Le gène Foxp2, bien connu pour son rôle dans le langage, est exprimé davantage chez les petites filles que
chez les garçons. En revanche, chez le rat, c’est l’inverse. Cette découverte justifie-t-elle pourquoi les
femmes ont de meilleures aptitudes dans la communication que les hommes ? Peut-être partiellement,
oui.
La communication, c’est aussi une histoire de génétique. En 2001, les chercheurs mettaient en évidence
l’existence d’un gène, nommé Foxp2, qui semble jouer un rôle crucial dans les vocalisations et l’acquisition du
langage, aussi bien chez l’Homme que chez d’autres animaux, du chimpanzéaux oiseaux chanteurs, en passant
par les rongeurs ou les chauves-souris.
Une fonction aussi complexe que la communication ne peut tenir en un seul gène. Mais une nouvelle étude,
menée par la faculté de médecine de l’université du Maryland (Baltimore, États-Unis), tend à prouver
l’importance de Foxp2 dans le développement de la parole chez l’Homme ou des vocalisations chez l’animal.
Des rats mâles qui crient plus que les femelles
Ce travail, publié dans le Journal of Neuroscience, s’est d’abord intéressé à des rats. Les rongeurs nouveau-nés
poussent des cris dans le domaine de l’ultrason (inaudibles pour nos oreilles) dès qu’ils sont séparés de leur
mère. Les auteurs ont donc isolé les petits et enregistrés leurs vocalises durant 5 minutes. Premier constat : les
mâles se montrent bien plus inquiets et appellent davantage leur mère que les femelles. C’est d’ailleurs vers
eux qu’elle se dirige prioritairement lorsqu’elle est replacée dans la cage.
L’activité de Foxp2 a été scrutée dans le cerveau de 16 des jeunes rongeurs (8 individus de chaque sexe). Dans
les régions associées à la communication (comme l’amygdale, le cortex cérébral ou le cervelet), les mâles
exprimaient la protéine issue du gène deux fois plus que les femelles. En revanche, ils n’ont noté aucune
différence dans les aires cérébrales qui ne sont pas en lien avec le langage, comme l’hypothalamus.
Les jeunes rats mâles produisent plus de protéine Foxp2 que les femelles, et émettent en parallèle
davantage de cris d'alerte. Le seul gène aurait donc un rôle important dans le langage. ©
Braindamaged217, Flickr, cc by nc nd 2.0
Pour tester l’impact réel de Foxp2 sur le nombre de cris, un brin d’ARNdessiné pour inhiber l’expression du
gène a été inséré chez les mâles. Ceux-ci se calmaient et émettaient autant de vocalises que les femelles. À
l’inverse, lorsque le gène a été stimulé chez les femelles, elles criaient autant que les mâles, et les mères
venaient s’occuper d’elles en priorité lorsqu’elles étaient replacées dans les cages. Ainsi les scientifiques ont-
ils mis en évidence l’importance de Foxp2 dans l’occurrence de la communication chez le rat.
Foxp2, le gène qui fait parler
Qu’en est-il chez l’Homme ? Les études antérieures montrent que les petites filles acquièrent le langage plus
tôt que les garçons et développent un vocabulaire plus important, avant que le temps ne gomme peu à peu la
différence. Si la raison exacte reste inconnue, les auteurs ont voulu exploiter la piste de Foxp2 pour
déterminer son implication.
L’expérience a été menée sur 10 enfants de 4 à 5 ans, morts tragiquement dans des accidents dans les 24
heures précédant l’analyse de leurscerveaux. À l’inverse des rats, les petites filles présentaient la protéine
Foxp2 dans des quantités 30 % plus importante dans une région du cortex gauche du cerveau associée au
langage, l’aire 44 de Brodmann.
Le langage ne tiendrait-il qu’à un gène ?
Ainsi, ces expériences démontrent que le gène est le plus actif dans les sexes les plus loquaces chez le rat et
l’Homme. Voilà une explication génétique aux différences cognitives constatées.
Si ce travail semble avoir été bien mené, il faut malgré tout rester prudent quant à la généralisation des
résultats, surtout pour l’espèce humaine. Dix enfants entre 4 et 5 ans ne peuvent représenter l’intégralité de
l’humanité. De plus, la comparaison entre des cris d’alerte du rat et la parole de l’Homme semble un peu
simpliste. Si les deux reposent probablement sur une même base, le langage humain est autrement plus
complexe et exige sûrement d’autres ressources.
De nouvelles investigations s’imposent si l’on souhaite déterminer pourquoi les femmes, plus que les hommes,
sont tournées vers la communication. SiFoxp2 ne peut tout expliquer, combien d’autres gènes sont impliqués ?
Et quel rôle peut jouer la culture dans ce fait ? Nous sommes loin d’avoir tout découvert…
Janlou Chaput
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