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Cas clinique
Segment antérieur
Conjonctivite fibrosante
postkératoconjonctivite virale
Conjunctival fibrosis following
a viral keratoconjunctivitis
Conjonctivite fibrosante •
Kératite nummulaire • Adénovirus.
Fibrosing conjunctivitis •
Nummular keratitis • Adenovirus.
Y. Lteif1, S. Doan1,2, O. Abitbol1
(1 Fondation Rothschild, 2 Hôpital Bichat-Claude-Bernard)
U
n patient âgé de 39 ans consulte pour des sensations de tiraillements et
de picotements bilatéraux chroniques plus prononcés du côté droit. Dans
ses antécédents, on retrouve un terrain allergique, une myopie et une érosion
cornéenne de l’œil droit occasionnée par une branche d’arbre quelques mois
auparavant.
Examen
L’examen ophtalmologique met en évidence une acuité visuelle corrigée conservée
à 10/10 P2 aux deux yeux. La tension oculaire est de 12 mmHg ODG. L’examen à la
lampe à fente montre des infiltrats cornéens sous-épithéliaux diffus centraux, accrochant la fluorescéine (figures 1a, 1b). L’examen de la conjonctive tarsale et bulbaire
montre une fibrose conjonctivale au niveau de la conjonctive tarsale supérieure et des
symblépharons à l’œil droit (figures 2a, 2b, 2c).
Un interrogatoire plus approfondi dévoile un antécédent de kératoconjonctivite qui
a été étiquetée virale 3 mois auparavant, a duré un mois et a été traité par la tobramycine en collyre et des larmes artificielles.
Le diagnostic de kératoconjonctivite à adénovirus compliquée de fibrose conjonctivale
est alors posé. L’étiologie étant évidente, il n’est pas proposé de biopsie conjonctivale
à la recherche d’une maladie auto-immune.
Nous instituons un traitement à base d’agents mouillants, et nous expliquons au
patient la nécessité de surveiller et d’attendre la régression des signes inflammatoires ainsi que la stabilisation de la fibrose avant d’envisager un traitement chirurgical. Celui-ci ne sera discuté qu’en cas de gêne fonctionnelle majeure liée aux
symblépharons (diplopie) – il n’est quasi jamais nécessaire en pratique.
Discussion
Les étiologies des conjonctivites fibrosantes (CF) sont essentiellement réparties en
deux groupes : les CF auto-immunes et les CF non auto-immunes.
• Les CF auto-immunes sont souvent sévères et évolutives, pouvant aboutir à la
cécité. Elles peuvent être associées aux dermatites bulleuses (pemphigoïde cicatricielle, dermatite herpétiforme…), iatrogènes (traitement par pilocarpine, timolol…)
ou idiopathiques.
• Les CF non auto-immunes sont en général moins sévères et non évolutives (sauf
le syndrome de Stevens-Johnson) et peuvent être causées par toute inflammation
chronique de la conjonctive :
– conjonctivites infectieuses, bactériennes (trachome, Corynebacterium diphteriae,
streptocoque) ou virales (adénovirus) ;
– maladies systémiques (sarcoïdose, syndrome de Sjögren, sclérose systémique
progressive) ;
Pour en savoir plus…
1. Robin H, Hoang-Xuan T. Les conjonctivites
fibrosantes. Bulletin des sociétés d’ophtalmologie de France 1998;98:125-65.
2. Bernauer W, Broadway DC, Wright P. Chronic
progressive conjunctival cicatrisation. Eye 1993;
7:371-8 [Review].
3. Faraj HG, Hoang-Xuan T. Chronic cicatrizing
conjunctivitis. Curr Opin Ophthalmol 2001;12(4):
250-7 [Review].
Images en Ophtalmologie • Vol. III • n° 1 • janvier-février-mars 2009
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Cas clinique
Segment antérieur
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Images en Ophtalmologie • Vol. III • n° 1 • janvier-février-mars 2009
Cas clinique
Segment antérieur
– allergies-atopies (KC atopique) et réactions immunoallergiques (syndromes de
Stevens-Johnson et de Lyell) ;
– autres (rosacée oculaire, iatrogène, traumatisme, brûlures, irradiations, porphyrie
cutanée, érythrodermie ichthyosiforme congénitale, conjonctivite cicatricielle autoinduite).
La classification de Tauber et al. permet le suivi du patient et l’évaluation de l’évolution de la fibrose d’un examen à l’autre :
• Stade I : fibrose sous-conjonctivale (figure 2a).
• Stade II : comblement du cul-de-sac inférieur :
Légendes
– IIA : 0-25 % ;
– IIB : 25-50 % ;
– IIC : 50-75 % ;
– IID : 75-100 %.
Figure 1. a. Infiltrats nummulaires
sous-épithéliaux sans fluorescéine.
b. Avec fluorescéine.
• Stade III : symblépharons de stade III A, B, C ou D (en fonction du pourcentage de
l’atteinte de la paupière inférieure).
Le nombre de symblépharons est ajouté en chiffres arabes.
Figure 2. a. Fibrose sous-conjonctivale.
b, c. Symblépharons.
• Stade IV : ankyloblépharon (figure 3).
Figure 3. Classification de Tauber et al. :
stade IV.
Traitement
Le traitement des CF auto-immunes est systémique et lourd, et nécessite une étroite
collaboration avec les internistes et les oncologistes. Il dépend du diagnostic (biopsie)
et de l’état général du patient, et repose sur les thérapeutiques suivantes :
– dapsone (100 à 300 mg/jour) ;
– sulfapyridine (1 g/jour) ;
– sulfasalazine (3-4 g/jour) ;
– azathioprine (1-2 mg/kg/jour) ;
– cyclophosphamide (1-2 mg/kg/jour)
– immunoglobulines i.v., prednisone, ciclosporine A.
Il s’associe à un traitement topique par agents mouillants et antibiotiques pour
prévenir les surinfections. Il est cependant conseillé d’éviter l’instillation prolongée
de produits de conservation qui pourraient aggraver la fibrose.
Le traitement chirurgical (chirurgie des paupières ou de la cataracte, greffe de
cornée…) ne peut être envisagé que 3 à 6 mois après le début du traitement systémique, sous couverture immunosuppressive. Le traitement systémique par immunosuppresseurs doit être continué de 3 à 6 mois après la chirurgie.
Le traitement des CF non auto-immunes repose essentiellement sur les agents
mouillants sans conservateurs et la prévention des surinfections. L’utilisation des
traitements par corticoïdes est controversée, car elle peut entraîner une corticodépendance et favoriser les surinfections. De plus, les corticoïdes n’ont pas prouvé
leur efficacité dans la prévention des symblépharons. Seul le syndrome de StevensJohnson nécessite une hospitalisation en soins intensifs avec compensation des
pertes hydroélectrolytiques et prévention des surinfections.
Toute conjonctivite chronique peut se compliquer de fibrose conjonctivale, mais
cette dernière reste moins sévère et moins évolutive que les CF auto-immunes.
Il faut cependant savoir rechercher les signes cliniques d’une fibrose débutante, orienter le diagnostic en fonction du contexte, et ne proposer de chirurgie
qu’une fois l’inflammation stabilisée, et uniquement en cas de gêne fonctionnelle
II
importante.
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