), comme font les militaires
avoir tendu une embuscade de
h
harcèlement- n’avaient d’autre solution que de se retirer
c au plus tôt du champ de bataille.
Cette cavalerie gauloise –« toute » cetter cavalerie- n’a pas été mise en déroute par
l’ennemi : elle s’est retirée d’elle-même, parceA
qu’il était prévu initialement, à un signal convenu
t
(donné du Montsogeon dans l’hypothèse A.Berthier), de rompre le combat avant l’arrivée du
e Il est clair qu’elle ne pouvait soutenir indéfiniment
corps de bataille principal de l’armée romaine.
det que Vercingétorix ne voulait pas quitter la protection de la
le choc contre la totalité des légions,
r
rivière et des bords escarpés deasa terrasse alluviale pour retomber dans le piège d’un combat de
plaine contre César.
m
Deux indices nous
confirment que la cavalerie n’a pas été détruite lors de cette bataille :
y
1) Comme nousA
l’avons dit plus haut, César fera, immédiatement après le retrait de cette
cavalerie,
placer les bagages de son armée sur une colline proche, à la garde de deux
e
r
légions
(pas moins), ce qu’il fait, nous l’avons observé dans le BG, seulement en cas de
r extrême.
e
danger
Il craignait donc encore une nouvelle attaque de cette cavalerie.
i
2)PCésar annoncera ensuite que Vercingétorix a renvoyé un peu plus tard sa cavalerie
inutile. Aux Laumes, elle aurait pu largement se déployer et donner de tous côtés
© devenue
de sa puisssance de percussion pendant la construction des ouvrages de défense romains.
Elle n’aurait pas été inutile. Dans l’hypothèse A.Berthier, elle deviendra inutile à cause
du relief escarpé. Les Mémoires du général Marbot nous renseignent sur l’inutilité de la
cavalerie en zone de montagne : « Nos chefs avaient commis la même erreur que… en
faisant défendre par la cavalerie un défilé où cent voltigeurs auraient arrêté un régiment
de cavalerie ! ». cf : Annexe VIII.
Nous verrons plus loin que l’échec de la cavalerie gauloise dans sa tentative de briser les
travaux d’encerclement romains peut être attribué au fait qu’elle se trouvait précisément
dans ce cas d’un corridor étroit. Elle n’a pu déployer de front plus de quelques dizaines de
cavaliers qui, leur élan brisé au contact des légionnaires, et les Germains commençant à
les repousser, se sont trouvés à reculer en poussant ceux qui étaient derrière eux, qui ne
pouvaient alors que reculer à leur tour en bousculant les suivants… jusqu’à la panique
générale et au repli en désordre derrière le mur « maceria » de protection de l’oppidum,
les derniers ayant l’épée des Germains dans les reins. Cela n’aurait pu se produire dans un
lieu de plaine dégagé avec la possibilité de larges manœuvres, comme autour du mont
Auxois.
31
14. BG / LIVRE SEPTIEME : chapitre 68, paragraphe 2 :
VERCINGÉTORIX SE RETIRE VERS ALESIA
« (Vercingétorix copias) reduxit protinusque Alesiam ».
L.A.Constans : « (Vercingétorix...) les [ses troupes] mit en retraite incontinent, et prit la route
d’Alesia »
M.Rat : « (Vercingétorix...) les [ses troupes] fit battre en retraite, et prit aussitôt le chemin
d’Alesia » (M.Rat)
s
e
it
« reducere » : ramener (Gaffiot).
Exemple : « exercitum in castra reducere » (César, BG I, 50, 2) : « ramener l’armée dans
le camp ».
Il s’agit, dans le cas présent, de ramener les éléments qui se trouvent en bas, en couverture
sur le « flumen », jusqu’au camp de Vercingétorix, placé sur le plateau en arrière, puis de partir
directement sur Alesia.
Vercingétorix avait envoyé des messagers dans l’oppidum pour y faire rentrer les
Mandubiens avec leurs approvisionnements et le mettre en état de défense. Mais l’armée complète
n’y était pas allée au préalable. Si cela avait été le cas, elle y aurait laissé ses bagages de façon à
s’alléger avant de partir pour établir son embuscade1. Alesia se trouve donc au-delà du lieu de
l’embuscade par rapport au point de départ de Vercingétorix chez les Eduens. Si Alésia était au
mont Auxois, il y aurait laissé ses bagages, n’ayant pas besoin de s’en encombrer pour aller
établir tout près de là son embuscade. Or il dit bien qu’il se retire avec ses bagages.
et
c
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A
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d
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a
L’adverbe « protinus » m
: 1) tout droit devant soi; 2) tout droit sans cesser d’avancer
(Gaffiot), est quelque peu escamoté
dans les deux traductions, que ce soit « incontinent » ou
y
« aussitôt ».
A ex eo loco ad flumen contendere » (César, BG II, 9, 3) : « se porter
Exemple : « protinus
rauefleuve ».
sans arrêt de ce lieu
r
Il est iclair
e que l’armée gauloise a marché sans arrêt et par le chemin le plus court vers
Alesia. Cela
laisse entrevoir la possibilité, sachant qu’il avait la rivière à traverser, que César ait
P
pu emprunter un autre chemin plus long. En fait, il devait continuer par la route même sur
©il avait été assailli, qui traversait certainement la rivière un peu plus loin, avant de se
laquelle
diriger également vers l’oppidum qu’il atteindra le lendemain. Il est probable que seuls les
cavaliers germains, franchissant la rivière le soir même (par les passages où les cavaliers Gaulois
l’avaient franchie) en direction du camp de Vercingétorix, tombèrent sur l’arrière-garde des
fantassins ennemis partant vers Alesia avec leurs bagages (1). Quant aux cavaliers gaulois, ils
étaient déjà à l’abri de l’oppidum. Ils n’avaient pas reçu l’ordre préalable de protéger leurs
fantassins contre des cavaliers ennemis, puisque Vercingétorix avait dit qu’il ne s’en trouverait
pas en unités constituées dans l’armée de César.
Il y aura donc trois mille tués devant et sur le plateau de Mont-sur-Monnet (dans
l’hypothèse A.Berthier, sans explication alternative aux Laumes), sans vrai combat, comme à la
boucherie2. Mais la majeure partie de l’armée va pouvoir se mettre à l’abri (2).
1
Une embuscade s’établit toujours avec un armement léger, sans bagages, pour pouvoir décrocher rapidement lorsque
l’ennemi contre-attaque.
2
Cf. Les Mémoires du Général Marbot, sur l’incapacité d’une troupe en fuite à se défendre en faisant front et sur sa perte de
l’instinct de survie.
32
15. BG / LIVRE SEPTIEME : chapitre 68, paragraphe 3 :
CESAR PROTEGE SES BAGAGES
« Caesar impedimentis in proximum collem deductis, duabus legionibus praesidio relictis ».
L.A.Constans : « César, ayant fait conduire ses bagages sur la colline la plus proche et ayant laissé
deux légions pour les garder »
M.Rat : « César fit conduire ses bagages sur la colline la plus proche, sous la garde de deux
légions »
s
e
it
« Deducere » : « Emmener d‘un lieu dans un autre », « conduire en séparant », (Gaffiot).
Exemple : « Ex agnis deducere » (César, BG IV, 30, 3) : « emmener des champs ».
S
a
Nous proposons donc le texte rétabli ainsi : « César, après avoir
r fait retirer les bagages (du
milieu des légions) et les avoir fait monter sur la colline la plusu
proche, les laissant à la garde de
J
deux légions ».
o
Cette action de retrait des bagages, se déroulant
é après la bataille contre la cavalerie
gauloise, devait s’accomplir sur le chemin que César h
suivait initialement vers Genève, sans doute
c Ses ennemis étant sur la rive opposée dans
avant qu’il n’eut atteint le gué et traversé la rivière.
r
A à l’abri de la protection naturelle représentée
Alesia, César avait intérêt à maintenir ses bagages
par ce cours d’eau. Pour encore plus de t
sécurité -n’oublions pas que la cavalerie gauloise est
moment- il fait monter ses bagages sur la colline la plus
presque intacte et peut revenir à tout e
d
proche, précaution, nous l’avons vu,
qu’il prend d’habitude seulement en cas d’extrême danger
ennemi, comme lors de la bataille
arcontre les Helvètes près de Bibracte, six ans auparavant.
m
y
A
re
r
e
Pi
©
1
2) Il est curieux de constater que A.Rousset, dans son Dictionnaire géographique, historique et statistique des communes de
Franche-Comté-Département du Jura (1855)- soit 107 ans avant l’hypothèse A.Berthier, parle d’un grand combat, dit « de la
Combe-d’Ain », qui aurait eu lieu entre Crotenay au Nord, et Fontenu, à l’Est du lac Chalain au Sud.
Voici ce qu’il note sur le village de Crotenay « Crotonacum » :
« Crotenay est sans contredit l’un des plus anciens villages de notre département ; il existait avant la conquête des Gaules
par Jules César, et son souvenir se mêle à celui des grands évènements qui signalèrent les invasions des Barbares dans la
Séquanie…En 1810, dans la contrée dite sur la Croix, on trouva une pièce en or , sur l’une des faces de laquelle on lisait le
mot vindex…On a découvert un amas d’ossements dans la contrée dite au Tombeau. Le champ de bataille de la Combed’Ain, dont nous avons déjà parlé plusieurs fois, s’étendait jusqu’à ce village. Les tumuli qu’on y trouve l’attestent
suffisament. Les traditions qui se perpétuent dans la contrée se rapportent toutes à des croyances druidiques ».
A « Mont-sur-Monnet », il indique :
« Le combat sanglant qui se livra à l’époque des dernières invasions germaniques dans la Combe-d’Ain paraît avoir eu pour
théâtre principal la plaine de la Bataille et la plaine de la Millerie à Monnet-la-Ville.Le vaste tumulus connu sous le nom de
tertre des Squelettes et ceux de moindre dimension qui l’environnent les plaques de baudriers, les fers de lance qui jonchent
toute cette contrée annoncent une lutte atroce, un effroyable carnage. »
A.Rousset attribue ce combat à la période des invasions barbares ; sur quelles données archéologiques se base-t-il ? A-t-il
effectivement fouillé et daté les tumuli retrouvés ? Nous sommes perplexes en voyant que le théâtre principal de ce combat
est la plaine de la Bataille et la plaine de la Millerie à Monnet-la-Ville. En regardant une carte IGN, nous nous apercevons
que ce lieu se trouve sur le chemin direct de Crotenay à Alesia, là où 3 000 fantassins de l’arrière-garde de Vercingétorix,
auraient pu s’être fait massacrer en se bousculant pour monter sur le plateau après le repli de leur position sur les rives de
l’Ain (« en avant du camp » de Vercingétorix). Coïncidence ? Superposition de deux combats à des dates différentes ? Cette
Combe-d’Ain, croisement de plusieurs voies celtiques puis romaines, a sans doute été le témoin du passage de bien des
guerriers antiques et moyen-âgeux. Des fouilles avec moyens modernes d’investigation nous renseigneraient utilement.
1
Contrairement à ce qui transparaît des traductions étudiées et des historiens qui annoncent en conséquence que la cavalerie
n’existerait pratiquement plus, rendant de ce fait difficile la compréhension des événements.
33
A ce stade, toujours dans l’hypothèse A.Berthier, nous comprenons que le gué sur l’Ain
est celui de Champagnole. Coiffant au Nord la ville actuelle comme un chapeau de gendarme,
offrant un replat de 40 hectares à son sommet, le Mont Rivel est tout indiqué pour être la
« proximum collem » de César. Il est attesté par des fouilles récentes1 que des traces antérieures à
l’époque romaine témoignent d’une occupation datant de l’indépendance gauloise. Un chemin
devait donc à l’époque être tracé; les muletiers romains ont ainsi pu y faire monter sans difficultés
les bagages et les installer sur le plateau sommital aux bords escarpés.
Est-ce un hasard si, depuis le sommet côté Sud-Est du Mont Rivel, on aperçoit, dans
l’échancrure des gorges de l’Ain, comme dans une ligne de mire, la citadelle massive de
l’oppidum de Chaux-des-Crotenay, barrant la route de Genève ?
Autre hasard, la plaine de Syam, mesurant trois mille pas romains (4500 mètres) en longueur,
s’étire entre les falaises sommitales des collines environnantes, devant -« ante »- l’oppidum,
comme dit César, par rapport à son axe de marche.
Troisième hasard, un sanctuaire gallo-romain de forme octogonale, décrit par Fr.Leng,
apparaît dans le sol, à peine caché par la végétation, à cet endroit précis du plateau sommital SudEst de la colline…comme si les descendants gallo-romains des anciens peuples libres de la Gaule
avaient voulu perpétuer ici, dans ce sanctuaire, le souvenir de la bataille suprême qui a vu la fin de
leur indépendance. De cet endroit, ils pouvaient voir la citadelle de l’Alesia des Mandubiens et de
Vercingétorix, brûlée, rasée, maudite et interdite à jamais de reconstruction par les Romains –
comme Carthage pendant les guerres puniques.
Ce sanctuaire, lieu de dévotion temporaire durant seulement une période de l’année, d’après les
conclusions de François Leng, a perduré jusqu’au 3ème siècle de notre ère, avant d’être détruit
probablement durant les invasions barbares avec les villas gallo-romaines établies autour du
Mont-Rivel. Alesia sombra dès lors totalement dans l’oubli.
Même son temple-souvenir, son mausolée, a disparu.
Nous voyons que le sort de cette Alesia de l’hypothèse A.Berthier est bien différent de l’Alisiia
des Laumes, en limite Nord des Eduens, qui va connaître au contraire, contre toute logique
romaine, son expansion la plus importante à l’époque impériale.
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A
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c
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A
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J
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16. BG / LIVRE SEPTIEME : chapitre 68, paragraphe 4 :
©
CESAR ARRIVE DEVANT ALESIA
« Altero die ad Alesiam castra fecit ».
L.A.Constans : « Le lendemain, il campa devant Alesia »
M.Rat : « Le lendemain, il campa devant Alesia »
Les auteurs sont d’accord pour traduire « altero die » par « le lendemain ». Ce ne fut pas
toujours compris ainsi. Napoléon III soutint « le surlendemain », car cela lui laissait un jour de
plus pour faire admettre la distance de près de 90 km entre le lieu de l’embuscade qu’il plaçait
dans la vallée de la Vingeanne, au Nord de Dijon, et Alise Sainte Reine. La rigueur du texte latin
a toutefois été démontrée depuis; il s’agit bien du lendemain.
Si le doute a pu exister, c’est parce que César n’emploie pratiquement jamais « altero
die » -l’autre jour- pour le lendemain, mais « postero die » ou « postridie » : le jour après.
Pourquoi ce soudain changement de vocabulaire ? Simple question de style ?
Toujours est-il que « le lendemain », et non « le surlendemain », César arrive devant
l’oppidum. Nous venons d’indiquer qu’en fait, celui-ci était tout près. La pointe, qui portait la
1
Voir Mont Rivel, Fr. Leng.
34
citadelle d’où Vercingétorix surveillait l’arrivée de l’armée romaine, est seulement à sept ou huit
kilomètres du camp romain. César a donc pu estimer la valeur de sa position avant d’aller placer
son camp au devant. Il paraît douteux en effet que le chef romain ait décidé d’établir son camp
sans une reconnaissance préalable, de façon à prévoir les dangers de sortie de ses ennemis dans
ces gorges. Il est probable que la matinée du lendemain a été employée à observer les positions
gauloises, envoyer des détachements aux alentours pour s’assurer que les collines entourant
l’oppidum étaient bien libres d’occupants gaulois1.
La décision d’investissement est prise instantanément. Dans l’hypothèse A.Berthier, il
s’agit tout simplement de placer une unité derrière chaque col et un gros bouchon dans la plaine
de 3000 pas (à Syam). Quant à César, il vient vraisemblablement s’installer avec le reste des
légions sur le secteur du Vaudioux, au-dessus de la plaine de Syam, face à la citadelle de
Vercingétorix. Un excellent observatoire se trouve tout près, à Chatelneuf, dominant l’oppidum.
Le soir de cet « autre jour », il peut enfin annoncer : « je campais devant Alesia ».
Autour du mont Auxois, étant donné la longueur des lignes à construire, il eût fallu à César un
temps considérable- plusieurs semaines- avant de pouvoir s’estimer hors de danger d’une sortie
des Gaulois.
s
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J
17. BG / LIVRE SEPTIEME : chapitre 68, paragraphe 5 :o
é
h
c
DEBUT DES TRAVAUXrD’INVESTISSEMENT
Ainstituit ».
« adhortatus ad laborem milites circumvallare
t
e
L.A.Constans : « il exhorta ses soldats
rd au travail et entreprit l’investissement de la place »
M.Rat: « il exhorta ses soldats a
au travail et se mit à investir Alesia »
m
Il est clair queyCésar n’hésite pas. Cela nous laisse perplexes, quand on sait qu’à
Gergovie, il réfléchît
longuement avant d’investir une place similaire et finalement recula,
A
prétextant des approvisionnements
incertains.
e
r
Devant
Alesia,
au
contraire,
il n’hésite apparemment pas une seconde. Pourquoi ?
r
Pourquoi
perdre
du
temps
ici,
alors que la Province est toujours menacée par d’autres
e
i
arméesPgauloises ?
ne pas passer à côté et se rendre immédiatement chez les Allobroges, assurer ses
© Pourquoi
arrières
et revenir ensuite régler son compte à la rébellion gauloise devant Bibracte ?
Il semble que César n’ait pas le choix.
Dans l’hypothèse A.Berthier, le passage est bel et bien bloqué. Le chemin de la cluse de Morbier
gravit les flancs abrupts de l’oppidum pour sortir par un col à l’arrière. Il est impossible de faire
passer les bagages tant que l’oppidum ne sera pas réduit (et sans ses bagages l’armée ne peut pas
survivre).
Mais le réduire veut automatiquement dire « l’assiéger », car il est imprenable d’assaut.
Passer à côté n’est pas simple dans ce relief coupe-gorge2. Il faudrait revenir en arrière et
descendre vers le Sud par le Revermont ou la Bresse et se trouver bloqué sur le Rhône par les
Ambarres tandis que la cavalerie de Vercingétorix pourrait à loisir faire la terre brûlée autour des
légions empêtrées dans les marais.
1
Rappelons qu’à Gergovie elles étaient toutes occupées, et que César dut en prendre une d’assaut pour s’approcher de
l’oppidum.
2
Autour du mont Auxois, par contre, l’armée romaine n’aurait pas été gênée pour s’esquiver en contournant l’oppidum.
35
Pourquoi ne pas remonter au Nord vers Alaise1 et passer par la cluse de Pontarlier ? Ce
serait retomber dans l’alternative qui avait été évitée par César avant son départ : passer tout près
de l’oppidum séquane2 et parvenir en plein sur les Helvètes, dans leurs défilés de montagne, audelà de Pontarlier.
César n’a donc qu’une seule issue, qui n’est pas la moins risquée : établir le siège
d’Alesia. Il y est bel et bien contraint par la situation.
18. BG / LIVRE SEPTIEME : chapitre 69, paragraphe 1 :
DESCRIPTION DE L’OPPIDUM
s
e
t altitude »
L.A.Constans : « La ville proprement dite était au sommet d’une colline, à une grande
i
Strès escarpée »
M.Rat : « La place elle-même était au sommet d’une colline, dans une position
a
r que nous appellerons
u
Cette phrase indique une séparation claire de la ville et du plateau,
Jélevée « in colle summo », qui
« oppidumial ». Ce plateau doit comporter un dôme, une partie plus
o
porte la place, la ville elle-même. Nous ne pensons pas, é
comme L.A.Constans, qu’elle était
simplement « à une grande altitude ». M.Rat traduit plushjustement : « très escarpée » ... pour
c(418m), mais très abrupte ou escarpée.
indiquer aussitôt en note (183), « non point très élevée
r
A Auxois, puisque les fouilles de Napoléon
Pour lui, cette expression ne peut convenir qu’au mont
III ne lui laissent aucun doute sur ce fait établi de
l’identification d’Alesia avec Alise.
t
e sa « grande altitude », pourtant la même (418 m),
L.A.Constans ne semble pas gêné par
dmont
car il en déduit lui aussi qu’il s’agit du
Auxois. Qu’aurait-il donc écrit s’il avait connu
r
l’hypothèse A.Berthier, et vu l’imposante
masse
de l’éperon-barré du plateau de Chaux-desa
Crotenay, dominant de 250 mètres
mla plaine de Syam !
Au mont Auxois, pary
contre, aucun des deux auteurs n’explique où il voit un « sommet »
dominant le plateau, ainsi
qu’une ville « oppidum ipsum », au-dessus de ce plateau, impliquant
A
ipso facto un double e
rempart : l’un pour la ville elle-même, l’autre -naturel, renforcé aux points de
r
passage- pour le plateau.
r que le plateau du mont Auxois dispose bien de falaises sur son pourtour. Il
Il est iévident
e
est prouvé P
que les diaclases de ces falaises portent des traces d’obturations protohistoriques. Le
secteur de la Croix Saint-Charles à l’Est a, semble-t-il, été renforcé artificiellement. Un mur,
© au type « murus gallicus », a été mis en évidence dans les années 90 par Fabienne
apparenté
« Ipsum erat oppidum Alesia in colle summo admodum edito loco ».
Creusenet, avec une équipe d’étudiants en archéologie de l’Université de Dijon. Il barre l’entrée
Ouest du plateau au-dessus du village d’Alise ; c’est un mur longuement construit, qui n’est pas le
mur de type « maceria », d’une hauteur de 1,80m, édifié à la hâte en pierres sèches par les
Gaulois juste avant le siège, que César indique dans son BG. Le mobilier découvert date au plus
loin de - 80 av J.-C., soit 30 ans avant la bataille. La grande ville fondée dans la nuit des temps par
un Héraclès gaulois n’est pas au rendez-vous.
Cette description géographique correspond par contre idéalement au plateau triangulaire
de 900 hectares de Chaux-des-Crotenay, éperon barré naturellement au sud, bordé sur deux côtés
par les rives abruptes « abruptis ripis » de la Saine (gorges de la Langouette, profondes de 50m
aux Planches-en-Montagne), et de la Lemme (cascade de la Billaude). Son sommet arrondi est
situé à 800 mètres d’altitude (contre environ 750 mètres pour ses rebords). Il est couronné par les
restes d’un mur à l’aspect « cyclopéen », délimitant une enceinte d’environ 50 hectares. Une voie
1
Où existait une peuplade gauloise et où l’on a cru pouvoir au XIXe s. placer la bataille d’Alesia. La controverse fut
tranchée par Napoléon III pour Alise Sainte Reine.
2
De Besançon.
36
protohistorique -appelée au Sud « La Vie du Four »- le traverse (voir photo ». Sa porte Nord se
laisse deviner dans le mur d’enceinte. Des « monuments » lithiques sont visibles aux alentours,
attestant la dimension religieuse importante d’Alesia depuis les temps les plus reculés. (cf.
« ALESIA » de A.Berthier et A.Wartelle, ainsi que Alesia, Citadelle Jurassienne,… de Danièle
Porte). L’interprétation de tout ceci peut faire évidemment l’objet de controverse, tant que des
chercheurs dépassionnés n’auront pas examiné, d’abord l’ensemble, puis les détails de ce site.
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37
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19. BG / LIVRE SEPTIEME : chapitre 69, paragraphe 2 :
AUTRES INDICATIONS SUR LE RELIEF DE L’OPPIDUM
« Cuius collis radices duo duabus ex partibus flumina subluebant ».
L.A.Constans : « Le pied de la colline était de deux côtés baigné par des cours d’eau »
M.Rat : « Au pied de la colline, des deux côtés, coulaient deux rivières » (M.Rat)
Les deux auteurs semblent confondre :
- « pes » : le pied, avec « radices » : les racines;
- « fluere » : couler, s’écouler, avec « subluere » : laver en dessous;
- « rivus » : le ruisseau, avec « flumen » : la rivière, le fleuve. (Gaffiot).
Le mot-à-mot latin est très explicite pour décrire la situation géographique. Les
traductions en bon français ci-dessus sont par contre très bucoliques et s’adaptent à l’évidence au
site d’Alise.
Le texte pourrait être ainsi rétabli : « Les racines de la colline étaient lavées par en dessous
par deux cours d’eau représentant un obstacle militaire ».
Exemple : « arbores ab radicibus subruere » (César, BG VI, 27, 4) : « détacher par
dessous des arbres de leurs racines » (Gaffiot).
Le préfixe « sub » indique une position « sous » quelque chose. Le verbe « subluere » ne peut
s’appliquer au site des Laumes où les ruisseaux l’Oze et l’Ozerain serpentent bien au large des
flancs du mont Auxois jusqu’à la Brenne et la plaine des Laumes.
En procédant de manière inverse, le texte latin de César adapté au site du mont Auxois
aurait été : « Cuius collis pedes duo duabus ex partibus rivi fluebant » : « Deux petits cours d’eau
s’écoulaient de part et d’autre au pied de cette colline ».
Le terme « rivus » : ruisseau, n’est-il pas mieux adapté à l’Oze et à l’Ozerain qui ont une
largeur atteignant parfois cinq mètres avec une profondeur inférieure à cinquante centimètres en
été ! J.Le Gall excuse ces ruisseaux d’être aussi peu susceptibles d’arrêter l’élan des légionnaires
par leurs rives quelque peu encaissées. C’est peut-être vrai pour certaines courbes, mais en aucun
cas un chef de guerre ne pouvait accorder à ses troupes le droit de ralentir une attaque à cause de
ces ruisseaux.
César, n’emploie ordinairement dans le BG que deux termes pour désigner un cours
d’eau :
- « flumen », s’il présente un obstacle à son armée.
- « rivus », s’il n’y a pas d’obstacle.
C’est tout. Cela explique l’emploi peu fréquent de « rivus » (quand il n’y avait pas
d’obstacle, à quoi bon le signaler ?) et l’absence totale des autres substantifs latins : « fluvius » :
rivière, fleuve ou « amnis » : cours d’eau, courant, qui présentent des variantes inutiles dans le
rapport de César.
Nous devons donc admettre la rigueur de « flumen » et chercher sur le site d’Alesia deux
obstacles importants s’opposant à un franchissement par des troupes. Si l’on songe à accoler les
trois mots « radices », « subluebant » et « duo flumina », on imagine deux torrents impétueux
bouillonnant au fond de gorges abruptes. Nous ne pouvons avoir cette vision que dans un paysage
de montagne. Il n’est donc pas surprenant que nous retrouvions exactement cette description
géographique, dans l’hypothèse A.Berthier, à Syam -Chaux-des-Crotenay-, où la Saine, aux
Gorges de la Langouette (près du hameau de Montliboz) et la Lemme à la cascade de la Billaude
(accès tout près de la RN5 tout près de la scierie de la Billaude), donnent un aperçu de ce que
pouvait être la valeur défensive des « duo flumina » de César.
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20. BG / LIVRE SEPTIEME : chapitre 69, paragraphe 3 :
LA PLAINE DE 3000 PAS, EN AVANT DE L’OPPIDUM
« Ante id oppidum planities circiter milia passum III in longitudinem patebat ».
L.A.Constans : « En avant de la ville une plaine s’étendait, sur une longueur d’environ trois
milles »
M.Rat : « En avant de la place s’étendait une plaine d’environ trois mille pas de longueur »
César insistera par trois fois sur la longueur de cette plaine, située en avant de l’oppidum.
Sa largeur n’est pas indiquée, mais il est clair que, placée entre les collines, elle est bien délimitée.
Sa longueur en effet ne laisse aucune incertitude. Elle ne peut pas être vaguement positionnée
arbitrairement dans la corne Nord de la plaine des Laumes, car sa longueur ne serait alors pas
matérialisée. On ne peut pas suivre Le Gall qui, pour conserver la rigueur de la longueur, la situe
en « croissant » depuis les dernières pentes de la montagne de Flavigny jusqu’aux premiers
contreforts de la montagne de Bussy. Cette « longueur » correspondrait alors à la largeur de la
plaine des Laumes devant Alise Sainte-Reine, autrement dit à un tronçon virtuel transversal de la
plaine des Laumes. Cet argument est complètement incompréhensible.
D’autre
part
il
n’aurait pas été possible pour César de dire qu’elle était « en avant » de la place alors que ce
tronçon virtuel de la plaine des Laumes est exactement « à l’arrière » du mont Auxois si César
revenait de la bataille de cavalerie quelque part au Nord de Dijon, à 60 ou 70 kilomètres de là.
C’est ce qu’assure (entre autres) J.Le Gall1. Elle ne pouvait être placée « en avant de l’oppidum »
que pour une colonne arrivant de l’Ouest, comme selon J.Harmand. Qui a raison ?
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Lorsqu’une mauvaise pièce d’un puzzle entre en forçant et sur un seul côté dans un logement vide du jeu, elle en ressort
aussitôt d’un autre côté. Seule la bonne pièce peut entrer dans la case vide correspondante. Il est troublant de constater que,
dans le site présumé des environs de Champagnole dans le Jura, aucune donnée géographique, ni ayant rapport avec la
stratégie indiquée dans le BG, ne se trouve en contradiction avec les textes anciens -de César comme des autres auteurs. Ceci
doit nous intriguer d’autant plus que, pour le site des environs des Laumes, c’est le contraire : presque chaque phrase du BG
est un sujet de controverses sans fin...
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21. BG / LIVRE SEPTIEME : chapitre 69, paragraphe 4 :
AUTRE INDICATION SUR LA GEOGRAPHIE DE L’OPPIDUM
« Reliquis ex omnibus partibus, colles mediocri interjectio spatio pari altitudinis fastigio
oppidum cingebant ».
L.A.Constans: « De tous les autres côtés, la colline était entourée à peu de distance de hauteurs
dont l’altitude égalait la sienne »
M.Rat : « Sur tous les autres points, la place était entourée par des collines, peu distantes entre
elles, et d’égale hauteur »
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« Mediocri interjectio spacio » signifie mot à mot : « un faible espace interposé ». Cette
expression prend toute son objectivité, dans l’hypothèse A.Berthier, autour du plateau de Chauxdes-Crotenay. La route de Champagnole à Saint-Laurent-en-Grandvaux serpente entre
contrevallation et circonvallation dans les gorges de la Lemme, à l’Ouest de l’oppidum. Le relief
est impressionnant.
Il faut tout le parti pris de J.Le Gall pour trouver une valeur au site des Laumes,
comparativement à celui de Syam. Voici son texte :
« Des collines de même hauteur que l’oppidum, séparées de lui par une faible distance
l’entouraient de toute part, sauf du côté de la plaine de 3000 pas : ces indications conviennent
évidemment aux montagnes de Bussy et de Flavigny. Devant elles, les vallées de l’Oze et de
l’Ozerain ne sont pas des gorges, mais elles sont tout de même relativement étroites ». (J.Le Gall,
dans Revue Historique des Armées, n° 2, spécial Alesia, 1987).
En effet, le verbe « cingere » employé par César n’est pas fortuit. « cingere », ceindre,
entourer. (Gaffiot).
Exemples : « collum resticula cingere » : entourer le cou d’une cordelette (Gaffiot),
« oppidum vallo et fossa cingere » (Cicéron) : entourer une place d’un retranchement et d’un
fossé, ou mieux « flumen paene totum oppidum cingit » (César, BG,1,38, 4) : « le fleuve entoure
presque entièrement la ville (Besançon) ». Il semble l’étrangler.
Il s’en dégage l’idée d’un étroit et total encerclement comme la corde autour d’un cou.
Cette impression est renforcée par le « faible intervalle » entre ces collines, et aussi par le mot
« fastigio » qui n’est traduit par aucun des auteurs de cette étude. On se demande bien pourquoi..
« Fastigium » : le sommet en surface, le niveau supérieur. (Gaffiot)
Dans ce contexte, le mot indique plutôt une crête plate, le bord d’un plateau. Pour désigner un
sommet pointu, César emploie « summum » : le sommet, le haut (Gaffiot).
Exemple : « ab eius summo, sicut palmae ramique late diffuntur » (César, BG 4,26, 1) : à
son sommet elle s’épanouit en empaumures et en rameaux ».
Gaffiot donne d’ailleurs, pour exemple dans son dictionnaire la phrase même étudiée ci-dessus :
« pari altitudinis fastigio » (César, BG 7, 69, 4), qu’il traduit par : « colline ayant en élévation le
même niveau ». Cette traduction très juste apporte plus de précision que celles de L.A.Constans,
et M.Rat.
Niveau se rapporte à des rebords de plateaux rapprochés, comme deux tables côte-à-côte. Hauteur
ou altitude se rapportent plus à des collines éloignées l’une de l’autre ou isolées.
Aux Laumes, les collines ont des versants en pente douce ; certaines comme le Réa sont
arrondies. Elles sont éloignées l’une de l’autre. On peut parler d’égale hauteur. Le relief
triangulaire de Chaux-des-Crotenay paraît avoir été taillé à vif dans un même plateau par les deux
rivières. Les bords abrupts en sont de ce fait très proches. César a donc pu écrire très précisément,
devant le site de Syam : « de même niveau », et non vaguement « de même hauteur ».
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Il apparaît ainsi que c’est grâce à cette précision de traduction que Gaffiot s’est éloigné du
site du mont Auxois. Quand il a réalisé son dictionnaire latin-français, si universellement reconnu
et réputé, en face du mot « Alesia », il se serait refusé à mettre : « Bataille...située au mont
Auxois en Côte d’Or », ce qui est facile à vérifier. C’est à la demande expresse de son éditeur
qu’il aurait, malgré lui, consenti à placer, sans y ajouter aucun commentaire, le plan du site
« Napoléon III » qui sert encore actuellement de base aux recherches sur le site des Laumes.
22. BG / LIVRE SEPTIEME : chapitre 69, paragraphe 5:
PARTICULARITE DU FLANC EST DE L’OPPIDUM
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« Sub muro quae pars collis ad orientem solem spectabat, hunc omnem locum copiae Gallorum
compleverant ».
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L.A.Constans : « Au pied du rempart, tout le flanc oriental de la
r colline était occupé par les
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troupes gauloises »
Jregardait l’Orient était couverte de
M.Rat : « Au pied du mur, toute la partie de la colline qui
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troupes gauloises »
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c » : remplir, compléter (Gaffiot).
Le verbe « compleverant » vient de « complere
r
ABG,un 1,25,
Exemple : « legiones complere » (César,
1) : « compléter les légions ».
t
Le sens est bien « remplir complètement
espace », soit la partie Est de la colline. Ce
e sens que celui qui a été simplement donné par « toute
n’est pas exactement, à notre avis, le même
d ce cas,
la partie Est de la colline était occupée...
». On peut occuper toute la partie Est avec quelques
r
troupes disséminées çà et là. Mais
dans
on ne remplit pas complètement la partie Est de la
a
colline...La vision que nous
devons avoir est bien celle d’un espace homogène, orienté au soleil
m
levant, complètement rempli
de troupes.
y
Les historiens
ont
cherché
à positionner « toute la partie Est de la colline » sur le site des
A
Laumes. Ce n’était
car le mont Auxois étant de forme ovale avec son grand axe Estre paspasdefacile,
Ouest, il n’yravait
place pour loger les troupes gauloises sur la pointe Est. Napoléon III a
tranché leie
problème : il les a placées comme la selle sur un cheval, c’est-à-dire le pommeau vers
l’Est, P
le quartier gauche au Nord-Est et le quartier droit franchement au Sud. La partie arrière de
chaque quartier est séparée de l’autre par les falaises du plateau, de sorte qu’il est plus logique de
© de deux parties que d’une seule. Ce qui est encore plus anormal, c’est l’absence de limite
parler
naturelle. Le plan Napoléon III crée une limite virtuelle d’un trait de plume. L’espace n’est pas
homogène, la pointe seule étant à l’Est.
Cette disposition manque de réalisme militaire, car l’Oze et l’Ozerain devant en assurer
les « défenses » Nord et Sud, les fantassins gaulois étaient massés sur les pentes à proximité de la
circonvallation romaine, placée toujours virtuellement par Napoléon III immédiatement derrière
ces rivières.
A Chaux-des-Crotenay, dans l’hypothèse A.Berthier, le flanc Est du triangle du plateau est
constitué de pentes abruptes descendant à pic sur la Saine ; impossible d’y loger une troupe
importante, sauf au Nord-Est.
Cette partie Nord-Est est en arc-de-cercle, inclinée franchement vers l’Est ; elle comporte
des terrasses en gradins, comme un amphithéâtre dont la scène serait l’évasement de la gorge de la
Saine, appelé les « Prés-Grillets », peu avant son débouché sur la plaine de 3000 pas (de Syam). Il
s’agit donc d’un emplacement idéal. De plus, César pouvait en avoir la vue directe depuis ses
positions avancées de la plaine de Syam.
41
On imagine les terrasses de cette partie Est bondées de troupes gauloises avant les assauts
sur la plaine toute proche...puis enfin sur les falaises « praerupta » donnant accès au col de Crans,
où attaquera l’armée extérieure de Vercassivellaun à la fin du siège.
R.Potier (« Le génie militaire de Vercingétorix et le mythe Alise-Alesia » 1973) indique
l’existence d’un mur grossier en pierre, retrouvé sous des bourrelets de terre le long de la base de
cette partie Est1. Simple coïncidence ?
Un autre mur de ce type, paraissant avoir été simplement un ramassis fait à la hâte des éboulis de
la crête de la montagne, existe à l’extrémité Sud-Est du plateau, depuis l’arête sommitale de la
Montagne-Ronde. Il semble bien protéger un point sensible, le flanc de cette montagne, au dessus
de la Saine. Il est relié perpendiculairement à un autre système défensif, constitué d’une tranchée
et d’un mur, situé à mi-pente le long de la Saine. Il vient se bloquer sur la falaise, dès que celle-ci
réapparaît, supprimant dès lors le besoin d’une défense artificielle.
Nous l’avons personnellement découvert en pensant que, dans l’hypothèse A.Berthier, il devait y
avoir là une défense artificielle complétant les escarpements naturels. Effectivement elle était là
où il fallait, sans qu’il soit nécessaire de fouiller quoi que ce soit. Comme ce système complète au
Sud-Est le mur que René Potier avait découvert au Nord-Est, nous y voyons la continuité d’une
protection, correspondant à la description de César (« fossamque et maceriam in altitudinem VI
pedum praeduxerant = « …et en avant, elles avaient construit un mur de six pieds » BG VII, 69,4
L.A.Constans). Nous pensons possible de rattacher ce mur à un système défensif du plateau. Des
fouilles archéologiques seraient intéressantes à cet endroit.
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P.178 : Trace d’une « maceria » au flanc Est de l’oppidum (R.Potier, 1973).
p.180 : « Or, à une dizaine de mètres au-dessus de la route touristique de la vallée de la Saine s’étend, le long du flanc Est
de l’oppidum, une plateforme rocheuse où auraient pu camper les troupes gauloises « sub muro », et qui offre une large
surface d’occupation... En présumant que la bordure de cette plateforme avait pu conserver une trace enterrée de
« maceria », nous y avons ouvert un bourrelet, sur trois ou quatre mètres, et avons eu l’heureuse surprise de mettre au jour,
sur un mètre de hauteur, une muraille large de 1,20 m, faite de blocs de pierre tels qu’on les trouve encore dans les éboulis
de la colline... Il n’échappera à personne que la mise à jour d’une muraille répondant à la définition du latin « maceria », en
un endroit précis du site où, si elle existait, nous devions la trouver, est troublant... Cette muraille, dont la présence est
apparente sur d’autres points de la paroi, là où l’érosion et la construction de la route touristique ne l’ont pas fait
disparaître, est un vestige archéologique d’un intérêt indiscutable pour l’identification d’Alesia ». R.Potier
42
23. BG / LIVRE SEPTIEME : chapitre 69, paragraphe 6 :
SUR LA LONGUEUR DE LA CIRCONVALLATION
« Eius munitionis quae ab Romanis instituebantur circuitus X millia passum tenebat ».
L.A.Constans : « Les travaux qu’entreprenaient les Romains se développaient sur une longueur de
10 milles »
M.Rat : « Les fortifications qu’entreprenaient les Romains s’étendaient sur un circuit de onze
mille pas »
Les traducteurs ne sont pas en concordance sur la longueur de la contrevallation. Dix ou
onze mille pas, c’est-à-dire quinze kilomètres ou seize et demi ? Les manuscrits donnent en effet,
selon les séries, dix ou onze mille pas, soit 15 ou 16,5 km, soit une erreur possible de 10%.
La ligne virtuelle de la contrevallation, sur le plan Napoléon III, a une longueur d’environ dix à
onze kilomètres seulement. C’est-à-dire 50% de moins que celle annoncée par César 1!
A Chaux-des-Crotenay, dans l’hypothèse A.Berthier, le problème ne se pose pas : le
périmètre du plateau, mesuré sur la carte IGN de Champagnole, de la même façon que sur celle du
mont Auxois, est de 16,5 kilomètres, soit onze mille pas à 2 ou 300 mètres près). Les arpenteurs
de César ne se trompaient donc pas, ici, de 50% ! César ne précise pas, à vrai dire, le périmètre du
plateau de l’oppidum, mais seulement la longueur de la contrevallation qui l’entoure. Nous
pouvons cependant déduire que, le rebord des plateaux (le mot « fastigium » éludé par les deux
auteurs étudiés) étant très resserré de part et d’autre des rivières, le périmètre de la contrevallation
se confond pratiquement avec celui du plateau de l’oppidum, ces rivières formant elles-mêmes la
contrevallation. Ceci n’est pas vrai au mont Auxois, où le périmètre de l’oppidum (environ 5 km
au niveau des arêtes sommitales) est bien plus restreint que la longueur de la contrevallation
théorique de Napoléon III (10 km). Nous ne comprenons pas où Michel Reddé, sur ce site, va
chercher sa ligne de 16 km (pour rester cohérent avec les 10 ou 11 000 pas du BG.
César indique ensuite que cette ligne n’était pas continue : il avait fait disposer des camps
aux endroits convenables (« Castra opportunis locis ») (pour obturer les points bas, notamment au
débouché des rivières et dans la plaine de trois mille pas), et fait placer 23 postes fortifiés,
« ibique castella XXIII facta » « également en bonne place », écrit L.A.Constans, nous
traduisons : sur les crêtes. Car, s’ils s’étaient trouvés en plaine, ce ne sont pas des fortins
(castella), placés çà et là et garnis durant le jour de simples corps de garde, qui auraient été
nécessaires pour résister aux attaques violentes des Gaulois, mais des camps « castra » puissants
partout. Une armée romaine d’un effectif double de celle de César aurait-elle alors été suffisante ?
La description de ses défenses par César nous renvoie encore une fois à un paysage de montagne.
Il est facile de placer, dans l’hypothèse A.Berthier, une légion au pied de chaque col et deux dans
la plaine de Syam, ainsi que des postes sur les points des crêtes ceinturant de près le plateau de
Chaux-des-Crotenay, pour assurer le bouclage total en une journée- (pas tout-à-fait, puisque la
cavalerie parviendra à s’échapper peu après, de nuit, sans être détectée, et par plusieurs passages
discrets entre ces 23 postes. Il ne restait plus alors aux Romains qu’à conforter ces défenses par
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M. Reddé indique beaucoup plus, de l’ordre de 16 km, ce qui ne correspond pas à la mesure faite sur un plan à l’échelle,
comme nous avons procédé pour trouver le périmètre du plateau de Chaux des Crotenay indiqué ci-dessus. Peut-être
considère-t-il le développement total, crochets compris, de la fortification ? En réalité, sauf dans la plaine des Laumes où la
contrevallation, étant nettement matérialisée par des traces de fossés visibles sur les photos aériennes et constatées par les
fouilles, se trouve donc mesurable, il n’y a pas de continuité concrète de la ligne de défense présumée romaine. Comment
donc la mesurer ? Ce ne sont pas les lignes virtuelles tracées derrière l’Oze et l’Ozerain par Napoléon III sur son plan qui
vont nous abuser. Au pied de ces deux flancs du mont Auxois ne se trouve aucune trace concrète continue de la
contrevallation. La nature du sol est-elle si différente de celle de la plaine des Laumes ? Une photo aérienne, à notre
connaissance très peu exposée au public, aurait même montré l’existence, au pied du flanc sud, d’une substruction semicirculaire, une sorte de théâtre, de type gallo-romain, passant sur la ligne théorique de la contrevallation. Si les fouilleurs de
Napoléon III avaient cherché là, ne l’auraient-ils pas signalée sur leur plan ? Et s’il n’y a pas eu de fouilles à cet endroit,
comment affirmer que la fortification romaine passait exactement sur ce point ?
43
des fossés et des pièges dans les parties basses. NB- Comment faire échapper du mont Auxois
15 000 cavaliers en une nuit sans qu’ils soient détectés ? Nous y reviendrons ci-après).
24. BG / LIVRE SEPTIEME : chapitre 70, paragraphe 1 :
PREMIERE TENTATIVE POUR BRISER L’ENCERCLEMENT
« Fit équestre proelium in ea planitie quam intermissam collibus tria milia passuum in
longitudinem patere supra demonstravimus ».
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L.A.Constans : « ... quand a lieu un combat de cavalerie dans la plaine qui, comme nous l’avons
expliqué tout à l’heure, s’étendait entre les collines sur une longueur de trois mille pas »
M.Rat : « quand un combat de cavalerie est livré dans la plaine qui, comme nous l’avons dit plus
haut, s’étendait entre des collines sur une longueur de trois mille pas »
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César revient à trois reprises sur cette plaine qui s’étendait « intermissam collibus » :
« dans l’intervalle laissé libre entre les collines ».
« Intermissus », participe passé de « intermittere », laisser au milieu, dans l’intervalle,
laisser libre (Gaffiot).
Exemples : « (pars) intermissa a flumina et a paludibus » (César, BG VII,17, 1) : (partie)
laissée libre (laissée en intervalle) par le fleuve et les marais ».
ou: « planities intermissa collibus » » (César, BG, VII, 70, 1) : « plaine laissée libre par les
collines » [phrase étudiée ci-dessus] (Gaffiot)1.
L’impression donnée par ces exemples est que les collines sont prédominantes, leur
emprise tentaculaire. Elles « laissent libre » pour cette plaine seulement une partie étriquée de
3000 pas en longueur et donc nettement moins en largeur.
« Patere » : être ouvert, être praticable, accessible. (Gaffiot).
Il ne s’agit pas pour la plaine de « s’étirer » en tous sens, mais de s’étendre entre
des limites bien établies. Les sens les plus usuels laissent à penser qu’il s’agissait d’un espace
chichement compté, resté seul praticable à une bataille rangée, dans un relief fortement
dominateur.(voir photo ci-après)
A lire les deux traducteurs ci-dessus, nous avons l’impression que la plaine s’étirait
nonchalamment, bordée par quelques collines ondulant à l’horizon comme aux Laumes. Le terme
le plus approprié serait : « qui s’enclavait entre les hauteurs ». Mais cela sonne faux lorsque l’on
se promène du côté des Laumes. On peut difficilement qualifier l’immense plaine qui s’étend
devant l’oppidum d’« enclavée ». Où est donc la délimitation de cette plaine de 4500 mètres en
longueur, par peut-être 1000 à 1500 mètres en largeur, « enclavée » dans l’espace « laissé libre
par les collines » à l’Ouest du village d’Alise Sainte Reine ?
L’impression de relief accentué ne fait que renforcer celle qui découle au chapitre
précédent de « colles mediocri interjectio spatio pari altitudinis fastigio oppidum cingebant » :
« des collines ceinturaient l’oppidum au même niveau que celui-ci et à un faible intervalle ».
Par ailleurs, nous remarquons que César emploie le mot « proelium », traduit
uniformément par « combat » et non « pugna » : « bataille ».
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Encore une traduction exacte de Gaffiot qui ne rend pas une impression visuelle considérée a priori, mais la réalité du texte
du BG. En fait, nous savons aujourd’hui par un élève de l’un de ses collaborateurs, qu’ayant mis en doute au vu des textes
la réalité du site d’Alise, il ne voulait pas cautionner la thèse Napoléon III pour Alise, au mot « Alesia » de son dictionnaire.
Mais la controverse était déjà telle à cette époque que son éditeur l’aurait menacé de ne pas publier son ouvrage « si Gaffiot
persistait à y affirmer qu’Alesia est en Séquanie ». Gaffiot a cédé mais s’est vengé en maintenant les Mandubiens en
Franche-Comté », Pro Castris, Institut Vitruve, n°3, p.38, 1998.
44
Dans un exemple tiré de BG III, 4, 3, Gaffiot nous apprend la différence pour César entre
« proelium » et « pugna » qui apparaissent à première vue presque synonymes : « Diuturnitate
pugnae defessi proelio excedebant » = « Fatigués par la longueur de la lutte, ils sortaient de la
bataille ». Il apparaît que « proelium » est bien le combat singulier ou localisé, se plaçant dans le
cadre général de la bataille, « pugna ».
Aux Laumes, on peut difficilement admettre que Vercingétorix n’ait pas utilisé la totalité
de sa cavalerie. Il avait la place de la déployer tout autour de l’oppidum. Les cavaliers germains,
bien moins nombreux, n’auraient pu s’opposer sur tous les points aux Gaulois. Or ce sont bien
eux qui finalement ont renvoyé les cavaliers gaulois à leur point de départ.
Il est donc plus logique d’admettre que Vercingétorix n’ait utilisé seulement qu’une
fraction de ses cavaliers -dont un bon nombre (et non un très grand nombre) sera tué dans la fuite
de retour au point de départ (et non en cherchant une autre issue).
César n’a pu faire autrement que de parler d’un simple combat, alors qu’il aurait dû s’agir,
aux Laumes, d’une bataille gigantesque pour décourager les Romains d’effectuer leurs travaux
d’investissement.1 Dans l’hypothèse A.Berthier et le relief du Jura, l’étroitesse de cette plaine de
3000 pas, enserrée dans l’espace laissé libre entre les collines, ne permettait pas à Vercingétorix
de déployer plus de quelques centaines de cavaliers, au plus quelques milliers, auxquels pouvaient
donner le change quelques centaines, voire quelques milliers, de cavaliers germains de César.
A la suite de cette action, Vercingétorix va comprendre l’inutilité de sa cavalerie et va la
renvoyer en totalité, de nuit, par où c’était encore possible (les travaux romains n’étaient donc pas
achevés).
Vercingétorix avait bien choisi de fixer les Romains sur Alesia dans le but de les détruire.
Sinon nous venons de voir qu’il aurait pu partir en force et se replier pour protéger Bibracte qui
était tout près, puisque Alisia est sur le territoire éduen. Que se serait-il passé si César, voyant
l’armée et la cavalerie de Vercingétorix, une fois bloquées par la contre-vallation, avait décidé, au
lieu d’attendre passivement « l’armée de secours », d’envoyer quelques unes de ses légions mettre
à feu et à sang Bibracte2, laissée ainsi sans défense par Vercingétorix ? N’aurait-on pu parler dans ce cas précisément- de « traîtrise du chef arverne dans le but de rétablir sa suprématie sur
les Eduens » ?
Mais celui-ci n’en a pas vu la possibilité de la part de César puisqu’il a préféré le contenir
sur Alesia puis le faire broyer contre cet oppidum par une nouvelle armée recrutée « ad hoc » dans
les réserves de la Gaule.
Si Alesia avait été située à Alise, à deux ou trois étapes seulement de Bibracte, c’est un
risque que Vercingétorix n’aurait sans doute pas pris, ou dans ce cas il aurait ordonné l’évacuation
du principal oppidum éduen et l’incendie des récoltes, comme il n’avait pas hésité à le faire
quelques mois auparavant à Avaricum (Bourges), forçant l’admiration de César qui a reconnu que
c’était la méthode la plus efficace contre lui.
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1) Voir en annexe l’écalirage des Mémoires du général Marbot sur cet épisode.
2) Où venait de se tenir le Conseil de toute la Gaule révoltée. Quelle tentation pour César ! Rappelons que celui-ci avait déjà
fait aussi bien que cela : à Gergovie quelques mois plus tôt, il avait osé laisser seulement deux légions dans son camp, tandis
qu’il partait lui-même avec les quatre autres, en un raid éclair nocturne de 50 km, pour ramener à la raison les cavaliers
éduens qu’il avait appelé en alliés et en fait marchaient contre lui sous l’impulsion de quelques jeunes chefs.
45
25. BG / LIVRE SEPTIEME : chapitre 70, paragraphe 2 :
LA RETRAITE DES CAVALIERS GAULOIS
TROUBLE LES DEFENSEURS DU REMPART
« Non minus qui intra munitiones erant perturbantur Galli ».
L.A.Constans : « Un trouble égal à celui des fuyards s’empare des Gaulois qui étaient derrière la
muraille »
M.Rat : « Les Gaulois qui étaient à l’intérieur des retranchements ne sont pas moins troublés »
« intra munitiones » : entre les remparts
« intra » (prép. avec accusatif) : en dedans de, à l’intérieur de (Gaffiot).
Exemple : « intra parietes meos » (Cicéron Att., III, 10, 2) : « au-dedans de mes
murailles » (à l’intérieur de ma maison).
L.A.Constans ne nous donne qu’une idée partielle de la situation : « derrière la muraille »
n’indique pas en effet le sens de « intra » : à l’intérieur de, entre, ce qui veut implicitement dire
qu’il y en avait deux, une devant et une derrière, puisqu’ils se trouvent « intra », entre les deux.
M.Rat indique seul le terme plus exact de « à l’intérieur des retranchements ».
Si nous revenons à la position des troupes gauloises imaginée par Napoléon III, elles sont
établies sur la partie Est du mont Auxois, à cheval sur la croupe de la Croix Saint Charles. Elles se
trouvent donc bien en théorie entre les lignes : « sub muro », sous le mur de la ville elle-même et
derrière le mur « maceria » établi par les troupes en avant de leur position face aux Romains.
Mais si nous regardons le plan Napoléon III, la « plaine de 3000 pas, où va se dérouler
cette action, est située par J.Le Gall exactement à l’opposé, à l’Ouest du village d’Alise. Les
cavaliers gaulois seraient sortis de leur camp un à un par des ouvertures laissées trop étroites sur
la partie Est, se seraient regroupés devant le mur « maceria » gaulois, auraient donc longé ensuite
l’oppidum sur toute sa longueur pour attaquer les Romains dans la plaine des Laumes, à l’Ouest.
Quel besoin auraient-ils eu de longer l’oppidum, exposant leur flanc aux traits des
machines de la contrevallation, alors qu’il leur suffisait d’attaquer sur le col du Pennevelle où ils
auraient eu l’avantage de la pente pour s’élancer ? Ensuite, lors de leur repli, n’auraient-ils pu
trouver d’autres issues, en voyant qu’ils ne pourraient pas tous passer par le passage d’où ils
étaient sortis ? Les travaux de la contrevallation étaient en effet loin d’être achevés puisque ce
combat eut lieu au tout début du siège. Mystère d’Alise ! Toujours est-il qu’ils reviendront,
longeant à nouveau l’oppidum, s’écraser contre les portes du mur « maceria », à l’Est poursuivis
par les Germains. Les troupes massées derrière ce mur et en avant du mur de la ville, donc entre
les murailles, s’affoleront et reflueront vers le rempart de « l’oppidum ipsum » (la ville) dont
Vercingétorix devra faire fermer les issues. Il est difficilement imaginable que cet écrasement
puisse avoir eu lieu au mont Auxois, si facilement contournable.
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26. BG / LIVRE SEPTIEME : chapitre 70, paragraphe 3 :
DEUXIEME VICTOIRE DES GERMAINS
« Multis interfectis, compluribus equis captis, Germani sese recipiunt ».
L.A.Constans : « Après avoir tué beaucoup d’ennemis et pris un très grand nombre de chevaux,
les Germains se retirent »
M.Rat : « Après avoir tué beaucoup d’ennemis et pris un très grand nombre de chevaux, les
Germains se retirent »
Les deux traducteurs adoptent le superlatif « un très grand nombre ». Ce terme est, à notre
avis, excessif. Par rapport à l’ensemble de la cavalerie gauloise (près de 15000 chevaux), un « très
grand nombre » peut indiquer plusieurs milliers.
Si toute la cavalerie était sortie, il aurait été inconcevable qu’elle ait effectué sa
manoeuvre d’attaque brutale sur un seul côté de l’oppidum, uniquement à l’entrée de cette plaine
dite de 3000 pas en longueur, où elle n’avait pas un espace suffisant pour se déployer.
Si la charge s’est effectuée avec un quart ou un cinquième des forces de cavalerie, que
veut alors dire le superlatif « un très grand nombre » ?
« compluribus », adjectif de « complures » 1: assez nombreux, plusieurs.
Exemple : « complures nostri milites » (cf : César, BG, I, 52, 5) « …il s’en trouva plus
d’un parmi les nôtres pour… » L.A.Constans.
« Un bon nombre de chevaux » est donc l’expression à retenir. Le superlatif, un très grand
nombre, serait « complurimi ».
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La différence entre « un bon nombre » et « un très grand nombre » est explicite : elle
dcavaliers gaulois. Quelques dizaines seulement peuvent être
relativise le nombre de pertes des
r
transcrites sans mensonge par «aun bon nombre » dans le rapport de César au Sénat romain. Dans
la plaine des Laumes, on m
n’imagine pas Vercingétorix lancer seulement quelques centaines de
y
cavaliers sur l’immensité
des lignes romaines. Il fallait donc, pour rester logique avec le site,
A« un très grand nombre » sur les portes, alors qu’il n’y en eut en fait
qu’on en fit s’écraser
e quelques dizaines. Le mot « non nulli » : quelques-uns, aurait été plus
probablement rque
r
judicieux, mais
n’aurait pas eu le même effet. Par ailleurs, s’il y avait eu une hécatombe, César
e
i pas écrit, lors du renvoi de cette même cavalerie par Vercingétorix immédiatement
n’aurait-il
après P
cet épisode : « Vercingétorix (...) consilium capit omnem reliquum ab se equitatum noctu
dimittere
» (César, BG VII, ch. 71, p. I) : Vercingétorix décide de renvoyer de nuit le reste de (et
©
non « toute ») sa cavalerie ». Or il écrit : « Vercingétorix, priusquam munitiones ab Romanis
perficiantur, consilium capit omnem ab se equitatum noctu dimittere » (César, BG VII, 71,1).
Constans traduit ainsi : « Vercingétorix décide de faire partir nuitamment tous ses cavaliers avant
que les Romains n’achèvent leurs travaux d’investissement ». M.Rat traduit de la même façon. Il
ne paraît pas dans cette phrase que la cavalerie gauloise soit moribonde suite, rappelons-le, tout
d’abord à la grande bataille de cavalerie contre l’avant-garde romaine et ensuite à cette attaque sur
les travaux de fortification dans la plaine de 3000 pas.
Même si quelques centaines de cavaliers manquent à l’appel, sans doute au moins douze à treize
mille vont quitter l’oppidum.
Ce qui doit nous interpeller, c’est pourquoi seulement huit mille cavaliers vont revenir avec
l’armée dite « de secours ». Nous n’avons trouvé aucune explication des historiens à ce sujet. Le
rapport cavaliers/fantassins, qui était de 15 /80 dans l’armée de Vercingétorix, va passer à 8/240
dans l’armée qui va être levée pour écraser César sur le verrou de l’oppidum. Les Gaulois
considéraient pourtant alors que la cavalerie était la meilleure arme dont ils disposaient. Pourquoi
1
A rapprocher du chapitre 12 ci-dessus (la fin des combats de Montsogeon, dans l’hypothèse A.Berthier).
47
se priver ainsi de la supériorité en cavalerie, alors que cinquante ou soixante mille cavaliers
pouvaient se déployer partout autour du mont Auxois et sur les plateaux environnants, encerclant
la circonvallation romaine en quelques heures ?
C’est un des mystères du site des Laumes. Nous y reviendrons, car la solution se trouve proposée
dans l’hypothèse A.Berthier.
27. BG / LIVRE SEPTIEME : chapitre 71, paragraphe 3 :
RENVOI DES CAVALIERS PAR VERCINGÉTORIX
APPEL DE L’ARMEE EXTERIEURE
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« Sua in illos merita proponit, obtestaturque ut suae salutis rationem habeant... ».
S
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L.A.Constans : « Il leur expose ce qu’ils lui doivent, et les conjure de penser à son salut »
M.Rat : Idem
u
J
Cette phrase montre implicitement que Vercingétorix se
laisse volontairement enfermer
oavec
dans Alesia. Rien n’aurait été plus facile pour lui que de partir
la cavalerie qu’il renvoyait
é
s’il n’avait songé qu’à son propre salut. Le prendre pour h
un traître comme le fait J.Harmand est
c ses cavaliers de « penser à son salut »
donc une mystification. Mais le fait même qu’il conjure
r
Aun langage destiné à dramatiser la situation,
alors qu’il pouvait le faire lui-même est, à notre avis,
à l’attention des autres chefs de la coalition, pour
qu’ils activent les préparatifs de la mobilisation.
t
e armée assiégée, il se devait de rester parmi elle,
On peut penser qu’étant le chef de cette
qu’il ne pouvait donc partir avec la cavalerie.
rd C’est oublier que, dans des circonstances très
voisines, à Gergovie, il n’était pas a
resté lui-même dans l’oppidum de son peuple, attaqué par les
légions, mais s’était tenu à distance,
sur une hauteur voisine, de façon à garder sa liberté de
m
mouvement et de commandement.
Personne
ne semble lui en avoir tenu rigueur parce que c’était
y
la meilleure solution :A
« At Vercingétorix castris prope oppidum in monte positis (...)
conlocaverat » (César,
BG VII, 36, 2) : « De son côté, Vercingétorix avait campé près de la ville ,
e
r
sur la hauteur » (L.A.Constans).
r comme certains, que Vercingétorix ait perdu soudainement tout sens de
Avantid’imaginer,
e
la stratégie,P
il faut réfléchir aux raisons qui ont pu motiver ce changement de comportement.
Il est certain que la cavalerie qui était, rappelons-le, l’arme sur laquelle les Gaulois
© le plus, n’avait pu être employée sauf pour l’embuscade préliminaire, massivement et
comptaient
1
à sa pleine puissance. Elle était donc devenue globalement inutile2. Pourquoi ? César ne le dit pas,
car il ne veut pas laisser paraître que le relief escarpé du Jura que l’on trouve dans l’hypothèse
A.Berthier lui a été d’un grand secours. Mais c’est la seule explication rationnelle : la cavalerie ne
pouvait plus être déployée globalement dans ce relief montagneux. On a laissé penser que
Vercingétorix avait perdu la raison, ou bien que les Gaulois ne mangeaient pas de viande de
cheval. Ils ne voulaient donc pas conserver de chevaux, n’ayant, de plus, rien pour les nourrir sur
l’oppidum, ce qui est vrai au mont Auxois. Il aurait même été impossible de simplement les y
loger !
Vercingétorix a donc choisi de se laisser lui-même enfermer avec l’armée intérieure. Mais,
considérant l’immensité du site, il ordonna la mobilisation d’une armée innombrable qui devait
encercler les Romains autour de leurs propres fortifications. Si lui-même et ses 80000 hommes
eussent dû être sacrifiés par la famine, les Romains -broyés entre leurs lignes et eux aussi
1
2
Gergovie.
Voir Les Mémoires du Général Marbot sur l’inutilité de la cavalerie dans les défilés de montagne.
48
affamés- ne devaient pas se sortir du piège. Ce raisonnement est tout-à-fait lucide : broyer les
Romains entre l’enclume de l’armée intérieure sur l’oppidum, et le marteau constitué par une
armée extérieure levée en masse dans la Gaule. C’est encore Vercingétorix qui définit la stratégie.
Celle-ci n’est pas qu’il soit lui-même « délivré par une armée de secours », comme le laissent
entendre les historiens au vu du site des Laumes, mais bien d’écraser les Romains, car il l’estime
possible à ce moment là et en ce lieu même. Il va faire la chèvre pour attirer le loup, en attendant
que le chasseur n’arrive pour tuer celui-ci.
28. BG / LIVRE SEPTIEME : chapitre 71, paragraphe 4 :
SUR LES POSSIBILITES DE DEPART DES CAVALIERS GAULOIS
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« His datis mandatis qua opus erat intermissum secunda vigilia silentio equitatum mittit ».
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L.A.Constans : « Après leur avoir confié ce message, il fait partir les cavaliers en silence, pendant
la deuxième veille, par le passage qui s’ouvrait encore dans nos lignes »
M.Rat : « Après ces instructions, il fait partir sa cavalerie en silence à la seconde veille par
l’intervalle que nos lignes laissaient encore »
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h qu’il n’y aurait eu qu’un seul passage
A notre avis le texte latin ne laisse pas paraître
c
possible, comme celui du col de Pennevelle à l’Estrdu mont Auxois.
« Qua » (adverbe) : par où (Gaffiot) A
t
Exemple : « oppida, qua decebantur
» (Cicéron, Verr., V, 66) : « les villes par où on les
e
conduisait ».
d à un seul»passage.
Le texte « qua opus erat intermissam
ainsi naturellement rétabli : « par où l’ouvrage
r
était interrompu », n’est pas restrictif
Il faut avoir en vue concrètement ce que
a
représente une colonne de m
13 à 14 000 cavaliers, de nuit et en silence (donc au pas), progressant
sur un sentier dérobé à y
la suite de quelques éclaireurs du pays. En considérant une longueur de
quatre mètres, pour A
un cheval et l’intervalle nécessaire entre deux chevaux, cela représente une
colonne de plus e
de cinquante kilomètres de longueur. Pour écouler cette colonne, à raison d’une
rde six kilomètres, il faudrait un temps de neuf heures. Le départ ayant eu lieu à la
vitesse horaire
r
deuxièmeie
veille, soit vers vingt-deux heures trente, il se serait achevé le lendemain vers sept
heuresP
trente, donc en plein jour pendant les deux dernières heures (nous sommes en fin juillet).
Il est donc vraisemblable que les cavaliers soient partis, au minimum, par deux passages
©
différents.
Dans l’hypothèse A.Berthier on trouve, sur l’arrière de l’éperon barré de Chaux-desCrotenay, plusieurs points de passage discrets accessibles à la cavalerie, permettant d’éviter les
sorties principales bloquées par les Romains. Aux Laumes, l’oppidum étant entouré - sauf au
mont Pennevelle- de plaines ou de larges vallées, il est impensable qu’une colonne de cinquante
kilomètres sortant par le Pennevelle puisse être passée inaperçue pendant dix heures, dont au
moins deux de jour, des guetteurs romains. Cela paraît impossible, même si deux cavaliers
marchaient de front, ce qui voudrait dire que les Romains auraient eu l’inconscience de laisser
libre, non un simple sentier muletier discret en sous-bois, mais sans doute un large chemin
carrossable.
Nous sommes encore ici en présence d’un arrangement du texte français qui ne permet pas de
comprendre les évènements.
49
29. BG / LIVRE SEPTIEME : chapitre 71, paragraphe 5 :
DISPOSITIONS POUR LE SIEGE
« Copias omnes quas pro oppido collocaverat in oppidum recepit ».
L.A.Constans : « Il fait rentrer dans la ville toutes les troupes qu’il avait établies sous les murs »
M.Rat : « Il fait rentrer dans la place toutes les troupes qu’il avait disposées devant la place »
Pour indiquer « sous les murs », César emploie habituellement le terme « sub muro ».
M.Rat traduit de façon plus précise « pro oppido » par « devant, -en avant de- la place ». Cela
laisse penser « en avant » par rapport à un observateur. Si le poste d’observation est, comme cela
est indiqué sur certains plans, placé sur le côté Ouest de la montagne de Flavigny, alors
l’expression « en avant de la place » nous laisse comprendre « sur le côté Sud-Ouest du mont
Auxois », c’est-à-dire exactement à l’opposé de l’endroit où elles (les troupes gauloises) se
trouvaient effectivement « pars collis ab orientem solem spectabat » : « sur la partie de la colline
qui regardait l’Est ».
C’est une incohérence du site des Laumes qui est ainsi escamotée par L.A.Constans, car
l’expression « sous les murs » est applicable à n’importe quel endroit situé « sous les murs de
l’oppidum », quelle que soit la position de l’observateur. A notre avis, César -placé à l’Ouest de la
montagne de Flavigny, à l’emplacement appelé « camp de César »- aurait logiquement écrit « en
arrière de la place », car les troupes gauloises n’étaient pas sous ses yeux, devant lui, en
alignement par rapport à la ville, mais derrière lui, à l’opposé de sa position. Depuis son
« praetorium » de Syam, dans l’hypothèse A.Berthier, César voyait effectivement, derrière le
vallon des Prés-Grillet, sur la partie de la colline regardant vers l’Est, les troupes gauloises qui
étaient positionnées « en avant de l’oppidum », reculer en remontant en direction des murs de la
ville, l’enceinte d’une cinquantaine d’hectares, appelée judicieusement « oppidum ipsum »,
l’« oppidum lui-même », le distinguant ainsi du plateau oppidumial dans son ensemble.
Le mot « omnes » : « toutes les troupes » semble indiquer que les Gaulois étaient
maintenant certains que les Romains avaient abandonné toute idée éventuelle d’investissement en
force de l’éperon barré, et qu’il n’était plus nécessaire de maintenir une forte concentration
d’hommes sur le périmètre. Il est vraissemblable qu’un rideau de troupes soit cependant resté en
couverture derrière le mur « maceria » et le fossé établi au pied de l’éperon barré pour garder
l’entrée par ce côté Est.
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30. BG / LIVRE SEPTIEME : chapitre 72, paragraphe 1 :
SUR LES TRAVAUX ROMAINS
« Reliquas omnes munitiones ab ea fossa pedes quadringentos reduxit ».
L.A.Constans : « Il mit entre ce fossé et toutes les autres fortifications une distance de quatre cent
pieds »
M.Rat : « Il laissa entre ce fossé et toutes les autres fortifications une distance de quatre cent
pieds »
Les deux auteurs indiquent quatre cents pieds, soit environ cent-vingt mètres. Ce n’est pas
leur unanimité que nous voulons souligner, mais le fait que des auteurs comme Le Gall ont
contesté ce chiffre. Il ne s’applique en effet pas aux Laumes car le fossé Napoléon III, attribué à
50
ce rôle, se trouve placé à une distance moyenne de six cent mètres, hors de la portée des machines
de guerre romaines, donc sans protection et susceptible d’être comblé en une nuit sans aucun
risque.
L’explication de L.A.Constans en marge de sa traduction mérite d’être reportée (p.263) :
« 400 pieds = « 120 mètres. M.Jullian suppose (III, p. 150, n. 4) que cette distance correspond à
la portée des machines de César. On a souvent corrigé « pedes » en « passus », ce qui donnerait
600 mètres. La correction nous paraît inutile. Nous avons des doutes sur l’identité du fossé « ff »
découvert par Stoffel (Napoléon, p. 274, cf. pl. 26) : il est presque constamment à plus de 400 pas
de la contrevallation, et le profil en est singulier. Nous avons reporté sur notre plan, à titre
documentaire, l’indication des vestiges mis à jour par les fouilles de 1861-65; mais nous pensons
qu’une vérification générale de ces relevés ne serait pas sans profit ».
L’embarras de L.A.Constans est évident. Cet éminent latiniste ne peut admettre une
altération aussi évidente du texte que ses manuscrits ne portent pas, mais ce fait évident ne lui
permet cependant pas d’envisager une remise en cause globale de la réalité du site. Pour nous,
c’est encore là un indice de plus.
Les fouilles de M.Reddé vont-elles enfin nous éclairer sur ce fossé à bords verticaux, de
six mètres de large, capable d’arrêter une charge de cavalerie et de bloquer une attaque en masse
de fantassins ? Il semble apparaître sur les photos aériennes de R.Goguey à peu près à
l’emplacement indiqué par le plan Napoléon III, soit entre 400 et 900 m. Il est vrai que M.Reddé
authentifie déjà trois fossés de contrevallation, là où César en indique deux. Un quatrième, placé
entre quatre et neuf cent mètres en avant, hors de la protection des machines de guerre, et donc
facile à combler la nuit, ajouterait-il beaucoup à la valeur militaire des ouvrages ?
Par ailleurs, César, nous signale que les Gaulois avaient, eux-aussi, creusé un fossé en
avant, au pied de la partie Est de l’oppidum. Souvenons-nous : (BG VII, 69, 4) : « fossamque et
maceriam in altitudinem VI pedum -copiae gallorum- praeduxerant » : « et en avant elles avaient
creusé- les troupes gauloises - un fossé et construit un mur grossier de six pieds ». (L.A.Constans)
Il faut remarquer qu’hormis sur le col du mont Pennevelle- les deux rivières devaient,
selon J.Le Gall, assurer un appui de la contrevallation. Si elles assuraient cette protection des
Romains contre les Gaulois, elles doivent être considérées de même manière comme protection
des Gaulois contre les assauts des Romains... Il est vrai que nous n’oserions sans crainte, comme
J.Le Gall, confier notre existence de Gaulois à la seule « défense » illusoire procurée par ces deux
ruisseaux. Les Gaulois massés sur le flanc Est tenaient certainement à ne pas trouver un matin les
légionnaires dans leur camp, comme à Gergovie. C’est pourquoi le fossé et le mur grossier sur
tout le périmètre occupé par les troupes de Vercingétorix (« sub muro ») en avant du mur, doivent
être retrouvés. Quelle différence de nature peut-il y avoir entre les fossés gaulois et ceux des
Romains placés en face, faisant que les uns soient visibles et les autres non ? Puisque les fossés
romains sont aussi facilement détectés par la photo aérienne autour du mont Auxois, tant dans les
alluvions sédimentaires que sur les corniches calcaires, pourquoi, à notre connaissance, ne voit-on
sur ces photos aériennes de R.Goguey aucune trace du fossé gaulois se superposant à la ligne
théorique du plan Napoléon III ? La question reste posée.
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31. BG / LIVRE SEPTIEME : chapitre 72, paragraphe 2 :
SUR L’ENCERCLEMENT ROMAIN AU-DESSUS DES FALAISES
« ... nec facile totum opus corona militum cingeretur ».
L.A.Constans : « ... et pouvant difficilement garnir de soldats toute la ligne »
M.Rat : « ... que nos soldats n’auraient pu aisément garnir l’ouvrage tout entier »
51
Les mots « corona » (nom féminin : couronne) ainsi que « cingeretur », de « cingere »:
« ceindre, ceinturer », donnent une idée bien particulière de position d’encerclement « en
couronne ».
Par exemple : « Ne pouvant facilement ceindre tout l’ouvrage d’une couronne de
soldats ». Il ne s’agit plus de « garnir une ligne » s’étirant le long des rivières, comme la
contrevallation Napoléon III (Le Gall / Reddé). César emploie habituellement le verbe
« complere » lorsqu’il s’agit simplement de « garnir une ligne ». Il n’utilise pas, dans ce cas,
« corona », ni « cingere ». Il paraît indéniable que les auteurs ont éludé ces mots « corona »et
« cingere ». Ceux-ci s’appliquent bien, par contre, à la crête des plateaux de même niveau,
ceinturant à faible distance l’oppidum, comme celui de Chaux-des-Crotenay, dans l’hypothèse
A.Berthier.
Là-bas, la contrevallation couronne les crêtes escarpées qui ceinturent à très faible
distance l’éperon barré de l’oppidum, au-dessus des « praerupta » (falaises). Le site est, encore
ici, parfaitement en harmonie avec le texte, sans qu’il soit nécessaire d’en modifier le relief.
Là-bas, les seuls espaces où les travaux complets de fortifications – pièges, fossés,
vallum- qui s’avéraient nécessaires, étaient les cols et les passages des deux rivières, ainsi que le
débouché de ces rivières dans la plaine de trois mille pas. Nous estimons que, grâce aux falaises,
une longueur cumulée de 2500 m était suffisante pour les fossés et le vallum. Cette relativement
faible longueur est plus adaptée aux capacités humaines (1), même pour des Romains, et aux
disponibilités en matériaux, surtout en bois pour la palissade et les tours, que les dix ou onze
kilomètres nécessaires autour du mont Auxois, selon le plan Napoléon III, validé par M.Reddé.
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1) A raison d’un mètre cube de terrassement par homme et par journée de travail, ce qui était la norme admise dans des
manuels de travaux publics anciens pour les terrassements à la main, il est possible de calculer le nombre de journées /
homme, et d’en déduire le temps nécessaire pour réaliser la contrevallation, et ensuite la circonvallation, sachant qu’un
homme sur trois seulement était affecté aux travaux. Cela paraît impressionnant et irréaliste autour du mont Auxois, mais
devient beaucoup plus plausible dans les 2500 m de parties basses autour de l’éperon barré de Chaux-des-Crotenay. Quant au
bois pour les palissades, pour faire le tour du mont Auxois, nous verrons (ch 33 ci-après) qu’un calcul rapide montre
qu’environ 300 ha de forêt coupée à blanc, avec des arbres à troncs rectilignes de 30 cm de diamètre, comme des pins ou des
sapins, aurait été nécessaire à ces besoins.
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32. BG / LIVRE SEPTIEME : chapitre 72, paragraphe 3 :
SUR L’ENCERCLEMENT ROMAIN EN PLAINE
« Quarum interiorem campestribus ac demissis locis aqua ex flumine derivata
complevit ».
L.A.Constans : « Il remplit le fossé intérieur, dans les parties qui étaient en plaine et basses,
d’eau qu’il dériva de la rivière »
M.Rat : « Celui qui était intérieur, creusé dans les parties basses de la plaine, fut rempli d’eau
dérivée de la rivière »
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M.Rat précise qu’il se trouvait des partie basses et, par déduction, des parties hautes dans
la plaine. Dès lors, ces parties basses de la plaine pouvaient seules comporter des fossés
inondables. Dans l’hypothèse A.Berthier, nous avons vu précédemment que la plus grande partie
de la contrevallation était située en couronne sur les crêtes, une autre partie étant située
obligatoirement dans l’intervalle entre ces crêtes, dans la plaine de 3000 pas, au débouché des
vallées des deux rivières coulant à la base de l’oppidum.
Comme César nous apprend par ailleurs qu’il a réalisé des travaux très importants dans la
plaine de 3000 pas que les Gaulois n’ont jamais pu forcer, c’est bien qu’elle était occupée par une
forte garnison romaine. Cette garnison occupait seulement une partie de cette plaine, car elle sera
plus tard attaquée par les huit mille cavaliers de l’armée gauloise extérieure, qui vont remplir
complètement (« complent »), et non partiellement, la partie basse laissée libre par les troupes
romaines.
Ces troupes romaines, ayant choisi leur emplacement au préalable, ne se sont pas
installées aux mauvais endroits : elles ont pris position sur les parties les plus élevées, laissant les
parties basses pour les fossés et les assaillants Gaulois. Il faut donc chercher l’« agger » et le
« vallum » (le rempart) de la contrevallation sur un épaulement naturel séparant les parties basses
des plates-formes supérieures.
Nous n’avons aucun mal à imaginer cela dans l’hypothèse A.Berthier: c’est exactement ce
que l’on trouve dans la plaine de Syam. Celle-ci comporte deux niveaux, séparés d’une hauteur de
quinze à vingt mètres : une terrasse alluviale, détruite actuellement petit-à-petit par une carrière de
graviers, forme une splendide esplanade pouvant contenir au moins deux légions, et le niveau bas
creusé par les rivières dans les alluvions glacières. L’espace laissé libre entre cette terrasse
alluviale et la falaise Ouest formait un véritable piège en cul-de-sac, surplombé sur ses deux
flancs par des camps romains. On comprend, là-bas, que tous les assauts, de nuit comme de jour,
lancés par la cavalerie comme par les fantassins gaulois, se soient soldés par des échecs cuisants
malgré le courage des assaillants.
Mais si le sens « les parties basses de la plaine » est remplacé par « les parties en plaine et
(donc) basses », cette plaine se trouve nivelée comme la plaine des Laumes et on ne comprend
plus, surtout en comparaison avec le site de Syam, comment elle a pu être l’obstacle si
considérable indiqué par César. (1)
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1) L’espacement des tours dominant fossés et vallum était de quatre vingt pieds (24 m) (« Turres…quae pedes LXXX inter se
distarent » –BG, 72, 4 – : des tours…distantes les unes des autres de quatre vingt pieds – L.A.Constans). L’espacement de
18 m mesuré dans la plaine des Laumes par M.Reddé, ou de 40 m à Grésigny, aurait-il été modifié par les soldats romains,
contrairement au rapport de César, pour renforcer ou alléger l’efficacité des défenses de ces endroits ? Par contre, le peu
d’espace entre ces lignes, sur le plan Napoléon III validé par M.Reddé, est vraiment un problème qui ne pouvait qu’affaiblir
la défense de cette plaine et même la rendre indéfendable. Où faire circuler rapidement les unités de renfort ? Comment
effectuer un repli en cas d’irruption ennemie sur un point ? Etc…
53
33. BG / LIVRE SEPTIEME : chapitre 73, paragraphe1 :
SUR LES DIFFICULTES DES ROMAINS
« Erat eodem tempore et materiari et frumentari ».
L.A.Constans : « Il fallait en même temps aller chercher des matériaux, se procurer du blé »
M.Rat : Idem
« materiari » : « des matériaux ». Dans le contexte, les matériaux à aller chercher, que
l’on n’avait pas sous la main - comme la terre et les pierres -, étaient le bois pour la construction
des tours et de la palissade. On peut rajouter le fer pour les ardillons « stimuli » que les Romains
avaient dû fabriquer sur place avec des matières premières prélevées localement, n’ayant sans
doute pas prévu d’établir le siège d’un oppidum important avant de quitter la Gaule lors de leur
fuite vers la Province.
Il est évident que, pour la construction des retranchements intérieurs et extérieurs autour
du mont Auxois,- au total près de 40 kilomètres selon les longueurs indiquées par César -, il aurait
fallu quelque cent vingt mille troncs de 0,25 à 0,30 m de diamètre, posés jointivement sur
l’« agger ». Ces troncs devant être rectilignes pour ne pas laisser d’espace entre eux, l’utilisation à
cet usage de troncs de conifères, pins ou sapins, aurait été la plus adéquate. Une forêt de 300
hectares, coupée à blanc, aurait été nécessaire pour la palissade, sans compter les tours, en
considérant 400 arbres /ha. Cette forêt, devant se trouver à proximité pour éviter les transports,
l’idéal aurait été qu’il y eût des bois tout autour du retranchement.
Or, aux Laumes, l’altitude de 400 m n’étant pas favorable aux conifères, à cette époque
sans doute pas plus que de nos jours, il aurait été nécessaire de rechercher des bouleaux dans la
plaine marécageuse, ou des jeunes feuillus sur les plateaux calcaires rocheux. Les vieux hêtres ou
chênes noueux ne sont en effet pas appropriés, et plus difficiles à travailler.
On suppose qu’autour du mont Auxois, les Romains aient dû avoir quelques difficultés
d’approvisionnement pour le bois des fortifications.
Dans l’hypothèse A.Berthier, sur les plateaux entourant Chaux-des-Crotenay, situés entre
800 et 900 mètres d’altitude, les conifères ne manquaient certainement pas, ainsi que d’autres
espèces. Comme dans les temps actuels, il y avait du bois partout aux alentours1. En outre, il en
fallait bien moins qu’aux Laumes, les falaises permettant d’en éviter les trois quarts. Le bois pour
les fortifications n’était donc pas un problème dans le Jura. En ce qui concerne le fer, les forges de
Syam n’existaient encore pas, mais des ressources en fer ne pouvaient-elles déjà se trouver sur
place ?
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Au Ve siècle, à leur arrivée dans le Grandvaux, les moines de l’abbaye se mirent d’abord à défricher (voir annexe 4). Voir
au sujet des travaux romains l’estimation quantifiée établie par Bernard Gay dans la revue « Alesia », bulletin n°17, pp. 23 à
27, 1997.
54
34. BG / LIVRE SEPTIEME : chapitre 73, paragraphe 2 :
NOUVELLES TENTATIVES GAULOISES DE BRISER L’ETAU
« Ac non nunquam opera nostra Galli temptare atque eruptionem ex oppido pluribus portis
summa vi facere conabantur ».
L.A.Constans : « En outre, à plus d’une reprise, on vit les Gaulois s’attaquer à nos travaux et
tenter des sorties violentes par plusieurs portes à la fois »
M. Rat : « De plus, quelquefois, les Gaulois essayaient d’attaquer nos ouvrages et de faire des
sorties très vives par plusieurs portes »
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Les traductions sont concordantes : il y a bien eu des attaques répétées sortant de plusieurs
portes en même temps, sur les travaux qu’effectuaient les Romains. Les légionnaires étant répartis
autour du mont Auxois, sur les 16,5 km (11 000 pas) de contrevallation indiqués par César, et
confirmés par M. Reddé, bien que le plan de Napoléon III ne permette d’en mesurer qu’environ
onze kilomètres, tentons d’imaginer ce que cela représente. Les douze légions d’environ six mille
hommes, sont partagées en trois : un tiers est à l’extérieur pour couper et ramener le bois, un tiers
travaille aux terrassements, et un tiers est sous les armes, prêt à briser les attaques. Considérons
donc autour du mont Auxois un peu plus de vingt mille hommes sous les armes et autant aux
travaux, prêts à prendre l’épée et laisser la pioche immédiatement. Cela représente deux hommes
côte-à-côte sur un seul rang, par mètre de contrevallation. Comment imaginer qu’une colonne de
cavaliers au galop de charge n’ait pu bousculer cette ligne aussi mince ? Les fantassins, attaquant
massivement par plusieurs portes à la fois, ne pouvaient-ils eux aussi briser cette ligne avant
l’achèvement des fossés et des zones de pièges ? Cela est impensable aux Laumes, mais demeure
compréhensible si la majeure partie du périmètre à défendre est constituée de falaises naturelles.
Dans ce cas, comme autour de Chaux-des-Crotenay dans l’hypothèse A.Berthier, nous avons vu
que deux mille cinq cent mètres de lignes sont seulement à creuser dans les parties basses tandis
que, sur les parties hautes, s’établissent déjà les positions des vingt trois fortins- sans liaison
continue entre eux.
Pour sortir de l’éperon barré de Chaux-des-Crotenay, on recense six points de passage
obligatoires répartis tout autour : quelques dizaines de cohortes massées sur ces points, et un bon
bouchon dans la plaine de trois mille pas devaient pouvoir repousser toute tentative.
Aux Laumes, on trouve seulement deux portes principales permettant une sortie massive
en évitant la descente par les diaclases de la falaise sommitale : une à l’Est, l’autre au Sud-Ouest.
Mais, il faut se rappeler que les troupes gauloises étaient concentrées surtout du côté Est
en avant des murs de l’oppidum. Pour attaquer les travaux de la plaine, il fallait donc que ces
troupes reviennent à l’Ouest, sans doute en longeant les flancs de l’oppidum, pour attaquer
ailleurs que dans leur secteur, comme le suggère l’expression « par plusieurs portes à la fois », et
non seulement par la porte Est.
Il faut comprendre que cette expression se rapporte à des portes établies dans le mur
grossier, érigé à la hâte, par les Gaulois (« sub muro », « sous le mur », en avant du mur de la ville
elle-même). Une fois franchies ces portes, les Gaulois pouvaient, en revenant vers l’Ouest sur les
flancs Nord et Sud, enfoncer massivement et n’importe où une ligne aussi mince. Ils auraient dû
percer avant que des renforts romains n’arrivent sur le point attaqué.
N’oublions pas que depuis leur position dominante de l’oppidum, les Gaulois pouvaient
surveiller la plaine et les rivières tout en bas, et par conséquent n’attaquer en masse que dans les
secteurs où l’ennemi n’était pas stationné en force. Il est inimaginable qu’ils n’aient pas réussi
dans ces conditions à empêcher l’encerclement du plateau du mont Auxois.
Si Vercingétorix n’a pas pu briser l’encerclement du mont Auxois au début du siège, c’est
qu’il ne le voulait pas, et non qu’il ne le pouvait pas.
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En comparaison, sur le site de Chaux-des-Crotenay de l’hypothèse A.Berthier, l’armée de
Vercingétorix a bel et bien été bloquée dès le deuxième jour. Vercingétorix a été surpris par la
réaction de César d’assiéger immédiatement l’oppidum. Pensait-il qu’il tenterait de passer en
force dans les gorges, au risque de perdre des hommes et des bagages, ou qu’il tenterait un assaut
de front, comme à Gergovie, pour libérer le passage ?
Mais ici, le relief escarpé qui aidait tant à la protection de l’oppidum, allait aussi servir César, qui
a vu ce qu’il fallait faire : un siège en règle, comme pour une forteresse ou une ville entourée de
« murus gallicus »(Avaricum).
De son côté, Vercingétorix se résout au siège. Il ne cherche plus à briser l’encerclement
par les Romains. Il renvoie sa cavalerie en lui donnant pour objectif d’aller lever une armée
immense qui jouera le rôle du marteau pour écraser les Romains contre l’enclume de l’éperon
barré d’Alesia. Il ne paraît pas en détresse. Il maîtrise au contraire avec clairvoyance et confiance
la situation. L’armée de la Gaule qu’il convoque n’a pas pour but de le « délivrer », mais bien de
détruire l’armée romaine. Il fait passer son intérêt personnel après celui des nations gauloises
coalisées.
Ne pas s’enfermer dans une stratégie doctrinaire, mais évoluer instantanément en fonction
des circonstances, c’est le signe d’un grand chef militaire, comme disait César à propos de
Vercingétorix, et non de ce chef stupide que décrivent les historiens, le jugeant à la lorgnette des
Laumes.
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35. BG / LIVRE SEPTIEME : chapitre 73, paragraphe 3 :
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SUR LE PERFECTIONNEMENT DES DEFENSES
d firmis ramis abscisis atque horum delibratis ac
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« Itaque truncis arborum (aut) admodum
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praeacutis ».
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L.A.Constans : « On coupe
donc des troncs d’arbres ayant des branches très fortes et l’extrémité
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de celle-ci fut dépouillée
de son écorce et taillée en pointe »
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M.Rat : « On coupe
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des troncs d’arbres ou de très fortes branches, on les dépouilla de leur
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écorce et on les
aiguisa
par
le sommet »
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L.A.Constans ne traduit pas la préposition « aut » : « ou », qu’il place entre parenthèses
dans ©
le texte latin, tandis que M.Rat traduit bien « des troncs d’arbres ou de fortes branches », et
non « ayant de fortes branches ». On se demande pourquoi...
Il semble sensé de suggérer que, des milliers d’arbres ayant été utilisés pour le
terrassement, la palissade et les tours, il devait rester des monceaux de branchages dont on ne
savait que faire, sinon les placer au devant des lignes pour briser l’élan des assaillants. Il paraît
surprenant que les Romains aient coupé des troncs spécialement à cette fin.
La particularité indiquée par César est, d’une part, que les branchages ont été
grossièrement taillés en pointe et écorcés, sans doute aussi à leur extrémité pour les rendre plus
perforants.
D’autre part, ces branchages ont été placés de façon particulière pour être plus efficaces, et
reliés entre eux dans le sol de façon à ne pas pouvoir être arrachés facilement par les Gaulois. Les
deux auteurs les placent en ligne sur cinq rangs.
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36. BG / LIVRE SEPTIEME : chapitre 74, paragraphe 1 :
ETABLISSEMENT DE LA CIRCONVALLATION CONTRE L’ARMEE EXTERIEURE
« His rebus perfectis regiones secutus quam potuit aequissimas pro loci natura XIIII milia
passuum complexus pares eiusdem generis munitiones, diversas ab his ».
L.A.Constans : « Ces travaux achevés, César, en suivant autant que le lui permit le terrain la ligne
la plus favorable fit, sur quatorze mille de tour, une fortification pareille à celle-là, mais
inversement orientée »
M.Rat : « Ces travaux achevés, César, en suivant autant que le terrain le lui permit, la ligne la plus
favorable, fit, sur un circuit de quatorze mille pas, des fortifications du même genre, mais en sens
opposé »
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Les deux auteurs traduisent « regiones » par « la ligne ». Or, « regio, onis » possède avant
tout le sens de « direction » (Gaffiot) :
Exemple : « recta regione » = « en ligne droite » (César, BG VII, 46, 1, L.A.Constans),
d’où l’expression adverbiale « e regione » : a) en ligne droite; b) vis à vis, du côté opposé.
Le sens de « ligne » ne peut être retenu que pour indiquer une limite, une frontière.
Pour indiquer une simple ligne, le terme latin est « linea » (Gaffiot)
Exemple : « lineam scribere » (Ciceron/Tusc.V, 113) : « tracer une ligne ».
La traduction de « regiones » par « la ligne » n’est donc pas correcte, d’autant plus que
« regiones » est le pluriel de « regio ».
Ce pluriel n’est traduit par aucun des deux auteurs ci-dessus. Comme il ne peut y avoir
plusieurs lignes, ni plusieurs directions possibles, « secteur, zone », seraient plus appropriés.Par
contre, le terme de « ligne » rend parfaitement le trait de plume tracé par Napoléon III sur son
plan, et appelé « circonvallation ». Par ailleurs, « aequissimas » est traduit par « la plus
favorable ». Cet adjectif au superlatif se rapportant à « regiones » est donc également à l’accusatif
pluriel.
En outre, « aequus », chez César, peut avoir le sens de :
« plat, uni, plan » (Gaffiot)
Exemple : « dorsum esse eius prope equum » (César, BG 7, 44,3) : « (on savait) que la
croupe de cette montagne était presque unie » L.A.Constans.
Ou : « facile, favorable »
Exemple : « locus aequus ad dimicandum » (César, BC 3,73,5) : « emplacement favorable
pour le combat ».
Les endroits les plus favorables pour loger des garnisons militaires sont également les plus
plats : soit dans les vallées, soit sur les croupes unies des plateaux, comme dans l’exemple 1) cidessus. Le texte peut donc être rétabli ainsi : « César, en suivant les zones les plus plates que l’on
pouvait trouver sur le terrain ». Cette traduction prend toute sa signification dans une région de
montagne, où les espaces plats sont chichement comptés.
Cela induit la notion de « défense sur zone », plutôt que l’accrochage sur une seule ligne
fixe. Chacune de ces zones pouvait être reliée à une autre par des défenses naturelles ou des
coursives fortifiées, comme celle reliant le grand camp et le petit camp à Gergovie. La longueur
de quatorze mille pas indiquée pour la circonvallation serait la distance cumulée séparant les
postes fortifiés sur tout le périmètre. Il est fort probable qu’elle n’englobe pas les camps extérieurs
édifiés postérieurement à l’investissement primitif, ainsi que les inévitables postes d’observation
éloignés destinés à surveiller l’arrivée de l’armée extérieure, qui était attendue autant par les
Romains que par les Gaulois assiégés.
Enfin, le terme « pares...generis », de « genus (eris) » : « espèce, genre » ne veut pas dire
« semblable », car le seul mot « par » : « égal, pareil » (sous le rapport des dimensions, de la
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quantité, de la valeur, etc...) serait suffisant. La circonvallation n’était pas « pareille » -à la
contrevallation-, comme écrit L.A.Constans,- mais bien « du même genre », comme l’écrit plus
justement M.Rat.
Il n’est donc pas judicieux de rechercher une circonvallation de César identique à la
contrevallation, et encore moins « parallèle », comme sur le plan Napoléon III. qui reporte dans la
plaine des Laumes deux lignes parallèles rapprochées, données pour les fossés et l’ « agger »
indiqués par César en contrevallation, ainsi qu’un fossé parallèle aux deux premiers, mais situé à
150 mètres en arrière.
Si ce fossé avait été établi quelque 50 ou 100 mètres plus en arrière, il aurait pu bénéficier
de l’appoint défensif de la rivière sur plus de la moitié de sa longueur. Il est étonnant que César,
qui avait placé, selon le plan Napoléon III validé par M.Reddé, sa contrevallation immédiatement
derrière l’Oze et l’Ozerain, sur les deux flancs de l’oppidum, n’ait pas procédé de la même
manière un peu plus en aval dans la plaine des Laumes1. Outre l’économie des travaux de
terrassement, un intervalle plus important entre les deux lignes était indispensable pour avoir la
profondeur défensive nécessaire pour absorber les « coups de boutoir » des assaillants attaquant
des deux côtés des lignes romaines simultanément et dans le même secteur. César nous dit que sa
contrevallation fut enfoncée par les assiégés sur les abrupts et qu’il fallut l’équivalent de plus
d’une légion pour repousser les assauts et rétablir le front. Comment est-ce possible dans un
intervalle de 150 mètres entre contrevallation et circonvallation ? Comment certains militaires du
19ème siècle ont-ils pu admettre cette ineptie ?
Il est donc bien surprenant de trouver aux Laumes des lignes romaines -contrevallation et
circonvallation- exactement parallèles, chaque angle de l’une correspondant à l’angle de l’autre,
aussi peu espacées et à peu près identiques en considérant la coupe des fossés. La similitude
s’arrête ici, car M.Reddé a reconnu les trois fossés de contrevallation (au lieu des deux de César)
bien visibles sur les photos aériennes de R.Goguey, tandis qu’il n’y en aurait qu’un seul en
circonvallation. Cela paraît inconcevable quand on sait que toutes les attaques ont été repoussées
sur le vallum du côté extérieur, ce qui ne fut pas le cas du côté intérieur.
Dans l’hypothèse A.Berthier, autour de l’éperon barré de Chaux-des-Crotenay, le relief
permet de disposer une défense « en zones » contre l’armée extérieure. Les 23 « castella » :
« fortins » sont situés sur les replats dominant les vallées ou les thalwegs permettant une invasion.
Partout… sauf au camp Nord, sur le col de Crans (entre Syam et Crans), comme le précise César.
Ces « castella » sont reliés obligatoirement par des couloirs de circulation rapide pour le
transfert rapide des unités (2). J. Berger l’avait bien vu, et a proposé une reconstitution du tracé et
de la disposition. (cf : « Alesia, Chaux-des-Crotenay Pourquoi ? » J.Berger, 2004. L’imbrication
des éléments naturels et des aménagements humains est parfois troublante autour de l’éperon
barré de Chaux-des-Crotenay, où chaque détail – mur, fossé, etc…-ne paraît pas significatif pris
isolément. Mais, lorsque l’on prend le soin de le rajouter aux autres en gardant le texte du BG en
mémoire, alors toutes les pièces s’imbriquent les unes dans les autres comme un puzzle. Ici, ce
n’est pas - encore- l’archéologie qui parle…c’est le terrain lui-même.
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) A une question sur cette anomalie posée à M.Reddé par un membre de l’assistance aux Journées Archéologiques de
Bourgogne en mai 1994, la réponse du professeur fut laconique : « ... Il ne fallait pas augmenter exagérément les lignes » !
2) Le mouvement des cohortes a été nécessairement très rapide et massif à la fin du siège pour résister à l’attaque de
Vercassivellaun sur le camp Nord. Il est probable qu’un système de signaux optiques ait été employé pour la transmission
des ordres urgents. Les Romains utilisaient des « signaux à feux » : « Ignibus significatione facta » BG 2, 33, 3. Il s’agissait
d’un signal donné par le feu du haut d’un fortin : torches ou signaux dans lesquels le feu était employé pour donner l’alarme.
L’emploi du feu comme agent de transmission rapide chez les Romains est antérieur à César ; il a peut-être été introduit par
les armées carthaginoises (Pline, H.N.II). Cet emploi devint très fréquent après César ; des postes télégraphiques à signaux
de feu furent établis dans tout l’Empire, partant de Rome pour traverser les Gaules, l’Espagne, l’Afrique par Gibraltar, la
côte Nord de l’Afrique, l’Egypte, le Moyent-Orient, le Danube et l’Italie (1500 villes et 3000 lieues parcourues).
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37. BG / LIVRE SEPTIEME : chapitre 76, paragraphe 1 :
LEVEE DE L’ARMEE EXTERIEURE
« Coactis equitum milibus VIII et peditum circiter CCXL haec in Haeduorum finibus
recensebantur ».
L.A.Constans : « On réunit huit mille cavaliers et environ deux cent quarante mille fantassins et
on procéda sur le territoire des Héduens au recensement et au dénombrement de ces forces »
M.Rat : « ...après avoir réuni huit mille cavaliers et environ deux cent quarante mille fantassins.
Ces troupes furent passées en revue sur le territoire des Eduens; on en fit le dénombrement »
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«… in Haeduorum finibus » : « à l’intérieur des frontières des Eduens ». Ce terme devrait
attirer l’attention : en effet, César peut-il dire que des troupes ennemies sont concentrées derrière
les frontières éduennes alors qu’il se trouverait lui-même, à cet instant, à Alesia-Alise, donc à
l’intérieur même des frontières éduennes ? Ne dirait-il pas plutôt : à Bibracte, à Cabillonnum, ou
à Matisco... précisant ainsi l’endroit où s’effectue cette concentration ?1
Par ailleurs, le chiffre de huit mille cavaliers est étonnant. Par rapport à son effectif initial
de 80 000 fantassins, Vercingétorix disposait de 15 000 cavaliers. Considérant que, d’après le BG,
la cavalerie était l’arme sur laquelle les Gaulois comptaient le plus, il aurait pu y avoir le même
rapport dans l’armée extérieure (dite « de secours »), on devrait retrouver avec cette armée 45 ou
50 000 cavaliers. Or seulement 8 000 sont réunis. L.A.Constans s’en étonne dans sa note annexée
: « Que sont devenus les 15000 cavaliers de Vercingétorix ? (64,1) », admettant ainsi
implicitement qu’elle était encore intacte, sans pouvoir donner d’explication.
Autant est-il concevable que Vercingétorix, encerclé, n’ait pu conserver 15 000 chevaux à
nourrir, autant cet argument ne tient pas pour l’armée extérieure, libre de ses mouvements...
l’Auxois étant réputé, précisément pour la richesse de ses prairies produisant les meilleurs
chevaux de la Gaule !
Les Gaulois n’auraient-ils pu mobiliser plus de 8 000 chevaux en même temps que leurs
240 000 hommes ? Ce chiffre de 8 000 représente sans doute à peine le nombre de chevaux des
nobles et des chefs de chaque nation et de chaque village ayant fourni un contingent. Sachant que
les seuls Eduens en avaient 10 000 sans mobilisation spéciale, la Gaule entière coalisée pouvait
réunir sans aucun problème les 50 000 chevaux qui auraient dû provoquer et accabler sous leur
nombre les quelques milliers de cavaliers germains dans l’immense plaine des Laumes.
Quelque chose est suspect dans ce faible effectif. Bien que l’ayant remarqué, aucun auteur
n’avance une explication : à notre avis, c’est qu’il n’y en a aucune... aux Laumes, zone de plaine
libre aux mouvements d’une immense cavalerie.
Par contre, dans l’hypothèse A.Berthier, il est clair qu’aucun secteur montagneux de
Chaux-des-Crotenay ne permet, en dehors de la plaine de Crotenay elle-même, où eut lieu
l’embuscade de Vercingétorix, ainsi que la plaine de Champagnole, trop en arrière de l’éperon
barré, de déployer d’importants et nombreux escadrons. Il est curieux de constater que 8 000 est le
nombre de cavaliers qu’il est possible de faire avancer dans les parties basses de la plaine de
Syam, en considérant un espace déployé de cinquante mètres carré par cavalier. Ce nombre de
cavaliers permet de remplir complètement - « complent »- les parties (basses) de cette plaine dite
de 3 000 pas, laissées libres d’accès par les Romains entre leurs camps Est et Ouest. Les Gaulois
des escadrons renvoyés au début du siège le savaient et, d’eux-mêmes ou après accord préalable
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Si l’on se trouve actuellement dans une petite ville, en Bourgogne, les événements importants de Bourgogne se passent dans
la capitale à Dijon. On ne dira donc pas : « ce qui se passe en Bourgogne » mais « à Dijon ». Par contre, toujours vu de cette
même petite ville, on pourra dire: « ce qui se passe en Franche-Comté » pour les événements de Besançon.
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de Vercingétorix, n’ont pas ramené plus de cavalerie, connaissant l’inutilité des chevaux pour
escalader des falaises et attaquer des ravins.
Concernant l’utilisation de la cavalerie dans une zone de montagne, nous pouvons nous référer à
l’expérience d’un général d’Empire, Marcellin de Marbot, qui a participé, comme officier de
cavalerie, à toutes les campagnes de Napoléon Ier, lequel en a parlé à Sainte-Hélène, considérant
son jugement comme très sûr. (cf Annexe VIII ci-après.)
A cette époque encore, la cavalerie était utilisée en escadrons compacts pour percuter les troupes
adverses et ensuite poursuivre les fuyards, comme à l’époque de César.
Voici ce qu’écrit dans ses mémoires le colonel Marbot à propos de l’utilisation de la cavalerie en
montagne :
« Je savais par expérience que, lorsque deux colonnes (de cavalerie) de partis divers se
rencontrent sur un terrain étroit, la victoire est à celle qui, fondant sur la tête de l’autre, la
pousse toujours sur les fractions qui sont derrière elle.(…) Mon régiment se trouva bientôt devant
une brigade d’infanterie ennemie…et l’on sait que, sans élan, il est à peu près impossible à la
cavalerie de pénétrer dans les rangs serrés des bataillons qui, bien composés et bien commandés,
présentent bravement une haie de baïonnettes. »
Puis, lors de la campagne d’Allemagne, Marbot poursuit :
« Les Austro-Bavarois avaient commis la même faute que nos chefs ; car si ceux-ci faisaient
attaquer avec de la cavalerie un long et étroit défilé dans lequel dix ou vingt chevaux seulement
pouvaient passer de front, nos ennemis employaient de la cavalerie pour défendre un passage où
cent voltigeurs auraient arrêté dix régiments de cavalerie. »
Vercingétorix pouvait-il l’ignorer ?
C’est pourquoi, dans l’hypothèse A.Berthier, la cavalerie était devenue inutile, et le chef des
Gaulois coalisés l’a renvoyée. Autour du mont Auxois, c’est en effet inexplicable, à moins de
considérer, comme certains, qu’il n’ait perdu la raison. C’est loin d’être le cas, la suite des
évènements l’attestera.
Jusqu’à la fin, les décisions de Vercingétorix ont été clairvoyantes et adaptées à la situation. Il est
possible d’affirmer que la victoire de César est due à quatre causes principales, contre lesquelles
son adversaire ne pouvait rien :
1) Les cavaliers germains qui, même en faible nombre, ont toujours effrayé les Gaulois.
Seuls les Trévires, proches des territoires des Germains et habitués à leurs incursions
régulières et dévastatrices, parvenaient à leur résister. Vercingétorix n’a pas été prévenu
par ses espions qu’il se trouvait des cavaliers Germains dans l’armée de César.
2) Les machines de guerre, qui assuraient une supériorité tactique aux Romains. Elles
étaient placées de façon à prendre les fossés en enfilade. Elles pouvaient être pré-réglées
de jour et tirer de nuit, dans l’obscurité, créant ainsi un effet démoralisateur
supplémentaire quand les assaillants avaient franchi les zones de pièges et se trouvaient
sur les remparts. Ce fut le cas lors de la deuxième attaque, nocturne, de l’armée gauloise
extérieure dans la plaine de 3 000 pas.
3) L’opportunisme de César, qui était pourtant égalé par celui de Vercingétorix, mais avec
en plus un art de la ruse militaire qui a leurré les Gaulois à la fin du siège.
4) Le professionalisme et l’expérience des soldats romains qui, après six ans de guerre en
Gaule, ne craignaient qu’une chose au combat : c’est de se trouver « pris entre deux
feux », avec des ennemis aux prises avec d’autres légionnaires derrière eux, pendant
qu’eux-mêmes se battaient sur leur front. Cela aurait été exactement le cas sur les deux
lignes Napoléon III de la plaine des Laumes, et de celles de Grésigny. C’est pourtant bien
ici que les deux armées gauloises, intérieure et extérieure, luttaient face-à-face contre les
Romains pris entre elles. C’est seulement ici qu’une armée gauloise encerclée, après un
mois et demi d’enfermement et de rationnement sévère, a pu franchir les fortifications
romaines.
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38. BG / LIVRE SEPTIEME : chapitre 77, paragraphe 1 :
INQUIETUDE DE L’ARMEE GAULOISE D’ALESIA
« At ii Alesiae obsidebantur (...) qui insii quid in Haeduis gereretur ».
L.A.Constans : « Cependant les assiégés, ne sachant pas ce qu’on faisait chez les Héduens »
M.Rat : « Mais ceux qui étaient assiégés dans Alesia, ignorant ce qui se passait chez les Eduens »
Cette phrase, rapportée de même manière par les deux auteurs, vient confirmer celle du
chapitre précédent (BG 7,76 ,1). Elle ne peut pas, en toute logique, avoir été prononcée depuis le
territoire éduen, mais depuis l’extérieur de ce territoire. Le mont Auxois étant situé dans une
« poche » formée par le territoire éduen chez les Lingons1, faudrait-il alors que cette poche
n’existât pas et que le territoire « mandubien » d’Alesia-Alise fût complètement indépendant de
ces deux grands peuples. Mais un peuple indépendant bat monnaie. Or, parmi toutes les monnaies
indiquées comme ayant été retrouvées à Alesia sur les inventaires Napoléon III et au musée de
Saint-Germain, pas plus que lors des fouilles contemporaines, aucune monnaie « mandubienne »
n’a été, à notre connaissance, reconnue. Il est donc plus logique d’admettre que ce peuple
« mandubien » était client-vassal d’un autre plus puissant, éduen ou lingon. A moins qu’il ne soit
situé ailleurs, comme dans l’hypothèse A.Berthier.
La tradition, basée sur des écrits moyen-âgeux, rattache le «pagus alsensis », l’Auxois,
aux Eduens. Jérôme Carcopino en avait fait la patrie imaginaire des « Séquanes de l’Ouest », pour
garder leur véracité -dans l’hypothèse Alesia = Alise-, par rapport aux textes de Dion Cassius et
de Plutarque, situant le combat de cavalerie chez les Séquanes. Si cela était, cette pointe avancée
séquane à la charnière lingo-éduenne, résultat d’une guerre éventuelle de conquête séquane
antérieure, n’aurait pu résister longtemps, ainsi isolée, à une annexion rapide par les Eduens ou les
Lingons.
Il reste la troisième possibilité : l’Auxois lingon. Ainsi, la poche d’Alise n’existerait pas et
la frontière serait plus naturellement rectiligne. Mais alors, César, se trouvant encore en Lingonie,
n’aurait pu écrire que le combat de cavalerie avait eu lieu après la traversée de la frontière des
Lingons, alors qu’il se dirigeait vers sa « province », au Sud-Est. Alesia ne peut ainsi se trouver en
Lingonie.
Nous en restons donc nécessairement au « pagus alsensis » éduen. Mais pour cette raison,
il est surprenant de constater que par trois fois -nous en avons déjà signalé deux, mais il s’en
trouve une troisième à la fin du siège d’Alesia- une phrase de César est ambiguë dans l’hypothèse
Alesia = Alise, et redevient claire si Alesia n’est pas localisée chez les Eduens.
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Cette poche est représentée sur les cartes positionnant les peuplades de la Gaule (Cf. Goudineau et Peyre : Bibracte et les
Eduens)
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39. BG / LIVRE SEPTIEME : chapitre 77, paragraphe 2 :
SUR LES FORTIFICATIONS ROMAINES EXTERIEURES
« Quid ergo ? Romanos in illis ulterioribus munitionibus animine causa cotidie exerceri
putatis ? ».
L.A.Constans : « Eh quoi ? Pensez-vous donc que ce soit pour leur plaisir que les Romains
s’exercent chaque jour dans les retranchements de la zone extérieure ? »
M.Rat : « Et quoi ! Pensez vous donc que les Romains s’exercent chaque jour sans raison dans
leurs retranchements extérieurs ? »
Le comparatif « ulterior » : plus éloigné (que), n’est bien traduit par aucun des deux
auteurs. Pour dire simplement « extérieur, externe, du dehors », le latin dispose des adjectifs
« externus » et « exterus ».
César emploie « ulterior » pour nous faire comprendre que, par rapport à l’observateur
gaulois Critognatos qui prononçait son discours sur l’oppidum, les Romains s’entraînaient dans
des fortifications « qui étaient au-delà », « de l’autre côté », « plus éloignées » (par opposition à
« proximi » : les plus proches).
Exemple : « cum ab proximis impetrare non possent, ulteriores temptant » (BG VI, 2, 3) :
« ne pouvant décider les peuples les plus proches, ils s’adressent à de plus éloignés »
(L.A.Constans, qui ne traduit pas dans cet exemple « ulteriores » par « extérieurs », mais bien par
« plus éloignés ». Pourquoi ?).
L’explication est, à notre avis, qu’il n’y a pas, aux Laumes, de défense en profondeur,
avec des camps romains plus proches, et d’autres plus éloignés de l’oppidum. Ceux-ci sont
enfermés entre deux lignes pratiquement parallèles, très rapprochées dans la plaine, s’écartant
seulement le long des ruisseaux l’Oze et l’Ozerain.
Le terme « retranchements extérieurs » ou « de la zone extérieure », implique une ou
plusieurs zones de défense fortifiées. Toujours au pluriel en latin, le mot « munitionibus » = « le
retranchement», ne permet pas, hors du contexte, de préciser s’il y en a plusieurs distincts.
Remarquons que César n’emploie pas le mot « castra » à ce propos; il ne s’agissait donc pas de
« camps » stricto sensu, mais de zones de défense fortifiées, reliées à l’ensemble des
fortifications, d’assez grande superficie pour que des manœuvres militaires y soient effectuées
quotidiennement. Pour que celles-ci soient vues de l’oppidum et signalées par Critognatos, il
fallait bien qu’elles mettent en œuvre au moins plusieurs cohortes. Il devait en fait y avoir
d’incessants mouvements de troupes entre les zones de repos, les zones d’exercice et les positions
sur les remparts de contrevallation et circonvallation.
Des voies de circulation devaient permettre, non seulement les transferts de soldats pour
les exercices, mais aussi la transmission des ordres entre les unités, le ravitaillement, etc…. Enfin,
lors des derniers combats, ces mêmes voies permettront l’acheminement rapide sur les points
menacés, tant au-dessus des falaises franchies par l’armée gauloise intérieure que sur les
fortifications Nord, des cohortes de secours de Brutus, de Fabius, de Labiénus et enfin de César.
Personne, à notre connaissance, n’a jamais signalé de tels chemins autour du mont Auxois.
Dans la plaine des Laumes, les deux lignes romaines parallèles étant séparées l’une de l’autre de
cent-vingt à cent cinquante mètres, il ne restait plus que soixante à soixante-quinze mètres de
chaque côté de la nécessaire voie de circulation axiale pour asseoir les défenses et loger les
milliers de légionnaires qui devaient s’y trouver. Il est en effet impossible d’imaginer qu’il y ait
eu plus de quelques centaines de mètres entre les tentes des soldats et leurs postes de combat. Lors
de l’attaque de nuit massive de l’armée extérieure sur les fortifications de la plaine, les soldats de
César ont été appelés sur les créneaux par les cris soudains de Gaulois qui se trouvaient devant les
fossés, ayant déjà franchi silencieusement les zones de pièges. Si les légionnaires ne s’étaient pas
trouvés immédiatement disponibles, César nous ayant dit que chacun avait reconnu son poste au
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préalable et l’avait garni d’armes de jet, la circonvallation aurait été emportée. Aucune négligence
n’étant commise du côté des Romains, nous devons attendre d’eux une préparation minutieuse du
terrain et des hommes, en vue de l’assaut final massif qu’ils redoutaient. Les voies rapides de
communication font partie de cette préparation. La distance ridiculement faible entre les deux
lignes de la plaine des Laumes y est complètement étrangère. Il est facile d’imaginer
l’encombrement et la confusion qui auraient du s’y trouver !
Remarquons que César emploie peu, concernant Alesia, le mot « castra », « le camp »
pour désigner les zones fortifiées où stationnent les troupes, sauf pour les « superiora castra ».
Nous trouvons plus souvent « castellum » pour un poste fortifié ou « munitio » pour les
fortifications. Dans le BG, « castra » est en général plus particulièrement réservé au camp d’étape,
lors d’une marche de l’armée. Il répond alors ainsi aux règles énoncées par Polybe : le camp, de
forme régulière, rectangulaire, se dresse toujours de même manière autour de deux voies
principales -« decumanus » et « cardo »- se coupant à angle droit, repérées par des fanions.
Chaque unité sait ainsi où établir ses tentes sans s’emmêler avec l’unité voisine et sans perte de
temps. L’emplacement choisi doit être plat, et un cours d’eau situé à proximité.
Les camps, ou cantonnements de troupes pour un siège autour d’une ville, doivent par
contre s’adapter exactement au terrain. La forme est donnée par le relief ; la position doit dominer
partout où cela est possible. Cela n’empêche pas les alignements de tentes chers aux Romains,
pour faciliter les déplacements. Mais à notre avis les formes extérieures ne doivent pas être aussi
régulières. Le camp romain de Chanturge fouillé pendant 25 ans par P. Eychart (1) aux Côtes de
Clermont-Ferrand -présumé Gergovie- est un exemple.
Le camp de la VIIIème légion à Mirebeau, Côte d’Or, découvert par R.Goguey, en est un autre.
Ce dernier nous donne une idée de la dimension nécessaire d’un camp pour abriter une légion, soit
environ vingt deux hectares, d’après Polybe. Si l’on reporte cette superficie dans la plaine des
Laumes, entre les deux lignes espacées de cent à cent cinquante mètres, où deux légions devaient
se serrer sans pouvoir bouger, ainsi qu’au pied du mont Réa - pour les camps Nord- où logaient
deux autres légions, nous sommes loin de pouvoir y placer les effectifs indiqués par César et
nécessaires à la défense.
Ne parlons pas des camps marqués « K, I ou H » sur le plan Napoléon III. Bien trop petits, de
forme irrégulière, ils n’ont rien à voir avec la poliorcétique de César. Nous savons gré à M.Reddé
de les avoir retirés en grande partie du dossier, parce qu’il n’y avait trouvé, semble-t-il, « que du
médiéval ». Mais pourquoi n’avoir pas poussé la même logique aux deux lignes parallèles,
militairement indéfendables, situées tout près de ces camps ?
De plus, les mottes de gazon recouvrant l’ « agger », le talus de terre situé en arrière des fossés et
supportant la palissade et les tours, telles qu’elles seront employées au siècle suivant par exemple
par l’empereur Hadrien en Angleterre, ne sont pas signalées dans le BG de César concernant
Alesia.
Celles retrouvées lors des fouilles Reddé sur l’une de ces lignes parallèles de la plaine des
Laumes, ne plaident donc pas pour une défense de César à cet endroit, mais probablement pour un
siège postérieur.
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1) Paul EYCHART « La bataille de Gergovie » Ed.CREER, 63340 Nonette, 1987
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40. BG / LIVRE SEPTIEME : chapitre 77, paragraphe 3 :
LES ROMAINS CRAIGNAIENT L’ARRIVEE DE L’ARMEE EXTERIEURE
« Cuius rei timore exterriti diem noctemque in opere versantur ».
L.A.Constans : « car c’est la terreur de cet événement qui les fait travailler nuit et jour à leurs
fortifications »
M.Rat : « épouvantés par cette crainte, (les Romains) travaillent nuit et jour à leurs fortifications »
On retire des deux traductions la même impression que les Romains craignaient au plus
haut point l’attaque de l’armée coalisée. N’oublions pas que le discours de Critognatos (d’où est
issue cette phrase) a été tenu vers la fin du siège, pour remonter le moral des hommes et prendre
les dispositions qui permettront d’attendre l’armée extérieure, la défaite des Romains et la
délivrance. Le blé était alors épuisé. Vercingétorix en avait annoncé pour un mois, ou un peu plus
si le rationnement était strict. On peut donc estimer cet épisode à cinq ou six semaines après le
début du siège. Les travaux de contrevallation ayant dû être achevés en quelques jours seulement,
ceux de la circonvallation duraient encore, plus d’un mois après. Cela veut dire que la
circonvallation n’était pas la simple ligne de Napoléon III, à peine plus longue que la
contrevallation, mais une succession de défenses en profondeur, avec des « sonnettes » pour
prévenir de l’arrivée de l’armée extérieure, sans cesse perfectionnées par des dizaines de milliers
d’hommes, encore un mois et demi après le début des travaux1. Ce travail immense doit avoir
laissé bien plus de traces que la contrevallation.
Prendre pour la « vérité » ce que l’on trouve sur le terrain du site d’Alise, contre
l’implacable logique militaire dont l’aboutissement fut réellement la défaite de trois cent trente
mille soldats gaulois est à notre avis une faute vis-à-vis de l’Histoire. La faible ligne de la
circonvallation retrouvée dans la plaine des Laumes, l’erreur manifeste d’avoir laissé le bastion du
mont Réa libre de troupes, alors que deux légions étaient stationnées à son pied, et le
positionnement des deux camps romains importants sur le rebord des plateaux de Bussy et de
Flavigny, dos à la falaise, -ce qui est une absurdité militaire,- sont d’un illogisme tel que nous ne
le voyons pas « dans l’esprit de César » , car il aurait vraisemblablement abouti à sa défaite.
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Il est curieux que la contrevallation du mont Auxois ait pu être effectuée de façon à bloquer en quelques jours l’armée de
Vercingétorix, alors que la circonvallation a pris un mois et demi pour une ligne semblable, d’après le plan Napoléon III. A
Chaux-des-Crotenay, dans l’hypothèse A.Berthier, les travaux à réaliser en contrevallation autour de l’éperon barré étaient
d’environ 2500 mètres, sur 16500 mètres de longueur totale (la différence étant les falaises). Par contre, la circonvallation
sera plus vaste et complexe.
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41. BG / LIVRE SEPTIEME : chapitre 77, paragraphe 4 :
SUR LA POSITION D’ALESIA PAR RAPPORT AUX NATIONS GAULOISES
« Quod si ea quae in longinquis nationibus geruntur ignoratis, respicite finitimam Galliam,
quae in provinciam reducta ».
L.A.Constans : « Si vous ignorez ce qui se passe dans les nations lointaines, regardez tout près
de vous, cette partie de la Gaule qui, réduite en Province »
M.Rat : « Si vous ignorez ce qui se passe dans les nations lointaines, regardez la Gaule voisine,
qui, réduite en Province »
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Les deux auteurs nous laissent penser, par leur traduction de « finitimam Galliam », que la
partie de la Gaule réduite en province est toute proche d’Alesia. Effectivement, dans l’hypothèse
A.Berthier, Genève est proche de Chaux-des-Crotenay, à quatre étapes seulement par la cluse de
Morbier et le col de Saint-Cergues (la route actuelle par la Faucille n’existait encore pas).
Mais, souligne J.LeGall, qui sent une impossibilité aux Laumes, dans son article de la
Revue Historique des Armées (n° 2, Spécial, 1987, p. 26) : « proche » s’oppose aux nations
lointaines, c’est-à-dire aux autres nations soumises par Rome ». Il n’admet pas d’utiliser le terme
« finitimam Galliam » pour situer Alesia tout près de la province Allobroge, et donc en déduire
que le siège n’eut pas lieu au mont Auxois. Dans l’expression précédente « in longinquis
nationibus ». « Natio, onis » (de « natus ») (Gaffiot) : dans le contexte, veut bien dire : peuplade,
nation (partie d’une « gens », peuple, race).
J.Le Gall entend par le mot « natio » une restriction à l’usage exclusif des « nations
civilisées », donc romaines, par opposition aux « peuplades » barbares. Les peuplades de la Gaule
n’étaient-elles pas des entités ethnographiques indépendantes structurées et hiérarchisées, des
nations ?
Pourquoi donc le terme « natio » ne s’appliquerait-il pas aux peuples gaulois
indépendants, d’autant plus que ce mot est extrait du discours de Critognatos ? Ce dernier veut
certainement parler des nations gauloises libres -et lointaines (« longinquis »)- par opposition à
l’expression qui suit dans la même phrase : « in provinciam reducta » : « la Gaule sous
domination romaine, réduite en province ».
L’impression découlant du BG que la Province est proche ne vient pas uniquement de
« finitimam Galliam », mais aussi de « in longinquis nationibus ». Cette impression est renforcée
par le verbe « respicite », de « respicere » (Gaffiot) : « regarder en arrière, tourner la tête »
Exemple : « respiciens Caesarem » (César, BG III, 93, 3) : « se retournant vers César ».
Les fantassins gaulois de l’armée intérieure d’Alesia, provenant en majorité de peuples
éloignés situés à l’Ouest et au Sud des Eduens, devaient regarder vers ces pays où était leur
famille. Critognatos leur dit de regarder derrière eux la province toute proche des Allobroges,
romanisée depuis 70 ans, précisément au bout de la route sur laquelle ils ont bloqué César.
Le verbe précis de César, « respicite » : « regarder en arrière » a été réduit au simple sens
de « regardez » par les deux auteurs 1 : cela permet de justifier la déduction de J.Le Gall (« natio »
« nation romanisée »).
Dans l’hypothèse A.Berthier, les Gaulois devaient regarder au-delà de la plaine de
Syam, depuis l’oppidum de Chaux-des-Crotenay, vers leurs nations éprises de liberté. Ils
tournaient donc le dos à Genève et à la province romanisée des Allobroges. Critognatos leur dit
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Pour indiquer « regarder », le latin utilise plusieurs verbes précis, selon les situations : « aspicere » ou « inspicere », sens
général : regarder.
« Intueri » : regarder en fixant; « prospicere » : regarder au loin; « despicere » : regarder d’en haut; « speculari » : épier,
espionner; « observare » : observer, surveiller; « spectare » : être tourné vers, faire attention à, regarder un spectacle;
« respicere » : regarder en arrière, tourner son attention; « pertinere » : regarder comme, viser à.
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donc logiquement : « regardez en arrière, tout près de vous, (ils en étaient, ici, à environ 100 km,
contre 250 km depuis le Mont-Auxois), cette partie de la Gaule réduite en province…
Il n’est point nécessaire, comme le suggère J.Le Gall, de supposer que, dans le cas présent,
le mot « natio » ne soit pas applicable aux nations gauloises indépendantes, mais seulement à
celles sous domination romaine.
42. BG / LIVRE SEPTIEME : chapitre 79, paragraphe 1 :
L’ARMEE EXTERIEURE ARRIVE
« et colle exteriore occupato non longius mille passibus ab nostris munitionibus considunt ».
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L.A.Constans : « et, ayant occupé une colline située en retrait, s’établissent à mille pas à peine de
nos lignes »
M.Rat : « et, après avoir occupé une colline extérieure, s’établissent à mille pas au plus de nos
lignes »
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On constate deux actions qui découlent du texte :
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1) « …Après avoir occupé – et s’être montrés aux Gauloish
de l’oppidum - sur une colline plus en
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retrait ». « exteriore » : le comparatif « exterior », der« exterus » : du dehors, extérieur, veut dire
Ad’observation de César, ou bien par rapport
« apparaissant plus en dehors » par rapport au point
aux lignes romaines.
t
2) « Ils s’établissent à un peu moins de millee
pas de nos fortifications »
Les historiens placent « l’armée de secours
» sur la montagne de Mussy, à deux kilomètres à vol
d
r-ou à 1500 mètres de la « route nationale » (sic), selon la
d’oiseau de la ligne de circonvallation
a
note explicative de L.A.Constans.
Ils ne trouvent que cette seule colline, qui sert ainsi,
m
contrairement au texte du BG,
aux
deux
évènements : 1) à ce qu’ils « se montrent » 2) « à ce
y
qu’ils se positionnent à unA
peu moins de mille pas »
Il faut avoir en
mémoire que les feux de bivouac de l’armée belge, quelques années avant
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Alesia, s’étendaient,
d’après
César, sur un front de douze kilomètres, pour un effectif de 300 000
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hommes. En se
référant
à
cette
donnée, une armée de 240 000 hommes comme l’armée dite « de
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secours » couvrirait
P une surface de 1000 hectares, soit un front de dix kilomètres de large sur un
kilomètre de profondeur. C’est énorme ! Il faut donc considérer pour cette armée une surface bien
© que le croissant de la montagne de Mussy. Cela dit, il n’y a pas d’autre endroit pour la
plus grande
loger sur le site des Laumes. Il faut donc considérer que les Gaulois de cette armée se seraient
montrés sur le rebord du plateau, puis se seraient avancés pour se positionner sans protection sur
son flanc et à son pied, de façon à arriver à un peu moins de mille pas. C’est incohérent, car le
seul épisode où César dit qu’ils vont s’avancer et se positionner « au devant de leur camp », c’est
à la fin du siège, et non lors de leur arrivée.
Dans l’hypothèse A.Berthier à Syam, les premiers échelons de l’armée extérieure, arrivant
depuis Lons-le-Saunier à l’Ouest par le plateau de Châtelneuf, en ont occupé une bonne partie, se
sont arrêtés sur les marécages du Vaudioux et se sont positionnés sur le plateau du Surmont, d’où
ils voyaient bien la citadelle d’Alesia. C’est là qu’ils se sont fait acclamer par ses défenseurs.
A.Berthier s’arrête à cette colline du Surmont pour l’armée extérieure et en fait le point de départ
des opérations de cette armée extérieure, notamment celui du corps de Vercassivellaun.
N.B. / Le paragraphe suivant est donc une extrapolation personnelle, que nous pensons logique dans le cadre de son
hypothèse, et à laquelle nous a conduit une réflexion approfondie du déroulement de la bataille finale que nous allons
développer ci-après.
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Mais ils se sont vite aperçus que cette colline était un cul-de-sac. Elle est en forme de
graine de haricot, dont seule la partie centrale Ouest n’est pas entourée de falaises quasiment
infranchissables, sauf par le Nord… à l’opposé de l’oppidum.
Il était donc difficile pour les chefs gaulois de mener, à partir du Surmont, des actions
dans la plaine « de trois mille pas » qu’ils avaient décidé d’attaquer, mais dont ils ne voyaient pas
les parties basses où allaient se dérouler leurs trois attaques. De plus, ils auraient dû envoyer leurs
hommes attaquer cette plaine de trois mille pas, soit par les marécages du Vaudioux (1)et tomber
sur les défenses romaines du secteur Ouest, ce que César ne décrit pas, soit faire un contour de
plusieurs kilomètres loin au Nord, vers Cise, pour déboucher dans cette plaine par les gorges de
l’Ain, qui n’étaient guère favorables à une attaque massive.
Les chefs gaulois ont sans doute rapidement pris en compte ces inconvénients et ont dû
préférer comme « base logistique » la plaine de Champagnole et le relief de l’actuelle forêt
communale de Champagnole, jusqu’à la corne de l’Ain. Les hauteurs de sa pointe Sud (appelée
La Croix-Verjus) se trouvent à un peu moins de mille pas de la circonvallation, au Nord de la
plaine de Syam. Depuis ce relief, qui est plus bas que les autres collines environnantes (Surmont,
Côte-Poire, Gîts-de-Syam, etc...), mais qui reste une hauteur bien protégée derrière l’Ain, les
communications étaient très faciles avec le Nord de la plaine de 3000 pas, aux environs de Bourg
de Sirod. Cavalerie comme fantassins pouvaient ainsi parvenir très aisément sur les fortifications
romaines de la plaine de Syam.
César n’indique pas, notons-le bien, que l’armée extérieure s’est établie définitivement sur
une colline, Mussy ou Surmont. Seulement après avoir occupé une colline plus en retrait, les
Gaulois coalisés s’établirent à « pas plus de mille pas de nos lignes ». Il ne dit pas non plus :
« occupèrent une autre colline - sous entendu, que celle qui est « plus en retrait »-, mais seulement
« s’établirent » ... cependant certainement sur une hauteur, car ils voyaient bien, comme dans une
arène, les combats singuliers qui se déroulaient dans la plaine. Le mouvement est explicite et doit
être reporté sur le terrain.
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1) Le village du Vaudioux est au centre d’une plaine qui a été drainée à l’époque moderne par le creusement d’un bief dans
lequel s’écoule le ruisseau de Pillemoine. L’étude des courbes de niveau montre qu’auparavant l’étendue d’eau aurait pu être
comparable à celle du lac d’Ilay, plus au sud. Elle formait ainsi un barrage naturel à toute intrusion des Gaulois sur
l’oppidum par ce côté Ouest et le Surmont.
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43. BG / LIVRE SEPTIEME : chapitre 79, paragraphe 2:
ATTAQUE DES CAVALIERS GAULOIS DANS LA PLAINE DE 3000 PAS
« Postero die equitatu ex castris educto omnem eam planitiem quam in longitudinem milia
passuum III patere demonstravimus complent ».
L.A.Constans : « Le lendemain, ils font sortir leur cavalerie et couvrent toute la plaine dont nous
avons dit qu’elle avait trois milles de long »
M.Rat : « Le lendemain, ils font sortir du camp leur cavalerie et en couvrent toute la plaine qui,
comme nous l’avons dit plus haut, avait trois mille pas de longueur »
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Le terme « complere », verbe transitif, veut bien dire : remplir un espace, combler
(un fossé)
La traduction des deux auteurs est donc précise, et a oublié ici le terrain des Laumes : les cavaliers
gaulois remplissent toute la plaine.
En considérant cinquante mètres carré par cavalier (cheval au galop plus intervalle de 25
mètres, ce qui est normal pour des escadrons compacts à l’attaque), 8000 cavaliers obtureraient
une surface de 40 hectares. C’est bien peu assurément pour remplir les 2500 hectares de la plaine
des Laumes. J. Le Gall nous explique que César a voulu dire : « paraissent remplir la plaine ».
Cela sonne faux, une fois de plus, par rapport au texte du BG. Par contre, dans la plaine de Syam
de l’hypothèse A.Berthier, où les parties basses, surplombées de part et d’autre par la terrasse
alluviale et la falaise, laissent libre un « cul-de-sac » de quelques dizaines d’hectares seulement,
qui peuvent être entièrement couverts par 8 000 cavaliers.
Notons que César insiste une fois de plus -la troisième fois- sur cette plaine « dont nous
avons dit qu’elle avait trois mille pas en longueur ». César veut bien nous faire comprendre le rôle
capital qu’elle a eu dans les événements. Nous nous devons de l’étudier en détail et d’en
comprendre l’importance, de par sa forme et sa position, dans le processus général du siège.
Nous voyons qu’à Syam, dans l’hypothèse A.Berthier, César l’a utilisée si admirablement
qu’il en a fait un véritable piège, une nasse à rats, où vont s’empêtrer toutes les attaques gauloises,
nocturnes ou diurnes, avec une économie considérable de moyens du côté des Romains. La
description de cette plaine dans le BG, ses avantages naturels, la façon dont César en a assuré
l’organisation défensive découlant des indices retrouvés sur le terrain (1), mérite une étude
approfondie.
Malheureusement, une carrière de graviers en grignote inexorablement la terrasse alluviale où
A.Berthier place les camps des légats Trebonius et Antonius, ainsi que le praetorium d’où César a
pu exercer son commandement à la fin du siège.
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1) Parmi ceux-ci, deux bandes parallèles, barrant le fond de la vallée de la Lemme peu après son confluent avec la Saine,
apparaîssent régulièrement à la photo aérienne dans une prairie, entre le talus Ouest de la hauteur de la Liège et la rivière
Lemme, au pied du rebord de la terrasse alluviale de la plaine de Syam, à un endroit idéal pour barrer le fond de cette plaine.
Ces traces pourraient-elles être les deux fossés inondables indiqués par César, barrant le fond des parties basses « en doigt de
gant » de cette plaine ? Nous avons pu observer ces bandes parallèles en survol aérien à plusieurs époques de l’année. Nous
savons qu’une voie protohistorique passait aussi dans ce secteur, venant de Champagnole, avant d’escalader le flanc de
l’éperon barré pour aller vers Morbier. Il y aurait là matière à recherches.
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44. BG / LIVRE SEPTIEME : chapitre 79, paragraphe 3 :
NOUVEAU POSITIONNEMENT DE L’INFANTERIE GAULOISE
« Pedestresque copias paulum ab eo loco abditas in locis superioribus constituunt ».
L.A.Constans : « leur infanterie, ils la ramènent un peu en arrière et l’établissent sur les hauteurs »
M.Rat : « ils établissent leur infanterie un peu en retrait sur les hauteurs » (P.Camus)
« Sur les hauteurs » : cela ne veut pas dire sur la colline occupée précédemment.
Habituellement, César emploie une tournure comme : « supra demonstravimus », « comme nous
l’avons dit plus haut » (cf. phrase précédente, BG VII, 79, 2) lorsqu’il veut revenir à un lieu ou un
événement dont il a déjà parlé. On fait donc aux Laumes, contre le sens du texte césarien,
remonter « l’armée de secours » sur la montagne de Mussy car il n’y a que celle-ci comme base
possible.
D’autre part, aucun des deux auteurs ne traduit le sens de « abditus ». Il ne s’agit pourtant
pas simplement de « ramener l’infanterie en arrière ».
- « abditus, a, um » : « placé hors de la vue, secret, caché » (Gaffiot)
Exemple : « valles abdita » (César BG VI, 34, 2) : « vallée secrète » (L.A.Constans)
« Abditas » se rapportant à « copias » : les troupes, ce sont bien les fantassins qui, en étant retirés
un peu (« paulum ») vers l’arrière, se trouvent cachés à la vue (pour masquer les mouvements des
troupes aux Romains).
Aux Laumes, les fantassins avaient été d’abord avancés en avant de la montagne de
Mussy, pour soutenir les assiégés qui hurleront de joie en les voyant. Puis ils ont été placés en
retrait pour « les cacher », donc pas sur les flancs de cette montagne, où ils se seraient trouvés
encore plus visibles. Mais alors, où ?
Dans l’hypothèse A.Berthier, à Syam, après s’être montrées sur la corne de l’Ain aux
Romains et à la citadelle assiégée placée sur l’éperon des Gîts-de-Syam, les troupes gauloises
fraîchement arrivées se sont faites discrètes en se retirant dans l’actuelle forêt de Champagnole
pour masquer les prélèvements d’unités et les mouvements de troupes en préparation pour les
attaques à venir. C’est de là que se formera le corps d’armée de Vercassivellaun qui partira de
nuit pour contourner les défenses des « superiora castra » sur le col de Crans.
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45. BG / LIVRE SEPTIEME : chapitre 79, paragraphe 3 :
LES ASSIEGES VOYAIENT AU BAS
LES POSITIONS AVANCEES DE L’ARMEE EXTERIEURE
« Erat ex oppido Alesia despectus in campum ».
L.A.Constans : « D’Alesia, la vue s’étendait sur cet espace » (L.A. Constans, sous entendu,
espace occupé par « l’armée de secours »)
M.Rat : « De la place forte d’Alesia, la vue s’étendait sur la plaine »
Aucun des deux auteurs ne traduit fidèlement le mot « despectus » : vue plongeante, vue
d’en haut (Gaffiot).
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Exemple : « erat ex oppido despectus » (César, BG VII, 79, 3) : « on avait de la ville une
vue plongeante » (trad. Gaffiot)1. NB/ Gaffiot prend cette même phrase pour exemple de « vue
plongeante » dans son dictionnaire
Cela ne peut se concevoir que si l’infanterie, qu’ils avaient ramenée en arrière sur les
hauteurs (cf page précédente du BG) était placée plus bas et pas très éloignée de la citadelle
d’Alesia, pour que la vue soit plongeante sur ces lieux, (décrits comme « espace » par
LA.Constans, et « plaine » par M.Rat, bien que situés sur des hauteurs (mais pas sur une colline,
car César n’emploie pas « collis » ou « mons »).
Sur le site des Laumes, la montagne de Mussy s’élève à 415 mètres, contre 400 mètres
pour le plateau du mont Auxois et 240 mètres pour la plaine des Laumes. Depuis la statue de
Vercingétorix, la vue s’étend effectivement vers la plaine et, au loin, vers la montagne de Mussy.
Il est difficile d’admettre qu’elle plonge. Rien n’est simple ici.
Dans l’hypothèse A.Berthier à Syam, le Sud de la forêt de Champagnole, la pointe de la
« Croix Verjus », inclinée vers la plaine de Syam, s’élève à 600 mètres en moyenne. Le plateau de
Chaux-des-Crotenay culmine à 800 mètres. La différence d’altitude est significative. Non
seulement les Romains, depuis les falaises de « la Liège » à 660 mètres, mais encore les Gaulois
de l’oppidum, avaient une vue « plongeante » sur la pointe de la « Croix Verjus ».
Un seul site correspond au texte de BG. Pour l’autre, on a escamoté la « vue plongeante »,
remplacée par « la vue s’étendait », plus adaptée au site des Laumes. Cela est d’autant plus
frappant qu’au chapitre suivant, dans une autre description, le même L.A.Constans traduira
justement le même mot « despectus » par « la vue plongeait » ! Pourquoi ?
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) Encore une fois Gaffiot, prenant pour exemple une phrase de BG, la traduit de façon exacte, tandis que les deux auteurs
étudiés ici, influencés peut-être par l’opinion Alise=Alesia, en modifient le sens lorsqu’il ne se vérifie pas sur le terrain.
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46. BG / LIVRE SEPTIEME : chapitre 80, paragraphe 1 :
L’ARENE CONSTITUEE PAR LA PLAINE DE 3000 PAS
« Erat ex omnibus castris, quae summum undique jugum tenebant, despectus, atque omnes
milites intenti pugnae proventum expectabant ».
.L.A.Constans : « De tous les camps qui, de toutes parts occupaient les crêtes, la vue
plongeait, et tous les soldats, le regard attaché sur les combattants, attendaient l’issue de la lutte »
M.Rat : « De tous les camps, qui de toutes parts occupaient le sommet des montagnes, la vue
s’étendait sur la plaine, et tous les soldats, attentifs, attendaient l’issue du combat »
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Le combat se déroule dans la partie libre (et basse) de la plaine de 3000 pas. Dans
l’hypothèse A.Berthier, nous avons vu qu’elle s’insérait en « cul-de-sac », en « doigt-de-gant »,
entre les rebords de la terrasse alluviale de la plaine de Syam et les falaises s’élevant à pic du côté
Ouest. Cet espace, pour être comblé par 8 000 cavaliers, devait mesurer au plus quelques dizaines
d’hectares. L’attaque gauloise s’effectua ainsi avec un nombre d’hommes limité, dans cet espace
restreint sur lequel « la vue plongeait » (cette fois, le mot latin « despectus » est bien rendu par
L.A.Constans. Pour M.Rat seul, la vue ne plongeait pas, elle « s’étendait »).
Nous avons ainsi l’impression de nous trouver dans une arène, dans un cirque romain et
d’assister à un combat de gladiateurs. Les légionnaires sont installés derrière les parapets
« lorica » sur le rebord de la terrasse alluviale à l’Est et sur l’arête de la falaise à l’Ouest. Ils
assistent en spectateurs « le regard attaché sur les combattants », nous dit L.A.Constans. M.Rat
s’aperçoit de l’impossibilité qu’il y a, aux Laumes, de placer des soldats romains en hauteur, avec
une vue plongeante, depuis plusieurs camps à la fois, aussi près des combattants. Il traduit
seulement « des soldats, attentifs », ce qui permet de les placer à deux ou trois kilomètres sans que
cela paraisse impossible. Les traductions sont ici nettement arrangées en fonction de ce que l’on
perçoit depuis le pied de la statue de Vercingétorix.
Mais, dans l’hypothèse A.Berthier, les légionnaires ne sont pas loin. Ceux qui sont sur la
plate forme alluviale qui porte le village de Syam, à vingt mètres au-dessus des parties basses de
la plaine, sont au premier plan. Le combat se déroule devant leur « vallum » naturel, dans une
dépression encaissée large de 250 à 400 mètres, obturée au Sud par un puissant bouchon artificiel
comportant des fossés inondés, communiquant avec la rivière Saine, peu après son confluent avec
la Lemme.
A l’Ouest, les légionnaires sont positionnés sur les falaises de « la Liège », dominant de
plus de cent mètres la plaine de Syam, sur une longueur équivalente à celle du cul-de-sac où se
déroule le combat.
César emploie l’expression « ... des camps qui, de toutes parts, occupaient les crêtes
(« jugum ») (...) les soldats... ». Il semble donc que les Gaulois soient également concernés par le
spectacle rapproché de ce premier combat de l’armée extérieure. S’ils ne se trouvent pas au
premier plan, ils ne sont néanmoins pas loin. Il est certain que César, employant le terme « tous
les soldats » « omnes milites », englobe les Gaulois dans cette expression.
En fait, les hommes de Vercingétorix assistaient bien au combat. Depuis la pointe Nord de
l’éperon barré, les « Gîts-de-Syam », la distance est d’environ mille mètres jusqu’à la fermeture
Sud de cette partie de plaine, - aux environs des deux bandes parallèles déjà signalées. Ils en
entendaient les clameurs, amplifiées peut-être par l’écho des falaises. Ils attendaient
« attentivement l’issue de la lutte ». Les hommes de l’armée extérieure voyaient eux aussi le
combat de leurs frères d’armes, depuis la pointe de la Croix Verjus, à quelques centaines de
mètres en arrière.
César l’indique clairement : « quod in conspectu omnium res gerebantur neque recte aut
turpiter factum celari poterat... », ce que L.A.Constans traduit ainsi : « Comme l’action se
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déroulait sous les yeux de tous, et qu’il n’était pas possible qu’un exploit ou une lâcheté restassent
ignorés... » (la version de M.Rat ne diffère pas sensiblement).
Aucun doute, tous les camps, romains et gaulois, étaient tout près de l’action. « L’arène »
était remplie des « supporters » des deux équipes, si l’on peut dire. Il est impossible de se
représenter cette « arène » dans la plaine des Laumes qui mesure sept kilomètres de long par trois
et demi de large!...même si l’on considère la plaine de 3000 pas, comme J.Le Gall, en arc de
cercle depuis Grésigny jusqu’à Pouillenay, soit six kilomètres en longueur, par virtuellement 1500
mètres, mais réellement une largeur correspondant à la longueur de la plaine des Laumes, soit sept
kilomètres.
A de telles distances, comment distinguer parmi les combattants, depuis chacun des camps
placés autour de « cette plaine », ceux qui sont les plus courageux ou les plus lâches ? C’est un
point de plus du BG qui ne peut pas du tout trouver sa place sur le site des Laumes. C’est même
un point rédhibitoire et incontournable.
On ne peut raisonnablement pas imaginer Vercingétorix voir les actes individuels de courage dans
des combats qui auraient eu lieu dans la plaine des Laumes, au-delà de la double ligne parallèle du
plan Napoléon III, à deux kilomètres de distance. Pas plus que les chefs de l’armée extérieure sur
la montagne de Mussy, également à deux kilomètres. Pas plus que César, que l’on place dans son
camp sur la montagne de Flavigny. (1)
La phrase suivante conforte encore, si besoin était, l’impression d’arène fermée que rend le BG :
« Galli,…ex omnibus partibus et ii qui munitionibus continebantur et ii qui ad auxilium
convenerant clamore et ululatu suorum animos confirmabant » : « Les Gaulois…de toutes parts,
ceux qui étaient enfermés dans l’enceinte de nos lignes et ceux qui étaient venus à leur secours,
encourageaient leurs frères d’armes par des clameurs et des hurlements ».LA. Constans
N’a-t-on pas l’impression de se trouver dans un stade de foot-ball ?
La plaine de Syam, dans l’hypothèse A.Berthier, donne tout-à-fait l’image d’une arène. Nous
avons l’impression que l’écho des falaises renvoie encore de tous côtés les clameurs des
« spectateurs » placés tout autour, et encourageant les combattants en contrebas, dans les parties
basses de cette plaine dont César insistera par trois fois pour nous en rappeler l’importance dans le
déroulement du siège.
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1) C’est un point que les guides du Muséo-parc devront expliquer aux visiteurs, en n’oubliant pas que les jumelles
n’existaient pas en ce temps-là.
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47. BG / LIVRE SEPTIEME : chapitre 81, paragraphe 1 :
ATTAQUE NOCTURNE DES FANTASSINS GAULOIS DANS LA PLAINE DE 3000 PAS
« Subito clamore sublato, qua significatione qui in oppido obsidebantur de suo adventu
cognoscere possent, crates proicere ».
L.A.Constans : « Ils poussent une clameur soudaine, pour avertir les assiégés de leur approche, et
ils se mettent en mesure de jeter leurs claies »
M .Rat : « Soudain poussant une clameur, pour avertir les assiégés de leur approche, ils se
préparent à jeter leurs claies »
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C’est la seconde attaque de l’armée extérieure, en silence, de nuit. Les Romains n’ont rien
vu ni entendu puisqu’ils en sont avertis par la clameur soudaine des Gaulois comblant les fossés.
Si ces derniers sont bien au pied de « l’agger », la zone de pièges aurait déjà été franchie.
Il fait nuit. Il n’y a plus de spectateurs sur les gradins, mais nous sommes toujours dans la
même arène étroite. Les acteurs entrent en action. Entendant la clameur, les Gaulois de l’oppidum
se précipitent de leur côté sur la contrevallation. Mille mètres... c’est peut-être toute la distance
qui les sépare de leurs compatriotes de l’armée extérieure et de la victoire, car la jonction des deux
armées, donc le sectionnement des lignes romaines, assurera le ravitaillement de l’armée
intérieure, puis la fin du siège.
Les Gaulois sont sur les fossés barrant l’extrémité de la plaine de 3000 pas, le « bouchon »
qu’il faut faire sauter. Ils disposent de tout le matériel de comblement et d’escalade nécessaire. A
cinq contre un, ils ont une réserve d’hommes presque inépuisable... Malgré les pertes, ce n’est
qu’une question de temps : « multa utrimque vulnera accipiuntur » : « les pertes sont lourdes des
deux côtés », nous dit César (BG VII, 81, L.A.Constans). C’est l’indication que les Gaulois ont
franchi les fossés et se battent au pied du rempart, sur l’agger.
Mais quels fossés ? L.A.Constans et M.Rat, ne prononcent, pas plus que César, le mot
« fossés ». Ils indiquent seulement « jeter leurs claies », comme si cela pouvait être ailleurs que
sur des fossés. L.A.Constans ajoute, en note à sa traduction de « crates proicere » : « On a voulu
supprimer ces mots comme interpolés, parce qu’on ne voit pas clairement quels fossés il s’agissait
de combler1... pour nous, ce sont les fossés protégeant les « castella », ouvrages avancés de la
contrevallation n°1, 2, 3 du plan ».
On sait maintenant par les fouilles de M.Reddé, de 1992 à 1996, que ces « camps » de
plaine de Napoléon III ne sont plus attribués à César. Il n’y a plus d’ouvrages avancés césariens.
Mais alors, que sont donc ces fossés que s’acharnent à combler les Gaulois ? Ne serait-ce pas,
plus vraisemblablement, ceux qui barrent le fond de la plaine de Syam2 , dans l’hypothèse
A.Berthier ?
L.A.Constans dit justement un peu plus loin dans une note en marge : « D’autre part, on
ne comble pas un fossé plein d’eau, on y jette des passerelles » (« crates proicere »). A Syam, la
longueur de ces fossés est d’environ deux cent mètres entre le bord de la terrasse alluviale et la
hauteur de la Liège. C’est la largeur du bouchon qu’avaient seulement à franchir les Gaulois. Mais
celui-ci était solide : ces fossés étaient flanqués par une terrasse horizontale3, adossée à la
plateforme alluviale naturelle, et placée en contrebas de celle-ci. Quelques machines de guerre
placées sur cette terrasse pouvaient prendre d’enfilade les fossés et le pied de la palissade
romaine.
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N’est-ce pas l’aveu même que les traductions sont orientées en fonction du site des Laumes ?
Rappelons qu’il s’agit de deux traces parallèles visibles sur les photos aériennes, entre la Saine et le pied de la falaise de la
Liège. Si l’on considère leur emplacement idéal, on peut se poser la question. Seule la fouille pourrait apporter une réponse.
3
Cette terrasse d’un hectare, où la main d’homme a été reconnue, d’après A.Berthier, dominant le lit de la Saine d’environ
quatre mètres, est un emplacement de tir rêvé pour un alignement de plusieurs machines de guerre couvrant les fossés.
2
73
César nous le dit à la phrase suivante, toujours à propos de ce combat de nuit : « complura
tormentis tela coiciuntur » : « Les machines lancent une grêle de traits » (L.A.Constans). Le rôle
des machines de guerre à cet instant et à cet endroit, a donc été assez déterminant pour que César
en souligne l’importance. Notons qu’il ne parle que de « tormentum », la machine à cordes
tordues, qui ne lance que des flèches, et non de l’onagre, machine à contre-poids. Il est donc
inutile de rechercher des boulets sur le terrain.
Aux Laumes, l’étendue des lignes était telle qu’il semble impossible de concentrer les traits
de machines sur quelques points de passage obligé... Il en aurait fallu des milliers. Or, on estime
qu’il pouvait y en avoir une cinquantaine par légion, soit 500 à 600 au maximum.
Dans le fond du « doigt de gant » de la plaine de Syam, leur concentration et leur
précision, malgré l’obscurité, lors de l’attaque de nuit, pouvaient effectivement avoir eu un effet
tel que César dut se sentir obligé de le signaler. (1)
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Ci-dessus (carte postale ancienne) : Machine de guerre romaine lancant des traits à plus de
300m, appelée « tormentum » (à cordes tordues) ou « scorpio » dans le BG par César,
© Reconstitution par le Gal de Reffye au musée de Saint-Germain.
1)
César décerne peu de satisfecit dans son BG pour tout ce qui ne concerne pas le courage de ses légionnaires et sa
gloire personnelle. Parmi les exceptions : les cavaliers germains. Mais il cite aussi par trois fois le rôle de ses
machines de guerre – uniquement lançant des traits, à l’exception de boulets -, dont une seule fois dans cet épisode du
chapitre 81 sur Alesia. « Les machines lancent une grêle de traits ». C’est tout. Pas de précision supplémentaire,
comme si les machines retiraient du courage à ses soldats. Mais s’il en parle, même subrepticement, c’est
certainement qu’il veut en souligner l’efficacité. Celle-ci ne peut s’expliquer que dans un contexte géographique et
tactique précis. Il existe actuellement, notamment en Grande-Bretagne et en Allemagne, des machines à cordes
torsadées (-d’où leur nom « tormentum ») en nerfs de bœuf, reconstituées à l’identique, qui tirent réellement des traits
avec précision jusqu’à plusieurs centaines de mètres.
Pour une efficacité maximum, ces machines doivent être placées de façon à effectuer des tirs de flanquement sur
les fossés et les pièges au pied de l’ « agger ». Ainsi placées, elles pouvaient avoir un effet redoutable et, de plus,
démoralisateur, surtout la nuit, pour les assaillants gaulois qui devaient croire que les dieux étaient du côté des
Romains !
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48. BG / LIVRE SEPTIEME : chapitre 81, paragraphe 2 :
SUR LES CAMPS ROMAINS DE LA PLAINE DE 3000 PAS
« At M.Antonius et C.Trebonius legati, quibus hae partes ad defendendum obvenerant ».
L.A.Constans : « Cependant les légats M.Antonius1 et C.Trebonius, à qui incombait la défense de
ce secteur »
M.Rat : « Mais les lieutenants Marc Antoine et Caïus Trebonius, à qui incombait la défense des
points »
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Il y a deux légats... On peut donc raisonnablement penser qu’il y avait deux légions, plus
sans doute les services de l’état-major, de l’intendance, etc… : c’est l’effectif qui peut être
contenu, dans l’hypothèse A .Berthier, sur les parties hautes de la plaine de Syam en respectant la
norme de surface de 20 à 25 hectares pour une légion.
Le fait qu’il y ait deux légions peut expliquer le pluriel « hae partes » : « ces secteurs »,
que seul traduit M.Rat. Ce pluriel pourrait indiquer une distinction entre deux secteurs différents
attaqués simultanément : la poche Ouest, dans la vallée de la Saine, mais peut-être aussi le secteur
Nord, enfin l’extrémité du village actuel de Syam et la Côte-Poire, qui forme également une
poche.
Aux Laumes, il n’y a pas de camp à proprement parler2, mais deux lignes parallèles espacées de
120 à 150 mètres entre lesquelles doivent être enfermées deux légions... sans aucun espace de
manoeuvre pour le cas où une ligne serait enfoncée, comme nous l’avons souligné plus haut.
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Le futur Triumvir Marc Antoine, qui gouverna l’Orient, s’éprit de Cléopâtre et fut vaincu à Actium par son beau-frère
Octave, le futur empereur.
2
Nous avons vu que deux sur trois des « camps » tracés par Napoléon III, à l’extérieur des lignes de plaine, critiquables par
leur faible surface et leur emplacement, ne sont plus retenus par M.Reddé, non qu’il doutât de leur valeur militaire-car il en a
laissé un qui ne vaut pas mieux que les autres, mais parce qu’en bon archéologue, il n’y aurait trouvé « que du médiéval ».
75
49. BG / LIVRE SEPTIEME : chapitre 82, paragraphe 1 :
SUR LES PIEGES DE LA PLAINE
« aut se stimulis inopinantes induebant ».
L.A.Constans : « les chausse-trappes les engloutissaient soudain »
M.Rat : « ils s’enfonçaient dans les chausse-trappes »
Le terme « engloutir » suppose un piège dans lequel disparaît un homme. Or, le
« stimulus » désigne : 1) un aiguillon (pour exciter les bêtes); 2) une sorte de chausse-trappe
(Gaffiot)
Exemple : « se ipsi acutissimis vallis induebant » (César, BG VII, 73, 5) : « ils
s’enferraient sur la pointe des pieux ».
Nous rétablissons donc ainsi le texte : « ils s’empêtraient dans les champs d’ardillons ».
La différence est importante : avec cette description il n’est pas nécessaire à cet endroit de
rechercher sur le terrain des « trous de loups » qui seuls pouvaient « engloutir » un homme et que
César appelle des « lilias », les lys, sortes d’entonnoirs d’un mètre et demi de profondeur, munis
d’un pieu de bois dont le pointe avait été durcie au feu, et dissimulés par du feuillage.
Des trous de ce type, ont été découverts fortuitement, lors des premières fouilles autorisées (196566) sur le col de Crans par A.Berthier, confortant son hypothèse. Ils étaient placés en quinconces,
au pied de la Côte Poire, dans le champ d’un cultivateur qui avait creusé des tranchées parallèles
profondes pour poser des drains, dans un lieu où la roche n’affleure pas. (Cf : « ALESIA » par
A.Berthier et A.Wartelle, Nouvelles éditions latines ».) Une datation des pointes de bois carbonisé
qui y ont été retrouvées aurait été fort utile. Il ne semble pas qu’elle ait pu être réalisée, ce qui ne
permet pas, archéologiquement parlant, d’en savoir plus. Les trous n’ont malgré tout pas tous été
détruits par le drainage, et il en reste assez pour une éventuelle expertise future.
Il convient cependant de rester prudents sur ces découvertes, les lieux de bataille de faible durée
marquent durablement très peu le sol.
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50. BG / LIVRE SEPTIEME : chapitre 82, paragraphe 2 :
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FIN DE L’ATTAQUE NOCTURNE
« Cum lux adpeteret, veriti ne ab latere aperto ex superioribus castris eruptione
cicumvenirentur ».
L.A.Constans « A l’approche du jour, craignant d’être tournés par leur flanc droit si on faisait
une sortie du camp qui dominait la plaine, ils se retirèrent sur leurs positions »
M.Rat : « Voyant le jour approcher, ils craignirent d’être pris en flanc si l’on faisait une sortie du
camp qui dominait la plaine, et ils se retirèrent »
Seul L.A.Constans précise fort justement : le « côté droit ». « Latere aperto » : « le côté
ouvert » (où il n’y avait pas de bouclier). Cela indique la provenance de l’attaque possible :
« Depuis la montagne de Mussy », en direction des camps « H, I, K » (rappelons que deux de
ceux -ci n’existent plus, d’après M.Reddé) les Gaulois seraient menacés sur leur flanc droit par les
cohortes de la montagne de Flavigny (le seul camp placé à droite). Mais cela semble illogique, car
les Gaulois pouvaient passer plus au Nord, et se maintenir ainsi à bonne distance du camp de
Flavigny.
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Il est encore une fois difficile de localiser cette attaque aux Laumes. Cependant, si l’on
veut suivre J.Le Gall, la plaine de 3000 pas étant plutôt placée au Nord-Ouest de l’oppidum du
côté de Grésigny, les camps romains de hauteur les plus proches1 seraient, soit celui placé aux
flancs du Réa, soit celui de la montagne de Bussy. Mais ceux-ci sont situés à gauche ou derrière,
et non à droite des assaillants.
D’autre part, seul le camp de Bussy peut être appelé « superioribus castris » ou
« superiora castra » : « camp placé à la partie supérieure, plus élevé ». En ce qui concerne le
camp du Réa, sa base étant pratiquement au même niveau que la plaine, on ne peut lui attribuer,
sans extrapolation, le qualificatif « camp supérieur ».
Dans l’hypothèse A.Berthier, on voit immédiatement le danger, dans la plaine de Syam,
sur le côté droit de l’attaque gauloise, dans la poche de la vallée de la Saine : depuis l’arête des
falaises de la Liège, à l’Ouest, les vagues d’assaut pouvaient être prises sous le tir de projectiles.
Si quelques cohortes de ce secteur étaient descendues dans la plaine derrière les attaquants, ils
auraient effectivement pu assurer la fermeture de la nasse. Les Gaulois avaient de quoi être
inquiets. Cependant, la descente par les falaises étant difficile, César n’a pas du envisager cette
possibilité de capturer une fraction de l’armée extérieure, sans doute trop réduite pour assurer sa
victoire. De plus, les unités descendues depuis le dessus des falaises et abandonnant leur
protection, devenaient vulnérables, sans repli possible, et ainsi à la merci d’une contre-attaque de
l’armée extérieure encore non engagée.
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Depuis que M.Reddé n’attribue plus deux des « camps » de plaine de Napoléon III au siège d’Alesia, on constate qu’il n’y a
pratiquement plus que des camps de hauteur. Paradoxalement, le plus bas est celui situé au pied et sur le flanc du Réa. Or le
terme de BG « superiora castra » indique bien qu’il y avait des camps placés en bas et d’autres plus haut; d’où l’emploi du
comparatif « superiora » « plus haut que ».
77
51. BG / LIVRE SEPTIEME : chapitre 82, paragraphe 3 :
L’ARMEE GAULOISE INTERIEURE FAIT UNE SORTIE
POUR AIDER L’ARMEE EXTERIEURE
« At interiores1, dum ea quae a Vercingetorige ad eruptionem praeparata erant proferunt, priores
fossas explent ».
L.A.Constans : « Quant aux assiégés, occupés à faire avancer les engins que Vercingétorix avait
préparé en vue de la sortie, à combler les premiers fossés »
M.Rat : « Quant aux assiégés, occupés à faire avancer les engins que Vercingétorix avait préparé
en vue de la sortie, ils comblent les premiers fossés »
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« Prioras fossas » : les deux traducteurs sont d’accord : il s’agit bien des « premiers
fossés », au pluriel, sans doute les plus près de l’oppidum. Mais ce ne sont pas, semble-t-il, les
fossés de la contrevallation, puisque ceux-ci sont placés en arrière du fossé d’arrêt de six mètres
(vingt pieds) à parois verticales. César aurait parlé d’abord du comblement de ce grand fossé
unique avant d’indiquer « priores fossas » au pluriel.
Quels sont donc ces « premiers fossés » ? Dans la plaine des Laumes, où l’on s’est
enfermé dans une idée de fortifications stéréotypées, en deux lignes parallèles, avec des
équipements défensifs identiques en tous points, on ne sait pas ce que cela veut dire.
L.A.Constans écrit dans sa note explicative que nous reportons « in extenso » : « ’’Priores
fossas’’. Très discuté. M.Jullian (III, pp. 522 et 523, n°1) pense que les Gaulois ont franchi le
fossé de 20 pieds, évité les pièges, et que « priores fossas », c’est le fossé plein d’eau (pluriel pour
le singulier). Mais César ne dit pas qu’ils aient franchi la zone de pièges; il dit, tout au contraire,
qu’ils ne purent approcher du retranchement. D’autre part, on ne comble pas un fossé plein d’eau,
on y jette des passerelles « crates proicere » - M.R.Holmes, dans son édition du BG, 1914, p. 355,
adopte l’opinion exprimée en 1773 par Guischard : ces « priores fossas » seraient les « cippi ».
Mais les fossés des « cippi » n’étaient pas à combler, les Romains s’étaient déjà chargés de ce
soin (cf. 73, 3, IV). D’autre part, il y avait en avant des « cippi » les « stimuli » et les « lilia »,
dont il n’est pas question. Pour nous, « priores fossas », c’est le fossé de 20 pieds - 79, 4, où
César raconte comment on avait commencé à le combler la veille, il est dit « priores fossas » :
nous suggérons que, ce travail étant resté inachevé, il y a un certain nombre de tranchées
indépendantes, d’où le pluriel « fossae » (de même, III, 5, I, « fossas », parce que les brèches
faites dans l’agger ont comblé des parties du fossé; Bell. Civ. III, 46, V, « instituae fossae ») ».
L.A.Constans cherche toutes les astuces pour rester cohérent avec le texte.
Cependant, il est difficile d’admettre que plusieurs tronçons d’un même fossé
partiellement comblé la veille puissent constituer plusieurs fossés. Nous ne voyons pas les
Gaulois s’attardant à combler les parties restant ouvertes de ce fossé, alors qu’il suffisait de le
franchir au plus vite sur les parties comblées la veille, pour arriver dans les zones de pièges ! Si
César nous dit que les Gaulois s’attardèrent à ces manoeuvres, ce n’est sûrement pas en travaux
inutiles. Il s’agissait donc de franchir plusieurs véritables fossés séparant l’oppidum de la plaine
où avait lieu l’attaque de l’armée extérieure que les assiégés tentaient de rejoindre.
Fermons les yeux. Oublions les Laumes et le mont Auxois.
Rappelons-nous la description des lieux par César : une ligne continue de crêtes ceinturait
à peu de distance l’oppidum, sauf dans un espace bien mesuré (3000 pas en longueur) « laissé
libre » entre les hauteurs. Les fossés sont bien dans cet espace, puisque sur tous les autres côtés, le
relief forme un front continu sur lequel les Romains n’ont qu’à placer un simple cordon de
troupes appuyé sur 23 postes fortifiés. Deux rivières bouillonnent dans le faible intervalle entre
cette ceinture de hauteurs et le relief « bien saillant » de l’oppidum. Une partie du flanc Est de
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Notons que César emploie ici le mot « interiores » (les soldats de l’armée intérieure).
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celui-ci(1) est le seul endroit possible pour masser des troupes... et descendre vers la rivière, au
niveau de la plaine. C’est par ce côté que sont sortis les cavaliers gaulois attaquant les travaux
romains de contrevallation, au début du siège. C’est encore là sans doute que descendent vers la
contrevallation les vagues d’assaut de Vercingétorix pour aider l’armée extérieure, en obligeant
les Romains de ce secteur à combattre devant et derrière.
N’est-ce pas là, au débouché de la rivière dans la plaine de 3000 pas, qu’il était nécessaire
de placer les premiers fossés, faciles à inonder ?
Ces fossés devaient se trouver non loin du fossé gaulois qui protégeait, avec le mur
grossier de 1,80 m (« maceria »), cette partie Est permettant l’accès au sommet de l’oppidum, à la
ville elle-même.
Dans l’hypothèse A.Berthier, le terrain éclaire le texte au lieu de l’embrouiller. Il est possible,
dans la plaine de Syam, de distinguer ces « priores fossas » du fossé d’arrêt de 20 pieds à parois
verticales placé, lui, à 120 mètres de la contrevallation. L’explication est logique sur le terrain : un
fossé de 20 pieds est creusé au plus près de la pointe de l’éperon barré, entre la Saine et la Lemme
pour protéger les travaux de la plaine d’une attaque gauloise débouchant du thalweg des Gîts-deSyam. Mais ce fossé ne peut parer une attaque venant du flanc Est, et arrivant par la rive droite de
la Saine, où étaient massées « sub muro » des troupes de Vercingétorix. Après le repli des
cavaliers gaulois sous la poussée des Germains dans ce secteur, c’est-à-dire la vallée de la Saine
formant à cet endroit l’évasement des « Prés Grillets », il est fort probable, et cohérent
militairement, que les Romains aient voulu serrer les assiégés au plus près.
Pour cela, ils établissent plusieurs fossés en face du fossé et du mur gaulois, évitant ainsi
toute nouvelle surprise de ce côté-là. Cette zone des Prés Grillets, étant relativement plate, la
rivière s’y calme quelque peu. Il est possible de la dévier dans tous les fossés, gaulois ou romains,
qu’il était facile de creuser dans les alluvions glaciaires. Quelques centaines de mètres de fossés
suffisaient pour barrer efficacement la vallée.
Il est compréhensible que les hommes de Vercingétorix aient attaqué successivement le
fossé de 20 pieds et les « priores fossas ». En effet, le premier jour, lorsqu’on voit l’armée
extérieure, sous l’émotion et la joie, le premier réflexe est de courir vers elle au plus vite, en
dévalant les difficiles goulets des Gîts-de-Syam, au pied de la citadelle, face au fossé de 20 pieds,
le plus proche (« proximam fossam »). Les hommes de Vercingétorix franchissent ce fossé. Ils
s’apprêtent à faire une sortie et se préparent à toutes les éventualités « ad eruptionem atque omnes
casus comparant » (BG VII, 79, 4). Mais ils sont empêtrés dans les zones de pièges. Ils sont
bloqués sur les autres fortifications de la contrevallation.
La deuxième attaque de l’armée intérieure a lieu la nuit suivante, encore de façon
simultanée à celle de l’armée extérieure. Cette fois, pas de précipitation. On prend le temps de
réfléchir. La diaclase des Gîts-de-Syam est bien trop étroite pour une intervention massive. La
prochaine attaque s’effectuera par le flanc Est de l’oppidum où l’on avait pu masser des troupes
au début du siège, et par la vallée de la Saine. Les premiers fossés sont peut-être plus longs à
franchir mais un effectif plus nombreux pourra être envoyé frontalement en première ligne. C’est
la seule façon de submerger les défenses de la contrevallation en direction de la plaine.
Malheureusement, il fait nuit. Les travaux n’avancent pas suffisamment vite pour atteindre
le retranchement. Au petit jour, les troupes de l’armée extérieure s’étant retirées sans victoire, il
est inutile de maintenir la pression sur le seul front intérieur. La décision est prise de remonter sur
l’oppidum, en attendant de pouvoir appuyer la prochaine action de cette armée extérieure, qui
garde l’initiative des opérations. Vercingétorix ne fait que réagir au coup par coup pour appuyer
ses compatriotes. Mais il le fait bien, à chaque fois en face de leur attaque, avec l’effet
démoralisateur sur les soldats romains que nous relate César : « quod suum periculum in aliena
vident salute constare omnia enim plerunque quae absunt vehementius hominum mentes
perturbant » ( BG VII, 84, 4) : « Ce qui contribue beaucoup à effrayer nos soldats, ce sont les cris
qui s’élèvent derrière eux, parce qu’ils voient que leur sort dépend du salut d’autrui, le danger
qu’on n’a pas devant le yeux est, en général, celui qui trouble le plus » (L.A.Constans)(2).
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Cette phrase à elle seule devrait nous faire réagir en voyant les deux lignes de
contrevallation et de circonvallation, aussi resserrées dans la plaine des Laumes. Sur ce point,
étant donné la persistance et la violence des combats qui s’y sont déroulés, de jour comme de nuit,
toujours sur les deux fronts, simultanément et face-à-face, les fossés étant franchis du côté
extérieur et les combats se déroulant sur l’ « agger », ces deux lignes parallèles n’auraient pu
résister longtemps aux assauts gaulois ainsi coordonnés.
Vercingétorix n’avait pas à indiquer à ses troupes ce qu’elles avaient à faire ; dans
l’euphorie, elles courraient immédiatement pour attaquer les fossés en face des points où elles
voyaient se diriger l’armée extérieure.
Ces deux lignes de la plaine des Laumes devaient faire partie plus probablement d’une
seule et même ligne d’encerclement du mont Auxois, l’armée assaillante étant en dehors, ne
craignant aucune attaque dans son dos, s’appuyant peut-être sur les camps « H , I, et K » du plan
Napoléon III…Le dispositif de poliorcétique retrouvé par M.Reddé lors de ses fouilles devrait
pouvoir nous donner des indications, à condition de rechercher dans cette direction.
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1) La partie de l’oppidum « orientée vers le soleil levant » était entièrement couverte de troupes gauloises, nous dit César.
Pourquoi pas ailleurs ? N’est-ce-pas que seule cette partie le permettait (donc sans falaises) ?
2) Nous verrons que, sur le site des Laumes, ces attaques combinées des deux armées gauloises en face l’une de l’autre n’ont
pu avoir lieu. Les historiens font attaquer les troupes de Vercingétorix à l’opposé de l’armée dite « de secours »,
contrairement aux indications de César et à toute logique militaire.
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52. BG / LIVRE SEPTIEME : chapitre 83, paragraphe 1 :
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CONTOURNEMENT
m DES DEFENSES ROMAINES DU NORD
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A situs munitionesque cognoscunt ».
« Ex his superiorum castrorum
re
L.A.Constans : «r
ceux-ci les renseignent sur les emplacements des camps dominant la plaine et
e de leur défense »
sur l’organisation
i
P
M.Rat : « ils consultent des gens qui connaissent le pays et apprennent ainsi la situation des
camps
©supérieurs et leur genre de défense »
Remarquons que César n’emploie pas simplement l’expression : « dominant la plaine »,
que déduit peut-être L.A.Constans du site des Laumes, mais « camps supérieurs ». Rappelonsnous le discours de Critognatos. Depuis le plateau de l’oppidum, il voyait s’entraîner au loin les
Romains dans leurs fortifications « ulterioribus » : « plus éloignées, situées au-delà des lignes ».
Ces retranchements-là n’étaient pas obligatoirement placés directement au-dessus de la plaine,
tout en étant situés en hauteur. M.Rat traduit bien : « camps supérieurs ».
Autour du mont Auxois, « les camps dominant la plaine, et pouvant correspondre à
l’adjectif comparatif « ulterioribus », « plus éloignés », étaient situés sur le rebord des plateaux de
la montagne de Bussy au Nord-Est, de celle de Flavigny au Sud, et du mont Réa, au Nord-Ouest
« Situs », « l’emplacement », ou la « position » des camps supérieurs », n’était donc pas
visible de l’armée extérieure, d’après le BG.
Mais les chefs gaulois de cette armée extérieure, placés sur la pointe de la montagne de Mussy,
avaient sous leurs yeux les pentes du Réa, où aura lieu le fameux combat de Vercassivellaun, à
une distance de deux kilomètres et demi, de l’autre côté de la plaine des Laumes. Pourquoi donc
80
alors se renseigner auprès des gens du pays pour en trouver le chemin ? Rappelons que, en dehors
de la plaine « de 3000 pas », demeurée inexpugnable, les 60 000 gaulois de Vercassivellaun n’ont
pu trouver d’autre solution que de contourner largement, par une marche de nuit épuisante, ces
fameuses fortifications romaines « supérieures » et « plus éloignées », tandis que le gros de
l’armée extérieure ne pouvait faire mieux que de se poster en avant de son camp, sans même
pouvoir se déployer tout autour de la circonvallation romaine.
Cela est incompréhensible aux Laumes où, d’une part la marche de toute une nuit n’était pas
nécessaire pour contourner le Réa, d’autre part rien ne s’opposait au déploiement total de l’armée
extérieure autour des Romains, sur les « montagnes » de Flavigny, de Bussy et sur le plateau Nord
dont le Réa forme un simple appendice. De nombreux historiens en ont conclu à l’incapacité
militaire, puis à la trahison des Eduens - laissant détruire Vercingétorix et ses Arvernes par César
pour mieux s’assurer les bonnes grâces du vainqueur et l’hégémonie future sur la Gaule.(1)
Si l’on se réfère au site jurassien de Syam-Chaux-des-Crotenay dans l’hypothèse A.Berthier,
l’examen du terrain et des restes des fortifications présumées que l’on y suppose ou que l’on y
découvre, nous éclaire remarquablement : il était quasiment impossible d’agir autrement que l’ont
fait les Gaulois de l’armée extérieure.
Le relief escarpé, les vallées étroites barrées par des lacs, les postes d’observation fortifiés
et l’aménagement extraordinaire du terrain par les Romains rendaient tout contournement très
long et hasardeux. Aucune vision d’ensemble n’était possible. Les éclaireurs du pays étaient
nécessaires pour ne pas s’égarer. La marche de nuit de Vercassivellaun était ce qu’il y avait de
mieux et de moins pénible à faire dans ces conditions pour son armée, encore se trouvait-elle
complètement séparée, sur son point d’attaque, du reste de l’armée extérieure. Aurait-elle choisi
une autre solution ? C’était encore pire. L’armée extérieure était obligée, sur ce terrain, de se
fractionner en plusieurs corps entièrement coupés les uns des autres par de longues heures de
marche, sans se voir, et donc sans pouvoir s’appuyer l’un sur l’autre.
Ce relief particulier dû à un accident très rare de plissements montagneux bien connu des
géologues (et le seul du Jura) peut être schématisé par un triangle (l’éperon barré naturellement)
dont chaque angle est prolongé par une chaîne de montagne. Il est impossible de passer d’un côté
à un autre du triangle sans franchir l’une de ces chaînes. Cela explique l’extrême difficulté pour le
contourner.
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Cela exclut la montagne de Flavigny, toute proche de celle de Mussy, mais pourrait correspondre à celle de Bussy, du
côté opposé à celle de Mussy et cachée par le mont Auxois. Pourquoi le rebord du plateau de Bussy, fouillé par
M.Reddé et où auraient été retrouvées deux balles de fronde en plomb marquées « T.Lab », ne serait donc pas le
« superiora castra » indiqué par le BG ? Tout simplement parce qu’il ne domine pas la plaine des Laumes, à l’Ouest,
considérée comme « la plaine de trois mille pas », mais s’en trouve presque à l’opposé, au Nord-Est. De plus, toutes
les monnaies et autres trouvailles des fouilleurs de Napoléon III ont été découvertes en un point au pied du mont Réa,
considéré comme le « superiora castra » où s’est déroulée la bataille finale. Aux Journées Archéologiques à
l’Université de Bourgogne, 1994, M.Reddé déclarait qu’il arriverait au bout de sa mission sans avoir pu comprendre
le mont Réa, qui gardera ainsi encore longtemps ses mytères, bien que défendu par J. Le Gall, pour qui « point de
Réa, point d’Alesia », puisque la quasi totalité des monnaies et armes trouvées sous Napoléon III l’ont été dans
ses fossés ! »
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53. BG / LIVRE SEPTIEME : chapitre 83, paragraphe 2 :
A PROPOS DE LA COLLINE NORD
« Erat a septentrionibus collis, quem propter magnitudinem circuitus opere circumplecti non
potuerant nostri ».
L.A.Constans : « Il y avait au Nord une montagne qu’en raison de sa superficie nous n’avions pu
comprendre dans nos lignes »
M.Rat : « Au Nord était une colline que les nôtres n’avaient pu comprendre dans leurs lignes à
cause de son étendue »
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Notons tout d’abord que César signale seulement à cet endroit du récit l’existence de cette
hauteur : il ne s’embarrasse pas de détails topographiques sans utilité militaire1. Par contre, il
n’omet pas de préciser, au moment utile à la compréhension des événements, un élément
géographique qui prend toute son importance à un instant de la bataille.
Cette « hauteur » -car les traducteurs emploient l’un « colline » et l’autre « montagne »n’avait pas une grande « superficie », ni une grande « étendue » comme on lit ci-dessus, mais un
« magnitudinem circuitus » : « un grand périmètre ».
« circuitus » : circuit, tour, enceinte (Gaffiot).
Exemple : « minorem circuitum habere » (BG III, 44, 5) : « embrasser un moindre
pourtour ».
Le terme est adapté à la longueur des retranchements qui auraient du entourer cette montagne
Nord.
Ceci n’est pas sans importance. En effet, si l’on se souvient (voir plus haut) que « collis »
était plutôt une hauteur considérée dans sa verticalité et non dans son étendue, on voit mal cette
colline être un vaste plateau, de surface très grande et mal délimitée comme l’arrière du mont Réa.
« Circuitus » implique au contraire un relief aux contours bien précis, qui s’accorde bien avec le
mot « collis », tandis que « surface » ou « étendue » se rapporteraient plutôt, dans la langue de
César, à « mons »2. Or, il parle bien de « septentrionibus collis », « colline Nord ».
En dehors du Réa, au Nord-Ouest, qui est l’appendice d’un immense plateau, lequel
revient derrière la plaine de Grésigny et rejoint la « montagne de Bussy », ne formant qu’un seul
et même relief, on ne voit pas où l’on pourrait placer cette « septentrionibus collis » sur le site des
Laumes.
Pour L.A.Constans : cf. 83, 2 sq., « cette montagne est le mont Réa » (sans explications)
Pour M.Rat : note 192, « le mont Réa » (sans explications). Ils n’ont pas le moindre doute.
Mais pour d’autres auteurs- dont P.Camus (Le Pas des Légions), reprenant la thèse d’autres plus
anciens, comme Jacques Harmand : (note 123), « L’opinion générale est qu’il s’agit du mont
Réa... thèse à laquelle s’opposent les considérations suivantes : l’ultime bataille s’est déroulée à
notre sens sur la très vaste montagne de Bussy dont 300 mètres de profondeur environ, en pente
légère descendante, sont inclus dans la circonvallation. Etendue et légère pente vont dans le sens
de César, lequel est radicalement contredit par le mont Réa, de forte pente et de faible superficie.
La situation de Bussy dans cette grande ellipse répond mieux aux circonstances générales où le
récit nous a amenés. Après les deux combats de plaine, on se tourne ailleurs et, selon toute
vraisemblance, assez loin ailleurs.
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A Gergovie, il décrit l’oppidum placé sur une « montagne » fort élevée (600 à 700 mètres). Mais il ne prend pas la peine de
signaler derrière cette « montagne » la présence du Puy de Dôme avec son cortège de volcans, qui domine pourtant toute la
région d’une altitude de 1485 mètres (alors que la plaine de la Limagne est à 300 mètres)
2
Voir la différence entre « mons » et « collis » chez César dans Le génie militaire de Vercingétorix et le mythe d’Alesia, de
R.Potier.
82
On a besoin d’enquêtes et d’envoi d’éclaireurs pour décider du nouveau terrain de combat. Or, le
mont Réa est, depuis leur arrivée, à la vue des chefs de l’armée de secours. Qu’ont-ils besoin de
longs discours pour se faire une opinion sur lui, et de leurs propres yeux s’ils veulent bien faire le
léger effort de s’y rendre ?
Accorder deux légions -hors circonvallation ?- à cette petite presqu’île montagneuse, n’est-ce pas
déséquilibrer les 19 autres kilomètres à protéger ? Bussy au contraire au front plus étendu que
Flavigny, les requiert. Plus encore les 60000 hommes (où les mettra-t-on au mont Réa) de
Vercassivellaunos ont besoin de la nuit presque entière pour gagner l’arrière de leur point
d‘attaque. Ils auront plusieurs heures avant midi pour se remettre de leur « épuisement ». Or le
Réa est à deux kilomètres de la première ligne de l’armée de secours !
La force assaillante se dissimule avant d’être, en très peu de temps semble-t-il, au contact.
Comment expliquer cela, qui est si facile à Bussy, avec le Réa ?
Dans l’ultime phase la cavalerie césarienne surgit, elle aussi, par derrière. Si elle était allée au
mont Réa, comment n’aurait-elle pas été aperçue au Sud ? à l’Est ? à l’Ouest ?, avant d’agir, par
les Gaulois mis sur leur garde ?
La force d’intervention est à la fin, prise dans une souricière. Si on ne voit guère celle-ci au mont
Réa, on la rencontre parfaitement réalisée à Bussy : cavalerie romaine à l’arrière, lignes
romaines au devant, et sur les côtés les pentes abruptes du Rabutin à l’Est, celles du Ru de Vaux
vers Darcey à l’Ouest.
Vercingétorix semble n’avoir compris le déclenchement de la dernière bataille qu’à la vue des
forces de l’armée de secours descendant de leur camp de Mussy. Il semble avoir réservé ses
opérations principales au Sud-Ouest et au Sud, mais pas particulièrement au mont Réa où il
aurait dû absolument courir pour ouvrir le couloir de la délivrance si les 60 000 guerriers
s’étaient présentés là.
Enfin, dernière réalité, d’une grande signification : ce sont les assiégés d’Alesia qui les
premiers voient la fuite de l’armée attaquante. L’armée de secours, dans la chronologie brève du
final ne devine la défaite qu’après eux, au son de la trompette affolée d’Alesia. C’est impensable
pour le mont Réa, tandis qu’en effet le rocher lui cache Bussy, au surplus trop éloigné d’elle.
Contre les données du récit le fait qu’on ait découvert ossements, armes et monnaies
essentiellement dans la zone du Réa demeure peu probant. Il s’agit d’éléments mobiles et
transportables qui, ainsi que l’a vu Jacques Harmand par analogie avec d’autres exemples et
entre autres hypothèses, purent constituer les restes d’un amas d’armes à caractère de trophée
dans la coutume des nombreux Celtes, de l’armée de César » (P.Camus, Le pas des Légions,
Diffusion Frankelve, Paris 1974).
Cette leçon pour Bussy est taillée en pièces par J.Le Gall : la thèse officielle, malgré son
invraisemblance totale, reste le Réa... où les « progrès de la recherche actuelle » n’apportent rien
de plus que celle du XIXe s. Les fouilleurs de Napoléon III, sans méthode archéologique,
n’auraient-ils absolument rien laissé sur le terrain ? Or, ils n’avaient pratiquement fait que des
coupes dans les fossés.
La thèse officielle de l’Université, avec J.Le Gall, s’accroche donc au mont Réa. Point de
Réa... plus d’Alesia ! Le dépôt d’armes à caractère de trophée n’est pas retenu car improbable.
Dans quel but César aurait-il laissé s’accomplir ces rites, et s’il l’avait fait, pourquoi avoir laissé
déplacer de plusieurs kilomètres les restes sacrés, armes, monnaies et aussi cadavres des guerriers
et de chevaux (puisqu’il y aurait eu des ossements au Réa) depuis les montagnes de Bussy
jusqu’au Réa ? Non, si la réalité du texte joue pour Bussy, celle des « trouvailles » du XIXe s.
joue pour le Réa. (1)
Notons en passant, que ni le Réa, ni la croupe de Bussy ne sont « a septentrionibus
collis », une colline au Nord : l’un est au Nord-Ouest, l’autre au Nord-Est. Mais c’est un faux
argument, nous explique J.Le Gall (Revue Historique des Armées, n° spécial Alesia, 1987) : cela
dépend du point d’observation : au Nord de quoi ?... du centre géographique de l’oppidum ou
d’un point des lignes romaines qui pouvait être à l’Est ou à l’Ouest de celui-ci ? Aucune des deux
hypothèses n’est absolument convainquante. Il est vrai qu’aux Laumes, le Réa est au Nord de la
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pointe Ouest de la montagne de Flavigny où l’on situe l’ « observatoire de César »... Mais alors, il
n’est pas au Nord de l’oppidum !
C’est un dilemme qui disparait à Syam, dans l’hypothèse A.Berthier, où la Côte Poire,
d’un périmètre bien délimité, est non seulement exactement au Nord du centre géographique du
« plateau oppidumial » mais aussi, dans une moindre mesure, au Nord des fortifications romaines
placées en hauteur et de la terrasse supérieure de la plaine de Syam, où l’on présume que se
trouvait le « praetorium » de César.
En outre, si cette Côte Poire est d’un périmètre tel qu’elle n’avait pu être complètement
englobée dans les lignes romaines, elle est très escarpée, entourée presque entièrement de falaises,
sauf au Nord du côté de son thalweg intérieur.
Ainsi le texte de César, non seulement n’obscurcit pas notre compréhension des éléments
retrouvés sur le terrain du Jura, mais au contraire il l’éclaire profondément. Texte et terrain sont
en symbiose.
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Il est à noter dans ce dossier la découverte de deux balles de fronde en plomb, gravées « T.
L, ou T.LAB »(1), attribuées à Titus Labiénus par M.Reddé, indiquant qu’elles proviendraient
« du camp de Labiénus ». Le lieu de la découverte serait le camp C, sur le rebord du plateau de
Bussy, qui deviendrait ainsi le « superiora castra » de César- le camp Nord- à la place du Réa. En
effet, le lieutenant de César n’a exercé qu’en ce lieu un commandement direct au combat, pendant
le siège d’Alesia. Mais que deviennent alors les autres découvertes faites au pied du Réa cher à J.
Le Gall ?...Les centaines de monnaies de toutes les nations, les brassées de javelots retirés de l’un
de ses fossés par Victor Pernet, …sont-elles « extirpées du dossier Napoléonien » ?
A propos de ce « camp de Labiénus », nous verrons plus loin dans le récit de la bataille finale, que
Labiénus, étant l’équivalent d’un général d’armée, avait une position hiérarchique supérieure à un
commandant de légion,- un légat-, et n’avait donc pas de camp légionnaire sous son propre
commandement. Il restait attaché à l’état-major, sous les ordres directs de César, sauf quand ce
dernier l’envoya au combat final du camp Nord, contre Vercassivellaun, avec des cohortes
prélevées sur des légions voisines (ce qui confirme qu’il n’avait pas de légion sous son propre
commandement.)
Il était donc impossible aux soldats de ces cohortes, prélevées où c’était possible sur les autres
légions et envoyées en urgence pour renforcer les deux légats de ce camp Nord, d’avoir
concrètement le temps de fondre des balles en plomb au nom de leur nouveau chef temporaire qui
les menait directement au combat.
Il convient en conclusion de rester réservé sur ces éléments « signés » considérés comme preuve,
quand ils ne s’inscrivent pas dans un contexte cohérent. Souvenons-nous de la statue marquée
« Bibracta » trouvée à Autun, qui a longtemps égaré les recherches sur la vraie Bibracte au MontBeuvray.
©
re
r
e
Pi
d
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m
y
A
et
c
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A
u
J
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é
h
S
a
r
1) Les frondeurs (BG II, 7,2 – X, 1 – XIX, 4 – XXIV, 4), « funditores » étaient le plus souvent des soldats étrangersnotamment originaires des Baléares-. Ils lançaient des balles de plomb ovoïdes, comme celles retrouvées à Ascoli ou à
Pérouse. Elles portaient le nom d’une légion ou d’un personnage, ou des inscritions de bravoure et des plaisanteries
soldatesques.
84
54. BG / LIVRE SEPTIEME : chapitre 83, paragraphe 3
DESCRIPTION DU (DES) CAMP(S) NORD
« necessario paene iniquo loco et leniter declivi castra fecerant ».
L.A.Constans : « et on avait été forcé de construire le camp sur un terrain peu favorable et en
légère pente »
M.Rat : « ce qui les avait obligés d’établir le camp sur un terrain presque défavorable et en légère
pente »
L’adjectif « iniquus » (cf. Gaffiot), dans son premier sens, se traduit par « inégal ».
Exemple : « locus iniquus » (César, BCiv. I, 45, 2) : « lieu accidenté ».
Dans son deuxième sens seulement, il se traduit par « défavorable », « incommode ».
Ensuite le substantif latin « castra » est invariablement au pluriel, ce qui laisse la possibilité de le
traduire par un camp ou plusieurs camps, selon le contexte.
Aux Laumes on a décidé unanimement qu’il n’y avait qu’un seul camp, et qu’il était placé
dans un lieu défavorable -le flanc du Réa- plutôt qu’accidenté, ce qui convient au terrain.
A Syam, A.Berthier a très rapidement découvert un camp présumé sur le col de Crans, au
flanc de la Côte Poire, à une altitude d’environ 700 mètres1. Ce camp Nord, outre ses murs en
chicane, serait - à priori - renforcé par une zone de pièges. Pour A.Berthier, ce camp était le seul,
mais il était disposé sur deux niveaux pour correspondre aux deux légats nommés par César pour
la défense du col de Crans. Cette zone a fait l’objet de fouilles pendant les autorisations de 1970,
1971 et 1972.
D’après un chercheur indépendant, Claude Allard (2), il serait possible qu’un deuxième camp,
relié au premier par des coursives, ait pu avoir été établi sur le plateau dit « de la Singe ». Celui-ci
se trouve lui aussi placé au pied d’une autre hauteur, dénommée « montem » et non plus « collis »
par César, car elle est plus large, bien que moins saillante que la Côte-Poire. A.Berthier n’avait
pas accrédité ce possible deuxième camp, peut-être faute d’avoir eu la possibilité d’y réaliser des
fouilles, et pensant peut-être qu’il exagérait la longueur des fortifications.
La phrase suivante du BG donne bien l’indication qu’il y avait deux légats : « Haec
C.Antistius Reginus et C.Caninius Rebilus legati cum duabus legionibus obtinebant » : « Il était
occupé par les légats C.Antitius Reginus et C.Caninius Rebilus, à la tête des deux légions »
(L.A.Constans et M.Rat).
Il semble étonnant, en effet, que César ait pris le soin d’indiquer qu’il y avait deux chefs
s’il n’y avait eu qu’un seul camp. En effet, il est plutôt dans la manière d’agir de César de donner
le commandement d’un même corps d’armée à un seul général pour éviter les problèmes de
hiérarchie et de susceptibilité lorsque deux légions devaient être disposées dans un même camp,
aux ordres d’un seul commandant. L’examen du site montre que le débouché du col de Crans, pris
entre deux camps formant une nasse en « doigts de gant » aurait été mieux défendu qu’avec un
seul, ou deux en gradins d’un même côté, laissant un couloir d’invasion arriver directement sur l’
« agger » de circonvallation.
Claude Allard montre des murs de même nature que ceux retrouvés plus au Sud-Sud-Ouest sur le
premier camp. De nombreux tas de cailloux alignés, ne paraissant pas être des talus
d’épierrement, sont visibles dans tout le secteur boisé auprès de ces murs. Là encore, des fouilles
seraient nécessaires pour acquérir des certitudes, un tumulus ressemblant souvent à un autre.
Que « castra » soit employé dans un contexte impliquant un ou deux camps, le texte du
BG n’est, ici encore, pas en contradiction avec le terrain... de l’hypothèse A.Berthier dans le Jura.
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Son altitude en fait incontestablement un « superiora castra », « camp supérieur » (690 mètres contre 550 mètres pour la
plaine de Syam).
2) « Alesia-Chaux-des-Crotenay , La Bataille du Camp Nord » 4 tomes, 1992, 1993, 1996- chez l’auteur à Dole.
85
Rappelons qu’aux Laumes, la discussion ne porte pas sur l’existence d’un ou deux camps, mais
sur la possibilité d’en placer un seul au Réa ou à Bussy.
55. BG / LIVRE SEPTIEME : chapitre 83, paragraphe 4:
L’APPROCHE DE VERCASSIVELLAUN
« ...adeundi tempus definiunt, cum meridiem esse videatur ».
L.A.Constans : « ...ils fixent l’heure de l’attaque au moment où l’on verra qu’il est midi »
M.Rat : « ...ils fixent l’heure de l’attaque au moment où l’on verra qu’il est midi »
s
e
t60 000 hommes,
i
Ce passage concerne la mise en place de l’attaque du corps d’armée de
prélevés parmi les plus expérimentés sur l’ensemble des troupes gauloises S
Ce corps
a extérieures.
d’armée commandé par Vercassivellaun, cousin de Vercingétorix, après
sa marche nocturne
r
u montagne ».
épuisante, va se reposer toute la matinée « post montem », « derrière une
J
Ensuite, suivons bien le texte de César : il ne dit pas que
o le corps de Vercassivellaun va
« attaquer » comme l’indiquent les deux auteurs ci-dessus : é
h transitif et intransitif) : aller vers (au
« Adeundi » est le gérondif du verbe « adire » (verbe
c
sens militaire), s’avancer, se porter en avant (Gaffiot). r
A BG VII, 6, 1) : « César... pénètre dans le
Exemple : « Caesar... adit tripertito » (César,
t
pays en trois endroits » (et non « attaque » le pays,
il y a une nuance).
e
Nous rétablissons le texte ainsi : « ils fixent l’heure de s’avancer quand on verra qu’il est
dsont « post montem », « derrière une montagne », ils ne
midi ».
r
Il est évident que si les Gaulois
a avant d’avoir franchi la croupe de cette montagne avec tout
peuvent se ruer directement à l’assaut
m
leur matériel. Ce ne peut donc
être l’attaque proprement dite, mais l’approche finale qui est fixée à
y
midi. Il pouvait y avoirA
ainsi encore plusieurs kilomètres à franchir avant d’arriver sur les
fortifications romaines.
e Ceci est incompréhensible sur le site des Laumes où les troupes gauloises,
massées derrière r
larcrête du Réa devaient fondre directement sur « le camp » placé sur son flanc
Est, à quelques
iedizaines de mètres seulement.
Cela
est également difficile à admettre à Syam, dans l’hypothèse A.Berthier, si l’attaque
P
gauloise massive avait eu lieu uniquement par le thalweg de la Côte Poire en direction du camp de
© d’Aufferin : il ne pouvait y avoir de temps d’approche, puisque cette attaque débouchait
la Grange
directement sur les fortifications du camp Nord. Ensuite ce thalweg nous paraît n’avoir pu
contenir que la moitié des 60 000 Gaulois. De plus, le couloir d’accés laissé libre au Sud par les
abrupts est étroit. Assez peu d’hommes auraient pu y attaquer de front.
A.Berthier s’est cependant arrêté à cet unique camp pour ne pas augmenter la longueur de la
circonvallation. Il faut reconnaître qu’il y a là matière à discussion, le BG indiquant que cette
circonvallation était constituée de zones de défense suivant le terrain le plus favorable, plutôt que
d’une simple ligne, et réalisées de manière semblable à la contrevallation. Les « superiora
castra » devaient être des camps formant « verrue » sur la circonvallation. (2)
Si Vercassivellaun, partant des échelons arrière de l’armée extérieure dans la plaine de
Champagnole, avait fait un large détour au Nord pour contourner le plateau de « la Singe », et
s’était reposé « post montem », à l’Est du village de Crans, dans le bois de la Chancelle, alors
il lui restait encore environ deux kilomètres à parcourir sur un large terrain en légère déclivité
et comportant de nombreux replis, comme l’indique le BG, avant d’arriver sur le flanc Est du
camp Nord de la Grange d’Aufferin. Il était hors de question de parcourir une telle distance au
86
pas de charge, en portant armes et claies, même sur un terrain favorable. Or César nous dit
(voir plus haut) que le terrain était inégal. Il fallait donc bien « approcher », « se porter en
avant », faire aussi avancer et mettre en place le matériel de franchissement des fossés, avant
de déclencher, par une clameur générale,1 l’attaque brutale et simultanée des lignes romaines.
NB / La discussion porte sur la position de l’armée extérieure sur le plateau du Surmont, car de celle-ci découle le point
d’arrivée sur le col de Crans. Nous avons souligné que la position de cette armée sur le Surmont ne permettait ni la vue, ni
l’accès direct à la plaine de Syam, à cause de l’importance de sa falaise et du lac du Vaudioux. Or César indique bien que :
« les Gaulois, de toutes parts, ceux qui étaient enfermés dans l’enceinte de nos lignes et ceux qui étaient venus à leurs
secours, encourageaient leurs frères d’armes par des clameurs et des hurlements… » (L.A.Constans) Toutes les troupes
gauloises et romaines suivaient donc l’évolution des combats dans les parties basses de cette plaine, masquée du Surmont par
les falaises de la Liège.
En faisant partir le corps d’armée de Vercassivellaun de la forêt de Sappois-Champagnole, comme indiqué en premier par Cl.
Allard, nous le voyons arriver, via le village de Lent, dans la combe Benard, derrière le Bois de la Chancelle, considéré
comme le « post montem » de César. La distance (12km) est la même que du Surmont à la Côte Poire, et peut donc
s’accomplir en une nuit, selon A.Berthier qui l’a vérifié. J.Berger les fait arriver au col de Crans par Sirod, le « post
montem » étant pour lui le Nord du village de Lent. C’est une hypothèse qui représente une marche nocturne de seulement 6
km, ce qui paraît peu pour avoir été exténuante et avoir nécessité toute une matinée de repos, en songeant que ces hommes
venaient de marcher sur des centaines de kilomètres pour parvenir ici depuis leur pays d’origine. Ce sont ces considérations
qui nous font opter pour le « post montem » à la Chancelle. La manœuvre finale d’encerclement par César s’y trouve, de
plus facilitée. La discussion est cependant ouverte pour déterminer plus précisément ce lieu, en fonction des éléments à
rechercher in situ. Cf : « La bataille du Camp Nord », par Claude Allard à Dole.
s
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Pour en revenir au texte, et à la traduction du mot h
« adeundi », il est curieux de constater que
c
L.A.Constans, trois phrases plus loin (BG VII, 84,
7) reprend ce sens d’ « approche » et non d’
r
« attaque », lorsqu’il traduit : « Cum jam meridies
adpropinquare videretur, ad ea castra quae
A
supra demonstravimus contendit » : « Quand
il
vit
qu’il allait être midi, il (Vercassivellaun) se
t
dirigea vers le camp dont il a été question
e» (L.A.Constans)– et non : « il l’ attaqua ».
Nous remarquons tout d’abord qued
César ne parle encore pas d’attaque, mais une nouvelle fois
r
d’approche.
a
Ensuite, nous nous trouvons devant une expression fréquente chez César quand il veut nous faire
msituation qu’il a déjà décrits auparavant (comme pour la plaine de
bien observer un site ouyune
3000 pas) : « adea castra
A quae supra demonstravimus » : « (il se dirige) vers les camps dont nous
avons parlé plus haut ».
ecas, c’est bien sur les deux légions de Reginus et Rebilus que va tomber le poids
Dans ce
r
r
de l’attaque
: 10 à 12 000 hommes vont recevoir l’assaut de 60 000 guerriers... c’est logiquement
eassurée
i
la victoire
ces derniers.
PPar contre,pournous
voyons que la même expression habituelle « quae supra
demonstravimus
» n’a pas été employée par César à la phrase précédente du même chapitre (BG
©
VII, 83) : « ... post montem se occultavit militesque ex nocturno labore sese recipere jussit » : « il
se dissimula derrière la montagne et fit reposer ses soldats des fatigues de la nuit »
(L.A.Constans). M.Rat traduit de façon similaire.
Si César avait voulu nous reparler de cette colline au Nord, au pied de laquelle était placé
le ou les camps « dont il a été question tout à l’heure » (« quae supra demonstravimus »), il aurait
sans doute écrit : « post collem quae supra demonstravimus ad septentrionem se occultavit » : il
se dissimula derrière la colline au Nord dont il a été question plus haut » (sous entendu, au pied de
laquelle se trouvaient les deux légats Reginus et Rebilus).
Si César n’a pas employé « montem » au lieu de « collis » pour une simple variation de style, alors
il faut voir dans « post montem » une seconde hauteur, de forme différente puisqu’elle est
nommée « mons » et non plus « collis » (voir en annexe 1 ci-après la différence entre « mons » et
1
Comme lors de l’attaque de la plaine de 3000 pas, la nuit précédente.
2) A.Berthier a fait faire une reconnaissance par le général Jacquinot, pour évaluer la possibilité pour Vercassivellaun
d’arriver dans le thalweg de la Côte-Poire en une nuit en partant du Surmont, ce qu’il a pu démontrer. Mais la discussion
porte sur la position de l’armée extérieure sur cette colline.
87
« collis » déterminée par René Potier (« Le Génie Militaire de Vercingétorix et le Mythe AliseAlesia », Editions Volcan).
Aux Laumes, nous nageons en plein mystère. A moins que « collem » soit le Réa et
« montem » la montagne de Bussy ? Mais comment Vercassivellaun pouvait-il se cacher derrière
l’immense plateau dénudé de Bussy, dont César tenait les crêtes Ouest, pour aller ensuite attaquer
« le » camp des légats placé par J.Le Gall au pied du Réa ? La haute vallée du Rabutin est bien
trop éloignée du camp C, et la combe du château de Rabutin trop étroite pour que l’on puisse
songer à en faire un « post montem » acceptable.
56. BG / LIVRE SEPTIEME : chapitre 84, paragraphe 1 :
s
e
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L’ATTAQUE GENERALE DE LA CONTREVALLATION PAR L’ARMEE
INTERIEURE
S
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u
J
L.A.Constans : « On se bat partout à la fois, on s’attaque à tous les
o ouvrages »
M.Rat : « Un vif combat s’engage en même temps, de toutesé
parts et on essaie de forcer tous les
h
ouvrages »
c
r de Vercingétorix, simultanément, « uno
A
On découvre ici la fureur de l’attaque des hommes
tempore » et en tous les points, « omnibus locist» de la contrevallation. Nous remarquons que les
auteurs font la même répétition : après avoir e
dit qu’on se battait « sur tous les points », ils ajoutent
que « tous les ouvrages sont attaqués ». d
La nuance est minime car il y avait des ouvrages partout :
r César, à notre sens, n’a pas dit cela : « atque omnia
les lignes continues étaient des ouvrages.
a
temptantur », du verbe « temptare
», verbe transitif :
m
Dans le contexte : « essayer
de, venir à bout ».
y
Il semble que « tenter, essayer
»,
comme
indique M.Rat, et que L.A.Constans omet de préciser,
A
donne bien la vision de
ce qui se passe.
e
r
Si les Gaulois
sont
effectivement repartis pour fixer les défenseurs, ils n’attaquent sans
r
doute pas tous
les
ouvrages
avec la même force : ils s’occupent surtout de ceux qui barrent le
e
i
chemin le P
plus direct en vue de la jonction avec l’autre armée gauloise, qui attaque en face au
même moment. Par contre, on « essaye tout » (« omnia temptatur »), « par tous les moyens »,
pour ©
venir à bout des fortifications romaines. Ces Gaulois qui viennent de subir un mois et demi
« Pugnatur uno tempore omnibus locis atque omnia temptantur ».
de siège paraissent-ils harassés, morbides, affamés, comme le supposent les historiens ? (cf.
J.Harmand). Ils ont l’air, au contraire, en pleine forme ! Descendent-ils du plateau encombré, de
97 hectares du mont Auxois, ou des 900 hectares de l’éperon barré verdoyant, avec de multiples
ressources en eau, de Chaux-des-Crotenay ?
88
57. BG / LIVRE SEPTIEME : chapitre 84, paragraphe 2 :
LES ROMAINS SONT SUR LE POINT D’ETRE SUBMERGES
« Romanorum manus tantis munitionibus distinetur nec facile pluribus locis occurit ».
L.A.Constans : « Les Romains, en raison de l’étendue des lignes, sont partout occupés, et il ne
leur est pas facile de faire face à plusieurs attaques simultanées »
M.Rat : « L’étendue de nos lignes retient partout les troupes romaines et les empêche de faire face
aux attaques simultanées »
Le verbe « distinere » indique une précision que n’apporte aucun des deux traducteurs.
« distinere » : « tenir séparé, éloigné, partagé »(Gaffiot),
Exemple : « tigna distinebantur » (César, BG IV, 17, 7) : « les pieux étaient tenus écartés ».
s
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r
L’impression qui en découle est claire : les troupes romaines sont partagées en deux :
celles qui se battent sur la contrevallation et celles qui sont sur la circonvallation.
Nous restituons plus précisément : « L’effort des Romains est partagé de part et d’autre de
leurs si importantes fortifications, et il ne leur est pas facile de faire front sur des points
supplémentaires ».
En effet, le mot « pluribus », ablatif pluriel de « plus, pluris », indique « davantage »,
« plus », une « plus grande quantité », et non « plusieurs » (pour lequel César emploie d’habitude
le mot « complures »). La précision de cette phrase indique le désarroi des Romains devant
l’attaque simultanée de leurs deux lignes de défense, là où elle a pu se produire. Heureusement
pour eux, il n’y avait pas beaucoup d’endroits où le relief en laissait la possibilité. Cela leur
permit de prélever des renforts sur les points où il était impossible aux deux armées gauloises de
mener une attaque face à face et simultanée. Ces prélèvements de troupes auraient été impossibles
sur le site des Laumes, car la totalité des lignes romaines pouvait être attaquée en n’importe quel
point par les deux armées gauloises face à face. Aucun endroit n’y est suffisamment protégé par la
nature pour que César ait pu se permettre de dégarnir son double front où que ce soit1.
Sur la partie de la double ligne attaquée par les deux armées face à face, donc du côté des
légats Reginus et Rebilus, sur le flanc de la montagne Nord, les lignes romaines, contrevallation et
circonvallation, devaient être proches, car c’est à ce moment-ci du combat que l’armée intérieure
a percé la contrevallation, -on se bat donc entre les deux lignes- et que César nous avoue la crainte
principale du légionnaire : entendre dans son dos (sur la ligne fortifiée opposée) la clameur du
combat alors qu’il fait front lui-même sur sa propre ligne.
C’est ce que traduisent fort justement les deux auteurs étudiés : « ce qui contribue
beaucoup à effrayer nos soldats, ce sont les cris qui s’élèvent derrière eux, parce qu’ils voient que
leur sort dépend du salut d’autrui : le danger qu’on n’a pas devant les yeux est, en général, celui
qui trouble le plus » (BG VII, L.A.Constans)
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Quel chef romain aurait pu dégarnir le camp de Flavigny pour aller renforcer le Réa, alors que 180 000 Gaulois étaient
stationnés tout près, sur la montagne de Mussy et dans la plaine des Laumes ? César dit qu’ils étaient placés devant leur
camp. S’ils n’ont pas bougé, ils se tenaient prêts à le faire à la moindre manifestation de faiblesse des Romains.
89
58. BG / LIVRE SEPTIEME : chapitre 85, paragraphe 1:
CESAR SUIT LA SITUATION DE PRES
« Caesar idoneum locum nactus quid quaque in parte geratur cognoscit ».
L.A.Constans : « César, qui a choisi un bon observatoire, suit l’action dans toutes ses parties »
M.Rat : « César, qui a choisi un poste d’observation favorable, suit tout ce qui se passe de chaque
endroit »
Le mot « nactus », participe passé du verbe « nanciscor », ne peut vouloir dire « choisir »,
mais plutôt : « obtenir (par surprise), tomber sur, trouver » (Gaffiot).
Exemple : « Ventum et aestum uno tempore nactus » (César, BG IV, 23, 6) : « il se trouva
avoir en même temps un bon vent et une marée propice » (trad. L.A.Constans)
Il est évident que César « s’est trouvé dans un endroit convenable », plus qu’il n’a choisi
un bon observatoire. C’est tout ce que l’on peut faire dire au texte. Le mot « observatoire » même
est limitatif dans le contexte. « Idoneum locum » est tout simplement « un endroit convenable »...
pour observer, comme pour donner des ordres ou se porter lui-même avec des cohortes sur un
point en réel danger (ce qu’il va faire sans tarder quand les falaises seront escaladées par les
Gaulois de l’intérieur). Il s’agit donc plus que d’un simple observatoire : c’est un véritable poste
de commandement qu’occupait César, à l’endroit précis où il fallait qu’il soit par rapport à la
bataille en cours. Il faut chercher cet endroit tout près des lignes attaquées simultanément, donc
sur les deux fronts, intérieur et extérieur –« quaque in parte geratur ».
L.A.Constans n’émet aucune opinion sur cet endroit, laissant le lecteur se faire la sienne.
Pour M.Rat, en note 193 : « Sans doute les montagnes de Flavigny ».
…c’est-à-dire à l’opposé de l’endroit attaqué par l’armée extérieure, le camp Nord : soit le
Réa (pour J.Le Gall), soit le plateau de Bussy, où auraient été trouvées les balles de fronde
« T.LAB », et donc appelé « camp de Labiénus », durant les fouilles récentes de M.Reddé.
Cette position de César sur le rebord du plateau de Flavigny, situé de l’autre côté de l’oppidum
par rapport au « superiora castra », où eut lieu l’attaque de Vercassivellaun, selon la thèse
officielle, ne peut être acceptée. En effet, dans les cas difficiles, dans les moments les plus
critiques, quand aucun secours ne pouvait être espéré, pendant six ans de guerre en Gaule, César
venait toujours au plus près des combats, parfois aux avant-postes, en première ligne, avec un
bouclier qu’il empruntait à un soldat de l’arrière. Il encourageait les centurions de la légion auprès
de laquelle il se trouvait en les appelant par leur nom1. Il n’est pas possible qu’un tel chef soit
resté à trois kilomètres en arrière des combats acharnés qui allaient décider du sort de l’armée
romaine, et du sien en particulier. Non, il était certainement tout près de ses soldats, sur une
position où il fallait qu’il se trouvât, et qui était en outre un « idoneum locum », un « lieu idoine ».
Ce lieu adéquat, tout près des combats au Nord, est introuvable aux Laumes2. Il est par
contre identifiable à Syam, dans l’hypothèse A.Berthier. C’est peut-être, initialement, le
promontoire isolé sur la terrasse haute de la plaine de Syam. De ce point, César peut voir les
Gaulois de l’intérieur attaquer les « praerupta », les falaises au dessus du Pré-Grillet (vallée de la
Saine), et enfoncer sa contrevallation. Il peut envoyer immédiatement Fabius, puis Brutus en
renfort avec 4 puis 6 cohortes. Voyant que cela ne suffit pas, il décide de partir lui-même avec
d’autres cohortes tirées de fortins plus en arrière, et peut enfin reprendre l’avantage. S’il ne s’était
s
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1
Exemple : BG II, 25 (Campagne contre les Nerviens) : « Les ennemis montaient en face de nous sans relâche, tandis que
leur pression augmentait sur les deux flancs ; la situation était critique. Ce que voyant, et comme il ne disposait d’aucun
renfort, César prit à un soldat des derniers rangs son bouclier... et s’avança en première ligne : là, il parla aux centurions
en appelant chacun d’eux par son nom et harangua le reste de la troupe ; il donna l’ordre de porter les enseignes en avant et
de desserrer les rangs afin de pouvoir plus aisément se servir de l’épée ».
2
C’est pour cela qu’on le place au Sud, à l’opposé des combats. Ce n’est donc pas un « idoneum locum », un « lieu idoine ».
90
pas trouvé là, tout près, il perdait la bataille d’Alesia car les hommes de Vercingétorix, après plus
d’un mois et demi de siège, avaient enfin percé la contrevallation et grimpaient au-dessus des
falaises. Ils allaient prendre la circonvallation à revers.
Après cette action contre les Gaulois de l’intérieur, ceux-ci étant maintenant repoussés en
bas des « praerupta », des falaises, César va alors changer de position pour être encore plus près
de la bataille en cours sur les camps de Reginus et Rebilus, les « superiora castra », où il a déjà
envoyé Labiénus en renfort. Il va chercher un lieu d’où il va pouvoir dominer ces « camps
supérieurs », pour observer le déroulement de la bataille contre Vercassivellaun.
Dans l’hypothèse A.Berthier, le lieu-dit « le Bois des Chênes », à une altitude de 820m, était bien
placé pour être un fortin de la circonvallation, au-dessus des falaises attaquées par Vercingétorix.
César a pu réunir à cet endroit les cohortes et la cavalerie. Ensuite, ayant décidé de faire une sortie
sur le flanc des Gaulois, il rejoignit la cote 813, au lieu-dit « Beauregard ». De cette hauteur, tous
les combattants sur le col pouvaient le voir – nous allons y revenir plus loin- : les Romains, comme les
attaquants gaulois qui arrivaient au corps-à-corps sur les remparts et allaient submerger les
défenseurs. Par comparaison, le col de Crans, où se déroulait la bataille, est à une hauteur
d’environ 720 m. César pouvait donc dominer de près de 100 m les combattants.
Nous voyons ainsi l’importance de la position du général en chef romain. Si elle n’est pas
connue précisément, ou placée à l’opposé des combats cruciaux, comme aux Laumes, on ne peut
comprendre son action, pas plus que le sens de la bataille finale d’Alesia.
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59. BG / LIVRE SEPTIEME : chapitre 85, paragraphe 2 :
t
e
VERCASSIVELLAUN EST SUR LE POINT DE VAINCRE
d
SUR LES FORTIFICATIONS
SUPERIEURES
r
a laboratur quo Vercassivellannum missum demonstravimus ».
« Maxime ad superiores munitiones
m
y
L.A.Constans : « LeA
danger est surtout grand aux fortifications de la montagne, où nous avons
dit qu’on avait envoyé
Vercassivellaun »
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M.Rat : « L’effort
porte
surtout sur les lignes supérieures, où nous avons dit qu’on avait envoyé
r
Vercassivellaun
e »)
P«i superiores munitiones » : « les lignes »- ou mieux « les fortifications supérieures ».
© avons vu que cette phrase, dans le contexte du mont Auxois, s’appliquerait soit, selon
Nous
J.Harmand, au plateau de Bussy, au Nord-Est, où ont été trouvées deux balles de fronde, soit au
mont Réa, au Nord-Ouest, d’après J.LeGall et le plan Napoléon III. Mais il faudra expliquer ici
comment les « fortifications supérieures » ont un pied dans la plaine de Grésigny, et le reste sur
le flanc Est du Réa, tandis que l’on aurait laissé le sommet de ce mont en dehors des fortifications
(alors qu’il aurait été un remarquable observatoire sur la plaine des Laumes pour surveiller
l’armée de secours).
Si l’on fait abstraction des « trouvailles » de Millot et Pernet pour Napoléon III au pied du Réa, et
que l’on considère alors le rebord du plateau de Bussy comme ayant été les « camps supérieurs »
des deux légats Reginus et Rebilus, où Labiénus est accouru en renfort dans l’après-midi de la
bataille finale, il reste à y placer la tactique de cette bataille :
Nous savons que Vercassivellaun a fait reposer « post montem » : « derrière la montagne » ses
60 000 hommes le matin de son attaque, après une longue nuit de marche éprouvante, pour ensuite
les faire approcher discrètement avec leur armes et leurs claies, « quand on verra qu’il est midi »,
en profitant des replis du terrain pour les cacher jusqu’au dernier moment. Il faut se rendre sur le
91
plateau plat et sec de Bussy, où l’on voit tout homme loin à la ronde, qui n’est surplombé par
aucune montagne, pour se rendre compte de l’impossibilité d’y placer ce mouvement de troupes.
Autre objection importante sur le plan militaire : nous voyons que ce camp, indiqué « C » sur le
plan Napoléon III, est situé sur le rebord du plateau avec, pour les Romains, le précipice dans le
dos. Aurait-il pu contenir sur ce point sans repli possible, les féroces poussées des Gaulois, dont
César dit qu’ils avaient franchi les fossés – mais il n’y en a qu’un seul trouvé par M.Reddé à cet
endroit- et se battaient au corps à corps sur la palissade ? De plus, dans les enceintes délimitées
par les lignes visibles sur les photos aériennes retrouvées sur le rebord de ce plateau, où aurait-on
logé les deux légions pré-positionnées, plus les 39 cohortes de Labiénus (même si elles n’étaient
que 11, selon certains manuscrits) ?
Et enfin, nous allons le voir dans le déroulement de la bataille finale, d’où César aurait-il pu
surplomber les troupes qui se battaient sur ce plateau, et se faire voir en s’approchant d’elles dans
son manteau de commandement de couleur pourpre ?
s
e
it
S
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r
LE ROLE DES MOUVEMENTS DU TERRAIN
u
J».
o
« Iniquum loci ad declivitatem fastigium magnum habet momentum
é
h
cgrand rôle »
L.A.Constans : « La pente défavorable du terrain joue un
r
M.Rat : « L’inclinaison favorable (?) des terrains a une grande importance »
A
t
Dans ce passage, plusieurs mots posent
problème (ex : « favorable » ou « défavorable »,
e
selon l’un ou l’autre auteur), ce qui rend la compréhension globale difficile. Nous retenons de
d mais pour qui ?
r
cette lecture que la pente a une importance,
Nous voyons de plus, que lea
mot « fastigium » : « la crête » (d’une montagne) n’est pas du
m
tout traduit, ni par un auteur, ni par l’autre.
y» est le substantif duquel est dérivé l’adjectif « declivus » : « en
Ensuite « declivitatem
A
pente descendante ». Le latin a la subtilité de distinguer, une pente montante : « acclivus » d’une
pente descendante :r«edeclivus ». Pourquoi ne pas profiter de la précision gratuite que nous offre
r appréhension de l’image que nous devons trouver sur le terrain ?
César pour une meilleure
e
Nous ipouvons restituer ainsi le texte : « Les inégalités en crêtes du terrain », ou encore :
P du terrain », sur la pente descendante de la montagne, avaient beaucoup
« les vaguelettes
d’importance
».
©Nous nous
apercevons que ce n’est plus la pente elle-même qui a de l’importance, mais les
60. BG / LIVRE SEPTIEME : chapitre 85, paragraphe 3 :
inégalités du terrain qui se trouvent en contrebas de la montagne derrière laquelle (post montem)
s’était concentrée l’armée de Vercassivellaun après sa marche de nuit.
César avait bien précisé (BG VII, 83, 3) qu’il avait été obligé de laisser construire le (ou
les) camp(s) des légats Reginus et Rebilius sur un terrain assez accidenté et en pente douce
descentante « leniter declivi castra ». De ces deux obligations, laquelle est la plus gênante pour
les Romains ? La pente ou les mouvements du terrain ? D’après le texte reconstitué ci-dessus, ce
sont les mouvements du terrain, et non la pente. Sous la crête Est du Réa, la pente est forte et les
accidents du terrain faibles. Nous venons de voir que cette phrase élimine la possibilité du plateau
de Bussy. Il n’y a aucune pente à descendre pour y attaquer les camps romains.
Revenons sur le site de Syam de l’hypothèse A.Berthier, plus exactement sur le col de
Crans, où arrivait l’attaque gauloise ayant contourné les camps romains de Reginus et Rebilus
placés sur ce col. Après s’être concentrée derrière le mont, « post montem », près du village de
Crans, la troupe de Vercassivellaun va s’approcher « adeundi » sur un terrain légèrement en
pente et semé de multiples accidents de terrain, tertres, talus, monticules, qui constituent autant
92
d’obstacles à la progression, mais aussi d’endroits pour avancer en « sauts de puces », masquant
ainsi l’avance et, jusqu’au dernier moment, l’amplitude de l’attaque gauloise. L’importance (pour
les deux parties) de ces mouvements de terrain s’explique ainsi. (1)
Nous pouvons de plus imaginer que ces mêmes replis de terrain pourront abriter les
attaquants fatigués et relevés sans cesse par d’autres. Il se pourrait aussi, comme nous le verrons
plus loin, qu’un de ces replis de terrain un peu plus important ait permis le contournement discret
par les cavaliers germains de tout le corps d’attaque gaulois, ce qui précipita la fin du siège
d’Alesia et la victoire romaine. Il était donc tout à fait normal que César en souligne l’importance.
1)
Cette succession de talus en vaguelettes se voit bien sur certaines photos aériennes avec soleil rasant, près du village
de Crans, au-dessus et à l’Est de la plaine de Syam.
s
e
tSUPERIEURES
i
LES ROMAINS N’ONT PLUS D’ARMES AUX FORTIFICATIONS
S
« Agger ab universis in munitionem conjectus et ascensum datra
Gallis et ea quae in terra
occultaverant Romani contegit, nec jam arma nostris nec vires suppetunt
u ».
J
o nos ouvrages leur permet l’escalade
L.A.Constans : « La terre que tous les assaillants jettent dans
é
et recouvre les obstacles que nous avions dissimulés dans
h le sol, déjà les nôtres n’ont plus d’armes
c
et leurs forces les abandonnent ».
r
M.Rat : « La terre que tous les Gaulois jettent dans nos retranchements leur permet de les franchir
A
et recouvre les pièges que les Romains avaient dissimulés dans le sol ; déjà les nôtres n’ont plus
d’armes ni de forces ».
et
d
Nous sommes tout près derla victoire gauloise sur Reginus et Rebilus. La phrase suivante
de César est alarmante : « Déjàa
les nôtres n’ont plus d’armes, et leurs forces les abandonnent ».
m
L’examen attentif du
texte appelle une remarque : la préposition latine « in », qu’elle soit
suivie de l’accusatif (s’ilyy a mouvement) ou de l’ablatif (s’il n’y a pas de mouvement) peut être
traduite par « dans A
», « en » ou « sur » selon le contexte. Dans le cas présent, les Gaulois
e
accomplissent r
une seule et même action : jeter de la terre. Cette terre était d’abord jetée « dans »
r
les trous, pour
les pièges, puis « sur » les remparts pour en permettre l’escalade. La
e« dansrecouvrir
i
traduction
les ouvrages » prête à confusion. Si « in munitionem » veut simplement dire
P », cette traduction de « in » par « dans » est à la limite judicieuse . Le but de jeter de
« les fossés
la
©terre n’est évidemment pas « l’escalade » des fossés mais leur franchissement. Si
« munitionem » veut dire « rempart élevé » (talus, mur palissade) alors « agger in munitionem
61. BG / LIVRE SEPTIEME : chapitre 85, paragraphe 4 :
1
conjectus » indique bien que la terre est jetée « sur » ou « contre », et non « dans » les
fortifications. Il ne semble pas qu’il y ait, à cet endroit du texte, présence de fossés. Y en avait-il ?
César nous en parle concernant la bataille de nuit dans la plaine de 3000 pas (BG VII, 81, II) :
« crates proicere » : « ils jettent leurs claies » (sous entendu sur les fossés en eau). Mais ici, sur le
front des camps de Reginus et Rebilus, César parle seulement de lancer de la terre et non de jeter
des claies.
Les fossés, s’il y en avait, (ils devaient alors être secs) ont pourtant bien été franchis
puisque la terre jetée par les Gaulois sur le rempart leur a permis d’arriver, semble-t-il assez
facilement, au corps à corps. On ne peut, par contre, en déduire que les remparts eux-mêmes aient
été franchis en quelque endroit que ce soit, bien que la terre jetée contre en ait permis l’escalade
(on se battait à l’épée, il n’y avait plus d’armes de jet).
Cependant nous savons que les Gaulois jetaient généralement des claies lors d’une attaque pour franchir des fossés sous le
« feu » des traits romains. Ils ne s’attardaient pas à les combler avec de la terre, sauf la nuit.
1
93
Examinons les explications en marge de L.A.Constans à propos de ces pièges placés dans
cette zone des « camps supérieurs » :
« Cette phrase montre : 1) qu’on avait établi des zones de pièges non seulement en avant
des retranchements de la plaine, mais aussi autour des camps : les fouilles de Stoffel ont fait
retrouver sur la montagne de Bussy des trous de loup creusés dans le roc (Napoléon p. 276)
. 2) que la zone des pièges était précédée d’ouvrages avancés, avec remblai et fossés, ce qui
confirme nos explications de p. 272, n 1 ». (L.A.Constans BG VII, 85)
Les fouilles de Stoffel, confirmées en cela par les photos aériennes de R.Goguey,
montrent effectivement des trous dans le roc sur le rebord du plateau de Bussy. M.Reddé, s’est
donc rendu sur place et a effectué des fouilles dans la zone de ces camps présumés. D’après une
de ses communications lors des « Journées Archéologiques de Bourgogne », il annonce avoir
retrouvé et fouillé le fossé bordant le plateau et formant une enceinte, ainsi que les fameux « trous
de loup ». Son explication est claire : « Le sol du plateau est très différent de celui de la plaine.
C’est du roc calcaire sous une mince couche d’humus ». NB/ Dans ces conditions, le creusement
à la pioche de fossés aussi importants que dans la plaine était impossible.
Le « fossé » peut avoir environ un mètre de profondeur (1). Cela est suffisant pour
modifier les conditions hydrologiques et le faire apparaître très nettement à la photo aérienne,
mais pas pour arrêter le moindre Gaulois.
Quant aux « trous de loup », ils existent bel et bien
eux aussi. Le problème, c’est qu’ils sont à l’intérieur du camp au lieu d’en protéger l’extérieur.
M.Reddé en a fourni une explication lumineuse : ces trous ont été creusés dans le roc pour fournir
la pierre nécessaire à l’édification d’un mur de protection devant le fossé ! Pourquoi, dans ce cas,
ne pas avoir creusé le fossé un peu plus profondément pour obtenir la pierre sur place ?
La destination initiale de pièges « trous de loups » de ces excavations parait d’emblée
abandonnée par M.Reddé.
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1) Sur une photo aérienne de ce secteur du plateau de Bussy, présentée lors d’une exposition au Conseil Régional de
Bourgogne en juillet 1996, la légende indique qu’il s’agit d’une preuve qu’Alesia est bien là.
Sans pour autant vouloir dévaloriser le travail de R.Goguey, qui s’avère être un des grands photographes aériensarchéologues français, qui a beaucoup contribué à la découverte de sites historiques et protohistoriques dans notre région, sa
conclusion sur ce point nous paraît quelque peu hâtive.
94
62. BG / LIVRE SEPTIEME : chapitre 86, paragraphe I :
LABIENUS EST ENVOYE EN RENFORT AUX FORTIFICATIONS NORD
« His rebus cognitis, Caesar Labienum cum cohortibus sex, subsidio laborantibus mittit:imperat,
si sustinare non possit, deductis cortibus eruptione pugnet: id nisi necessario ne faciat ».
L.A.Constans :« Quand il apprend cela, César envoie Labiénus avec six cohortes au secours de
ceux qui sont en péril, il lui donne l’ordre, s’il ne peut tenir, de ramener les cohortes et de faire
une contre-attaque, mais seulement à la dernière extrémité »
M.Rat : « Quand il l’apprend, César envoie Labiénus avec six cohortes au secours des troupes en
danger ; il lui donne l’ordre, s’il ne peut tenir, de ramener ses cohortes et de faire une sortie, mais
seulement à la dernière extrémité »
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Il est important de noter que César ne voit pas cette action de l’endroit où il se trouve, puisqu’il
« l’apprend », bien qu’il ait « choisi » un « bon observatoire » (BG VII, 84) d’après les auteurs
étudiés. Ce fait confirme donc notre traduction. César se trouvait ainsi « dans un lieu propice »
(« idoneum locus »), et non sur « un bon observatoire »... Il n’avait pas une vue directe, à ce
moment-là, sur les camps supérieurs attaqués. Cela ne va cependant pas durer. Il s’aperçoit que la
bataille décisive se passe là-haut, sur les camps supérieurs, et il va s’en approcher...
La traduction par « contre-attaque » du mot « eruptione » par L.A.Constans ne donne pas l’image
précise que César veut transmettre.
« eruptio » : « sortie brusque, soudaine, impétueuse ». Au sens militaire : « faire une sortie », et
pas seulement une contre-attaque. Ce dernier mot laisse penser que Labiénus aurait fait une sortie
hors des fortications avec ses cohortes, et aurait contre-attaqué en rase campagne. Cela n’arrange
pas la thèse du Réa pour les camps Nord, où la place était déjà chichement comptée pour deux
seules légions, ni même celle des rebords du plateau de Bussy. Mais c’est ainsi. Il faut sur le site
d’Alesia la place pour situer cette action, et les suivantes, puisque d’autres cohortes vont encore
arriver.
Ex : « ex oppido eruptionem facere » (BG 2,33) : « faire une sortie hors de la ville » (Gaffiot)
Il s’agit bien précisément d’effectuer une sortie hors des fortifications des « superiora castra »
pour les dégager par une bataille rangée « en rase campagne », où les Romains ont une supériorité
tactique incontestable sur les Gaulois.
Ici, sur ces camps Nord où l’envoie César, Labiénus, en fin stratège (il l’a montré à Paris), voit ce
qu’il faut faire, peut-être même avant César, pour désorganiser l’attaque gauloise : effectuer une
sortie hors des camps, dans le dos des assaillants, et les écraser contre les fortifications. Mais
César le lui interdit : « id nisi necessario ne faciat » : qu’il ne le fasse pas si ce n’est pas
nécessaire.
Pour l’ « imperator », le général en chef et proconsul de Rome, c’est lui seul qui doit se réserver
le moment et l’auréole de la victoire.
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63. BG / LIVRE SEPTIEME : chapitre 86, paragraphe 2 :
CESAR MONTE LUI-MEME AUPRES DES COMBATTANTS
« Ipse adit reliquos cohortatur ne labori succumbant ».
L.A.Constans : « Il se rend lui-même auprès des autres combattants, les exhorte à ne pas céder à la
fatigue »
M.Rat : « Il va lui-même encourager les autres ; il les exhorte à ne pas céder à la fatigue »
En suivant le texte, on voit que César quitte alors son « praetorium », son « idoneum
locum » de la plaine, d’où il vient d’envoyer Labiénus avec six cohortes pour renforcer Reginus et
Rebilus dans les camps supérieurs. Le mot « autres combattants » indique bien qu’il se rend dans
un autre endroit que celui où il a envoyé Labiénus. Il voit à cet instant que les Gaulois de
l’oppidum changent de tactique : au lieu de s’essouffler en vain sur les fortifications trop
importantes de la plaine de 3 000 pas, ils se tournent vers les falaises, mais toujours en direction
de la poussée de leurs frères d’armes sur les camps supérieurs : c’est probablement ce fait qui
oblige César à rejoindre lui-même les combats sur les hauteurs1. Il va partir à cet instant pour
encourager les autres -« reliquos »- combattants, c’est-à-dire ceux qui luttent contre l’armée
intérieure de Vercingétorix sur la contrevallation. Il voit que cela se passe mal pour eux, car il doit
les exhorter à ne pas céder à la fatigue. En effet, nous allons assister à la seule rupture des
fortifications romaines durant ce siège.
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1) On s’aperçoit ici de la valeur militaire du Proconsul : il va lui-même entraîner directement une troupe au combat, comme
un simple légat. Il ne peut donc être resté en arrière sur son promontoire de Flavigny au Sud, puisque les combats où il se
rend à cet instant sont près du camp Nord, là où les deux armées gauloises attaquent en face l’une de l’autre.
d
r
a 86, paragraphe 2
64. BG / LIVRE SEPTIEME : chapitre
m
y
A INTERIEURE ATTAQUE LES FALAISES
L’ARMEE
re DE LA CONTREVALLATION
r
ie campestribus locis propter magnitudinem munitionum loca praerupta ex
« Interiores desperatis
P
ascensu temptant ».
©
L.A.Constans : « Les assiégés, désespérant de venir à bout des fortifications de la plaine, car elles
étaient formidables, tentent l’escalade des hauteurs »( L.A.Constans, note 1 :
« vraisemblablement la montagne de Flavigny »)
M.Rat : « Les assiégés, désespérant de forcer les retranchements de la plaine, à cause de leur
étendue, tentent d’escalader les hauteurs » (M.Rat, note 195 : « Celles de la montagne de
Flavigny »)
Ce passage est très important. A lui seul, il est rédhibitoire pour la thèse des Laumes... à
moins de penser que César a dit et fait n’importe quoi, puisque ce qu’il dit et fait à chaque instant
ne trouve aucune confirmation sur ce site.
Analysons la situation présente : César, à qui l’on vient d’annoncer que les fortifications
supérieures, les « superiora castra », attaquées par les troupes de Vercassivellaun (donc au Nord),
sont sur le point de succomber, y envoie Labiénus en renfort avec 6 cohortes (une légion = 10
cohortes). Il décide ensuite de se rendre lui-même auprès « des autres combattants », c’est-à-dire
96
ceux de la contrevallation, fortement attaquée par Vercingétorix, pour les encourager à ne pas
céder. Car les assiégés font une sortie décisive sur les falaises « praerupta ascensu temptant » :
« ils tentent l’ascension des abrupts » (sous entendu : et y réussissent très sérieusement, puisque
les tours de contrevallation sont renversées avant l’escalade de ces abrupts.).
On peut vainement « tenter » de trouver des abrupts appuyant la contrevallation sur l’Oze
et l’Ozerain. Cette ligne du plan de Napoléon III, que personne n’a encore officiellement
contestée (hormis deux camps extérieurs, dans la plaine, qui sont maintenant complètement rejetés
par M.Reddé), s’appuie effectivement sur l’Oze et l’Ozerain au Nord et au Sud du mont Auxois,
ainsi que sur les pentes douces du col de Pennevelle à l’Est.
Si le mont Auxois lui-même, ainsi que le rebord des plateaux de Bussy et de Flavigny sont
protégés par des crêtes sommitales, il n’y en a aucune en contrevallation directement sur l’Oze et
l’Ozerain, pas plus au Nord qu’au Sud, ni même en face de la Croix Saint-Charles à l’Est. Le
texte est-il erroné ? Analysons-le :
1) « praerupta », de « praeruptus, a, um » : taillé à pic, escarpé, abrupt (Gaffiot).
2) « ascensu », de « ascensus, us, m » : escalade, action de monter
Exemple : « agger ascensum dat Gallis » (BG VII, 85, 6) : « l’amoncellement des
matériaux donne aux Gaulois la possibilité d’escalader » (cf. l’analyse du texte 85, 4, ci-dessus).
3) « temptant », de « temptare », verbe transitif, dans le contexte :
a) « essayer, tenter »; b) « tâter, essayer de venir à bout » Gaffiot
Il ne peut être question de gravir une simple pente. Le plateau de Flavigny se trouve par
ailleurs situé complètement à l’opposé du lieu des combats, sur les camps supérieurs (toujours
officiellement aux flancs du mont Réa, rappelons-le). Idem pour l’hypothèse du plateau de Bussy.
Il s’agit bien d’escalader, non pas une simple hauteur comme traduisent L.A.Constans
et M.Rat, ayant sans doute en mémoire dans leur subconscient le site des Laumes, mais bien
des « pentes escarpées, des falaises », pour respecter le texte. Ce n’est pas simple. D’autant
plus que le verbe « tenter » ne fait qu’en rajouter. Comment peut-on admettre que le plus
faible des rescapés assiégés, s’il l’eût tenté dans un sursaut d’énergie libératrice, n’eût pu
parvenir à franchir les rives « abruptes » de l’Ozerain en direction du plateau de Flavigny ?
De plus, rappelons que la crête de ce plateau était placée loin derrière la ligne romaine de
contrevallation du plan Napoléon III, et qu’il fallait d’abord emporter cette ligne et repousser
les Romains en haut de la pente ascendante. J.Le Gall fait « remonter » le cours de l’Ozerain
aux Gaulois pour conserver l’idée de « monter ». Dure ascension que de remonter le cours
d’un ruisseau de plaine !
Or, l’examen du texte montre que la ligne romaine a été enlevée d’assaut et que les
falaises ont été escaladées dans un même mouvement par des Gaulois encore bouillonnants
d’énergie (rappelons encore que c’est la seule ligne romaine qui ait pu être enlevée durant toute la
période du siège).
Cette action se place par contre sans peine, dans l’hypothèse A.Berthier, sur les falaises bordant la
Saine au-dessus des Prés-Grillets, à un endroit où elles sont un peu plus accessibles qu’ailleurs le
long des gorges de cette rivière. De plus, cet endroit est situé au plus près des fortifications
supérieures attaquées par Vercassivellaun. En outre, il se trouve en face et au pied de la partie
Est de l’oppidum qui pouvait seule être couverte de soldats. La concentration des troupes
d’assaut avec leur matériel pouvait donc s’effectuer à proximité avec le minimum d’efforts. Il
ne pouvait y avoir d’endroit plus propice.
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65. BG / LIVRE SEPTIEME : chapitre 86, paragraphe 3 :
PERCEE DE L’ARMEE INTERIEURE SUR LES FALAISES
« Huc ea quae paraverant conferunt. Multitudine telorum ex turribus propugnantes deturbant,
aggere et cratibus fossas explent, (...) falcibus vallum ac loricam rescindunt ».
L.A.Constans : « Ils y portent (NB/ en vue de la tentative d’escalade des abrupts) toutes les
machines qu’ils avaient préparées. Ils chassent les défenseurs des tours sous une grêle de traits,
comblent les fossés avec de la terre et des fascines, font à l’aide de faux une brèche dans la
palissade et le parapet »
M.Rat : « Il y portent tout ce qu’ils avaient préparé; ils chassent, par une grêle de traits, ceux qui
combattaient du haut des tours; ils comblent les fossés de terre et de fascines, ils entament
avec des faux la palissade et le parapet »
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Les deux traductions n’appellent pas d’observations, hormis les « machines » de
L.A.Constans, qu’il ne faut pas assimiler à des machines de guerre, mais des accessoires :
grappins, faux, cordes, etc… Nous les indiquons pour montrer comment les deux auteurs
rapportent cette phase capitale qui voit, rappelons-le, se produire le seul franchissement d’assaut
d’une ligne fortifiée romaine à Alesia.
Il est clair que cette ligne n’est pas placée sur la pente abrupte elle-même : comment
pourrait-il y avoir des fossés ? En fait, pour comprendre ce qui se passe, il suffit de regarder le site
de Syam de l’hypothèse A.Berthier : les hommes de Vercingétorix, massés sur les terrasses qui
s’étagent sur le flanc Est de leur oppidum, descendent dans l’évasement de la vallée de la Saine
appelé « les Prés Grillets ». Au lieu de suivre la rivière pour déboucher dans la plaine de
3 000 pas qu’ils ont attaquée plusieurs fois en vain, ils tournent brusquement l’axe de leur assaut
de 90 degrés vers l’Est à partir de cet espace de regroupement des « Prés-Grillets ».
La vallée de la Saine est bordée sur tout son flanc Est de falaises infranchissables appelées
« la Côte-Chaude ». Infranchissables sans matériel d’alpiniste, ... sauf sur une partie, au Nord,
située exactement en face des « Prés-Grillets », et arrivant au-dessous du col de Crans -où se
trouvent, comme par hasard, les camps supérieurs- attaqués par Vercassivellaun.
Le puzzle se met en place.
Cette zone d’abrupts, étant moins inaccessible à cet endroit, était défendue dans les parties
basses par un fossé longeant le pied de la pente, parallèlement à la rivière. Derrière ce fossé se
trouvait le rempart et les tours qui ont subi l’attaque des Gaulois, lesquels, nous venons de le voir,
avaient très peu de distance à franchir pour parvenir à ces fortifications avec leur matériel de
siège. Ces défenses de contrevallation étaient nécessaires à cet endroit. Mais elles devaient être
gardées par des effectifs réduits, les Romains ne pouvant penser qu’après ces longues semaines de
siège, leurs ennemis seraient en mesure d’attaquer dans ce secteur si difficile topographiquement.
Ces éléments défensifs ayant donc été emportés d’assaut, il n’y avait plus qu’à gravir la pente,
avant de tomber dans le dos de la garnison de circonvallation... qui se battait laborieusement
contre les hommes de Vercassivellaun. La victoire était proche.
Hélas, César n’était pas loin ; il avait vu la manœuvre de Vercingétorix...
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66. BG / LIVRE SEPTIEME : chapitre 87, paragraphe1 :
CESAR ENVOIE DES RENFORTS AU-DESSUS DES FALAISES
« Mittit primo Brutum adulescentem cum cohortibus Caesar, post cum aliis C.Fabium legatum ».
L.A.Constans : « César envoie d’abord le jeune Brutus avec des cohortes, puis son légat C.Fabius
avec d’autres » (« Note 2 de L.A.Constans : on place généralement le poste de commandement de
César 85, I, « idoneum locum nactus » sur les pentes Nord-Ouest de la montagne de Flavigny »)
M.Rat : « César y envoie d’abord le jeune Brutus avec six cohortes, puis le lieutenant
Caïus Fabius avec sept autres »
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César a vu les Gaulois de l’intérieur enlever les fortifications romaines au pied des abrupts
puis grimper sur ces abrupts. Il sait que rien ne s’oppose plus à leur progression, qui va prendre à
revers la circonvallation au Nord en direction des camps extérieurs de Reginus et Rebilus (NB/
alors que la montagne de Flavigny est en plein Sud). Devant le danger imminent de jonction des
deux armées gauloises, il envoie des renforts : d’abord Brutus. Mais il est jeune et doit manquer
d’expérience : il ne réussit pas. Il faut envoyer ensuite un chef solide : Fabius, lequel va se trouver
également en difficulté.
Revenons aux traductions précédentes : nous nous apercevons que seul M.Rat indique le
nombre de cohortes : six pour Brutus, environ 3 600 hommes et sept pour Fabius, soit 4200
hommes. Il apparaît ici que M.Rat a utilisé des informations qui n’ont pas été retenues par
L.A.Constans1.
Nous considérons que la précision de M.Rat est logique dans le contexte : six cohortes
pour Brutus et sept pour Fabius.
Revenons sur le terrain : la contrevallation est enfoncée par les bouillants soldats de
Vercingétorix. On se bat donc maintenant entre les deux lignes romaines, en direction des camps
supérieurs placés, on le sait dans une position défavorable, c’est-à-dire dominés par la colline
Nord. Nous nous rappelons la phrase de César : le danger que les légionnaires craignent le plus,
c’est celui qu’ils ont dans le dos : nous voici exactement dans cette configuration extrêmement
périlleuse. Les Romains qui se battent sur les fortifications Nord contre Vercassivellaun
commencent à entendre derrière eux la clameur des combats qui se rapprochent. C’est celle des
assiégés de Vercingétorix qui repoussent les légionnaires de la contrevallation ainsi que les
cohortes de renfort de Brutus et Fabius. Ils sont donc plusieurs milliers de Gaulois – peut-être dix
mille – à avoir franchi la contrevallation, puisque plus d’une légion va peiner contre eux au dessus
des falaises… Moment crucial, où il faut être un soldat de métier, aguerri par sept ans de
campagnes en Gaule, et avoir une confiance absolue en un chef exceptionnel, César, pour ne pas
céder à la panique et s’enfuir au plus vite !
Une remarque s’impose à nouveau : comment autant d’hommes peuvent-ils se trouver à
l’aise pour combattre sur des falaises ? En fait, celles-ci ont bien été franchies-la tentative
d’escalade a donc réussi- et l’on se bat maintenant sur un terrain peut-être en pente mais
relativement égal. La pente est favorable aux Romains. On peut y prendre des formations de
bataille rangée2. César a vu ce qu’il avait à faire.
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La publication du XIXe s : « Commentarii de Bello Gallico » de G.Ozaneaux et CH.Gidel, indique également 6 et 7
cohortes. Constans a préféré utiliser une série de manuscrits qui ne porte pas le nombre de ces cohortes.
2 L’espace entre les lignes de circonvallation et contrevallation, telles qu’elles sont représentées sur le plan Napoléon III, soit
environ 150 mètres dans la plaine de Grésigny (et des Laumes), est nettement insuffisant pour mettre en oeuvre deux troupes
ennemies aussi nombreuses. Aucun recul n’y serait possible. Or, les Romains ont bien reculé sur ce point où des milliers
d’hommes se battent.
99
67. BG / LIVRE SEPTIEME : chapitre 87, paragraphe 2 :
CESAR MONTE LUI-MEME AU COMBAT
« Postremo ipse, cum vehementius pugnaretur, integros subsidio adducit ».
L.A.Constans: « A la fin, la lutte devenant plus vive, il amène lui-même des troupes fraîches »
M.Rat : Enfin, l’action devenue plus vive, il y amène lui-même un renfort de troupes fraîches »
Cette fois, aucune traduction, aucun manuscrit ne donne le nombre de cohortes. Il pouvait
bien encore y en avoir cinq ou six, accourues en urgence des postes plus en retrait. C’est cette
intervention qui va être décisive. César a quitté son PC, d’où il avait vu l’armée intérieure partir à
l’assaut des abrupts et enlever la contrevallation sur ce point. Des milliers de Gaulois sont arrivés
au-dessus des falaises. Des milliers de Romains ne parviennent pas à les contenir. Il va donc
contourner cette poche ennemie avec ses renforts pour pouvoir prendre l’avantage de la pente. Et,
rangeant ses cohortes en phalange, il va les faire attaquer de la manière qui rend les légionnaires
invincibles face aux troupes « barbares » qui leur étaient opposées, manière que craignait tant
Vercingétorix… Prenant lui-même le rang d’un simple légat, César va réussir à repousser ses
adversaires et à rétablir le front globalement sur la ligne de contrevallation. Il faut noter les
qualités exceptionnelles de ce chef contre lequel Vercingétorix avait à lutter.
Les malheureux Gaulois, encore pleins de vigueur après un mois et demi de siège, ont été
finalement repoussés sur leur oppidum, et la ligne initiale rétablie. On imagine la désillusion de
Vercingétorix qui les observait, dans l’hypothèse A.Berthier, comme dans une loge de théâtre,
depuis la citadelle d’Alesia ! Aux Laumes, Vercingétorix ne pouvait pas voir ses hommes
escalader les falaises de la contrevallation, puisqu’il n’y en avait pas. S’ils avaient attaqué en
direction des camps Nord, que ce soit à Bussy ou au Réa, ayant enlevé la contrevallation, ils se
seraient trouvés directement dans le dos des légionnaires de la circonvallation. César n’aurait pu
déployer ses cohortes en plus de celles de Brutus et Fabius, car il n’en aurait pas eu la place. De
plus, comment les faire approcher très rapidement des fortins plus en arrière entre les deux lignes
(théoriques) de Napoléon III, si proches et si encombrées ?
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68. BG / LIVRE
e SEPTIEME : chapitre 87, paragraphe 3 :
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©CESAR RETABLIT LUI-MEME LE FRONT DE LA CONTREVALLATION
« Restituto proelio ac repulsis hostibus eo quo Labienum miserat contendit ».
L.A.Constans : « Ayant rétabli le combat et refoulé l’ennemi, il se dirige vers l’endroit où il avait
envoyé Labienus »
M. Rat : « Ayant rétabli le combat et repoussé l’ennemi, il se dirige vers l’endroit où il avait
envoyé Labienus »
Revenons au texte latin :
« contendit », de « contendere », dans le contexte : « marcher vivement »
Exemple : « in Italiam magnis itineribus contendit » (BG I, 10,3) : « il se porte vivement
en Italie ». (Gaffiot)
« contendere » donne un message plus explicite que « se diriger ». Dans le contexte, nous
retenons « il se porta vivement, se précipita ».
Dans ces traductions, l’idée de la rapidité du mouvement de César n’apparaît pas.
100
Au mont Auxois, certains historiens se risquent à une explication sur ce combat où César luimême est intervenu :
- Ils placent approximativement au Nord (soit au Nord-Ouest : au Réa, soit au Nord-Est :
au plateau de Bussy) la situation de la lutte principale : l’attaque de Vercassivellaun et ses 60 000
guerriers.
- Ils font faire ensuite à César un « grand écart » pour aller repousser sur le plateau de
Flavigny, au Sud, les Gaulois de l’intérieur sur des falaises imaginaires.
- Ils font ensuite faire à ce même César un « va et vient » d’environ trois kilomètres pour
aller, depuis Flavigny, encourager les légionnaires sur les fortifications Nord-Ouest ou Nord-Est,
revenir ensuite à Flavigny pour repousser les ennemis de l’armée intérieure qui perçaient « sur les
pentes » (sic, pour falaises) du côté opposé à celui de leurs frères d’armes au Nord. Les Romains
qui combattaient entre les deux lignes pouvaient-ils alors entendre les clameurs poussées à trois
ou quatre kilomètres derrière eux, et en être effrayés ?
- Ils renvoient enfin César, sitôt le front rétabli du côté de Flavigny, vers les combats sur
le camp Nord (sur le bord du plateau de Bussy, ou au Réa, selon les historiens, ce qui rallongerait
encore plus la distance avec Flavigny).
- Enfin, étrangement, n’apparaît pas dans les traductions l’aspect « précipitation » des
mouvements de César qui ressort du verbe « contendit ». Le général romain pouvait-il simplement
« se diriger vers l’endroit où il avait envoyé Labiénus » ?... ne devait-il pas se précipiter, comme il
l’indique dans son BG, vers l’endroit où Labiénus combattait contre 60 000 Gaulois parmi les
meilleurs de l’armée extérieure ? S’il a pu intervenir efficacement, c’est parce qu’il était très près
de l’action et n’avait pas à chaque fois deux à trois milles à parcourir dans un couloir large de 150
mètres (entre les deux lignes parallèles du plan Napoléon III) encombré des campements où
devaient être entassés ses légionnaires. Aux Laumes, il est évident que ces mouvements tactiques
ne peuvent être clairement reportés sur le terrain.
Pendant ses mouvements continuels de va-et-vient entre Flavigny et les camps Nord, César aurait
du sans cesse avoir à l’œil le corps principal de l’armée « de secours » : 180 000 hommes et 8 000
cavaliers qui, avancés au pied de leur camp, menaçaient directement le plateau de Flavigny et l’
« observatoire » de César, placé sur le rebord Ouest de ce plateau.
A la moindre tentative d’aggressivité de cette masse, ce camp de Flavigny, placé lui aussi, le dos à
la falaise, pouvait être rapidement submergé.
Comment ces Gaulois pouvaient-ils rester l’arme au pied, sans songer à soulager leurs frères
d’armes, alors qu’ils venaient de si loin dans le même but qu’eux, délivrer leur peuple de César ?
Ces frères d’armes venaient en effet de toutes les nations de la Gaule centrale :
- le corps d’armée de Vercassivellaun, et ses 60 000 guerriers, ont été choisis « parmi les
meilleurs de toutes les nations »
- les troupes de Vercingétorix et ses 80 000 hommes provenaient, elles aussi, de plusieurs nations
différentes (cf le discours de Critognatos à la fin du siège, les invitant à regarder vers les nations
lointaines d’où ils venaient)
Comment ces 180 000 hommes n’auraient-ils pu, même si la plaine des Laumes était trop bien
verrouillée, se répandre tout autour des autres fortifications romaines et en fixer les défenseurs par
une simple menace sur tous les points ?
La circonvallation, accrochée sur le rebord des plateaux calcaires autour du mont Auxois, était
partout extrêmement vulnérable. Les Romains n’avaient pu, partout, creuser de profonds fossés
dans le roc calcaire. Ils étaient partout en situation défavorable. Une attaque générale sur les
plateaux pouvait les rejeter au bas des falaises car, les fouilles de M.Reddé le confirment, il ne
pouvait y avoir de profonds fossés multiples taillés dans le roc sur toute la longueur de la
circonvallation.
Comment ces Gaulois, constatant la plaine des Laumes trop bien verrouillée, ne purent-ils se
déployer tout autour du mont Auxois, et attaquer simultanément les plateaux de Bussy, de
Flavigny, le col de Penevelle et le Réa ? Ce n’est pas le petit fossé fouillé par M.Reddé et les trous
de loup placés à l’envers (chez les Romains), qui aurait pu stopper une attaque massive comme
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celle décrite dans le BG. Un assaut global et simultané à quatre contre un devait l’emporter en
quelques heures. César l’avoue implicitement : s’il n’avait pu retirer en temps utile des dizaines
de cohortes des fortifications non menacées, il aurait été largement submergé sur le camp Nord.
Les deux légions de Reginus et Rebilus étaient condamnées sans l’intervention de Labiénus, puis
de César. Elles luttaient à un contre quatre et n’avaient plus d’armes de jet.
Pourquoi cette immense armée n’a pas bougé, n’a-t-elle fait d’autre action que celle de
« s’avancer au devant de son camp » ?
C’est le mystère du mont Auxois, et les historiens se perdent en conjecture à ce sujet. La plupart
en arrivent à la conclusion de la « trahison des Eduens ». C’est peut-être partiellement vrai, car
nous savons qu’il y avait deux clans chez eux, celui des anciens, les pro-romains, qui se disaient
« frères de sang » des Romains, et avaient reçu le titre de « fratres et consanguinei »(1) et celui
des jeunes, ceux qui avaient rompu l’alliance de César et rallié Vercingétorix à Gergovie, pour qui
l’indépendance des nations gauloises passait avant toute querelle locale, fût-elle avec les
Arvernes. Le problème est de savoir quelle faction se trouvait à cet instant la plus convainquante.
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1) Cf / Otto Hirschfeld, « Les Haeduens et les Arvernes sous la domination romaine », C/R de l’Académie des Sciences des
Berlin, 9 décembre 1897.
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69. BG / LIVRE SEPTIEME : chapitre 87, paragraphe 4 :
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CESAR SE PREPARE A CONTRE-ATTAQUER
DANS LE SECTEUR NORD
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« Cohortes IV ex proximoA
castello deducit, equitum partem se sequi, partem circumire exteriores
munitiones et ab tergo
rehostes adoriri jubet ».
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L.A.Constansie
: « Il prend quatre cohortes au fort le plus voisin et ordonne qu’une partie de la
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cavalerie le suive, que l’autre contourne les retranchements extérieurs et attaque l’ennemi à
revers »
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M.Rat : « (Il) tire quatre cohortes du fort le plus voisin, ordonne à une partie des cavaliers de le
suivre, et à l’autre, de faire le tour des lignes extérieures et de prendre l’ennemi à dos »
Pour J.Harmand, sur le site des Laumes, il paraît probable que « les cavaliers de César,
pour tomber sur les arrières de Vercassivellaunos, empruntent la valleuse portant le nom de rue
du Château qui s’ouvre depuis la rivière le Rabutin entre les villages de Grésigny et de Bussy le
Grand en orientation Sud-Est dans la montagne même de Bussy. C’est vraisemblablement le
chemin suivi la nuit précédente par les attaquants gaulois, restés dissimulés jusqu’à midi dans
cette valleuse et dans la vallée du Rabutin vers le Nord ».
Nous touchons ici au sublime : dans la phrase précédente, la situation était désespérée,
César volait au secours de Labiénus après avoir à grand peine repoussé les assiégés sur la brèche
de la contrevallation. Et voici qu’en un éclair, le général romain voit la façon de retourner la
situation à son avantage : par une ruse tactique.
Comme à Gergovie, où il avait feint d’attaquer l’arrière de l’oppidum en envoyant des
muletiers casqués pour simuler la cavalerie, et une légion étirée pour faire croire à une armée
nombreuse, tandis que ses meilleures troupes attaquaient de front, il va agiter un leurre brillant sur
102
un côté tandis que le mouvement stratégique décisif va rester le plus discret possible sur un autre
côté.
J.Harmand a bien vu le mouvement discret de la cavalerie romaine, par une « valleuse »1.
Il lui reste à expliquer le mouvement ostentatoire de César qui sera décrit dans une phrase
suivante. L.A.Constans ne risque, ici, aucune remarque. Avec le Réa comme pivot de l’attaque
extérieure, les « va et vient » de César sont tout aussi inexplicables.
Il faut noter en outre qu’une attaque de l’armée intérieure en direction de Flavigny ne
pouvait avoir pour but que de rejoindre le camp de l’armée extérieure principale. Celle-ci serait
inexplicablement restée « l’arme au pied » sur les flancs de la montagne de Mussy, au Sud-Ouest,
regardant sans bouger le corps d’armée de Vercassivellaun se faire encercler par les cavaliers
germains, et tout près d’eux, leurs frères d’armes montant à l’assaut de la montagne de Flavigny !
Dans ce contexte, l’analyse de J.Harmand le conduisant à penser à une trahison des chefs
éduens est logique. Toute la thèse alisienne repose sur cette trahison, qui masque à merveille les
invraisemblances géographiques et les incohérences tactiques de ce site, faut-il bien dire.
Dans l’hypothèse A.Berthier, la superposition du texte du BG sur le site de Syam-Crans
permet, heureusement pour ceux des Eduens qui avaient payé un lourd tribut à la cause commune
gauloise lors de l’embuscade préliminaire menée par leur cavalerie, de réhabiliter leur honneur. Ils
ne pouvaient certainement pas faire mieux, tant en faveur de Vercingétorix qu’en faveur de
Vercassivellaun. Nous le comprenons très bien dans le relief particulier du site jurassien, où toutes
les actions de cette fin du siège d’Alesia se placent comme les doigts dans un gant.
Revenons à la fin de la bataille...
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J.Harmand a deviné le passage des cavaliers germains par une « valleuse » -nous dirions un « thalweg »- qu’auraient
empruntée les Gaulois lors de leur approche. Nous voyons ici apparaître le sens de « iniquus locus » : « terrain inégal »
indiqué par César, et l’importance des replis de terrain pour cacher les mouvements tactiques. Mais cette valleuse nous paraît
beaucoup trop petite pour masquer un corps d’armée de 60 000 h.
103
70. BG / LIVRE SEPTIEME : chapitre 87, paragraphe 5 :
LABIENUS EN ARRIVE A LA DERNIERE EXTREMITE
« Labienus, postquam neque aggeres neque fossae vim hostium subtinere poterant, coactis una de
XL cohortibus quas ex proximis praesidiis deductas fors obtulit ».
L.A.Constans : « Labiénus, voyant que ni terrassements ni fossés ne pouvaient arrêter l’élan de
l’ennemi, rassemble trente-neuf cohortes qu’il eut la chance de pouvoir tirer des postes voisins »
M.Rat : « Labiénus, voyant que ni les terrassements ni les tours ne pouvaient arrêter l’élan de
l’ennemi, rassemble trente-neuf cohortes, qu’il eut la chance de pouvoir tirer des postes les plus
voisins. »
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Ce chiffre de trente-neuf cohortes n’appelle aucune remarque de L.A.Constans ni de
M.Rat. Il aurait dû d’abord faire tressaillir les fouilleurs de Napoléon III sur le flanc étriqué du
mont Réa. Ceux-ci étaient des paysans locaux et n’avaient pas une connaissance globale du sujet.
Mais Stoffel, un officier, aurait dû se rendre compte qu’il était déjà difficile de loger une légion
sur la longueur de fossés qu’on prétendait avoir retrouvés. Quant à y faire manoeuvrer six légions
et six cohortes, soit plus de la moitié de l’armée romaine, le plateau en arrière du Réa n’aurait pas
été trop grand !
Les littéraires, linguistes, ou historiens du XXe s. comme J.Le Gall n’ont à notre
connaissance pas manifesté d’étonnement particulier devant un tel chiffre. Pour eux, ce devait être
une incohérence de plus dans le texte de César qu’on pouvait ne pas expliquer, la plupart des
lecteurs ne distinguant pas, au premier regard, l’impossibilité numérique.
En fait, il ne pouvait y avoir plus de la moitié de l’armée romaine sur les seuls camps
Nord. C’était l’enfoncement assuré des autres lignes. Cette remarque est valable aussi, dans une
moindre mesure, pour le site du Jura de l’hypothèse A.Berthier. Nous ne voyons guère la
possibilité pour César de dégarnir ainsi ses autres lignes. L’enfoncement des « praerupta », les
abrupts, laissés avec une garnison trop faible, en est le révélateur. La manoeuvre d’une telle armée
aurait rempli tout le col de Crans, mais cela ne paraît cependant pas impossible sur ce site.
Nous avons vu que M.Rat avait avancé les chiffres de six et sept pour les cohortes de
Brutus et de Fabius, ce qui semble plausible. Mais, à propos du chiffre de trente-neuf cohortes que
Labiénus « a la chance de trouver » : ne s’agirait-il pas d’une erreur de copistes ? Le chiffre,
nettement plus logique dans le contexte, pourrait être selon certains linguistes comme Meusel ou
Ciacconius, en réalité de onze cohortes…Restons prudents en l’absence de toute démonstration
convainquante, par exemple l’étude de la possibilité matérielle à une telle armée de parvenir à
temps sur les camps Nord, à partir du moment où l’ordre est donné.
Cela dit, César écrit que son lieutenant Labiénus a eu « la chance » de trouver cette troupe
disponible. Rappelons que cette chance, il la doit au fait que l’armée extérieure n’ait pu faire une
pression suffisante sur les autres fortins, au Sud et à l’Ouest. Aux Laumes, il aurait été suicidaire
de dégarnir la circonvallation, où que ce soit.
Dans l’hypothèse A.Berthier à Syam-Chaux des Crotenay, la chance de Labiénus a été le relief de
ravins et de falaises. Bien que là, nous pensons qu’il s’agissait d’une chance calculée puisque
César, en voyant ce relief encore plus puissant qu’à Gergovie, n’a pas hésité à l’assiéger. La
chance de Vercingétorix a été de pouvoir bloquer ici l’armée romaine dans les ravins, mais celle
des Romains a été inversement le relief de ce maudit Jura – n’appelle-t-on pas « malla vallis »,
« CôteMalvaux », le relief allongé qui forme un deuxième barrage au Sud de l’éperon barré de
Chaux-des-Crotenay ?
César avait vu que ce relief exceptionnel, provoqué par un plissement particulier (1) du Jura,
formant un éperon barré d’une valeur défensive extraordinaire, occupé probablement depuis la
plus haute antiquité(2), empêcherait tout mouvement rapide de l’armée extérieure.
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1) Ce plissement forme, au Sud de Chaux-des-Crotenay, une double barrière montagneuse - entre les deux chaînes se
trouve le village d’Entre-deux-Monts- qui barre naturellement l’arrière du plateau triangulaire - portant le village de Chauxdes-Crotenay – lui-même déjà fortement défendu par les gorges de deux rivières, la Saine et la Lemme (anciennement
« l’Ainme », affluent de l’Ain. Pour passer d’une face du triangle à l’autre, il faut franchir des gorges profondes s’élargissant
parfois sur des lacs ou des marécages, ainsi que des hauteurs escarpées. Une fois connue la position de l’armée gauloise
extérieure, César savait qu’elle ne pourrait contourner facilement et rapidement les travaux de circonvallation, avec ses
antennes sur les pitons alentour (voir la description du « Poste romain » Sud-Ouest de l’oppidum, découvert au XIXème
siècle (cf/ « Notes sur le plateau de Chatelneuf avant le moyen-âge», par L.A-Girardot Mémoires Soc d’Emul. Jura, 1888, p
1-88).
Il a donc été facile pour César de prélever sans danger des troupes à l’arrière des points attaqués ou menacés (au
Nord). La « chance » pour Labiénus de trouver des troupes disponibles n’est donc pas vraiment, à notre avis, due au hasard,
ni même à une trahison quelconque, mais uniquement au relief.
2) Ce site comporte des murs et monuments lithiques de type cultuel, restant encore à dater, mais d’aspect très
ancien, laissant présumer une présence humaine depuis de nombreux siècles avant la conquête romaine. Cf/ Danielle Porte :
« Alésia, Citadelle jurassienne ? » Cabedita. Cela ne correspond-il pas aux écrits anciens : Alesia, capitale cultuelle de toute
la Celtique ? Des traditions sur les cultes druidiques se répandaient encore dans le Grandvaux au 19ème siècle.
71. BG / LIVRE SEPTIEME : chapitre 87, paragraphe 6:
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« Caesarem per nuntios facit certiorem quid faciendum
existimet ».
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cdevoir faire »
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L.A.Constans : « Et informe César de ce qu’il croit
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Il faut remarquer la note 3 de L.A.Constans à ce propos: « C’est l’instant décisif. Si les
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autres chefs gaulois étaient entrés en e
action avec la masse formidable dont ils disposaient, la
bataille eut probablement tourné contre César. Les Héduens restèrent-ils inactifs par jalousie
dcas, sut à merveille user de ses réserves, et ce fut le secret de
contre les Arvernes ? César, en tout
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sa victoire. »)
M.Rat : « ...informe César m
de ses intentions »
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Aau moment crucial. Effectivement, au mont Auxois, si l’Atrebate Commios
Nous sommes
et les Eduensre
Viridomaros et Eporédorix (1) étaient massivement intervenus, César eut
probablementr été battu. Les deux chefs éduens ont-ils trahi Vercingétorix, par jalousie, pendant
e et son cousin Vercassivellaun étaient tout près de vaincre seuls les Romains sur les
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que lui-même
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camps et les falaises au Nord ? Inversement, si les deux cousins arvernes avaient battu seuls César
–©
il s’en est fallu d’un cheveu pour que cela n’arrive, et personne à ce stade ne pouvait prévoir
l’issue de la bataille- que serait-il alors advenu des deux chefs éduens restés « l’arme au pied » ?
LABIENUS INFORME CESAR DE LA MANOEUVRE ULTIME
Auraient-ils pu partager la gloire de Vercingétorix en rentrant dans leur cité ? Inversement, s’ils
n’ont pu intervenir, sans qu’ aucune faute ne puisse être relevée contre eux, ils auraient alors
conservé leur honneur et pu partager la victoire avec les Arvernes. S’ils ont trahi Vercingétorix,
c’est seulement après la bataille des camps Nord, quand ils ont tourné bride et sont rentrés dans
leurs cités en pensant que les dieux n’étaient pas Gaulois ce jour là. Mais, dans ce cas, tous les
hommes des peuples de la Gaule rassemblés dans l’armée extérieure ont trahi ensemble en
abandonnant la lutte et en retournant chez eux, laissant ainsi Vercingétorix à son sort. Pour
certains momentanément, puisque Commios l’Atrebate, l’un des chefs non éduen de l’armée
extérieure d’Alesia, va reprendre les armes l’année suivante. Il faudra encore une campagne aux
Romains pour en venir à bout.
Ce qu’il convient de noter dans la phrase du BG ci-dessus, c’est l’élision de « per
nuntios », « par des messagers » dans les deux traductions. C’est pourtant l’indication que César
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ne se trouvait pas proche de Labiénus (pourquoi des messagers dans ce cas ?). Ils étaient
manifestement éloignés l’un de l’autre.
Labiénus prend alors une grande initiative en cette fin de bataille : il prélève lui-même
(avec « de la chance », et sans les ordres de César) trente neuf (ou onze ?) cohortes. Que fait-il
avec ces cohortes ? Il va leur faire renforcer les fortifications supérieures attaquées par
Vercassivellaun. César lui a donné l’ordre de ne faire une sortie qu’à la dernière extrémité. C’est
donc à l’intérieur des retranchements que, en comptant celles qui s’y trouvaient déjà, 37 cohortes
(dans l’hypothèse 11 cohortes), ou 65 (dans l’hypothèse 39 cohortes) sont massées et luttent côte
à côte contre les 60 000 Gaulois (2). Mais Labiénus garde la possibilité de faire une sortie à la
dernière extrémité.
Quant à César, après s’être précipité pour aider Labiénus, sans aller renforcer directement
ses troupes, que fait-il ? Où va-t-il ?
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1) Eporédorix : homonyme, ou de la même famille que celui qui a été capturé par les Germains « sur la hauteur sur la
droite », lors de l’embuscade préliminaire au siège ? De toute évidence pas le même.
2) Il est impératif de trouver sur le vrai site d’Alesia la place de les loger. A cet égard, le flanc Est du Réa est beaucoup trop
petit. Les quelques fossés discontinus retrouvés ne sont rien à côté des retranchements nécessaires à quatre légions romaines.
On comprend que les littéraires ou les historiens y « perdent leur latin » !
106
72. BG / LIVRE SEPTIEME : chapitre 88, paragraphe 1 :
CESAR SE HATE POUR PRENDRE PART AU COMBAT
« Accelerat Caesar, ut praelio intersit ».
L.A.Constans : « César se hâte pour prendre part au combat »
M.Rat : « César se hâte pour prendre part au combat »
C’est la deuxième fois que César se précipite. La première fois c’était, rappelons-nous,
immédiatement après avoir repoussé l’armée intérieure qui avait percé sur les falaises. Il revenait
de ce combat et devait donc, dans le même mouvement, se hâter pour aller sur les fortifications
Nord. Or, il fait une pause pour prendre quatre cohortes. Que sont devenues celles qu’il avait avec
lui sur les abrupts ? Sans doute y sont-elles restées pour éviter tout retour offensif des assiégés, les
tours et les remparts ayant été détruits dans ce secteur.
Que sont quatre cohortes par rapport aux trente-sept, au minimum, qui se battent déjà sur
les « superiora castra » ? Pour quelle raison amener de la cavalerie à l’intérieur de ces remparts ?
« Prendre part au combat », comme indiquent les traductions ci-dessus, est une expression vague,
trop vague ?
« intersit » : de « intersum », verbe intransitif : « être entre », « être séparé par un
intervalle » (Gaffiot)
En rétablissant ainsi le texte : « César se hâte pour s’interposer entre les combattants », il
nous apparait alors que César n’allait pas seulement « prendre part au combat » de n’importe
quelle façon, mais plus précisément « se placer entre les combattants », c’est-à-dire qu’il allait
faire une sortie pour engager un combat localisé (avec seulement quatre cohortes et quelques
cavaliers) mais en percussion directe « en coin » sur le flanc des Gaulois occupés à attaquer les
systèmes défensifs, de façon à les « décoller » des fortifications. Mais ce n’était là qu’une
diversion, faisant partie d’une stratégie plus vaste. Pour que cette manoeuvre réussisse, il
importait de lui donner une dimension impressionnante, donc d’être en vue des Gaulois comme de
ses légionnaires, il fallait ainsi qu’il se trouvât pas très loin, et sur une hauteur dominant les
combattants des « superiora castra ».
Après avoir rétabli le front de la contrevallation du côté de l’oppidum1, César s’est donc
rendu sur une position, qu’il faut trouver sur le site, encore plus élevée que les fortifications
supérieures.
Dans l’hypothèse A.Berthier, nous avons vu que cette position pouvait être située sur la hauteur
de Beauregard, à la côte 813, près d’une hauteur formant un cercle, appelée « Le Bois des
Chênes », probablement incluse dans la circonvallation, où il a pu mettre en bataille les cohortes
qui n’étaient pas au combat et où il a fait venir la cavalerie. Ces mouvements ont dû prendre un
temps assez long, durant lequel Labiénus en arrivait à la dernière extrémité, puisqu’il envoyait des
messagers à César pour « l’informer » de ce qu’il avait à faire : certainement une sortie lui aussi.
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Toute nouvelle « surprise » gauloise de ce côté était maintenant écartée, des forces romaines nouvelles ayant pris position
sur les abrupts.
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73. BG / LIVRE SEPTIEME : chapitre 88, paragraphe 2 :
LA DESCENTE MAGISTRALE DE CESAR
« Eius adventu ex colore vestitus cognito, quo insigni in proeliis uti consuerat,turmisque equitum
et cohortibus visis, quas se sequi jusserat, ut de locis superioribus haec declivia et devexa
cernebantur, hostes proelium committunt ».
L.A.Constans : « Reconnaissant son approche à la couleur de son vêtement -le manteau de général
qu’il avait l’habitude de porter dans l’action- et apercevant les escadrons et les cohortes dont il
s’était fait suivre- car des hauteurs que les Gaulois occupaient on voyait les pentes que
descendait César - les ennemis engagent le combat »
M.Rat : « Son arrivée se fait connaître par la couleur de son vêtement, ce manteau de général qu’il
avait l’habitude de porter dans les batailles, et, à la vue des escadrons et des cohortes dont il
s’était fait suivre -car des hauteurs on voyait les pentes et les descentes- les ennemis engagent
le combat »
s
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sens.
o
César est en train d’accomplir un coup de « bluff »é
qui est aussi un coup de dés : s’il
h Sa vie même est en jeu. Il est au
échoue, ses quatre cohortes seront submergées par le flot.
c
rrouge
premier rang, puisqu’il se fait suivre par ses cohortes.
Reste-t-il discret pour ne pas attirer les
A
foudres de l’ennemi ? Non, il se drape de son manteau
de commandement, l’ « imperium »,
t
il cristallise l’attention de tous : celle des Gaulois
comme celle des soldats romains sur les
e
remparts Nord.
Les deux traductions n’appellentdaucun commentaire sur la première partie de la phrase.
r partie. Reprenons le texte de BG :
Mais venons-en au terrain, dans la deuxième
a
« De locis superioribusm
» : « à partir des endroits placés plus haut ». Nous sommes tout
près des camps Nord - « y
superiora castra » - déjà eux-mêmes plus hauts que les autres
fortifications. Les Gaulois
César. A ce propos, remarquons que celui-ci n’emploie pas le
A: «voient
mot ordinaire « videre
»
voir
»,
« percevoir » par la vue. Il utilise un verbe qui apporte une
e
r
précision : « cernere
»
verbe
transitif
: « discerner, distinguer, reconnaître nettement avec les sens,
r
et surtout les yeux
(Gaffiot).
ie: «» Antonius
Exemple
descendens ex loco superiore cernebatur » (César, B.Civ. III, 65, 1)
P
: « On apercevait Antoine descendant des hauteurs ».
©
« Cum ex vallo Pompeium adesse et suos fugerent cernerent » (César,
La phrase est longue, mais il est difficile de la couper pour bien garder en vue tout son
B. Civ. III, 69, IV) : « Voyant du haut du retranchement que Pompée était là et que les leurs
fuyaient ».
Il est clair que les Gaulois, non seulement voyaient de loin le mouvement de César et sa
troupe - « turmisque equitum et cohortibus visis » - (de « videre », voir) mais encore ils pouvaient
distinguer (« cernebantur ») tout ce qui se passait sur ces pentes. A propos de celles-ci, César
emploie deux termes pour les préciser : « declivia » et « devexa ».
I/ « Declivia », de « declivis, » : qui est en pente (Gaffiot)
II/ « Devexa », de « devexus, » : qui penche, qui descend
Exemple : « declivia et devexa » (César, BG VII, 88) : « les pentes et les dépressions
d’une colline ». Gaffiot(1)
« Declivia » et « devexa » apparaissent presque synonymes. Est-ce pour cela qu’aucun des
deux auteurs ne traduit « devexa » ? Pourtant, surtout dans une situation aussi critique, nous ne
pouvons soupçonner César d’employer des mots qui ne servent à rien. Les historiens apportent-ils
une réponse ? Soulèvent-ils même la question ? Nous ne voyons aucun commentaire annotant les
textes des auteurs de cette étude.
108
S’ils avaient balbutié « Flavigny » pour la zone où César venait de repousser les assiégés
sur les falaises, pas plus les partisans du Réa que ceux de Bussy ne donnent une explication
plausible (en hauteur et à distance proche) sur les hauteurs que César descend autour du mont
Auxois.
Ces plateaux alentour sont tous plats, unis et de même hauteur. Comment César pourrait-il
descendre pour attaquer les Gaulois -dominant eux-mêmes les lignes romaines des « superiora
castra »,- qui le regardent arriver « de locis superioribus » : « d’un endroit plus élevé » ? C’est un
casse-tête incompréhensible sur le site des Laumes, un de plus et non le moindre, car pour celui-ci
on ne peut trouver aucune explication, si ce n’est que le texte est faux et qu’il ne sert à rien.
Nous reconstituons par contre très bien, dans l’hypothèse A.Berthier, chaque geste de
l’auteur du BG sur le site de Syam-Crans. Tout y devient clair; on peut y suivre la pensée de César
et celle de Labiénus comme si on était dans leur état-major... avec un avantage certain
supplémentaire : nous pouvons survoler le site en avion pour avoir une vue d’ensemble,
impossible depuis le sol (que permet cependant de bien appréhender la carte IGN au 25000e en
relief du secteur de Chaux-des-Crotenay).
Revenons à la fin des combats...
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1) Encore une fois, Gaffiot traduit plus précisément que M.Rat et L.A.Constans une phrase importante du BG. Oui, mais il la
sort de son contexte, pourra-t-on objecter. C’est sans doute ce qu’il fallait faire.
La rigueur de Gaffiot, la précision de ses traductions et le nombre de ses exemples en ont fait la référence parmi les
dictionnaires latin-français. Cette rigueur aide beaucoup à la compréhension des évènements du Bellum Gallicum.
Cette même rigueur ne lui a pas permis d’accepter de placer le siège d’Alesia en Bourgogne.
Dans le dictionnaire Gaffiot, 1964, au mot « Alesia », on trouve tout simplement « ville de la Gaule ». C’est tout. Quant au
plan Napoléon III qui se trouve au-dessous, il aurait été placé là par son éditeur, contre le gré de Gaffiot, sans aucun autre
commentaire que : « Alesia ». Par contre, son éditeur s’est-il aperçu qu’il avait maintenu les Mandubiens en FrancheComté ?
« Mandubii, orum, Mandubiens (peuple de la Séquanaise, Franche-Comté actuelle) : Caes. G 7, 68 - Félix Gaffiot,
Dictionnaire illustré Latin-Français, Librairie Hachette, Paris, 1934
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74. BG / LIVRE SEPTIEME : chapitre 88, paragraphe 3 :
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Pi
UNE CLAMEUR GENERALE S’ELEVE DE TOUS COTES
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« Utrimque clamore excipit rursus ex vallo atque omnibus munitionibus clamor ».
L.A.Constans : « Une clameur s’élève des deux côtés, et une clameur aussitôt y répond de la
palissade et de tous les retranchements »
M.Rat : « Une clameur s’élève de part et d’autre, à laquelle répond la clameur qui monte de la
palissade et de tous les retranchements »
Les deux traductions n’appellent aucun commentaire.
Cherchons à comprendre ce qui se passe en ce moment critique :
César descend les pentes avec ses cohortes et ses cavaliers. Il sort du rempart de la
circonvallation, sans doute sur le flanc de l’armée gauloise, à un endroit où il pouvait le faire.
Les Gaulois qui l’avaient vu descendre se portent à sa rencontre et engagent le combat en
poussant une clameur, à laquelle répondent les cohortes de César en prenant leur formation de
combat habituel, dès qu’elles furent sorties de la circonvallation.
109
C’est ce que nous dit l’adverbe « utrimque » : de part et d’autre (sous entendu, de deux
parties distinctes)
Pour renforcer la clameur des quatre cohortes (deux mille hommes), à l’évidence plus
faible que celle de tout le corps gaulois (soixante mille hommes), les Romains en poste sur la
circonvallation, puis ceux « de tous les retranchements », c’est-à-dire entre la circonvallation ellemême, les remparts des camps, les coursives, les postes avancés, etc..., poussent également une
clameur. Le but de la clameur étant d’intimider l’ennemi tout en se donnant personnellement du
courage, la troupe qui poussait la plus forte clameur était celle qui prenait l’avantage
psychologique sur son adversaire.
Or, à cet instant, un immense trouble va surgir dans l’esprit des Gaulois, qui va
littéralement leur « couper les bras », eux qui jusqu’ici tenaient leur victoire « à l’usure ».
Rappelons encore une fois ce que César dit plus haut1 (BG, VII, 84, 4), à propos de la clameur
d’un combat qui vient dans le dos :
« Multum ad terrendos nostros valet clamor qui post tergum pugnantibus existit, quod
suum periculum in aliena vident salute constare omnia enim plerumque quae absunt vehementius
hominum mentes perturbant » :
« Ce qui contribue beaucoup à effrayer nos soldats, ce sont les cris qui s’élèvent derrière
eux, parce qu’ils voient que leur sort dépend du salut d’autrui, le danger qu’on n’a pas devant les
yeux est, en général, celui qui trouble le plus » L.A.Constans.
Nous pouvons supposer qu’il en fallait beaucoup plus pour effrayer de vieux légionnaires
qui en étaient à leur sixième année de campagne en Gaule sous « l’Imperium », le commandement
suprême de César, que ces Gaulois au caractère versatile, prêts à s’enthousiasmer sans retenue,
comme à perdre toute espérance et s’enfuir au moindre coup du sort2.
César nous dit que ses vétérans craignaient les attaques à revers mais, grâce à la discipline
et à la hiérarchie militaire romaines, ils ne s’enfuyaient pas pour autant. Dans le cas présent, les
Gaulois de l’intérieur ayant été repoussés au-delà des abrupts, jusque dans l’oppidum, il n’y avait
plus de clameur dans le dos des Romains de ce secteur de la circonvallation. Leur stabilité
émotionnelle pouvait en être tout à fait rassérénée.
Ce n’était pas le cas des attaquants gaulois de Vercassivellaun qui étaient en face d’eux,
sur eux, au contact direct...
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... qui pourrait bien cette fois-ci tourner à son avantage.
C’est César lui-même qui nous apprend ce caractère particulier de ses adversaires. Il saura se servir de cette faiblesse de
caractère à son profit, à l’instant crucial, pour retourner la situation à son avantage.
2
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75. BG / LIVRE SEPTIEME : chapitre 88, paragraphe 4 :
LES GAULOIS de VERCASSIVELAUN SONT ARRIVES SUR LES REMPARTS
ROMAINS
« Nostri omissis pilis gladiis rem geruntur ».
L.A.Constans : « Les nôtres, renonçant au javelot, combattent à l’épée »
M.Rat : « Nos soldats, renonçant au javelot, combattent avec le glaive »
Il est trop tard pour les armes de jet. On en est au corps-à-corps, homme à homme, sur le rempart.
Il est à remarquer qu’à cette époque, les Romains n’avaient pas encore l’épée longue, la
« spatha » qui apparaîtra plus tard, pendant l’Empire. C’est donc avec le seul glaive court que les
légionnaires se défendent sur leurs fortifications.
Il est anormal que les Romains renoncent volontairement au javelot de type pilum, qui restait une
arme redoutable, car seul il permettait de percer les boucliers gaulois. « omissis pilis » :
« renonçant aux javelots », paraît donc une version douteuse. Certaines séries de manuscrits
porteraient « emissis pilis » : « les javelots ayant été lancés ». Nous penchons beaucoup plus pour
la version « emissis ». Il est effectivement fort possible que les Romains n’aient plus d’armes de
jet en ce moment de la bataille, donc ils ne pouvaient plus tenir à distance les Gaulois au-delà du
« vallum »(1). Leur situation était à cet instant critique. Tenter une sortie devenait la seule issue
pour se dégager…d’autant plus que les Gaulois avaient pu eux-mêmes récupérer des armes de jet
des Romains, et pouvaient s’en servir.
Il ne faut pas oublier que les « pila » sont comme des boomerangs : s’ils ratent leur cible, ils
peuvent être renvoyés à l’expéditeur. César nous a raconté un tel désagrément qu’il avait subi
quelques années auparavant contre les Belges.
Les Romains en sont donc arrivés à la dernière extrémité et c’est à partir de cette situation
qu’en un instant la victoire va éclater...en leur faveur.
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1) Les réserves d’armes de jet ne sont pas inépuisables. Est-ce en cet instant que les « fundatores », les frondeurs romains,
ont pris le temps de graver les moules, chauffer le plomb et couler les balles de fronde au initiales « T. LAB. », dont deux
exemplaires ont été retrouvés, vingt siècles et demi plus tard au camp C, sur le rebord d’un plateau autour du mont Auxois ?
©
76. BG / LIVRE SEPTIEME : chapitre 88, paragraphe 5 :
LA CAVALERIE DE CESAR SURGIT DANS LE DOS DES GAULOIS
« Repente post tergum equitatus cernitur ».
L.A.Constans : « Soudain les ennemis aperçoivent la cavalerie derrière eux »
M.Rat : « Tout à coup notre cavalerie se montre sur les derrières de l’ennemi »
C’est l’événement décisif. Encore une fois, la quatrième durant la bataille d’Alesia, les
cavaliers germains vont tirer les Romains d’une situation dangereuse ou même critique. Pendant
que César cristallisait l’attention sur lui en descendant les hauteurs avec son manteau rouge, la
111
plus grande partie de la cavalerie faisait un mouvement d’encerclement sur les arrières des
assaillants gaulois. Celui-ci devait être :
- a) Discret, c’est-à-dire à l’abri des regards gaulois qui, ne l’oublions pas, étaient sur des
hauteurs. Il fallait donc utiliser des replis de terrain (d’où leur importance indiquée par César).
- b) Complet, c’est-à-dire qu’il ne devait y avoir aucune issue, aucune échappatoire. Tout le corps
d’armée de Vercassivellaun a effectivement été détruit. Très peu ont pu s’échapper, souvent
blessés, pour raconter le drame à Commios l’Atrebate et aux deux chefs éduens qui, démoralisés,
lèveront le camp immédiatement avec le corps principal de l’armée extérieure.
- c) Efficace, la ligne de blocus devait pouvoir résister un certain temps à une attaque frontale.
- a) Discret : c’est le mot « soudain » qui induit la furtivité. La cavalerie avait été partagée
au départ de César dans le fortin d’où il venait de partir avec quatre cohortes. Donc elle se trouvait
déjà, ou venait d’arriver sur ce fortin. Une partie de cette cavalerie a suivi César et s’est montrée.
L’autre partie, venant des mêmes fortins en hauteur, a pu faire le contour du champ de bataille en
restant hors de la vue des Gaulois. Il faut retrouver la façon dont cela a pu se passer sur le site
d’Alesia, aux Laumes ou ailleurs.
- b) Complet : c’est la frayeur glaciale et instantanée des Gaulois qui sous-entend qu’ils
n’ont vu aucune échappatoire possible à l’encerclement par les cavaliers, puis de nouvelles
cohortes qui approchaient.
- c) Efficace : aucune attaque massive ou localisée n’a pu briser cet encerclement, puisque
les chefs eux-mêmes ont été pris ou tués. Seuls quelques fuyards rejoindront l’armée principale,
nous dit César. Plus de 70 enseignes lui seront apportées. Une si importante armée de 60 000
hommes s’est évaporée en une demi-journée.
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77. BG / LIVRE SEPTIEME : chapitred
88, paragraphe 6 :
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LES TROUPES DE VERCASSIVELLAUN,
ENCERCLEES, PERDENT LA PARTIE
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« Cohortes aliae adpropinquabant : hostes terga verterunt. Fugientibus equites occurunt. Fit
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magna caedes ». r
r
ie: « De nouvelles cohortes approchaient : ils prirent la fuite. Nos cavaliers leur
L.A.Constans
P
coupent la retraite. Le carnage est grand »
©: « D’autres cohortes approchaient; les Gaulois prennent la fuite; nos cavaliers leur coupent
M.Rat
la retraite; le carnage est grand »
C’est la fin. Une troupe qui était sur le point de submerger les lignes romaines tourne le
dos et fuit.
Tout a commencé à s’effondrer à partir de la clameur des Romains. C’est la première fois
dans le BG que César nous parle d’une clameur romaine aussi décisive. Pour qu’elle fût aussi
effrayante, n’était-elle donc pas enveloppante ? Si une clameur dans le dos inquiétait les soldats
romains, n’était-elle pas en mesure de pétrifier des Gaulois moins aguerris ? N’est-ce pas
l’indication que ces derniers se sont aperçus tout à coup qu’ils s’étaient eux-mêmes enfermés dans
une gigantesque nasse dont le fond était le débouché sur l’oppidum assiégé, l’appât : César et son
manteau rouge, suivi de quelques cohortes, méprisable fond de tiroir des réserves romaines
conduites par le général en personne ?
Soudain, la clameur envahit trois côtés de la nasse. Une clameur qui vous emplit la tête de
toutes parts, dont l’écho sur les côtés amplifie la résonance... de toutes parts, sauf à l’arrière, la
montagne « post montem » par où l’on est arrivé... on se prend à tourner la tête dans cette
112
direction au cas où... Stupeur, l’horizon est bouché à l’arrière par les cavaliers germains, surgis
d’on ne sait où, et dont les escadrons se positionnent, paraissant prêts à dévaler la pente pour
fondre dans le dos du corps d’armée de Vercassivellaun.
Celui-ci a-t-il gardé une masse de réserve mobile en arrière de la mêlée, ou de la cavalerie
pour faire face à ce genre d’imprévu ? Non. Intrépide, il était tout près de ses hommes avec les
autres chefs, au contact des Romains. Il n’avait pas de cavalerie en appui : elle n’avait pu le suivre
dans cette marche de nuit hasardeuse derrière des éclaireurs locaux. Il ne pouvait attendre aucune
aide du corps principal de l’armée extérieure, puisqu’il avait mis une nuit de marche épuisante
pour contourner les défenses romaines; il en faudrait presque autant pour aller chercher du secours
et autant pour le ramener. Il était complètement isolé. Seul Vercingétorix assistait au drame du
haut de la citadelle d’Alesia, mais ne pouvait venir assister son cousin, ses propres troupes ayant
dû refluer alors qu’elles le touchaient presque au-dessus des abrupts.
Sedullus, chef des Lemovices, sera tué. Vercassivellaun sera pris vivant tandis qu’il tentait
de s’enfuir. « Bien peu, d’une armée si nombreuse, rentrent au camp sans blessure », nous dit
César. Les trompettes de la citadelle d’Alesia vont pouvoir apprendre à l’armée extérieure la
défaite du corps d’attaque de Vercassivellaun.
Il est clair que l’encerclement était parfait. Pour le réussir, César avait quelques milliers de
cavaliers, ainsi peut-être que les fantassins qui combattaient habituellement dans leurs rangs. Si
l’on prenait en compte trois mille chevaux, on pourrait, les plaçant flanc contre flanc, assurer un
front continu sur une ligne de trois kilomètres. Comme il fallait certainement prévoir une
deuxième ligne pour résister à une dernière attaque désespérée des Gaulois, le bouclage serait
efficace à condition de ne pas dépasser deux à trois kilomètres de longueur au maximum.
Aucune explication ne se trouve possible sur le site des Laumes, Réa ou Mussy. Pour
encercler le cousin de Vercingétorix avec deux fois moins d’hommes que celui-ci n’en avait, il
fallait qu’il se trouvât dans une véritable nasse, que les cavaliers pouvaient boucler rapidement et
complètement.
Au Réa, l’armée de Vercassivellaun, que l’on dit avoir fait un large détour pour ne pas se
faire repérer lors de sa marche d’approche en traversant la plaine des Laumes, n’avait plus cette
précaution à prendre pour envoyer des messagers près de Commios et faire accourir des renforts :
il n’y avait pas plus de deux kilomètres et demi entre les deux armées. Une contre-attaque massive
de ces renforts aurait pu briser le cordon des cavaliers germains, étirés sur huit à dix kilomètres
(soit seulement un cavalier tous les trois mètres !).
L’encerclement complet du Réa englobant tout l’espace où se battaient 60 000 Gaulois
aurait donc nécessité au moins quatre fois plus de cavaliers que n’en avait César. Car les lignes de
contrevallation portées sur le plan Napoléon III et étudiées par Michel Reddé, reconnues
officiellement comme la vérité intangible d’Alesia, puisque c’est là qu’ont été trouvées les
monnaies gauloises et les brassées de javelot par les terrassiers de Stoffel, - NB/ mais pas les
balles de fronde du camp C de Bussy - ne présentent aucune poche susceptible d’avoir piégé
Vercassivellaun. Le tracé en droites rectilignes et peu espacées des fossés de la plaine de
Grésigny, ainsi que la topographie des lieux, doit faire écarter toute possibilité que les
événements suivants se soient déroulés sur le site du Réa :
1) La marche d’approche de nuit de Vercassivellaun derrière des éclaireurs locaux.
Elle n’avait pas lieu d’être aussi longue et pénible alors qu’il suffisait de traverser la plaine des
Laumes à un ou deux kilomètres des Romains pour passer inaperçu et atteindre l’arrière du Réa
sans difficulté ni fatigue.
2) Le mouvement ultime de César, descendant d’une hauteur avec son manteau pourpre,
tout près des Gaulois qui le distinguaient très bien depuis les positions déjà élevées qu’ils
occupaient.
Il ne pouvait donc se trouver sur le plateau de Bussy, et encore moins celui de Flavigny, situés à
plusieurs kilomètres. Mais alors où ?
3) L’immense bataille ayant mis en oeuvre cinq à six légions romaines, soit la moitié de
l’armée, contre les 60 000 Gaulois de l’armée de Vercassivellaun.
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Il aurait fallu, pour qu’elle ait pu se dérouler ici, une surface dix fois plus grande que la face Est
du Réa.
4) L’attaque des abrupts par l’armée intérieure.
Celle-ci s’est déroulée, comme toujours, en face de l’attaque extérieure, pour augmenter ses
chances de réussite. Or, les historiens la placent complètement à l’opposé, vers Flavigny1.
5) L’encerclement de l’armée de Vercassivellaun.
Celui-ci est incompréhensible sur ce site, tant au Réa qu’à Buxy. Une grande partie des Gaulois
aurait pu s’échapper, les chefs également. Ils n’en auraient d’ailleurs pas eu besoin car ils auraient
vaincu, les Germains n’étant pas assez nombreux pour faire un large contour du Réa ou du plateau
de Bussy, pour revenir ensuite assurer le bouclage sur la circonvallation de la plaine des Laumes.
6) La non-intervention de l’armée extérieure est grotesque. Que faisaient les 8 000
cavaliers gaulois dans la plaine des Laumes, - moins ceux, évidemment, mis hors de combat dans
la plaine de trois mille pas lors de leur attaque initiale ? Regardaient-ils passer sans bouger les
cavaliers germains qui allaient encercler leurs frères d’armes jusqu’à la circonvallation de la
plaine où ils se trouvaient ? En percutant leur ligne très mince2, ils devaient la briser. Outre les
cavaliers, les fantassins gaulois pouvaient-ils eux aussi rester impassibles sur la montagne de
Mussy, avec vue directe sur le Réa ?
Pour en revenir à la trahison des Eduens, rappelons que le corps d’attaque de
Vercassivellaun avait été formé par prélèvement des meilleurs guerriers parmi l’ensemble des
nations coalisées. N’y avait-t-il pas également de bons guerriers chez les 35 000 Eduens
présents ? Est-on certain qu’il ne s’en trouvait pas un certain nombre dans le corps d’attaque des
camps supérieurs Nord ? Leurs compatriotes pouvaient-ils les laisser mourir sans intervenir ? En
effet, rien n’empêchait un assaut de diversion en n’importe quel autre point de la circonvallation
au Sud ou à l’Est (puisque la plaine à l’Ouest était inexpugnable et qu’ils avaient renoncé à
l’attaquer, après trois échecs successifs). Les Eduens auraient-ils ainsi trahi leurs propres frères du
camp Nord ?
Ces six incompatibilités du site des Laumes, par rapport seulement à la bataille finale,
n’existent pas sur celui de Syam-Crans de l’hypothèse A.Berthier, où les six actions majeures cidessus s’y placent à la perfection.
Hasard ? Selon la loi des probabilités, plus il y a de points concordants, plus le hasard
s’éloigne. Inversement, moins il y a de points concordants, plus la fausse certitude doit s’éloigner.
Pourquoi ne pas tenter, sous le contrôle d’une commission mixte d’archéologues, de
linguistes et d’historiens, une reconstitution de ces événements sur le site du Réa et/ou de Bussy Les Laumes, puis contradictoirement, sur celui du col de Crans au-dessus de Syam ? La vérité
historique aurait certainement à y gagner. Ce serait même à réaliser avant toute fouille
archéologique d’envergure sur le site d’André Berthier. Nous en revenons à une autre méthode
judiciaire : après le portrait-robot, la reconstitution sur les lieux.
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Les abrupts de Flavigny, en considèrant comme tels les tertres sommitaux, ont l’inconvénient d’être placés très en arrière
de la ligne de contrevallation Napoléon III. Comme nous l’avons déjà expliqué, il aurait donc fallu emporter d’abord celle-ci,
franchir un large espace bourré de troupes romaines pour arriver enfin sur la crête de Flavigny. Or, d’après César, les
combats qu’il décrit ont eu lieu après le franchissement des abrupts. Il est impossible que les Romains ne se soient pas battus
sur les pentes avant le sommet car les Gaulois se trouvaient alors entre les deux lignes romaines, qu’ils allaient couper.
2
Le général Marbot nous apprend qu’une troupe de cavaliers lancés au galop de charge a toujours l’avantage sur une troupe
immobile, fantassins ou cavaliers. Les Germains assurant le bouclage étaient forcément arrêtés et de plus -aux Laumesclairsemés. Une charge gauloise en n’importe quel point devait les bousculer.
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Croquis page précédente :
Essai de restitution sur le col de Crans de l’attaque de Vercassivellaun
(En jaune, la marche d’approche nocturne depuis la région de Sapois, - 12 km-, la position
d’attente derrière une montagne (post montem)- jusqu’à midi, puis l’approche (adeundi)
jusqu’aux fortifications romaines, en utilisant les replis de terrain pour masquer l’ampleur de
l’attaque.)
(En rouge, (lignes continues) : traces de murs existants pouvant être des fortifications romaines.
Au bas, les falaises « praerupta » escaladées par les assiégés, la descente de César et le
contournement des cavaliers germains (en pointillés) masqués par le thalweg de Beauregard.
NB/ Cette reconstitution n’est qu’une base de recherche effectuée par l’auteur, à partir de l’hypothèse A.Berthier, et qui va
un peu au-delà de cette hypothèse pour mieux respecter les espaces nécessaires au déploiement de toutes les troupes (une
estimation métrée de la surface a été réalisée). Des fouilles permettraient de vérifier la présence de fortifications romaines
dans tout ce secteur, qui foisonne de murs et de tumuli. Si le plateau de la Singe, bien propice pour contenir les nombreuses
cohortes de renfort de Labiénus, qui ne pouvaient se déployer seulement sur le secteur de la Grange d’Aufferin, n’avait pas
été occupé par les Romains, le bouclage par les Germains aurait du être 50% plus long pour revenir assurer le verrouillage
sur la base de la Côte Poire.
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EPILOGUE
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« His rebus confectis in Haeduos proficiscitur ».
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L.A.Constans : « Quand tout est achevé,e
il part chez les Eduens »
M.Rat : « Cela fait, il part chez lesd
Eduens » (M.Rat)
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a de fouet.
La phrase claque comme un coup
Il est exact que César part,m
mais voyons en détail : « proficiscor », v. intr. (Gaffiot) = « se mettre
en marche, se mettre eny
route ». Cela sous-entend des préparatifs pour une longue marche, et non
A
un départ rapide. A nouveau, pourrait-il avoir prononcé cette phrase aux Laumes, chez les
e s’y trouvait ?
Eduens, alors qu’il
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Si nous revenons au départ de l’armée romaine, quand elle était annoncée « quittant la
e
Gaule », iet à l’expression « Cum in Sequanos per extremos Lingonum fines iter faceret » (BG
P
VII) : « Comme il faisait route vers la Séquanie en traversant l’extrémité de la frontière des
Lingons
© », nous sommes surpris que César, qui était alors au Sud du territoire des Lingons et se
mettait en route vers la Province, n’ait pas utilisé ce même verbe « proficiscor » : « je me mets en
78. BG / LIVRE SEPTIEME : chapitre 90, paragraphe 1 :
route vers la Séquanie » qu’il utilisait si fréquemment par ailleurs.
Il lui a préféré « iter faceret » : « il faisait route ». Il était donc parti. N’est-ce pas
l’indication que le mouvement était engagé depuis un certain temps déjà et ainsi qu’en fait
l’armée avait déjà quitté le territoire lingon …pour une frange marginale de la Séquanie, en
direction de Genève, où Vercingétorix allait l’intercepter ?
Pour en revenir au départ chez les Eduens, la localisation des Mandubiens est claire pour au moins
un grand latiniste, Félix Gaffiot qui, pour élaborer son dictionnaire, devait bien en rester au strict
mot-à-mot et ne pas arranger son texte en fonction d’un contexte pré-établi, (cf : Dictionnaire latinfrançais, par Félix GAFFIOT, Lib. HACHETTE, Paris, 1934) :
« Mandubii, orum, m » : Mandubiens (peuple de la Séquanaise, Franche-Comté actuelle)
Caes. G 7,68.
Depuis les Mandubiens en Séquanie, César pouvait effectivement se préparer pour une longue
marche « chez les Eduens », car à l’évidence il ne s’y trouvait pas.
117
CONCLUSION
Alise est devenue l’Alesia de César seulement après sa « découverte » par le moine Héric
au IXe s. de notre ère. Celui-ci venait de traduire le texte de BG et avait pu opérer un
rapprochement, tout d’abord épigraphique puis géographique avec le texte de César. Aucune
« découverte » d’Alesia n’est possible sans le Bellum Gallicum, complété par les auteurs de
l’antiquité.
Le fait que la ville gallo-romaine d’Alisia, ruinée au IIIe et IV s, servit de carrière de
pierres aux moines de l’abbaye toute proche de Flavigny a pu renforcer l’idée devenue mythe,
Alesia = Alise.
La stèle du IIe s, gravée « in Alisiia », découverte en 1839 par l’archiviste dijonnais
Maillard de Chambure, est venue conforter dans l’opinion publique cette vérité préfabriquée.
Personne ne s’est soucié que l’Alisia (ou Alisiia) où fut martyrisée Sainte-Reine, n’était pas
obligatoirement l’Alesia dont parle César. 1) Les noms de lieux latins auraient-ils changé en deux
siècles ? Pourtant Florus, en ce même II ème siècle, écrit bien « Alesia », et non « Alisia », à
propos de la bataille de César contre Vercingétorix.
Napoléon III a voulu faire parler le terrain pour conforter la vraisemblance de ce site dans
son livre « L’Histoire de Jules César, » tranchant définitivement entre un site pas complètement
adapté aux textes: Alaise, et un pire : Alise, en faveur du pire (2).
Mais les découvertes effectuées par ses fouilleurs sont entachées d’un soupçon de défiance
: elles étaient conduites par le colonel Stoffel, qui n’avait qu’un souci : faire plaisir à son maître
l’empereur, court-circuitant toute sa hiérarchie militaire.
Quand R.Goguey nous montre sur ses photos aériennes trois lignes parallèles qui zèbrent
la plaine des Laumes à l’emplacement exact des fossés retrouvés par Stoffel, c’est pour lui la
preuve qu’Alesia est bien là, comme indiquait il y a quelques années la légende d’une photo
aérienne, lors d’une exposition dans le hall du Conseil Régional.
Or César indique deux fossés seulement en contrevallation. Qu’en est-il du troisième, tout
proche des deux autres ? Il ne peut s’agir d’un fossé d’irrigation car il ne serait pas strictement
parallèle aux deux fossés de la ligne césarienne, à moins qu’il ne s’agisse de trois fossés
d’irrigation. M.Reddé signale qu’il a retrouvé les trois fossés de la photo et nous dit, à peine gêné,
que le texte de BG est faux sur ce point. Il ne peut agir autrement car il s’est enfermé dans son
propre syllogisme ; puisqu’Alesia est aux Laumes, si le terrain ne correspond pas au texte, c’est le
texte qui est faux. Il reste honnête vis à vis de ses commettants qui lui ont dit : « Allez nous
trouver les restes des fossés d’Alesia, afin que nous puissions effectuer à partir de ceux-ci des
reconstitutions de tours et de remparts pour le Muséo-Parc ».
Mais il est moins respectueux de César qui était bien, lui, sur le terrain en 52 avant JC, et
n’avait pas de raisons d’écrire qu’il avait fait creuser trois fossés alors que deux étaient suffisants.
Stoffel a eu vis à vis de Napoléon III une autre démarche. Il connaissait le troisième fossé
puisque nous avons appris qu’une tranchée du 19ème siècle, retrouvée récemment, recoupe bien les
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Le radical « Ale » indiquerait « rocher ». Il y avait de nombreuses localités appelées « Alesia », comme il y a de nos jours
des « Rochefort », La Roche, Roquebaume, Roquemaure, etc...D’autre part nous avons vu qu’il est dans la logique des
Romains de brûler les villes qui leur ont résisté (Carthage, Bourges…). Si Alesia a été rasée, il est sensé d’imaginer que
César, maître de la Gaule, en aura interdit la reconstruction pour ne pas en faire un « sanctuaire » de l’indépendance gauloise.
N’est-il pas logique qu’elle ait ainsi perdu son nom même au fil du temps ?
2) Il est regrettable que l’esprit éclairé qu’était Jules Quicherat, maître de l’archéologie à cette époque, n’ait pas connu
l’hypothèse d’A.Berthier, venue au jour en 1962. Ses arguments auraient pu alors être plus décisifs que ceux d’Alaise, et
convaincre Napoléon III.
D’autre part, il est curieux de constater qu’un plan du site des Laumes, paru avant les fouilles de Napoléon III, reporte un
tracé beaucoup plus cohérent militairement, et beaucoup plus conforme au BG que celui de Stoffel /Napoléon III, sur lequel
s’est appuyé M.Reddé pour ses fouilles de reconstitution. Pourquoi n’en a-t-il pas tenu compte ? Voir ci-après en annexe.
118
trois fossés. Or Napoléon III, dans son « Histoire de Jules César », n’en signale que deux.
Stoffel n’a pas mentionné ce troisième fossé. Est-ce pour ne pas éveiller les soupçons de
l’Empereur sur la véracité du site? Ou est-ce Napoléon III lui-même qui a supprimé ce fossé en
trop ? Nous l’en pensons capable, tout comme il avait, à Gervovie, inclu dans son plan des fossés
qu’il savait avoir été de drainage, passant outre l’avis de Stoffel ? 1.
M.Reddé a avoué lors du colloque de mai 1996 à l’Université de Bourgogne ne jamais
pouvoir comprendre les fortifications du Réa (sous-entendu des légats Reginus et Rebilus), là
même où avaient été trouvées par Stoffel toutes ces « preuves », brassées de javelot et centaines
de monnaies, amoncelées en un même point, sur quatre cent mètres de fossés.
Napoléon III avait-il compris, lui ? Certainement pas plus que la science actuelle. Mais il
était empereur-historien. C’est un avantage cumulé que n’ont pas les archéologues et historiens de
nos jours pour faire admettre leurs idées.
Voyant cela, André Berthier a eu l’idée d’appliquer à l’archéologie une méthode qui a fait
ses preuves dans la police criminelle : celle du portrait-robot, qui a abouti à la thèse dont nous
avons vérifié l’application sur le site de Crotenay-Syam-Chaux-des-Crotenay, en comparaison
avec celui du mont Auxois-Les Laumes, selon la thèse « officielle » issue de celle « décrétée » par
Napoléon III.
A partir du texte de César, sans rien omettre ni ajouter, A.Berthier a sorti les composantesclef qui vont définir une figure géométrique bien délimitée et orientée. Tracée sur un calque à
l’échelle de la carte d’état-major, et promenée carré par carré au-dessus de toute une zone depuis
Sens jusqu’à Chambéry, cette figure s’est soudain superposée trait pour trait à un seul et unique
paysage de la carte : le plateau triangulaire de Chaux-des-Crotenay, près de Champagnole (Jura).
Cela pouvait-il être le fruit du hasard ? En outre, ce site était placé sur une route antique allant de
Langres à Genève par la cluse de Morbier, permettant seule de franchir le Jura central vers
Genève, où se rendait César venant de Langres.
L’emplacement de la bataille de cavalerie apparaissait un peu plus avant sur cette même
route, à un endroit rêvé pour l’embuscade des 15 000 cavaliers gaulois, avec tous les détails
topographiques indiqués par César ou sous-jacents dans son texte. Les traces de l’enceinte protohistorique d’un oppidum étaient retrouvées sur le sommet du plateau, ceignant une cinquantaine
d’hectares d’un mur apparaissant de type « cyclopéen », avec des blocs d’une tonne. La
composante cultuelle du lieu indiquée par les auteurs anciens était là aussi, avec de multiples
monuments lithiques pouvant attester d’une importante métropole religieuse celtique.
Le pied de la colline de la Côte Poire, placée exactement au Nord, a livré durant les
quelques fouilles autorisées2, des trouvailles archéologiques dont certaines remonteraient au Ier s.
av J.-C.3, mêlées certes à d’autres plus tardives. Depuis, ces fouilles ont été interdites, les DRAC
de Besançon et Dijon considérant ce site archéologiquement nul. Il resterait beaucoup à faire sur
le site immense de l’hypothèse A.Berthier, à Crotenay, Champagnole, Syam, Crans, Chaux-des-
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Voici ce qu’a dit un jour M. Reddé à la radio, en réponse à la question d’un journaliste à propos du plan de Napoléon III
établi d’après les fouilles de Stoffel : « Le tracé des travaux de César est exact en gros. Mais il comporte : 1/ Des oublis ;
2/ Des ajouts intempestifs : fossés néolithiques, celtes, médiévaux. On a reporté au 19ème siècle au siège tout ce qu’on
trouvait sur le terrain, donc un certain nombre d’erreurs. Ceci pollue le dossier du 19ème siècle ; 3/ Tracés incohérents,
divergents, incertains... »
2
Lire à ce sujet le livre d’A.Berthier et A.Wartelle, avec la participation de Y.Guillaumin, « ALESIA », Nouvelles Editions
Latines, Paris 1990.
3
Dont une céramique qui pourrait être de type campanienne, une clef datée du premier siècle av.JC par deux musées, des
débris d’armes difficiles à dater, des boucles de ceinture, des clous anciens par centaines, etc... Ces vestiges ne représentent
cependant pas à eux seuls une preuve de la bataille d’Alesia. Mais ils rendent inexacte l’expression de « désert
archéologique » attribuée à cette partie du Jura. L.A.Girardot, à la fin du XIXe s. a fait de nombreuses découvertes dans ce
secteur, en particulier au lieudit « Châtelet » de Châteuneuf », signalé : « Ancien Poste Romain » sur les cartes IGN, à un
emplacement adéquat sur la circonvallation romaine, face à l’entrée Ouest de l’oppidum. Des armes brisées, pouvant
témoigner d’un combat très ancien, ont été trouvées dans ce poste. Girardot ne savait pas à quelle bataille il pouvait le
rattacher, et en faisait un poste de défense de la voie antique vers la Suisse. (« La présence de restes d’armes à pointe
émoussée, perdus dans les pierres du rempart, montre que ce castellum fut le théâtre d’une lutte, au sujet de laquelle
l’histoire reste muette » L.A.Girardot : « Notes sur le plateau de Châtelneuf avant le Moyen-Age »).
119
Crotenay, Châtelneuf, Moliboz, Les Planches-en-Montagne, Pont-de-la Chaux, Cornu, EntreDeux-Monts, Vaudioux…, où des traces visibles, tumulus, murs, chemins de communication,
fossés, sont à relever, assembler, trier, étudier, dater, sur quelques deux mille hectares, avant
même l’étude du sous-sol.
Les recherches doivent porter en particulier sur la compréhension du dispositif puissant
établi par l’armée romaine qui, s’appuyant sur un relief étonnamment complice, a pu non
seulement contenir efficacement l’armée de Vercingétorix, mais encore résister aux coups de
boutoir de l’armée extérieure, qui pouvait choisir le lieu et le jour de son attaque. Il fallait donc
pour César être très vigilant, disposer de postes d’alerte par signaux, être bien protégé partout par
un dispositif en profondeur comportant des poches « en doigt de gant » pour diriger les attaquants
au fond d’une nasse et favoriser ainsi l’efficacité des machines de guerre, et enfin avoir aménagé
le terrain pour que la circulation des unités de renfort s’effectue par effet de « vases
communicants » entre les fortifications.
Nous sommes loin de trouver, autour du mont Auxois, de telles dispositions qui seules ont pu
permettre aux Romains de résister face aux furieuses attaques gauloises sur leurs fortifications.
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Si le site de l’hypothèse A.Berthier est archéologiquement nul, c’est peut-être qu’il l’est
devenu après -52, date où Alesia fut rasée et bannie par les Romains, jusqu’à la fin de l’Empire-,
bien que la route traversant le Jura par la cluse de Morbier était à cette époque utilisée notamment
pour le commerce du sel avec la Suisse.
Des fouilles objectives restent à exécuter par des archéologues motivés sur ce site d’André
Berthier, à la lumière des textes, pour en confirmer ou infirmer les indications, y placer
précisément les phases de chaque combat et aboutir enfin à la vérité historique, celle qui est
cachée dans les textes, et qui ne peut qu’émaner de ces textes.(1)
Car que valent les mobiliers archéologiques, quels qu’ils soient, s’ils ont été découverts sur un site
qui ne correspond pas aux textes ?
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Le magazine « Le Point », dans son édition du 19 février 2009, rapporte qu’une autorisation de fouilles sur le site
d’André Berthier aurait été donnée par Mme Christine Albanel, ministre de la Culture : « Malgré son amitié pour
Louis de Broissia (ancien président et actuel 1er vice-président du Conseil Général de Côte d’Or),à l’origine du
musée en construction sur le site d’Alise, Christine Albanel ( ministre de la Culture) s’est engagée à financer des
fouilles sur le site de Chaux, un dangereux concurrent du musée bourguignon… »
La réponse ne s’est pas fait attendre longtemps, ainsi relevons-nous dans le journal Le Bien Public-Les Dépêches
du 1er mars :
Réponse de Louis de Broissia : « Le cabinet de Christine Albanel a envoyé un démenti…C’est la suite d’une
polémique sans fondement issue d’une très petite minorité d’archéologues emmenés par André Berthier. Le problème ? Ils
n’ont jamais fouillé. » (NB /Puisque les fouilles ont été sytématiquement refusées par les ministres successifs devant le
blocus systématique de la DRAC, la preuve !) Et l’élu de Mirebeau de préciser : « J’ai même proposé il y a dix ans que le
conseil général de Côte d’Or prenne ces fouilles à sa charge financièrement ! Je rencontre lundi (demain) le président du
conseil général du Jura. Je vais lui suggérer de faire fouiller Chaux. Il y a quelque chose évidemment. Mais la Chaux-desCrotenay est une hypothèse, alors qu’Alésia en Côte d’Or est une réalité. »
NB/ Le problème est : « Qui va fouiller ? … Les mêmes qui interdisent les fouilles actuellement par crainte que
quelque élément troublant n’apparaisse ? »
Il semble ainsi que cette hypothèse A.Berthier dérange sérieusement, et pour le moment les fouilles sont toujours
interdites.
- Soit il est certain que rien ne peut être trouvé relatif à Alésia –puisque c’est aux Laumes-, et dans ce cas pourquoi refuser
des fouilles sur un éperon barré naturel qui doit pouvoir renfermer, selon toute évidence topographique, un oppidum celtique.
-Soit il existe des doutes sur le site des Laumes, et alors pourquoi s’obstiner à refuser à Chaux-des-Crotenay des fouilles
objectives qui pourraient établir la lumière, sinon par peur de se déjuger ? Cependant les sites de bataille, par nature
éphémères, livrent peu de leurs secrets. Sur ce plan celui des Laumes est une remarquable exception.
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ANNEXE I
COMPARAISON entre le site d’ALESIA et celui de BESANCON
décrits tous les deux par César dans le BG
Il est intéressant de comparer les termes employés par César pour décrire la topographie
de deux sites sur lesquels il a séjourné avec son armée, deux oppida gaulois : celui des Séquanes,
« Vesontio » (Besançon) et celui des Mandubiens, « Alesia ». L’un est connu avec certitude car il
s’est perpétué à travers les siècles : Besançon ; l’autre est encore controversé car il a disparu dans
l’Histoire : Alesia.
Certains tirent de cette comparaison un argument pour Les Laumes, contre les sites
présumés jurassiens, notamment celui de Chaux-des-Crotenay/Syam, prétextant qu’ils sont (qu’il
est) trop montagneux par rapport à celui des Laumes. Nous relevons par exemple le texte encadré
sur Alesia, paru dans « QUID 96 », p. 722 : « Localisée depuis le Ier siècle à Alise-Sainte-Reine
où Napoléon III fit entreprendre des fouilles des 1861 à 1865 (Mont-Auxois). En 1904, la Société
des Sciences de Semur décide de sauvegarder Alesia. En 1956, on découvrit de nouveaux vestiges
des fossés de César dans la plaine des Laumes, au pied du Mont-Auxois. D’autres lieux ont été
proposés dans l’Ain (Izernore), le Doubs (Alaise) par Delacroix (architecte), il poussa Ernest
Desjardins, Quicherat et G.Colomb (1856-1945) auteur (sous le pseudonyme de Christophe), de la
« Famille Fenouillard » et du « Sapeur Camembert », qui soutiendra aussi cette thèse dans
l’Enigme d’Alesia (1922). Pour Alesia contre Alesia (1928), La Bataille d’Alesia (1950), le Jura
(Salins les Bains), à Syam/Chaux-des-Crotenay (site de Cornu) à environ 10 km de Champagnole,
d’après A.Berthier (1962) (mais le relief semble trop montagneux, César parlant de « collines »
alors qu’il appelle la citadelle de Besançon une « montagne énorme », « mons ingens »), l’Yonne
(Guillon) : le site comporte un oppidum dominant la plaine de 120 mètres, avec une triple
enceinte en pierres sèches, de 12 km de long, de 2 à 8 mètres de hauteur et largeur ».
Voyons ce qu’il en est :
César décrit Besançon dans son livre premier du BG, chapitre 38.
Ce texte mérite une étude minutieuse, pour vérifier si l’on peut, comme QUID 96, en tirer
un enseignement pour la vérification des hypothèses de localisation d’Alesia : pour ou contre
Alise, pour ou contre Syam/Chaux des Crotenay ?
Texte établi et traduit par L.A.Constans :
« Cum tridui viam processisset, nuntiatum est ei Ariovistum cum suis omnibus copiis ad
occupandum Vesontionem, quod est oppidum maximum Sequanorum, contendere, tridvique viam
a suis finibus profecisse »: « Après trois jours de marche, on lui apprit qu’Arioviste, avec toutes
ses forces, se dirigeait vers Besançon, la ville la plus importante des Séquanes, pour s’en emparer,
et qu’il était déjà à trois jours des frontières de son royaume »(1).
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1) Ce lieu n’est pas classé comme un « oppidum gaulois » de la Tène finale, mais – avec Lons-le-Saunier,- comme une
« ville ouverte », d’après « Les Celtes dans le Jura », p 79, publication des musées de Lons-le-Saunier, Pontarlier, Lausanne
et Yverdon-les-Bains, dans le cadre du XVème colloque de l’ A.F.E.A.F. (pour l’étude de l’âge du Fer), 9-12 mai 1991. Si
César parle d’un oppidum, et non d’une ville ouverte, c’est sans doute parce que la capitale des Séquanes, si elle ne se trouve
au sommet d’une colline comme beaucoup d’autres oppida, est protégée par le Doubs qui l’entoure presque complètement.
121
C’est la première citation de Besançon dans le BG. César nous apprend que c’est la ville la
plus importante des Séquanes. De la même façon, il avait décrit l’oppidum des Eduens, Bibracte :
« oppido Haeduorum longe maximo et copiosissimo » : « Bibracte, de beaucoup la plus grande et
la plus riche ville des Eduens »... « idque natura loci sic muniebatur ut magnam ad ducendum
bellum daret facultatum » : « de plus, sa position naturelle la rendait si forte qu’elle offrait de
grandes facilités pour faire durer les hostilités ».
L’avantage de Besançon, contrairement à Alesia, à Gergovie ou ailleurs, est que le site
décrit est superposable exactement au site réel et incontesté existant encore à l’heure actuelle.
Nous ne cherchons donc pas à situer Besançon d’après la description du BG. L’intérêt est de voir
comment César procède pour décrire un site que nous avons sous les yeux, qui est parvenu
jusqu’à nous de façon certaine, le seul peut-être à comporter une ville qui est encore, vingt siècles
après la Guerre des Gaules, la capitale de la Franche-Comté, ancienne Séquanie.
« ... propterea quod flumen (alduas) Dubis ut circino circumductum paene totum oppidum
cingit » : « ... le Doubs entoure presque la ville entière d’un cercle qu’on dirait tracé au compas ».
C’est l’image même que l’on a en regardant une carte ou une photographie aérienne de
Besançon ! Le Doubs est nommé « flumen » par César. Il s’agit pour nous d’une simple rivière.
Mais une armée ne saurait la franchir sans disposition particulière, ce qui justifie l’emploi par
César du mot « flumen ». Cette rivière protège bien la ville qu’elle entoure presque entièrement,
elle la « ceinture », du même verbe « cingere » que César emploiera pour les collines qui
entourent Alesia, comme « une corde autour du cou ».
Exemple : « collum resticula cingere » : entourer le cou d’une cordelette (Cicéron, Scaur.
10, trad. Gaffiot).
Exemple : A Alesia, « reliquis ex omnibus partibus colles mediocri interjectio spacio pari
altitudinis fastigio oppidum cingebant » : « De tous les autres côtés, la colline était entourée à peu
de distance de hauteurs dont l’altitude égalait la sienne ». (L.A.Constans)
Traduction que nous avons rétablie ainsi, pour respecter l’intégrité du texte latin, et
notamment le mot « fastigium » qui est éludé par les traducteurs, dont L.A.Constans (cf. étude de
texte sur Alesia, BG VII, 69, 4) :
« Sur toutes ses autres parties, l’oppidum était ceinturé à faible distance par des plateaux
dont le rebord (fastigium) se trouvait au même niveau que lui ».
L’oppidum d’Alesia, ainsi observé par l’oeil précis de César, de la même façon qu’il
décrit si bien l’oppidum de Besançon que nous avons sous les yeux, peut-il être celui que nous
voyons au mont Auxois ?
De plus : « Reliquum spatium, quod est non amplius pedum M sexcentorum, qua flumen
intermittit »... : « L’espace que la rivière laisse libre ne mesure pas plus de seize cent pieds ».
(L.A.Constans)
L’ouverture de la boucle laissée libre par la rivière est bien mesurée : 1600 pieds (480 m),
tout comme à Alesia la partie laissée libre par la ceinture de plateaux est aussi très exactement
indiquée par un chiffre : c’est la plaine de 3000 pas, « intermissam collibus » : « enclavée entre les
collines » ou « laissée libre par les collines ».
« ... mons continet magna altitudine, ita ut radices montis ex utraque parte ripae fluminis
contingant » : « ... et une montagne élevée le ferme si complètement que la rivière en baigne la
base des deux côtés ». (L.A.Constans)
1) César emploie ici les termes « mons magna altitudine » : « de grande hauteur » et non
« mons ingens » : « montagne énorme », comme l’indique le QUID 96. Ensuite César utilise les
mots « mons » et « collis » dans le BG, de façon presque synonyme. René Potier en a fait une
étude quasi exhaustive (cf. Le génie militaire de Vercingétorix et le mythe Alise-Alesia, éd.
Volcans/ Mons-Collis chez César, p. 343, annexe II) : « César n’a marqué qu’occasionnellement
avec « collis » et « mons » la différence que nous faisons entre colline et montagne. On peut ainsi
trouver « collis » pour désigner une élévation montagneuse et « mons » pour traduire une colline
de 50 ou 60 mètres ».
- « mons » : une élévation considérée dans son étalement et l’étendue de son périmètre.
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- « collis » (de « cello, celsum », s’élever) : traduit une hauteur considérée dans sa
verticalité.
De même que nous disons « la montagne Sainte-Geneviève », de même César rend par
« montes » les hauteurs de Vaugirard (L.A.Constans, tome II, p. 255, note 2). Il s’agit ici des
combats de Labiénus sous Lutèce, dans la plaine de Grenelle.
Il semble dès lors que « mons » et « collis » soient quasiment synonymes dans la langue
de César.
Remarquons encore que si nous sommes en Séquanie montagneuse, toutes ces élévations
qui justifieraient, semble-t-il, l’emploi de « montes », sont indiquées par « colles ». Il en est de
même, sans contestation possible, pour la capitale des Arvernes dont les hauteurs avoisinantes
sont appelées généralement « colles » et non pas « montes » (BG VII, 36, 2, 5 ; BG VII, 44, 1, 4).
Voici des exemples où nous verrons « mons » et « collis » désigner la même hauteur :
- BG VII, 36, 1 : « in altissimo monte » : (Gergovie était) sur une montagne fort haute ».
- BG VII, 46, 3 : « a medio ferre colle », etc... : « environ à mi-hauteur de cette montagne,
les Gaulois avaient construit un mur haut de six pieds... destiné à arrêter notre assaut - il s’agit
incontestablement de l’assaut des Romains sur la montagne de Gergovie.
- BG IV, 23, 3 - Débarquement en Grande-Bretagne : César vit rangées sur toutes les
collines (« in omnibus collis ») les troupes de l’ennemi en armes. La configuration des lieux était
telle, la mer si étroitement resserrée entre les hauteurs (« atque ita montium angustiis mare
continebantur ») que de celles-ci (« uti ex locis superioribus ») on pouvait lancer des traits sur le
rivage. De toute évidence ces « colles » et ces « montes » désignent les mêmes hauteurs (« loca
superiora ») occupées par l’ennemi et d’où pouvaient porter les traits.
- BG I, 24, 1 et 2 : César rassemble ses troupes sur une colline voisine (« in proximum
collem subducit »). A mi-hauteur (« in colle medio »). Il range ses quatre légions de vétérans sur
la crête (« in summo jugo »), il fait disposer deux légions... et toutes ses troupes auxiliaires. Ainsi
toute la surface était occupée (« ita uti... totum montem hominibus compleret ») (R.Potier).
On constatera dans son De Bello Civile que César ne fait pas d’autre distinction que dans
son De Bello Gallico :
- BC III, 85, 1 : « Pompeius, qui castra in colle habebat, ad infimas radices montis aciem
instruebat » : « Pompée, dont le camp était sur une hauteur (« in colle ») établissait sa ligne de
bataille presque au bord de la pente (« ad infimas radices montis »).
Ainsi « collis » et « mons » apparaissent synonymes, nous dit René Potier, en apercevant
dans les exemples qu’il a relevés une nuance pour « colles » en faveur de la hauteur et pour
« montes » en faveur de la surface ou de la largeur.
Si nous revenons à Besançon, César emploie de préférence « mons » pour la montagne
dont la largeur apparaît sans fin du Nord au Sud lorsqu’on la regarde depuis la vallée, à une
altitude de 330 mètres. La montagne des Buis, qui obture la boucle du Doubs, s’élève à 430
mètres. Sa hauteur est donc d’une centaine de mètres. Elle peut paraître très haute, « altissima »
vue de son pied car elle est très escarpée.
A Alesia, César emploie de la même manière « mons », dans BG VII, 83, 7 :
(Vercassivellaun)... post montem occultavit » : « il se dissimula derrière la hauteur ». Pour cacher
le front d’attaque du corps d’armée de 60 000 hommes de Vercassivellaun, il fallait une montagne
large, de plusieurs milliers de mètres, dépourvue de falaises infranchissables mais au contraire
présentant des pentes assez douces pour être accessibles à des hommes chargés de claies et
d’armes. Il ne s’agissait pas d’une montagne très élevée ni escarpée, d’où « post montem ».
Par contre, dans BG VII, 83, 2, « Erat a septentrionibus collis » : « il y avait au Nord une
hauteur », ce relief était probablement bien saillant. En utilisant les mêmes conclusions que
R.Potier (« mons » : relief large et « collis » : relief élevé), nous en déduisons qu’il se peut très
bien que dans le cas présent concernant Alesia, ces deux hauteurs ne soient pas un seul et même
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Il ressort de ce tableau :
1) Que le terme « mons ingens » : « montagne énorme », attribué par le QUID 96 à César
à propos de Besançon ne se vérifie pas sur le site, puisque la différence de hauteur y est plus
faible que celle de tous les sites présumés d’Alesia1, y compris celui des Laumes. Si cette
montagne apparaissait énorme, ce serait donc seulement par son étendue et non sa hauteur.
2) C’est bien imprudemment, et en survolant rapidement le sujet que le QUID 96 s’est
trouvé le support d’une telle affirmation à propos d’Alesia-Syam : « Mais le relief semble trop
montagneux, César parlant de « collines » (alors qu’il appelle la citadelle de Besançon une
« montagne énorme », « mons ingens ») », QUID 96.
D’une part, nous avons vu ce qu’il en est, de l’emploi par César des mots « collis » et
« mons ». D’autre part, la différence d’altitude entre le Mont-des-Buis, « mons » pour César, audessus de la citadelle de Besançon, et la plaine du Doubs est nettement plus faible que celle qui
existe entre la plaine des Laumes et le plateau du mont Auxois, « collis » pour César.
C’est bien, à notre sens, la preuve de la véracité de l’étude de R.Potier concernant l’emploi
de « collis » et « mons » par César. Si c’est le seul argument que trouvent certains historiens pour
écarter l’hypothèse Syam = Alesia, celui-ci ne nous semble absolument pas convainquant.
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« Le Doubs ceinture -cingere- étroitement la ville, en décrivant un cercle que l’on croirait tracé au
compas… l’espace laissé libre -intermissan- par la rivière ne mesure pas plus de 1600 pieds », écrit
César… La mesure du logiciel Google indique exactement 1589 pieds (trait jaune sur la photo cidessus). Quelle coïncidence ! Les mêmes mots -cingere- entourer étroitement, et -intermittere- laisser
dans l’intervalle se retrouveront dans le BG à propos du site d’Alésia, avec des indications de mesure
géographiques aussi précises. Il convient de les considérer telles que les donne César, et de les
appliquer sur le terrain, qui doit correspondre, à Alésia comme à Besançon ». (Photo satellite Google
Earth)
1
Ainsi que celui de Gergovie, qualifié d’ « altissimo monte ».
125
ANNEXE II
Les EXPLICATIONS CONFUSES de JOEL LE GALL
sur la PHASE FINALE du SIEGE d’ALESIA.
(Cf. « ALESIA, Archéologie et histoire », J.Le Gall, Fayard, 1963)
Rappelons que les différences d’appréciation d’un texte peuvent venir du latin lui-même.
Seul le contexte permet de percevoir dans ce cas la pensée du narrateur. Cela autorise donc les
interprétations orientées dans un sens comme dans un autre. Les historiens ont pu tirer profit de
cette lacune.
J.Le Gall explique :
J.Le Gall (JLG) : « Si nous nous rappelons que le latin ignore l’article - faut-il traduire
« le » ou « un » ? « les « ou « des » ? Il n’est pas toujours aisé de le dire (...) Pour comprendre, il
suffit de lire le texte en le comparant au terrain et en le comparant au résultat des fouilles. »
Réponse de P.Aymard (PA) : Il est clair que la vision du terrain, ainsi que la façon dont on
a admis le résultat des fouilles antérieures à notre époque (surtout celles de Napoléon III), qui
n’ont que peu de similitudes avec l’archéologie moderne, ont influencé les latinistes successifs
ayant publié une traduction du BG.
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1) L’EMBUSCADE DE VERCINGETORIX, DITE « BATAILLE DE CAVALERIE ».
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Le lieu de l’embuscade tendue par Vercingétorix à la colonne en marche de l’armée
romaine, fuyant la Gaule avec ses chariots de bagages en direction de la province (dont la ville la
plus septentrionale était Genève) est resté introuvable malgré les déductions que l’on peut tirer du
texte du BG. Le Gall l’avoue :
JLG : « Nous ignorons où a eu lieu la « bataille de cavalerie » qui sert de prologue (...)
On a cherché l’emplacement de cette bataille, et on le cherche parfois encore avec passion
malheureusement les indications données par les Commentaires sont tellement vagues qu’elles
peuvent s’appliquer à maints paysages entre lesquels il est impossible de choisir ».
PA : Ceci n’est pas exact. Nous avons suffisamment d’indices pour avoir une vision de
l’emplacement de cette bataille. Bien sûr, César ne précise pas le lieu. On peut cependant
remarquer dans le texte des éléments qui nous permettent d’éliminer des sites impossibles et
d’obtenir une sorte de portrait-robot de l’endroit précis qui seul peut correspondre à la réalité.
Malheureusement, ce lieu est introuvable à distance raisonnable du mont Auxois. Cela
devrait être suffisant pour remettre en question toute l’hypothèse Alesia = Alise. En effet,
l’embuscade préliminaire fait partie intégrante de la bataille d’Alesia et César, contrairement à
l’avis de J.Le Gall, en a trop dit pour que nous n’en tenions pas compte.
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2) SUR L’ENFERMEMENT DES GAULOIS DANS ALESIA
JLG : « Vercingétorix (...) a dû ordonner les mesures préparatoires : la constitution
d’approvisionnements de grains et de bétail et, sans doute, la construction du « murus gallicus »
destiné à protéger le camp qui serait installé en avant de l’enceinte et que la fâcheuse issue de la
bataille de cavalerie n’a pas permis d’achever ».
PA : César dit que les Gaulois ont élevé à la hâte un « maceria » : « un mur grossier » de
1,80 mètre de hauteur. Il ne s’agit pas du tout d’un « murus gallicus », mur très élaboré, mêlant
pierres et poutres de bois sur plusieurs mètres d’épaisseur, qui peut demander des semaines, voire
126
des mois et des mois de travaux, et qui devait exister bien avant le siège. Fabienne Creuzenet, de
l’Université de Bourgogne, a fouillé en 1994 un mur de ce type situé à l’entrée Ouest du mont
Auxois. Elle en aurait attribué l’existence à une porte de la ville. Les éléments de datation
recueillis ne permettraient pas de remonter au-delà de – 80 av J.-C, soit environ 30 années avant
la bataille d’Alésia.
3) SUR L’EMPLACEMENT DU CAMP « NORD » : REA ou BUSSY » ?
Rappel : c’est un camp majeur occupé par deux légions, dit « superiora castra » : « en
position supérieure » par César, qui sera attaqué par soixante mille Gaulois et défendu en phase
finale par Labiénus envoyé en renfort. C’est ici dans des fossés au pied de ce camp qu’ont été
retrouvés, sur une longueur de quelques dizaines de mètres, la majorité des découvertes attachées
à Alesia par Napoléon III (mais les trois listes connues de celles-ci ne correspondent pas entre
elles. Laquelle d’entre elles est-elle la vraie ?). Ce camp est donc le lieu où toute la sollicitude des
chercheurs devrait s’appliquer : c’est ici que s’est déroulée la plus grande bataille du siège.
Comme preuve d’Alesia, il devrait être clairement défini, délimité. On devrait pouvoir y replacer
toutes les phases de cette bataille gigantesque.
Or, son emplacement est contesté par certains historiens qui n’arrivent pas à y situer de
façon précise les différents épisodes de la lutte1. J.Le Gall s’y accroche par contre « bec et
ongles », car il a compris que s’il n’y a plus de Réa, il n’y a plus d’Alesia2. Malgré tout, il
balbutie :
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Les communications rapportées par la presse régionale sur les fouilles de 1991 à 1996 menées par M.Reddé nous
apprennent qu’un rebord du plateau de Bussy, dénommé « camp C » sur le plan Napoléon III, où ont eu lieu ces fouilles, est
appelé, à notre sens faussement, « camp de Labiénus », à cause de deux balles de fronde en plomb marquées « TL »ou
« T.LAB » et attribuées immédiatement à Titus Labienus :
Première objection : T.Labiénus, véritable second de César, avait la capacité de commander une armée. Il venait de battre les
« Parisii » à Lutèce avec 4 légions pendant que son chef était obligé de lever le camp de Gergovie. A Alesia il ne
commandait pas un simple camp légionnaire, mais devait rester en réserve à l’état-major du pro-consul. Le fait qu’il ait été
envoyé en renfort sur les fortifications supérieures le dernier jour du siège en est l’indice. Il n’y avait donc probablement pas
de « camp de Labiénus » à proprement parler, à moins d’appeler ainsi le camp où il est resté quelques heures au maximum
pour renforcer les légats Reginus et Rebilus qui pliaient sous le choc gaulois.
Deuxième objection : Labiénus, ayant prélevé de sa propre autorité des cohortes de renfort qu’il eut « la chance de pouvoir
tirer des forts voisins » (« ex proximi praesidis deductas fors obtulit » BG 87, 3), nous précise César, exclut la possibilité
que des soldats provenant de différentes légions et arrivés au pas de course dans un instant crucial des combats aient eu le
temps de couler des balles de fronde en plomb dans un moule gravé « TL » (alors qu’ils ne relevaient pas de ce chef
auparavant). Si une balle de fronde en plomb ovale a été retrouvée sur le rebord du plateau de Bussy, il semble abusif qu’elle
puisse être attribuée à Labiénus, ou tout au moins à ce Labiénus là..
Troisième objection : Si le rebord du plateau de Bussy, compris dans l’enceinte des traces du fossé visible sur les photos
aériennes de R.Goguey, est bien le camp où a été envoyé Labiénus en renfort à la fin des combats, c’est donc le lieu où s’est
produite l’attaque des 60 000 gaulois de Vercassivellaun. Nous sommes ainsi conduits à accréditer la thèse de Thévenot, de
Rambaud ou d’Harmand, contre celle du Réa, considérée comme officielle depuis Napoléon III, de Joël Le Gall. Rappelons
que toutes les « trouvailles » des fouilleurs du XIXe s. ont été localisées dans quelques dizaines de mètres de fossés au pied
du mont Réa, de l’autre côté de la vallée du Rabutin, et sont encore considérées comme la preuve ALESIA=ALISE Sainte
Reine.
Si la bataille finale n’a pas eu lieu au Réa, que valent donc ces preuves ? Que sont ces armes et ces monnaies dont on ne
trouve plus de traces actuellement sur le site du Réa ? La petite balle en plomb « TL » a de quoi renverser toutes les
hypothèses plutôt que de conforter celle d’Alesia=Alise.
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Voici ce qu’écrit Jacky Besnard, disciple de Le Gall, de l’Université de Dijon, dans la Revue Historique des Armées, n°2,
spécial ALESIA, 1987 : « Le mont Réa et ses pentes... ce secteur a été écarté des descriptions qui précèdent ; les résultats des
recherches sont tels qu’il est impossible de les relier aux autres vestiges sans un minimum d’interprétation. Mieux vaut donc
traiter à part ces données, en affirmant d’emblée que, sans nouvelles recherches, le dossier restera source de discussions sans
fin. Si les résultats des fouilles sont confus, c’est que l’homme et la nature se sont ligués pour brouiller les pistes... Si
l’attaque finale a bien eu lieu, comme nous le pensons, en cet endroit, les Gaulois, pour tenter de passer, ont rebouché
certaines sections. Enfin, la multiplicité des lignes retrouvées pourrait tout simplement traduire la perplexité de l’état-major
romain face aux problèmes que posa ce secteur ».
Une telle perplexité ne doit-elle pas nous rendre en effet perplexes ?
127
JLG : « Un autre camp était situé entre le pied du Rhéa et l’Oze; les fouilleurs n’ont pas
réussi à retrouver nettement son plan. »
PA : Est-ce l’usure du temps ? Pourquoi alors retrouve-t-on nettement les fossés de contre
et circonvallation à quelques dizaines de mètres de part et d’autre seulement de ce prétendu
camp ?
Les chercheurs actuels n’ont pas plus de succès, puisque le professeur M.Reddé
(Université de Nantes), lors du Colloque des Journées Archéologiques de Dijon en mai 1996,
avouait à l’assemblée qu’il achèverait sa campagne de fouilles (officielles) sans avoir compris le
système défensif du camp du Réa. C’est tout dire.
Passons sur les nombreuses incohérences géographiques et militaires du site et son
incompatibilité avec le BG. Presque chaque phrase de J.Le Gall mériterait un commentaire
particulier. A titre d’exemple, parce que ceci est vérifiable par tout promeneur parcourant la plaine
des Laumes et remontant l’Oze et l’Ozerain :
JLG : « Dans les vallées de l’Oze et de l’Ozerain, les deux rivières formaient un obstacle
qui remplaçait tant bien que mal le fossé de vingt pieds ».
PA : Il faut aller sur place au mois d’août (époque du début du siège) pour se rendre
compte de l’imagination de J.Le Gall : ces ruisseaux sont moins impressionnants pour un cavalier
que les fossés du steeple-chase d’Auteuil !
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4) SUR LES EFFECTIFS DE LA CAVALERIE DE L’ARMEE DITE « DE SECOURS »
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JLG : « L’effectif de la cavalerie étonne lui aussi : huit mille seulement, alors que
Vercingétorix avait quinze mille cavaliers avant la bataille de cavalerie ».
PA : Cet effectif est en effet étonnant aux Laumes quand on pense que les Gaulois
coalisés, pour respecter les mêmes proportions infanterie-cavalerie que l’armée initiale de
Vercingétorix, devaient et pouvaient certainement ramener quarante à cinquante mille cavaliers,
ce qui aurait été logique car il aurait été possible de les déployer tous dans la plaine des Laumes et
sur les plateaux environnants. Les cavaliers germains, environ dix fois moins en nombre, auraient,
malgré leur valeur, fini par être étouffés par la masse. Les Romains, sans cavalerie, auraient alors
été à la merci des cavaliers gaulois.
Cet effectif réduit n’étonne plus du tout, par contre, lorsque l’action se situe dans un
paysage de montagne aux vallées étroites. (cf « Mémoires » du général Marbot).
Nous pensons qu’il s’agit de la principale raison pour laquelle Vercingétorix a renvoyé ses
15000 cavaliers dès le début du siège : après l’embuscade, établie dans un lieu plat et assez grand
pour qu’elle puisse se déployer, et une première tentative infructueuse car trop limitée contre la
ligne d’encerclement romaine commençant à s’établir, cette cavalerie était devenue inopérante
dans le relief. Il fallait la remplacer -pour écraser les Romains et non simplement pour délivrer
Vercingétorix- par une armée extérieure qui ne sera qu’accessoirement -dans l’esprit du chef
gaulois- une armée de secours.
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5) LA PLAINE DE 3000 PAS
JLG : « La plaine de trois mille pas s’ouvrait largement, magnifique arène où aucun
exploit ne demeurait ignoré, aucune lâcheté non plus ».
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PA : Il est impossible de laisser J.Le Gall dire cela : comment, à moins d’avoir une
puissante longue vue, est-il possible à « tous les camps qui dominaient la plaine » (Gaulois et
Romains) d’observer un acte individuel à deux ou trois kilomètres de distance ? Vercingétorix,
placé là où est sa statue à la pointe du mont Auxois, pouvait-il voir les détails d’un combat
singulier se déroulant par exemple près de la ferme de l’Epineuse, de l’autre côté des lignes
romaines ? C’est un point facile à vérifier lors d’une visite aux ruines de l’Alisia du mont Auxois.
JLG : « Le lendemain, les généraux gaulois firent sortir leur huit mille cavaliers dans la
plaine de trois mille pas, qu’ils parurent remplir tout entière ».
PA : Il faut avoir une imagination débordante pour voir la plaine des Laumes, que l’on
peut estimer à 2 500 hectares, paraître remplie par 8 000 chevaux qui, à raison de 50 mètres carrés
pour un cheval et son espace de débattement, remplissent au plus une surface de 40 hectares !
Cela pouvait paraître imposant à un légionnaire placé en première ligne et au même niveau, mais
ne devait pas abuser un observateur situé en hauteur et à quelque distance.
Si César dit « remplissent » la plaine de 3 000 pas, c’est tout d’abord que cette plaine était
bien délimitée à 4 500 mètres en longueur. Etant « enclavée » entre les collines, elle fait penser
plutôt à une vallée dont la largeur est nettement plus faible que la longueur.
En considérant par hypothèse 1 000 mètres de largeur, sa surface devrait avoisinner au maximum
450 hectares. Sachant qu’une bonne partie était occupée par le dispositif romain, très puissant à
cet endroit car -rappelons-le- jamais aucune attaque gauloise intérieure ou extérieure n’a pu en
venir à bout, la surface restante, 200 à 300 hectares, pouvait être grouillante de ces 8000 cavaliers
galopant au-delà des zones de pièges. Cette surface sera suffisante cependant pour que les
Romains, ayant effectué une sortie, puissent s’y déployer ainsi que les cavaliers germains, dont
l’assaut en rangs serrés finira par disperser les assaillants.
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6) LA MANOEUVRE DE CONTOURNEMENT DE VERCASSIVELLAUN
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JLG : « Le conseil de l’armée de secours comprit qu’il était nécessaire de monter une
opération plus savante (...) On s’aperçut alors qu’elles (les lignes romaines) n’englobaient pas le
Rhéa, car, pour l’occuper, il eût fallu élargir considérablement leur périmètre1; elles passaient à
mi-pente et au pied il y avait un camp dans une position presque défavorable, légèrement en
pente, dominé par le sommet de la colline (...) Deux légions occupaient ce camp ».
PA : On ne peut suivre J.Le Gall qui prétend que le Réa fut dédaigné par les Romains : il
représentait un observatoire idéal pour surveiller la plaine des Laumes et l’arrivée de l’armée « de
secours » qui sera stationnée sur la montagne de Mussy. On s’aperçoit d’autre part, en regardant
le plan du siège par Napoléon III (actualisé par les fouilles actuelles), que partout ailleurs autour
du mont Auxois, les Romains se sont installés sur les rebords des plateaux de Flavigny et de
Bussy. Leur situation n’est-elle pas la même qu’au Réa ? En effet, la « montagne » qui s’étend en
arrière est partout « trop vaste pour être englobée dans les lignes ».
Or, César ne précise ce fait qu’à propos du camp Nord (celui du Réa de l’hypothèse
d’Alise). N’aurait-il pas écrit plutôt : « Contrairement aux autres positions supérieures de la
circonvallation, nous avons dû replier notre camp Nord tenu par les deux légats Reginus et
Rebilus au flanc d’une colline » ?
Pourquoi donc se priver volontairement d’un observatoire et d’une position défensive de
premier ordre ? La pointe du Réa est un éperon barré protohistorique qu’il suffisait d’occuper
avec quelques cohortes pour éviter toute surprise du côté Ouest.
Cela ne correspond pas, en outre, au texte de César qui dit avoir fait établir la
circonvallation « partout où c’était possible en suivant la ligne la plus favorable » d’après
L.A.Constans (sauf au camp Nord où c’était impossible). En quoi serait-ce plus impossible à la
pointe du Réa qu’à Bussy ou Flavigny ?
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1) cf. plan de Napoléon III ci-annexé.
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JLG : « Le lecteur a l’impression d’assister à l’action haletante (...) Cependant quand il
se reprend, il s’aperçoit que le texte manque totalement de précision. Heureusement le terrain est
toujours là et nous savons où passaient les lignes; grâce à cela le récit devient plus clair et les
grands traits de l’action se révèlent ».
PA : J.Le Gall vient d’écrire (voir plus haut) : « Un autre camp était situé entre le pied du
Rhéa et l’Oze; les fouilleurs n’ont pas réussi à retrouver nettement son plan »... et malgré cela il
se réfère à ce terrain aussi flou pour expliquer que, grâce à celui-ci, le récit devient plus clair !
Rappelons qu’à propos de ce camp placé au pied du Réa et qui va être contourné par les 60 000
hommes de Vercassivellaun, César parle constamment de « fortifications supérieures » :
« superiora castra ». Or, le camp du Réa a le pied dans la plaine, au niveau de l’Oze. Peut-il être
dit « supérieur », comme pourraient l’être ceux de Bussy et Flavigny ?
JLG : « César avait choisi un bon observatoire, d’où il pouvait voir l’ensemble du champ
de bataille, probablement sur le mamelon occidental de la montagne de Flavigny, et il envoyait
des renforts, là où ses hommes étaient en difficulté ».
PA : A propos du choix de l’observatoire, nous avons vu que César s’y trouvait par le
hasard des événements. Quant à ce « choix » de la montagne de Flavigny si éloignée et à l’opposé
du lieu de la bataille du Réa, situé à plus de deux kilomètres à vol d’oiseau, comment est-il
possible de la part d’un général qui se trouve toujours en première ligne quand ses hommes sont
dans une action difficile ? Pour conserver un semblant de réalité, il aurait pu choisir la montagne
de Bussy, dont la vision sur le flanc Est du Réa est bien plus proche et précise. Il est vrai qu’il se
serait alors éloigné et aurait perdu la vue directe sur le corps principal de l’armée « de secours »
stationné sur les flancs de la montagne de Mussy, face à la pointe Ouest de la montagne de
Flavigny. C’était risqué, car si elle n’a pas bougé, qui dit qu’elle ne l’aurait pas fait ? Rien n’est
simple pour tout concilier sur ce site.
JLG : « Dans la plaine, les choses n’allaient pas bien non plus, probablement sur la
contrevallation, aux abords de l’Ozerain ».
PA : J.Le Gall parle d’attaque des assiégés contre la contrevallation de la plaine alors que
Vercingétorix, lassé de ses vains assauts antérieurs contre cette plaine demeurant inexpugnable,
commence à se préparer pour « tenter » l’escalade des falaises -« praerupta »- de la
contrevallation. C’est ici que nous attendons les explications de J.Le Gall car il n’y a évidemment
aucune falaise à pic qu’on va « tenter » d’escalader sur la contrevallation, que Napoléon III place
sur l’Oze et l’Ozerain.
JLG : « Il fallait pourtant la forcer. Vercingétorix arrête le combat dans la plaine où les
défenses étaient réellement trop formidables, fit remonter (sic) ses troupes avec tout leur matériel
dans la vallée de l’Ozerain1, où les fortifications étaient beaucoup moins fortes et les lança à
l’assaut. Sans doute la rudesse des pentes était-elle défavorable aux assaillants, mais il est de
bonne tactique d’attaquer l’ennemi là où il ne vous attend pas ».
PA : Comme il n’y a pas de falaises à gravir, J.Le Gall va donner l’impression d’escalade
en faisant « remonter » les troupes de la plaine des Laumes jusqu’à la vallée de l’Ozerain. Dure
ascension ! On se demande pourquoi les fortifications y seraient moins fortes que dans la plaine.
Si cela était, les Gaulois de Vercingétorix auraient-ils été assez masochistes pour ne pas avoir
attaqué ce secteur dit « plus faible » bien auparavant plutôt que de venir buter à chaque fois et
laisser de nombreuses victimes sur cette maudite plaine des Laumes ?
JLG : « Malheureusement pour les Gaulois, le proconsul avait vu leur mouvement »;
PA : Il est évident que la position de César pour avoir vu ce mouvement, lancé à priori sur
l’Ozerain (mais pourquoi ?) doit être sur la montagne de Flavigny. Même si, pendant ce temps, il
se trouvait à deux ou trois kilomètres des combats du camp Nord (du Réa) où il venait d’envoyer
Labiénus en renfort. Il ne pouvait pas voir les deux en même temps.
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Le mot « remonter » est ambigü, car s’il est vrai qu’on remonte bien le cours d’un fleuve en allant de son estuaire vers sa
source, il n’est pas question ici de remonter une pente qui est inexistante.
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Or il devait y avoir correspondance, voire unité de lieu pour les deux actions menées
simultanément par les hommes de Vercingétorix et le corps d’attaque de Vercassivellaun au camp
Nord. Tout d’abord parce que Vercingétorix a toujours logiquement agi ainsi la nuit et les jours
précédents : ses actions ont toujours porté dans la direction où il voyait, depuis son oppidum,
l’axe d’attaque de ses compatriotes de l’armée extérieure. C’était bien plus efficace que d’attaquer
la ligne romaine n’importe où ailleurs. César nous dit bien que ses soldats combattant sur un
rempart craignaient d’entendre une clameur ennemie dans leur dos sur la fortification opposée
tenue par d’autres légionnaires : le danger que l’on a dans le dos est bien plus effrayant, car on ne
l’appréhende pas bien. Pourquoi Vercingétorix se serait-il privé de cet énorme avantage en
attaquant sur l’Ozerain plutôt que sur l’Oze, c’est-à-dire du côté où son cousin Vercassivellaun
faisait tous ses efforts pour le rejoindre ? Peut-être simplement parce que les tertres sommitaux de
la montagne de Flavigny comportent des falaises, bien qu’étant largement éloignés de la
contrevallation ? C’est à nouveau le terrain qui prend la prépondérance sur le texte, et là c’est
grave car Vercingétorix passe de ce fait pour un incapable, ou un fou, voire un traître.
Rappelons-nous ce que rapporte César à propos de son ennemi : « On ne peut conduire
plus intelligemment cette guerre ». « Vercingétorix est un grand chef » (BG VII, 31).
Ces phrases doivent résonner sans cesse à nos oreilles quand on étudie le site d’Alesia, car
César n’avait pas l’habitude d’encenser les chefs ennemis.
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JLG : « Il (César) envoya l’ordre à certains h
escadrons de le suivre (probablement ceux
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qui étaient cantonnés dans le secteur de la plaine)
à d’autres (sans doute cantonnés dans le
r etetd’attaquer
camp de Grésigny) de contourner la circonvallation
l’ennemi par derrière ».
A
PA : Rappelons que c’est l’instanttoù César va faire un « coup de bluff » magistral, on
pourrait dire un « coup médiatique ». e
Pendant qu’il se montre ostensiblement aux Gaulois de
Vercassivellaun au-dessus du campd
Nord, en effectuant une descente magistrale dans son manteau
rdistinguer (ils étaient donc tout près), il va envoyer sa cavalerie,
pourpre qu’ils pouvaient très bien
a
discrètement cachée par des
replis de terrain, pour prendre à revers les Gaulois. A propos de la
m
descente, sur quelle hauteur
était
y donc César pour être si bien vu des Gaulois sur le camp Nord
(Réa ? Mussy ?). Si A
l’on en croit J.Le Gall, il était sur la montagne de Flavigny, d’où il venait de
repousser les Gaulois
assiégés. Dans ce cas, la cavalerie, pour qu’il lui ordonne de le suivre,
e
r
devait se trouver
derrière
lui, sur le plateau de Flavigny. Mais il se serait alors trouvé à plus de
r
deux kilomètres
à
vol
d’oiseau
du Réa ! L’effet « descente théâtrale » avec le manteau, le
e
i
« paludamentum
», même de couleur rouge, devait être bien atténué !
PEnfin, la position
par J.Le Gall des escadrons à Grésigny, sous le nez des Gaulois
©l’armée extérieure sur avancée
de
le Réa excluait toute sortie surprise de ce corps de cavalerie, même en
7) LA CAPTURE DE L’ARMEE DE VERCASSIVELLAUN AUX LAUMES.
passant par la « valleuse » en face. Or, c’est bien celui-ci qui dut effectuer le contournement.
Pour feindre de suivre le BG parlant de l’importance des mouvements de terrain : J.Le
Gall utilise une ruse :
JLG : « Par les pentes de la montagne de Flavigny, par les ondulations de la plaine, il
allait en tête de la colonne, drapé dans le « paludamentum », le manteau pourpre des généraux
romains, qu’il avait l’habitude de porter dans les batailles. Des pentes du Rhéa, les Gaulois
furent les premiers à l’apercevoir ».
PA : Il faut savoir que la plaine des Laumes (d’où son nom serait issu : Laumes = plante
de marais) était un ancien marécage. Elle est désespérément plate. J.Le Gall a eu l’oeil bien exercé
pour y voir des ondulations suceptibles de masquer des hommes à cheval. Pourquoi César aurait-il
parlé de ces ondulations ? S’il écrit que « les mouvements du terrain ont une grande importance »,
c’est qu’ils sont capables de cacher ou de retarder la manoeuvre d’une troupe. C’est tout ce qu’il
est possible de tirer du langage militaire de César.
Il est donc peu probable que le général romain ait pu se trouver à Flavigny pour cette
démonstration, partie intégrante de son plan. Il fallait qu’on le voie bien, que toutes les attentions
131
soient cristallisées sur sa personne, pendant que les cavaliers germains effectuaient leur
contournement discret dans des thalwegs capables de les cacher.
JLG : « Soudain la cavalerie, qui avait dû escalader l’éperon qui domine Grésigny, surgit
dans le dos des assaillants ».
PA : Nous venons d’expliquer que ce mouvement ne pouvait passer inaperçu de
Vercassivellaunos au Réa. Il est donc inconcevable que tout le corps d’armée gaulois ait pu se
laisser surprendre. Les chefs au moins, et leur état-major, auraient dû pouvoir s’échapper. Or, tous
seront pris ou tués.
D’une part, pour assurer l’encerclement total de ce corps de 60 000 hommes, c’est-à-dire
en partant de Grésigny, contourner largement le Réa, descendre sur Ménetreux le Pitois et revenir
assurer la fermeture sur la circonvallation au niveau des Laumes, soit une longueur de dix à douze
mille mètres, dix à douze mille chevaux au moins auraient été nécessaires, pour présenter un front
sans faille. Bien que César n’ait jamais indiqué le nombre de ses cavaliers mercenaires, il semble
que guère plus de trois à quatre mille n’aient eu une monture de valeur comparable à celle des
Gaulois (César leur avait fait judicieusement donner les chevaux de ses propres officiers et
évocats avant le départ de Langres). On peut estimer qu’une légion disposait de 300 chevaux de
selle pour les officiers et les coursiers.
D’autre part, en admettant que les Germains aient réussi à duper les Gaulois de
Vercassivellaun sur l’importance de leur ligne de blocus, il est invraisemblable que sa faible
épaisseur eût pu échapper aux 8000 cavaliers gaulois de l’armée extérieure qui étaient toujours là,
dans la plaine des Laumes, auprès de leurs camarades fantassins. Ceux-ci avaient pris position en
avant de leur camp, donc au pied des remparts romains de la circonvallation de cette même plaine.
Pour expliquer dans ce cas l’inaction des 8 000 cavaliers gaulois, il aurait bien alors fallu parler de
traîtrise.
En effet, 180 000 hommes seraient restés l’arme au pied, voyant sous leurs yeux un mince
cordon de cavaliers ennemis envelopper et réduire 60 000 de leurs camarades ? Rappelons que le
recrutement de ce corps d’armée avait été effectué par prélèvement des meilleurs, des plus
aguerris de chaque nation. Chaque peuple pouvait donc avoir certains de ses enfants dans la
souricière, y compris les Eduens. Si le massacre s’était passé sous leurs yeux, comme ici au pied
du Réa, alors qu’aucun obstacle militaire ou naturel ne les empêchait d’intervenir, alors tous les
peuples de la Gaule auraient trahi Vercingétorix pour se rallier à César, et pas seulement les
Eduens. On sait que ce ne fut pas le cas, car l’un des trois chefs du « directoire » commandant
cette armée, Commios l’Atrebate, sans doute le plus aguerri et le seul des trois qui ne soit pas
Eduen, ne rendra pas les armes à César après Alesia. Il faudra encore une campagne pour qu’il
soit enfin vaincu l’année suivante, avec son ami Lucterios le Cadurque1. Il avait juré de ne jamais
se trouver vivant en présence d’un Romain.
Peut-on le soupçonner d’avoir trahi ? Certainement pas. Une partie de l’armée extérieure
au moins aurait donc dû intervenir, même en l’absence des Eduens. Si elle ne l’a pas fait, c’est
qu’elle ne l’a pas pu. Pourquoi ? La réponse n’est sûrement pas aux Laumes.
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A Uxellodunum, que les historiens ne situent pas non plus de façon indiscutable.
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PLAN « NAPOLEON III » du SITE des LAUMES
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Cartes postales anciennes évocatrices d’Alésia-Les Laumes :
Cartes postales anciennes
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Ci-contre:
S
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r
Le canthare « cantharus », -coupe à anses- romaine
en argent, ou « Coupe de César », retiré à l’heure
actuelle du dossier napoléonien car postérieur au
siège, mais qui avait fait grand bruit à l’époque.
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Ci-dessous :
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Erection, en 1865, de la statue de Vercingétorix au
Mont-Auxois. Napoléon III avait tranché entre deux
sites pour Alésia (Alise et Alaise). Il imposait ainsi
sa volonté en faveur d’Alise.
ANNEXE IV
LES LECONS DE CESAR
Pour s’imprégner de la façon dont César décrit les paysages et explique les évènements, il faut se
replonger en arrière dans le BG. Beaucoup d’enseignements peuvent en être retirés pour la
compréhension de la bataille d’Alesia elle-même.
Voici quelques phrases du BG (traduction L.A.Constans)
Sur les marais (que César craignait) :
« …les femmes et ceux qui, en raison de leur âge, ne pouvaient être d’aucune utilité pour la
bataille, on les avait entassés en un lieu que des marais rendaient inaccessibles à une armée »
BG II, 16.
NB/ On voit mal César s’engager avec le train des chariots de bagages dans les marais de la
Bresse et de la Dombes pour aller « porter secours à la Province ». La route du Jura lui a paru plus
facile, en partie à cause de ces marais qu’il craignait tant. (« quo facilius »).
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S
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Sur l’établissement d’un camp à proximité de l’ennemi :
« Pourvu de ces renseignements, César envoie en avant des éclaireurs et des centurions chargés
de choisir un terrain propre à l’établissement d’un camp » BG II, 17, 1.
NB/ Ces éclaireurs et centurions devaient être absents à Crotenay dans l’hypothèse A.Berthier, car
ils auraient détecté l’embuscade des cavaliers gaulois de Vercingétorix (ne parlons pas des
Laumes, car il n’y a aucun emplacement possible pour le combat de cavalerie préliminaire). C’est
le signe que César ne croyait pas à la possibilité d’une présence ennemie en ces lieux. Aurait-ce
été le cas du côté du mont Auxois, chez les Eduens ?
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Sur l’obstacle constitué par une rivière pour le franchissement d’une armée :
(Il s’agit de la Sambre)
«La profondeur de l’eau était de trois pieds » (0,90m) BG II, 18, 5 :
NB/ Cette profondeur n’a pas arrêté l’élan des Nerviens dans leur attaque qui surprit le camp
romain sur la rive opposée. Jusqu’à trois pieds, la profondeur d’une rivière n’est donc pas un
obstacle à une armée (Quelle est la profondeur de l’Oze et l’Ozerain au mois d’août ?) Le vrai
obstacle, ce sont les rives abruptes, que l’on trouve surtout en pays de montagne.
re
r
e
Pi
©
1) « Dans cette situation critique, deux choses aidaient César : d’une part l’instruction et
Sur la capacité individuelle de chaque soldat romain à se défendre en cas d’attaque-surprise :
l’entraînement de ses soldats qui, exercés par les combats précédents, pouvaient aussi bien se
dicter à eux-mêmes la conduite à suivre que l’apprendre d’autrui…En raison de la proximité de
l’ennemi et de la rapidité de son mouvement, ils n’attendaient pas, cette fois, les ordres de César,
mais prenaient d’eux-mêmes les dispositions qu’ils jugeaient bonnes. » BG II, 20,3.
2) « On fut tellement pris de court, et l’ardeur offensive des ennemis fut telle, que le temps
manqua non seulement pour arborer les insignes, mais même pour mettre les casques et
pour enlever les housses des boucliers. Chacun, au hasard de la place où il se trouvait, en
quittant les travaux du camp, rejoignit les premières enseignes qu’il aperçut, afin de ne
pas perdre à la recherche de son unité le temps qu’il devait au combat. » BG II, 21,4
3) « César, voyant que la 7ème légion, qui était à côté de la 12ème, était également pressée par
l’ennemi, fit savoir aux tribuns militaires (NB/ Il y en avait six par légion) que les deux
légions devaient peu-à-peu se souder et faire face aux ennemis en s’adossant l’une à
138
l’autre. Par cette manœuvre, les soldats se prêtaient un mutuel secours et ne craignaient
plus d’être pris à revers. » BG II, 26, 1
NB/ C’est cette faculté d’adaptation des légionnaires rompus à toutes les situations par six ans de
guerre en Gaule, qui a sauvé les unités d’avant-garde pendant le combat de cavalerie, lors de
l’embuscade de Vercingétorix, avant que les cavaliers Germains n’arrivent en renfort.
Sur l’impossibilité d’assurer le commandement de l’armée si l’on ne domine pas le terrain :
« …comme les légions (NB/ qui n’avaient pas été surprises par les Nerviens), sans liaison entre
elles, luttaient chacune séparément et que des haies très épaisses barraient la vue, on n’avait pas
de données précises sur l’emploi des réserves, on ne pouvait pourvoir aux besoins de chaque
partie du front et l’unité de commandement était impossible. » BG II, 22,1
s
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NB/ César cherche toujours à dominer le champ de bataille. A Crotenay, sa position sur la
montagne de l’Heute lui a permis de redresser la situation en envoyant les cavaliers Germains, au
fur et à mesure de leur arrivée, sur les points de la plaine de Crotenay « où il voyait les nôtres en
danger ». Ensuite, lors de la bataille finale du siège d’Alesia, il se trouvera encore sur une
position supérieure pour voir les combats de Labiénus, de Reginus et de Rebilus contre
Vercassivelaun. Aux Laumes, aucune hauteur ne surplombe les camps Nord, « superiora castra »,
placés en hauteur, que ce soit au Réa ou à Bussy, et d’où César a été bien distingué en descendant
vers eux.
Sur les cavaliers trévires et germains :
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« …tout cela émut fortement les cavaliers trévires, qui ont parmi les peuples de la Gaule une
particulière réputation de courage, et que leur cité avait envoyés à César comme auxiliaires »
BG II, 24,3
« …César fait sortir du camp sa cavalerie et engage la bataille ; comme les siens étaient en
difficulté, il envoie à leur secours environ quatre cents Germains qu’il avait coutume, depuis le
début de la guerre, d’avoir avec lui. Les Gaulois ne purent supporter leur choc : ils furent mis en
déroute. » BG VII, 13,1.
re
r
NB/ Il esteétonnant que César n’ait pas recruté des cavaliers trévires avant de partir vers la
i Ils se trouvaient plus près que les Germains. Nous pensons que César a pris plus de
Province.
P
temps pour aller au-delà du Rhin et ramener des Germains, car il connaissait l’ascendant
©
psychologique
que ceux-ci pouvaient avoir, même en faible nombre, sur les Gaulois. Nous avons
vu par ailleurs qu’environ 800 cavaliers germains ont mis en déroute environ 5 000 cavaliers
gaulois. Mais ici, les Germains étaient contre César et les 5 000 Gaulois avec lui. Il a dû s’en
souvenir ! La valeur de ces cavaliers germains lui a enlevé plusieurs fois une sérieuse épine du
pied au cours des combats d’Alesia. Sans eux et leur exceptionnelle valeur, il n’aurait pas vaincu.
Sur l’attitude personnelle de César dans une situation désespérée :
« …la situation était critique. Ce que voyant, et comme il ne disposait d’aucun renfort, César prit
à un soldat du dernier rang son bouclier- car il ne s’était pas muni du sien- et s’avança en
première ligne : là, il parla aux centurions en appelant chacun d’eux par son nom et harangua le
reste de la troupe ; il donna l’ordre de porter les enseignes en avant et de desserrer les rangs afin
de pouvoir plus aisément se servir de l’épée. Son arrivée ayant donné de l’espoir aux troupes leur
ayant rendu courage, car chacun, en présence du général, désirait, même si le péril était extrême,
faire de son mieux, on réusit à ralentir un peu l’élan des ennemis (Nerviens). BG II, 25.
139
NB/ C’est dans les situations extrêmement critiques que César savait être un grand chef. Il a réagi
de cette façon lors des derniers instants du combat final d’Alesia contre Vercassivelaun, où l’issue
de la bataille, qui semblait compromise, s’est retournée tout-à-coup en sa faveur.
Sur l’utilisation du javelot et les risques de retour :
« …et quand ils tombaient à leur tour et que s’entassaient les cadavres, les survivants, comme du
haut d’un tertre, lancaient des traits sur nos soldats et renvoyaient les javelots qui manquaient
leur but » BG II, 27.
NB/ Le javelot peut s’avérer un véritable « boomerang ». Lors de la bataille finale sur les camps
Nord, les Romains n’avaient plus d’armes de jet. Il est possible que les Gaulois leur en aient
renvoyé de même manière.
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Sur la reconnaissance par César de l’héroïsme des ennemis et de la bravoure de ses soldats :
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« …il fallait se convaincre, à un tel spectacle, que d’avoir osé franchir une rivière très large,
escalader une berge fort élevée, monter à l’assaut d’une position très forte, ce n’était pas une
folle entreprise de la part de tels guerriers : leur héroïsme l’avait rendue facile » BG II, 27.
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J
o Pour vaincre de tels guerriers,
NB/ César sait parfois rendre hommage au courage de ses ennemis.
é
h hiérarchisés et commandés,
ses légionnaires devaient être de vrais surhommes, supérieurement
c
c’est le message qu’il veut faire passer. Il sait aussi décrire
r l’incapacité et la stupidité – rajoutons
également la division - des « barbares », - dontA
il a très bien su tirer parti pour conquérir la
Gaule.
et
Sur les signaux d’alarme, visuels et sonores
d:
r
a
« César avait tout à faire à la fois : il fallait faire arborer l’étendard, qui était le signal de
m » BG II, 20,1.
l’alarme, faire sonner la trompette…
y
« Promptement, selon lesA
ordres que César avait donnés d’avance, des feux furent allumés comme
signal d’alarme et one
accourut des postes voisins sur le point menacé » BG II, 33 3.
r
r
NB/ Nul doutee
qu’autour d’Alesia de tels signaux, par des étendards et par des feux, furent utilisés
i
pour faire P
accourir les cohortes de renfort sur les camps Nord attaqués par Vercassivelaun. Dans
l’hypothèse A.Berthier, plusieurs points des fortifications étaient plus élevés que l’oppidum lui©De chaque côté du triangle de l’éperon barré, la vue passe par-dessus la cote 800 du
même.
mamelon de Chaux-des-Crotenay, par exemple entre le Rocher de la Baume- 847 m-(près de
Chatelneuf) et la pointe du « Cuiard »- 950 m- (au-dessus des Planches-en-Montagne), ou entre le
Bois-des-Chênes (près du col de Crans)- 847 m- et la Côte Malvaux (au Sud) – 989 m-. La
transmission des ordres urgents était donc quasi-instantanée, ce qui a permis de sauver les camps
Nord du désastre. Si Labiénus a eu « la chance » de trouver autant de cohortes disponibles et de
les faire accourir en si peu de temps, c’est bien que les ordres passaient extrêment rapidement.
Sur la stratégie de César :
« Cependant, comme il s’attendait à un grand soulèvement de la Gaule, voulant éviter d’être
enveloppé par tous les peuples gaulois, il songea au moyen de quitter Gergovie et de rassembler
à nouveau toute son armée, afin qu’un départ qui n’était dû qu’à la crainte de la défection ne pût
avoir l’air d’une fuite. » BG VII, 43, 4.
140
NB/ C’est le tournant de la campagne de César en Gaule. César se rend compte qu’il est
vulnérable sans sa cavalerie éduenne qui vient de faire défection. Il va rappeler à lui Labiénus qui
est à Lutèce, regrouper son armée à Sens, la faire estiver au Nord-Est de la Gaule chez des
peuples restés fidèles, et chercher de nouveaux cavaliers mercenaires avant de partir pour aider la
Province - et aussi ne pas se trouver coupé de l’Italie.
Sur le franchissement d’un fleuve en présence de l’ennemi :
« Les deux armées se voyaient l’une l’autre et campaient généralement face-à-face ; et comme
Vercingétorix disposait des éclaireurs pour veiller à ce que les Romains ne fissent un pont et ne
franchissent le fleuve, César se trouvait dans une situation fort difficile » BG VII, 35.
s
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it
NB/ César rend compte ici de la difficulté d’établir un pont sur l’Allier, en allant à Gergovie, en
présence des Gaulois sur la rive opposée. S’il a pu franchir la Saône pour entrer en Séquanie sans
avoir jugé bon de le signaler, c’est qu’il n’y avait pas d’armée gauloise en face de lui. Seuls les
espions de Vercingétorix veillaient…
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Annexe IX
Commentaires sur les TEMOIGNAGES du Général d’Empire MARBOT
qui éclairent certains aspects de la bataille d’ALESIA
(d’après le Baron de MARBOT, « MEMOIRES » Plon, 59ème éd., 1891)
Le général Marcellin Marbot, né en 1782 en Dordogne, a été aide de camp de plusieurs généraux
et maréchaux de Napoléon Ier, avant de commander un escadron, puis le 23ème régiment de
chasseurs à cheval. Ce régiment d’élite prit part à toutes les batailles de l’Empire, jusqu’à
Waterloo. L’expérience qu’en tire son chef, et qu’il nous livre dans ses « Mémoires », sont du
plus haut intérêt pour nous faire comprendre certains aspects obscurs du comportement des
armées antiques en général, et celles d’Alésia en particulier ;
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A l’époque du 1er Empire, l’armement des cavaliers était encore très voisin de celui des cavaliers
antiques : sabre ou lance. Les chasseurs à cheval n’étaient pas revêtus d’une cuirasse. Seuls les
cuirassiers en portaient une double : poitrine et dos, qui s’avérait nettement plus protectrice que la
cuirasse simple de poitrine lors des mêlées de cavalerie. Les cuirassiers français éprouvaient de ce
fait beaucoup moins de pertes que certains corps ennemis, moins bien protégés.
et
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A
Si les fantassins avaient des fusils ou des mousquetons, la poudre de ceux-ci était mise à feu par
une pierre et une mèche. Sous la pluie, les fusils pouvaient se trouver inopérants. Seule restait
alors la baïonnette pour résister à une charge de cavalerie : comme les fantassins antiques avec
leur lance.
La comparaison s’avère donc valable, et de ce fait les « Mémoires » de Marbot nous éclairent de
façon intéressante sur certaines phases mal comprises par les historiens sur la bataille d’Alésia,
sur lesquelles les militaires actuels, ayant évolué avec les techniques de leur temps, ne peuvent
guère nous être utiles.
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Les « Mémoires
» du général Marbot précisent les limites d’emploi de la cavalerie dans des zones
e
i
montagneuses
P ou couvertes de forêts, et expliquent certains comportements défaitistes de la
cavalerie gauloise, vis-à-vis des cavaliers germains notamment.
© la valeur des témoignages de Marbot (cf : « Considérations sur l’art de la guerre »),
Concernant
Napoléon Ier, qui lut son ouvrage à Sainte-Hélène en 1821, lui rendit l’hommage le plus qualifié
qui soit (d’après Bertrand) :
« Voilà, dit-il (Napoléon), le meilleur ouvrage que j’aie lu depuis quatre ans…Il y a des choses
qu’il dit mieux que moi ; il les sait mieux, parce que dans le fond, il était plus chef de corps que
moi…Je suis toujours de son avis, il m’a ramené au sien ! »
Derrière une opinion aussi autorisée, ne convient-il pas de prendre en considération l’expérience
de Marbot ?
159
Les questions qui se posent :
1) Pourquoi les cavaliers germains ont-ils tant effrayé les cavaliers gaulois, pourtant plus
nombreux et bien montés, mais qui ont été systématiquement battus à chaque
confrontation avec eux ? Cela prend une importance capitale, quand on sait que la
cavalerie était l’arme sur laquelle les Gaulois comptaient le plus.
2) Pourquoi Vercingétorix a-t-il renvoyé sa cavalerie, encore presque intacte, au début du
siège…et pourquoi ne sont revenus que huit mille cavaliers avec l’armée extérieure, alors
qu’au moins douze mille étaient partis ?
s
e
it
3) Pourquoi l’attaque des travaux romains par la cavalerie gauloise au début du siège a-t-elle
échoué, et pourquoi des cavaliers en déroute ont-ils failli créer une panique générale dans
l’oppidum, au point que Vercingétorix dut en faire fermer les portes ?
S
a
r
4) Pourquoi César a-t-il été contraint de passer par le Jura et pourquoi ne pouvait-il se
permettre d’aller au plus court vers la Province en suivant la rive droite de la Saône- et
donc fut obligé de traverser cette rivière ?
u
J
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é
5) Pourquoi César ne parle-t-il pas dans le BG de ce passage
h de la Saône, ce qui aurait enlevé
toute polémique sur le site de la bataille d’Alésiac
?
r
A
6) Comment se fait-il que, se battant à un contre cinq, les Romains n’eurent pas de pertes
t
beaucoup plus nombreuses que cellese
qui transpirent du texte de César ?
d qui n’a pas combattu, et donc n’a pas été battue,
7) N’est-il pas étrange qu’une troupe
r
a
comme les fantassins de Vercingétorix
après l’embuscade de cavalerie, laisse trois mille
m
morts sur le terrain pendant
la retraite sur l’oppidum, et ne paraisse pas s’être mieux
y
défendue ?
A
Des réponses à ces questions importantes nous parviennent, pleines de bon sens, dans les
« Mémoires » du général
re Marbot.
r
ie
P
Réponses à ces questions à la lumière du général Marbot :
©
1) César écrit dans le BG que les Germains, qu’ils soient cavaliers ou non, étaient des guerriers
dans l’âme. De tout temps ils ont été un adversaire redoutable pour les peuplades celtiques
établies près du Rhin, que ce soient les Helvètes, les Séquanes, ou les peuples plus au Nord. Parmi
ceux qui leur résistaient le mieux étaient les Trévires (Trêves). Rien d’étonnant donc à ce qu’il en
soit de même à Alésia. La surprise constituée par l’arrivée des cavaliers germains-lors de
l’embuscade de cavalerie préliminaire au siège-, dans le dos des cavaliers gaulois, ainsi que la
prise de l’état-major de cette cavalerie sur la hauteur située à la droite du champ de bataille et de
la direction de marche de l’armée romaine, ont créé une sorte de psychose.
Les cavaliers germains, n’ayant pu atteindre dans leur poursuite l’excellente cavalerie gauloise en
retraite sur l’oppidum, tombèrent sur l’arrière-garde de l’armée des fantassins de Vercingétorix et
y firent un grand carnage.
160
Marbot (Essling et Wagram) :
« Car, à moins de l’avoir vu, on ne peut se faire une idée exacte de ce qu’est une masse de
fantassins dont les rangs ont été enfoncés par la cavalerie, qui les poursuit avec vigueur, et dont
les sabres et les lances font un terrible ravage au milieu de ce pêle-mêle d’hommes épouvantés,
courant en désordre, au lieu de se pelotonner et de se défendre à coups de baïonnettes, ce qui
serait pourtant facile et moins dangereux que de tourner le dos en fuyant »… « Lorsqu’une troupe
est en désordre, les soldats se jettent moutonnement du côté où ils voient courir leurs
camarades.»
(La campagne de Russie) : « Mon régiment éprouva plus de résistance de la part des Cosaques de
la Garde, hommes choisis, de forte stature, et armés de lances de quatorze pieds de long, qu’ils
tenaient d’une main ferme ; j’eus quelques chasseurs tués, beaucoup de blessés mais enfin, mes
braves cavaliers ayant pénétré dans cette ligne hérissée de fer, tous les avantages furent pour
nous, car la longueur des lances est nuisible dans un combat de cavalerie, quand ceux qui les
portent, n’étant plus en bon ordre, sont serrés de près par des adversaires armés de sabres, dont
ils peuvent facilement se servir, tandis que les lanciers éprouvent beaucoup de difficultés pour
présenter la pointe de leurs perches. Aussi les Cosaques furent-ils obligés de tourner le dos. Mes
cavaliers en firent alors un grand massacre et prirent un bon nombre de beaux et excellents
chevaux. »
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Les fantassins gaulois de l’arrière-garde, ayant tournéh
le dos à l’ennemi, ayant de plus, assisté à la
capture de l’état-major et à la fuite de leur cavalerie
avant même qu’elle n’ait pu accomplir sa
cdoute
r
mission de briser l’avant-garde romaine, ont sans
eu cette perte d’instinct de survie que
A
décrit Marbot.
t
e
2) Vercingétorix a renvoyé sa cavalerie dès les premiers jours du siège. Ce fait doit poser
problème sur le site des Laumes, r
oùdil aurait pu la maintenir à distance, selon la tactique utilisée à
a César d’établir ses fortifications, car les Romains auraient
Avaricum. Il aurait ainsi pu empêcher
du se disperser loin alentour
mpour trouver le bois pour le rempart, et le fer pour les dizaines de
milliers d’ardillons des y
pièges. Il aurait été possible aux cavaliers de détruire les détachements
romains isolés partisA
à la recherche de ces matériaux. Avec de nouveaux chefs, ils auraient aussi
pu s’attaquer aux
re travaux des retranchements romains, les cavaliers germains, en nombre
inférieur, ne r
pouvaient s’y opposer partout en même temps. Pourquoi donc les Gaulois se sont-ils,
efaçon, privés d’une masse de cavalerie bien plus importante que les 8 000 cavaliers
de la même
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P
revenus avec l’armée extérieure ?
© (La campagne d’Allemagne):
Marbot
« Ma situation, comme chef d’avant-garde, devient alors fort critique ; car comment pouvais-je,
sans un seul fantassin, et avec de la cavalerie resserrée entre de hautes montagnes et un torrent
infranchissable, combattre les troupes à pied dont les éclaireurs, grimpant sur les rochers,
allaient nous fusiller à bout portant »…
« Les Austro-Bavarois avaient commis la même faute que nos chefs ; car si ceux-ci faisaient
attaquer avec de la cavalerie un long et étroit défilé dans lequel dix à douze chevaux seulement
pouvaient passer de front, nos ennemis envoyaient de la cavalerie pour défendre un passage où
cent voltigeurs auraient arrêté dix régiments de cavalerie ! »
Un site de montagne ne convient pas au déploiement de nombreux escadrons. Aussi, après
l’embuscade de cavalerie, située dans la plaine de Crotenay (Jura) dans l’hypothèse A.Berthier,
Vercingétorix n’avait plus la possibilité d’utiliser une importante cavalerie. L’attaque de la
plaine de 3 000 pas/Syam par les cavaliers gaulois au début du siège, n’a pu s’effectuer qu’au
lieudit « Les Prés-Grillets », au débouché des gorges de la Saine, côté Nord- Est de l’éperon
161
barré de Chaux-des-Crotenay. Dans ce corridor, quinze à vingt chevaux tout au plus pouvaient
attaquer de front. En face de celui-ci, il existe encore une terrasse très plane, sur laquelle
plusieurs machines de guerre romaines pouvaient abattre les charges sur cet espace réduit, les
Germains se chargeant du reste.
2) Vercingétorix a voulu, une dernière fois, faire une tentative avec sa cavalerie contre les
travaux qu’entreprenaient les Romains dans la plaine au début du siège. Celle-ci, après un
premier succès contre les légionnaires occupés au retranchement, s’est vue repoussée par les
cavaliers germains, a priori moins nombreux, pourquoi ?
Aux Laumes, il n’y a pas de réponse. Nous avons déjà expliqué que l’attaque aurait dû réussir,
au vu de l’étendue des lignes et de l’absence d’obstacles naturels. De plus, le grand fossé
d’arrêt de six mètres à fond de cuve capable d’arrêter un cheval au galop n’était pas encore
creusé. Ce n’est qu’à la suite de ces évènements que César le fera construire, presque en pure
perte, car Vercingétorix va tirer de ces mêmes évènements la conclusion que sa cavalerie est
devenue inutile, et il va la renvoyer. Dans l’hypothèse A.Berthier, nous venons de voir que les
cavaliers gaulois n’ont pu se déployer sur un front assez large. Ils ont pu parvenir cependant
sur les travaux romains mais, étant alors stoppés, ils ont été percutés par les cavaliers germains
et ont dû se replier. Les premiers rangs ont reflué sur ceux qui étaient derrière et ont semé la
panique.
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Marbot :
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« Je savais par expérience que, lorsque deux colonnes
de cavalerie de partis divers se
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rencontrent sur un terrain étroit, la victoire est à rcelle qui, fondant sur la tête de l’autre, la
pousse toujours sur les fractions qui sont derrière
elle ».
A
« Mon régiment…se trouva bientôt devant une
brigade
d’infanterie ennemie, et l’on sait que,
t
sans élan, il est à peu près impossible àela cavalerie de pénétrer dans les rangs serrés des
bataillons qui, bien composés et d
bien commandés, présentent bravement une haie de
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baïonnettes.»
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Les cavaliers gaulois, dans m
leur élan initial, avaient percuté la ligne romaine, surprise. Puis,
y
arrêtés par ce combat, ils ne purent résister à la percussion des Germains, lancés à leur tour.
Aobstruant alors complètement l’étranglement des Prés-Grillets (dans
Les escadrons suivants
e ce fut la panique dans leurs rangs. Lors de la ruée de retour, il aurait
l’hypothèse A.Berthier),
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fallu des portes bien plus larges pour laisser passer le flux des cavaliers se précipitant en même
e était inévitable, et la panique assurée. Autour du mont Auxois, nous avons vu
temps. La icohue
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que rien ne s’opposait à ce que ces cavaliers, soit reviennent sur la partie Est en longeant
l’oppidum,
© soient échappent aux Germains en traversant les lignes romaines, puisque les
travaux d’investissement ne pouvaient alors être achevés.
4) César a été contraint de passer par le Jura pour aller chez les Allobroges (Savoie)
Pourquoi ?
Exposer l’immense colonne romaine sur la rive droite de la Saône aurait été une faute
gravissime, dont seuls certains historiens ne tiennent pas compte, en affirmant que César, ne
l’ayant pas signalé, n’avait pas franchi la Saône.
Marbot :
« Le général de Wrède, qui ne manquait pourtant pas de moyens militaires, avait commis la
faute énorme de placer son armée de telle sorte qu’elle avait la rivière à dos. »
Pas de réponse plus nette : l’armée romaine, étirée le long de la Saône, par exemple de
Chalon-sur-Saône à Tournus, aurait été vite acculée à la rivière par les troupes fondant sur elle
depuis les combes tout au long de la côte. César n’est pas tombé dans ce piège. Il est parti vers
le Jura pour atteindre Genève, par où « quo facilius » c’était le plus facile.
162
5) Franchissement d’une rivière par une armée.
César connait bien la Saône, « l’Arar », qu’il a déjà traversée plusieurs fois. Il dit que son
cours est si lent que l’on ne sait dans quel sens va le courant. Il a même combattu sur ses rives,
lors de la destruction de l’arrière-garde des Helvètes en 58 av J.-C. Il a signalé, ici, son
franchissement, car il est marqué d’un fait exceptionnel qui a stupéfait les Helvètes : ses
légionnaires ont mis un seul jour pour faire un pont et franchir la rivière, alors qu’eux-mêmes
ont à peine pu effectuer la traversée en barques en vingt jours.
César ne rapporte jamais le franchissement d’une rivière par son armée, soit en l’absence
d’ennemis, soit qu’il n’ait rien de remarquable à signaler à ce sujet.
Les troupes de Napoléon avaient sans cesse des problèmes de ce type à gérer, les rivières et les
fleuves avec des ponts coupés ne manquaient pas en Europe, devant ses troupes, jusqu’à
Moscou. De la même façon, les bulletins de la Grande Armée ne s’embarrassent pas de détails
sur le passage des rivières, sauf celui de la Bérésina, tristement célèbre !
Les moyens techniques devaient être comparables à ceux des Romains. La mécanisation
n’existant pas plus à une époque qu’à l’autre, la hache du sapeur était l’outil des deux armées à
vingt siècles d’écart. Le Génie réalisait le plus souvent l’ouvrage, mais d’autres corps comme
l’Artillerie pouvaient s’en charger.
A propos du temps nécessaire pour construire un pont sur une rivière, nous avons remarqué un
épisode de la retraite de Russie, raconté par Marbot. Celui-ci n’avait pas accompagné
Napoléon à Moscou, mais était resté en garnison en Pologne pour couvrir les arrières de la
Grande-Armée. C’est ce qui explique le bon comportement de son régiment, relativement aux
hordes désemparées qui arrivaient de Russie.
Marbot signale que, malgré l’état des troupes, les sapeurs du Génie et les artilleurs se
disputèrent l’honneur de plonger dans l’eau glacée pour établir les piles des ponts. Trente six
heures plus tard, l’Empereur franchissait ceux-ci avec sa Garde.
Marbot ramène à sa juste proportion l’importance de la Béresina. Si sa traversée fut un
désastre, d’après lui, c’est que l’armée – occupée à bivouaquer – n’a pas franchi les ponts le
soir même, tous les échelons de commandement étant défaillants. Le lendemain hélas, quand
les hordes commencèrent à se mettre en route, l’artillerie russe, restée jusqu’ici silencieuse, se
mit à tonner. Ce fut la bousculade que l’on sait sur les ponts. L’un d’eux s’écroula. Vingt à
vingt cinq mille hommes périrent noyés, alors que la rivière était guéable à cheval.
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Marbote(La campagne de Russie)
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Cette rivière (la Bérésina), à laquelle certaines imaginations ont donné des dimensions
est tout au plus large comme la rue Royale à Paris, devant le ministère de la
©gigantesques,
Marine. Quant à sa profondeur, il suffira de dire que les trois régiments de cavalerie de la
brigade Corbineau l’avaient traversée à gué, sans accident, soixante douze heures
auparavant… »
La technique militaire était donc de faire établir une tête de pont par des cavaliers traversant à
gué, pour protéger les pontonniers très vulnérables. Il est fort possible qu’il en ait été de même
pour l’armée de César. Marbot poursuit :
« L’Empereur étant arrivé le 26 vers midi, termina le différent en ordonnant que l’un des
ponts serait établi par l’Artillerie, l’autre par le Génie. On arracha à l’instant les poutres et
les voliges des masures du village, et les sapeurs, ainsi que les artilleurs se mirent à l’ouvrage.
…le 27 au soir, l’Empereur passa les ponts avec sa Garde. »
Pour faire écouler ce qui restait de la Grande Armée, on avait construit deux ponts en moins de
trente six heures. Marbot pense que si l’armée s’était précipitée le soir même à la suite de
Napoléon, elle aurait été entièrement sauvée. Cela veut dire qu’une nuit était nécessaire pour
écouler, sur deux ponts, une masse d’environ 80 000 hommes, ce qui était comparable à
l’effectif romain à Alésia. César a pu passer la Saône sans difficultés, c’est-à-dire sans ennemis
en face, vers Pontailler-Auxonne. Il n’avait donc pas besoin de le signaler. Ce n’est qu’à partir
163
de là qu’il peut avoir été vu et annoncé « en fuite vers la Province », et « quittant la Gaule »
par les espions de Vercingétorix. Compte tenu du temps qu’avait mis la nouvelle de la prise
d’Avaricum jusqu’à Gergovie, nous pensons qu’en une journée –le temps de construire les
ponts sur la Saône-, le chef gaulois était informé chez les Eduens. Il pouvait alors prendre
80 000 fantassins avec lui et lancer sa cavalerie au-devant de César.
6) Il est surprenant de constater qu’en de nombreuses occasions au cours de la guerre des
Gaules, les Romains se battirent à un contre cinq en bataille rangée. Ce fut le cas lors de
la campagne contre les Belges, estimés à plus de 300 000, contre six légions romaines.
A Alésia, les Romains se battirent souvent dans un rapport d’effectifs aussi défavorable. Mais
ils avaient la discipline, connaissaient l’art des fortifications, et possédaient des machines de
guerre, ainsi qu’une remarquable capacité à utiliser les avantages du terrain…sans compter les
Germains !
Ils étaient bien protégés par des cuirasses articulées doubles, qui devaient être efficaces contre
les projectiles gaulois.
Les chasseurs de cavalerie légère du colonel Marbot, non cuirassés, eurent à affronter des
archers. Son récit est évocateur :
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« Il y avait en effet, dans l’armée russe de 1814, des soldats asiatiques nommés Baskirs, qui
étaient envoyés contre les troupes françaises.
NB/ Ces soldats désordonnés nous font penser aux bandes armées barbares antiques, et à leur
surprenante inefficacité face aux légions romaines.
« En un clin d’œil, les barbares entourèrent à grands cris nos escadrons, contre lesquels ils
lancèrent des milliers de flèches, qui ne nous causèrent que très peu de pertes, parce que les
Baskirs, étant totalement irréguliers, ne savent pas se former en rangs, et marchent
tumultueusement comme un troupeau de moutons. Il résulte de ce désordre que ces cavaliers
ne peuvent tirer horizontalement devant eux sans tuer ou blesser ceux de leurs camarades qui
les précèdent. Les Baskirs lancent donc leurs flèches en l’air, en leur faisant décrire une
courbe plus ou moins grande, selon qu’ils jugent que l’ennemi est plus ou moins éloigné ;
mais cette manière de lancer les projectiles ne permettant pas de viser exactement pendant le
combat, les neuf dixièmes des flèches s’égarent, et le petit nombre de celles qui atteignent les
ennemis, ayant usé pour s’élever en l’air presque toute la force d’impulsion que la détente de
l’arc leur avait communiquée, il ne leur reste plus en tombant que celle de leur propre poids,
qui est bien faible ; aussi ne font-elles ordinairement que des blessures légères. »
Plus que l’arc lui-même, c’est son mode d’utilisation par une armée désordonnée, comme
on imagine les armées gauloises, qui est cause de son peu d’efficacité. Il est certain qu’une
armée organisée et hiérarchisée comme l’armée romaine, très semblable en cela aux armées de
Napoléon 1er, pouvait résister à des hordes barbares n’écoutant que leur instinct et leur
courage.
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7) Il est surprenant de constater que les cavaliers germains ont, d’après César, impunément
occis 3 000 hommes de l’arrière-garde gauloise après l’embuscade de cavalerie. Par
contre, César ne mentionne pas le nombre de tués de la cavalerie gauloise lors des
combats précédents, qui ont duré toute la deuxième partie de la journée. Sans doute le
chiffre devait être assez peu élevé pour que le chiffre ne soit pas mentionné dans le BG.
Plusieurs passages de Marbot nous éclairent à ce sujet : par exemple, il nous explique un
phénomène de crainte éprouvée par une troupe vaincue vis-à-vis d’une troupe vainqueur, lorsque
ces deux mêmes troupes se rencontrent à nouveau.
Marbot (La campagne de Russie) :
« J’ai remarqué que, lorsqu’un corps en a battu un autre, il conserve toujours sa supériorité sur
lui. J’en vis ici une nouvelle preuve, car les chasseurs du 23ème s’élancèrent comme sur une proie
facile contre les hussards de Grodno (russes), qu’ils avaient jadis si bien battus et les hussards,
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ayant reconnu leurs vainqueurs, s’enfuirent à toutes jambes ! Ce régiment fut pendant tout le
reste de la campagne en face du 23ème, qui conserva toujours sur lui le même ascendant. »
Les Gaulois ont toujours été battus dans les guerres précédentes par les Germains qui, tel
Arioviste vaincu enfin par César venu au secours des Séquanes au début de la guerre des Gaules,
faisaient des incursions pratiquement chaque année au-delà du Rhin et ravageaient les territoires
qui se trouvaient devant eux. La psychose du Germain s’est ainsi installée dans l’inconscient du
Gaulois. César avait bien compris ce phénomène lorsqu’il décida de recruter des cavaliers
mercenaires germains avant de partir pour la Province.
Sur les PERTES de la CAVALERIE .
Marbot signale un fait étonnant (La campagne deRussie) :
« Les combats de cavalerie à cavalerie sont infiniment moins meurtriers que ceux contre l‘
infanterie. D’ailleurs les cavaliers russes sont généralement maladroits dans le maniement de
leurs armes, et leurs chefs, peu capables, ne savent pas toujours employer leurs cavaliers à
propos ».
Cela nous permet d’estimer que la cavalerie gauloise a eu relativement peu de pertes par rapport à
l’effectif engagé, et que son abandon rapide du champ de bataille « omni fugato equitatu », était
donc bien dû à la capture imprévue de ses chefs par les Germains. Elle paraît cependant n’avoir
pas démérité au début des combats contre les légionnaires romains de l’avant-garde, lesquels ont
eu à soutenir un choc terrible et ne devaient pas être loin de craquer, avant l’arrivée dans leur dos
des Germains et des cohortes de renfort envoyés par César sur les points où il voyait « que les
nôtres faiblissaient ».
Sans cet œil du général et l’intervention rapide des Germains, le plan de Vercingétorix se serait
déroulé à merveille. Il faut rendre à César le fait qu’il ne s’en glorifie pas lui-même, et attribue
leur part de satisfecit à ses alliés quand il dit : « Soudain les Germains, avisant une colline sur la
droite, s’en emparent (NB/ sans attendre ses ordres) et repoussent les ennemis jusqu’à la rivière
où Vercingétorix avait pris position avec son armée. » L.A.Constans.
Il ne faut surtout pas voir la destruction de la cavalerie gauloise à la suite de son embuscade
préliminaire, dans laquelle elle a perdu surtout ses chefs. César ne s’y est d’ailleurs pas laissé
prendre, puisqu’il a, immédiatement après cette bataille, ordonné de monter ses bagages sur une
colline, à la garde de deux légions, ce qu’il ne faisait qu’en cas de danger extrême.
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Photo 1) Ci- dessous : La plaine de 3 000 pas / Syam, véritable arène « enclavée dans l’espace laissé
libre entre les collines, où aucun combat individuel ne pouvait être ignoré de tous les camps placés autour, d’où
partaient des cris pour encourager les combattants». Au premier plan : la pointe Nord de l’éperon barré, la
« citadelle, arx » de Vercingétorix pour A.Berthier, est séparée du plateau de Chatelneuf (à gauche, par les
gorges profondes de la Lemme « aux rives abruptes, abuptis ripis ». On distingue le rebord de la terrasse
alluviale, d’une hauteur de 20 m, portant le village de Syam et bordant les « parties basses » de la plaine.
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Photo 2) ci-dessous à dr.: Le rebord lobé du plateau de Bussy, qui paraît plus adapté à une position de
contrevallation que de circonvallation (NB / Les fouilles de 1996 forment un carré clair dans un champ ocre).
Le mont Auxois vu de l’Est avec, en bas, la pointe de la Croix Saint-Charles (la partie couverte de troupes).
Au fond : à g, la plaine de 3 000 pas/ Les Laumes ; au fond, au centre, le Réa, appendice d’un vaste plateau.
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Photo 3) ci-dessous :
Le mont Auxois vu de l’Est.
En haut à droite : le Réa (montagne Nord pour J.Le Gall) ; à gauche : le pied de la montagne de Flavigny ; au
fond : la plaine des Laumes. Est-elle « enserrée dans l’intervalle laissé libre par les collines » ?
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Photo 4) ci-dessous (hypothèse A.Berthier):
L’éperon barré de Chaux-des-Crotenay, vu du Sud.
En haut à gauche : le Mont-Rivel. A son pied : Champagnole, avec sa forêt au-devant.
Au dessus du triangle du plateau de Chaux-des-Crotenay (village à droite) : la Côte-Poire (montagne Nord pour
André Berthier). A droite : les gorges de la Saine avec ses abrupts. Au premier plan, la « barre » du Rachet, des
Epinois et de la Montagne Ronde. En haut à droite : position des « camps supérieurs Nord », et village de
Crans.
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Photo 5) ci-dessous (hypothèse A.Berthier) : L’éperon barré de Chaux-des-Crotenay vu du Nord :
En haut à g : barre des Epinois et du Rachet ; le plateau de Chaux-des-Crotenay sur lequel on distingue
l’enceinte protohistorique, « oppidum ipsum » d’une cinquantaine d’hectares, délimitée par un mur d’enceinte
protohistorique – traces soulignées par une haie visible sur la photo.
En bas à g : les gorges de la Saine à leur débouché dans la plaine de Syam (de 3000 pas). En bas au centre : la
partie Est, avec ses gradins qui pouvaient avoir été complètement remplis de soldats Gaulois. Au premier plan en
bas : les falaises « praerupta » escaladées par ces mêmes Gaulois à la fin du siège. En bas à dr : les Prés-Grillets,
où pouvaient être les premiers fossés «prias fossas ». A dr : les gorges de la Lemme. Entre les deux rivières, le
fossé d’arrêt de 6 m au pied même de l’oppidum, dont les traces dans la berge de la Lemme auraient été
retrouvées par A.Berthier. En haut à dr : le plateau de Châtelneuf, dont le rebord « fastigium » est de même
niveau que l’oppidum, qu’il encercle « cingere » au plus près.
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Photo 6) ci-dessousA
Le mur d’enceinte protohistorique
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au Nord de Chaux-des-Crotenay
Photo 7) ci-dessous (hypothèse A.Berthier) : La voie protohistorique « La Vie du Four », entre la
côte Malvaux et Fort-du-Plasne, à la sortie Sud de l’éperon barré de Chaux-des-Crotenay, en direction de
Morbier et Saint-Cergues.
L’écartement des rails dans le roc, de 1,10 m entre axes, est le même qu’au col de la Côte de l’Heute, entre
Poligny et Champagnole, ainsi que celui du col de la Savine, avant Morbier. Cet entre-axe des voies en zone de
montagne (Vosges, Jura) serait plus étroit de 15 à 20 cm que celui des régions de plaine, d’après Albert Grenier,
ce qui impliquerait peut-être un changement des essieux des chariots de bagages au départ de l’itinéraire (?).
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Photo 8) ci-dessous (hypothèse A.Berthier) : La fermeture Sud-Est de l’éperon barré.
Au premier plan : le village de Chaux-des-Crotenay. Au centre : le col entre la Montagne Ronde et les PetitsEpinois, flanqués par les Grands-Epinois, avec la route des Planches-en-Montagne. En haut : la Côte Malvaux
s’oppose à toute sortie par le Sud-Est. Entre les deux chaînes de montagne : le village d’Entre-Deux-Monts (à dr).
La Nature semble ici s’être ingéniée, tant à aider les Gaulois pour se défendre, que les Romains pour les
assiéger.
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Photo 9) ci-dessous : En haut (partie boisée) : Le Réa, au Nord-Ouest, considéré comme la
« montagne nord ». A son flanc, les « superiora castra », le camp Nord, dit « supérieur » du plan
Napoléon III, étalé sur la pente jusqu’à la vallée de l’Oze, où ont été trouvées armes et monnaies au
19ème siècle.
Au premier plan : le village d’Alise, surmonté par la statue de Vercingétorix érigée en 1865.
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Photo 10) ci-dessous : (Hypothèse A.Berthier) : La « Côte Poire », montagne Nord, « d’un périmètre trop
grand pour être comprise dans les lignes », mais bien saillante, escarpée, et formant un obstacle
naturel, avec un seul point faible : son thalweg Nord, bien visible sur la photo aérienne.
A droite, le village de Crans. Au centre, le plateau de « la Singe ». En bas à droite, le col de Crans,
point faible du dispositif romain, zone des « superiora castra » et de la bataille finale.
A gauche et en bas, l’extrémité Nord de la plaine de 3000 pas, « insérée dans l’espace laissée libre par
les collines », qui pouvait être « remplie » par 8 000 cavaliers.
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Crédit Photographique :
Toutes les photos et photos aériennes sont de l’auteur.
Les croquis d’étude, ceux réalisés sur fond de carte IGN à 1/25000 et les autres,
ont été réalisés par l’auteur et n’engagent que lui-même.
Autorisation IGN N° 5209-010 du 23 avril 2009. La carte « Série Bleue -Champagnole » est
indispensable pour toute étude du site de l’hypothèse A.Berthier.
Remerciements :
Les remerciements de l’auteur vont aux personnes qui ont participé à la relecture de cet
ouvrage, et en particulier à une professeur de lettres de l’Université de Paris-Sorbonne, ainsi
qu’à celles qui l’on encouragé à en assurer une large diffusion.
Contacts :
Adresse e-mail de l’auteur-éditeur : [email protected]
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