Mini-atlas Mini-atlas Le feuillet externe des rétinoschisis séniles et ses déhiscences D. Baron (Centre ophtalmologique Kervision, polyclinique de l’Atlantique, Saint-Herblain) L’ examen du feuillet externe d’un rétinoschisis n’est pas toujours facile mais capital pour conforter le diagnostic et établir un pronostic. Le feuillet externe du rétinoschisis sénile prend souvent un aspect irrégulier, réticulé, en nid d’abeilles (1) [figure 1]. Cela est dû aux reliquats des piliers rompus ainsi qu’à du tissu néoformé. La couleur peut être blanc jaune, crème. Lors d’une cryothérapie, l’image obtenue aux temps précoces est celle “d’une balle de golf” ou encore “de pas dans la neige”, les dépressions blanchissant plus tardivement que les bords (2) [figure 2]. Il existe parfois quelques altérations de l’épithélium pigmentaire, donnant un aspect poivre et sel (3) au plan profond. Les altérations de l’épithélium pigmentaire sont souvent plus importantes dans les rétinoschisis bulleux que dans les rétinoschisis plans (1). L’effet de blanc avec pression sur le plan profond d’un rétinoschisis, montré par N.E. Byer dans son atlas (4), n’a pas, pour l’auteur, de signification pronostique. Les auteurs mentionnent plusieurs types de déchirures du feuillet externe des rétinoschisis. Certaines sont bien décelables cliniquement : désinsertion, larges déchirures à bords ourlés bien visibles, trou à l’emporte-pièce. D’autres ne sont retrouvées qu’avec une indentation qui augmente le contraste en atténuant le fond rouge de la choroïde et qui permet ainsi de distinguer les trous des alvéoles (1). Enfin, les examens histo-pathologiques (5) montrent de petits pertuis. La fréquence de 10 % des déchirures du feuillet profond trouvée en clinique par N.E. Byer (6) sous-estime manifestement la réalité, car l’on sait que W. Göttinger l’observe dans 57 % des cas en anatomopathologie. Sept types de déchirure (2) ont été observés. En réalité, il y en a huit si on y inclut les pertuis infra-cliniques qui viennent d’être mentionnés. Les déchirures à bords ourlés ou soulevés (BOOS) sont les plus fréquentes. Ces bords prennent une coloration blanchâtre et donnent un aspect de “col blanc”. L’ourlet ou le soulèvement ne concerne que tout ou partie du bord de la déchirure : • Trous arrondis à BOOS sur 360 ° (figures 7 et 8) Le nombre de trous est variable au fond d’œil. Les tailles sont également variables. Leur situation est À D É T A C H E R Types de déchirures • Une partie seulement du bord est ourlée ou soulevée L’autre bord est linéaire, parfois invisible, ou à la limite de la visibilité. Le BOOS est le bord le plus visible, arciforme et sa concavité est orientée vers l’extérieur du rétinoschisis, c’est-à-dire vers l’ora serrata, les bords latéraux ou vers le pôle postérieur. Pour une même déchirure, il peut y avoir plusieurs anses unies entre elles par leurs extrémités : la jonction prend alors la forme d’une “dent”. Habituellement, ces déchirures ont un BOOS qui fait environ la moitié de la circonférence de la déchirure. Cependant quelques cas n’ont pas cette symétrie. – Déchirures avec un bord postérieur ouvert vers l’ora (figure 1). Elles sont plutôt situées en périphérie antérieure du feuillet externe. Le bord antérieur se situe à la frontière antérieure du rétinoschisis où un peu plus à l’intérieur de la cavité kystique. Ainsi la découpe du bord antérieur peut se faire au niveau des cellules de la dégénérescence micro-kystique très périphérique (figure 3) [7] ou à plat, isolée un peu à distance en arrière. L’anse formée par le BOOS est régulière ou un peu angulée (figure 4). Enfin elle peut être très allongée, ondulée (figure 5), légèrement ébauchée ou très profonde (figure 1). Quelquefois, on trouve un aspect en “crosne”. – Déchirures avec un BOOS du bord antérieur ouvert vers le pôle postérieur (figures 6 et 7). Elles sont situées dans la moitié postérieure du feuillet profond. Le bord postérieur se situe à la frontière postérieure du rétinoschisis ou un peu plus en avant, linéaire, à plat sans relief, parfois très fin et difficile à voir. – Déchirures avec un bord interne ouvert latéralement vers le bord le plus proche. – Déchirures présentes seulement avec un fragment de BOOS. Leur aspect n’est pas classique ; la forme est certes grossièrement arrondie, mais très irrégulière et les bords hétérogènes peuvent être successivement à plat, ourlés et soulevés. Elles se situent soit en périphérie, soit au centre du feuillet externe. Images en Ophtalmologie • Vol. III • n° 1 • janvier-février-mars 2009 23 Légendes 24 1 3 2 5 4 D É T A C H E R 6 À Figure 1. Association d’une déhiscence à bord ourlé concave vers la périphérie et au-dessous l’aspect en rayon de miel du feuillet externe. Figure 2. Blanchiment du feuillet externe obtenu par la cryothérapie. La variété d’aspect dépend de l’abondance du tissu gliale néoformé. Figure 3. Ligne de dégénérescence microkystique antérieure (flèche A), BOOS concave vers l’avant d’une déchirure du feuillet externe (flèche B). Figure 4. Bord postérieur éversé et un peu enroulé d’une déchirure du feuillet externe tournée vers l’ora. Figure 5. Forme allongée et ondulée du bord postérieur d’une déchirure tournée vers l’ora. Figure 6. Large rétinoschisis qui dépasse les vaisseaux temporaux inférieurs. On y trouve, près du bord postérieur, une déchirure BOOS polycyclique orientée vers le pôle postérieur et au centre du feuillet externe une large déhiscence à BOOS sur 360 °. Figure 7. Rare déchirure du feuillet externe située à la partie postérieure du feuillet externe d’un rétinoschisis bulleux. Le bord antérieur est très visiblement enroulé, concave vers le pôle postérieur. On devine le très fin bord postérieur à plat. Figure 8. Présence de deux trous à bords légèrement soulevés sur le feuillet externe du rétinoschisis. Le feuillet interne a une mauvaise transparence et porte quelques points de givre. Figure 9. Succession de trous à “cols blancs”. L’ancienneté peut expliquer l’aplatissement des bords et les remaniements pigmentaires. Figure 10. Représentation graphique de la désinsertion d’un feuillet externe. Figure 11. Schéma du haut : très petit trou en périphérie antérieure du feuillet profond, avec piliers gliaux résiduels. Schéma du bas : clapet par arrachement du feuillet externe moins périphérique. La force de traction de quelques piliers résiduels semble insuffisante pour amorcer un soulèvement de la rétine. Figure 12. Représentation schématique des forces susceptibles d’être à l’origine d’un trait de refend dans le bord d’une déchirure. Figure 13. Découpe très asymétrique d’un rabat du feuillet externe. Figure 14. “Trou lamellaire” postérieur d’une rétine soulevée sans qu’il s’agisse de décollement rhegmatogène. Figure15. Déchirure d’où part un décollement de rétine infra-clinique (flèche). Figure16. Dessin du schisis-décollement. Au bord du trou externe, le vitré tire sur la zone d’adhérence des deux feuillets pour amorcer un soulèvement de rétine. Images en Ophtalmologie • Vol. III • n° 1 • janvier-février-mars 2009 Mini-atlas 7 12 13 8 9 14 15 10 11 À D É T A C H E R 16 Images en Ophtalmologie • Vol. III • n° 1 • janvier-février-mars 2009 25 Mini-atlas • Désinsertion à l’ora serrata (figure 10) Le bord du feuillet profond a glissé vers l’arrière et est retenu en deux points d’adhérences chorioépithéliale sur son trajet. Cela donne l’image festonnée du bord avec des “dents” pointées vers l’avant. À noter que le soulèvement du feuillet interne peut dépasser un peu en avant l’ora serrata. • Petits trous à l’emporte-pièce (figure 11, en haut) Ils se situent préférentiellement en avant de l’équateur. Ce sont de petits trous à bords très légèrement élevés. Leur diamètre est un peu plus grand que celui d’une veine. Des piliers résiduels, reliés au feuillet interne, sont possibles. • Petites déchirures irrégulières, à lambeaux (figure 11, en bas) Elles se trouvent préférentiellement en arrière de l’équateur. Leurs aspects sont ceux d’arrachements aux contours irréguliers, anguleux, des clapets portent des “bandes” ou des “cloisons” de piliers allant aux feuillets internes. • Déchirures complexes (figures 12 et 13) Trouvées dans les schisis-décollements évolutifs, ces déchirures ont des aspects qui échappent à toute description précise. On peut parfois voir clairement un trait de refend radiaire qui part du bord d’une déchirure classique. • Trou arrondi qui ne concerne que la partie externe de la neuro-rétine décollée (figure 14) Il n’y a pas à proprement parler de cavité kystique mais cet aspect mérite notre attention. Il y a un soulèvement plan de la rétine, limité, avec un trou lamellaire postérieur de la rétine avec des bords ourlés ou simplement épaissis, sans déhiscence du feuillet interne. On peut dire que la cavité kystique est virtuelle. Classification des déchirures 26 Fréquence Les schisis décollements asymptomatiques sont fréquents : 6,4 % des 218 yeux avec rétinoschisis de l’étude de N.E. Byer (6). Souvent ils ne sont décelés que par un examen clinique attentif. Les examens histo-pathologiques en découvrent plus souvent encore. Quand aux schisis-décollements symptomatiques ils sont rares, environ 0,05 % (8). Le décollement de rétine commence là où persistent les adhérences entre les deux feuillets (2), c’est-à-dire aux bords du rétinoschisis ou au niveau d’îlots d’adhérences résiduels. Il démarre donc le plus souvent aux bords du rétinoschisis, que ce soit sur les côtés ou en arrière (figures 15 et 16). Il est probable que la force des piliers résiduels soit insuffisante pour amorcer un soulèvement de rétine (2). Conclusion Connaître les déhiscences doit permettre de clarifier les risques et les indications d’un traitement préventif éventuel. Une attention toute particulière doit être accordée à la recherche des décollements de rétine même si seulement un petit nombre peut II poser problème. Remerciements à Sandrine Doucet ([email protected]) pour les montages photographiques. Références bibliographiques 1. Boisdequin D, Croughs P, Reigner P. Le rétinoschisis. Bull Soc Belge Ophtalmol 1981;vol 198-I. 2. Baron D, Randriamora T. Déchirures du feuillet externe des rétinoschisis – classification et déductions pathogéniques. Oftalmologia 2006;2:77-86. 3. Bec P, Ravault M, Arne JL, Trepstat C. La périphérie du fond d’œil. Rapport de la société d’ophtalmologie française. Paris, Ed. Masson 1990. 4. Byer NE. The peripheral retina in profile. A stereoscopic atlas, Criterion Press édition, 1982. 5. Göttinger W. Senile Retinoschisis. Morphological relationship of the formation of spaces within the peripheral retina to senile retinoschisis and to schisis detachment. Stuttgart, Georg Thieme, 1978. 6. Byer NE. Long-term natural history study of senile retinoschisis with implications for management. Ophthalmology 1986;93:1127-36. 7. Baron D. Atlas de la périphérie rétinienne du fond d’œil. Alcon 2004. 8. Byer NE. Perspectives on the management of the complications of senile retinoschisis. Eye 2002;16(4):359-64. À Une classification de ces déchirures a été établie en fonction d’hypothèses pathogéniques (2) : • L’atrophie rétinienne explique les microtrous (5). • Une traction de la couche fibro-gliale rétractile du feuillet externe explique les déchirures à bords ourlés ou soulevés dont le départ est peut-être parfois le microtrou atrophique, les désinsertions. • Une force perpendiculaire est exercée par les piliers gliaux. Le vitré tire sur le feuillet interne qui transmet la traction aux piliers résiduels. Le liquide intra-kystique peut aussi exercer sa pression au feuillet interne. Les mouvements du globe augmentent cet effet. On peut expliquer de cette façon les déchirures à lambeaux, irrégulières, de petite taille, et sans doute nombre de petits trous avec des piliers résiduels aux bords. • Les déchirures complexes résultent des deux forces en présence. D É T A C H E R plus centrale que celles de toutes les déchirures précédentes. Les bords semblent pouvoir s’aplatir et se pigmenter avec le temps (figure 9). Images en Ophtalmologie • Vol. III • n° 1 • janvier-février-mars 2009