la sociologie aux etats unis au christin angele ollion etienne 1

Angèle Christin
Etienne Ollion
La sociologie aux
Etats-Unis aujourd'hui
Introduction
n 1930, le sociologue français Maurice HalbwachsE
passe un trimestre à l’université de Chicago. Ce sé-
jour est pour lui l’occasion de nombreuses dé-
couvertes. La ville et son organisation, l’importante
division du travail ainsi que les coutumes locales
sont des sujets d’étonnement infinis. Mais c’est la
rencontre avec ses pairs qui suscite chez lui les plus
grandes surprises. L’abondance de moyens, les ob-
jets d’étude de ses collègues ou les méthodes
auxquelles ils recourent le laissent partagé entre in-
térêt et perplexité. À propos de Middletown, un
classique des études de communauté [Lynd et Lynd,
1929] [1], il écrit que l’analyse est « comique
souvent, mais minutieuse et vivante ». Il refuse aussi
de suivre un chercheur dans ses pérégrinations de
terrain, qu’il trouve trop dangereuses. De ses
collègues sociologues, il écrit qu’ils sont « plus
drôles que Mark Twain », mais pas vraiment scien-
tifiques. Formé à l’école durkheimienne, il est tout
particulièrement effaré par le manque de rigueur
de leurs méthodes et leur absence de recours aux
statistiques. Cela ne l’empêche pas, à la fin du tri-
mestre, d’écrire à propos des deux figures de proue
du département que sont Robert Park et Ernest Bur-
gess qu’ils sont « pleinement originaux » mais «
paraissent ignorer totalement toutes nos théories ».
Et le visiteur de conclure : « Je les aime bien, je les
admire un peu » [Marcel,1999, p. 48 et sq.].
Bien des choses ont changé depuis la visite
d’Halbwachs à Chicago. Entre autres, les soci-
ologues français seraient sans doute moins prompts
à reprocher à leurs collègues d’outre-Atlantique
leur incompétence dans l’usage des statistiques ou
leur absence de rhétorique scientifique. Mais leur
intérêt pour leurs travaux est souvent mêlé du
même sentiment de perplexité. La lecture des art-
icles publiés dans les plus grandes revues peut
même se révéler déconcertante pour un chercheur
français. Car, en dépit d’injonctions croissantes à
l’internationalisation, les interrogations, les
méthodes, les modes d’administration de la preuve,
et jusqu’à l’organisation des articles restent bien
différents d’un côté et de l’autre de l’Atlantique.
Du point de vue français, la sociologie étasunienne
est même dans une position paradoxale. Certains
de ses auteurs et de ses programmes de recherche
sont bien connus des lecteurs français, du fait d’un
travail d’importation important et de qualité. Mais
les développements récents, ainsi que la structure
d’ensemble de la discipline, sont, eux, moins bien
perçus.
Plusieurs éléments expliquent cette situation. La
richesse du champ, qui regroupe les 14 000
membres de l’association professionnelle et près de
deux cents revues, en est un. Cette gigantesque pro-
duction rend le suivi de l’actualité de la discip-
line complexe. La logique de l’importation en est
un autre. Comme dans d’autres cas de circulation
internationale des idées [Hauchecorne, 2009], les
textes importés le sont en fonction des intérêts pro-
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