Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition (X), n° 1, janvier/février 2006
●À quel moment les gènes concernés
acquièrent-ils leur empreinte ?
●Quel est le rôle biologique du
phénomène de l’empreinte ?
Les premiers gènes soumis à l’em-
preinte ont été découverts en 1991 :
il s’agissait du gène qui code pour
un facteur de croissance, l’Igf2 et,
curieusement, du gène codant pour
son récepteur, l’Igf2r (6, 7). Depuis,
une centaine de gènes ont été décrits
comme étant soumis à l’empreinte
(voir la liste des gènes et des réfé-
rences bibliographiques : www.mgu.
har.mrc.ac.uk/research/imprinting/
imprinting2.html).
Il y a une bonne conservation de
l’empreinte parmi les mammifères.
Si un gène est soumis à l’empreinte
chez la souris, il y a de bonnes
chances pour que son homologue
chez l’homme ou chez un autre
mammifère le soit également. La
conservation au cours de l’évolution
suggère qu’il s’agit d’une caracté-
ristique sélectionnée.
Il est intéressant de souligner que
les protéines codées par les gènes
soumis à l’empreinte ne possèdent
pas de fonction biochimique com-
mune (8). Elles incluent facteurs de
transcription, enzymes métabo-
liques, récepteurs membranaires,
hormones, protéines de l’épissage
des ARN, etc. Il y a même des
gènes qui codent pour des ARN non
codants. La fonction biologique de
l’empreinte ne peut donc pas être
attribuée à un certain type d’activité
biologique.
Malgré l’identification d’un nombre
croissant de gènes soumis à l’em-
preinte, seuls quelques-uns ont été
analysés en détail. En sus de l’ex-
pression mono-allélique, ces gènes
partagent un certain nombre de
caractéristiques. On trouve souvent
à leur proximité des séquences
régulatrices qui portent une méthy-
lation de cytosines différentes sur
les allèles paternel et maternel. La
méthylation allèle-spécifique a
même été utilisée comme critère
d’identification de nouveaux gènes
soumis à l’empreinte. Les régions
possédant une méthylation différen-
tielle sur les deux allèles portent le
nom de “régions méthylées diffé-
remment” (DMR). Les DMR les
mieux caractérisées sont celles des
gènes H19,Igf2,Igf2r,Snrpn,Gnas
et Gtl2. L’importance fonctionnelle
de ces régions pour l’expression
mono-allélique a été démontrée par
de nombreuses études de mutage-
nèse dirigée. Néanmoins, tous les
gènes soumis à l’empreinte ne se
caractérisent pas par des régions
régulatrices différemment méthy-
lées sur les deux allèles. D’autre
part, la même région régulatrice,
différemment méthylée sur les deux
chromosomes, peut réguler l’ex-
pression de plusieurs gènes. En fait,
les gènes soumis à l’empreinte ne
sont pas distribués de façon aléa-
toire dans le génome. Ils sont le plus
souvent groupés dans des régions
génomiques bien distinctes, dont la
taille varie de quelques centaines de
kilobases à 2 ou 3 mégabases. Ces
régions contiennent à la fois des
gènes d’expression paternelle et
maternelle, mais également des
gènes d’expression bi-allélique.
Toutefois, ainsi qu’il l’a été men-
tionné précédemment, l’expression
mono-allélique peut être limitée
dans le temps et/ou l’espace. Il est
donc impossible d’être certain que
ces gènes d’expression bi-allélique
le sont en permanence !
La caractéristique la plus impor-
tante des régions génomiques qui
contiennent des gènes soumis à
l’empreinte est leur réplication
asynchrone dans toutes les cellules
somatiques de l’organisme (9, 10).
Les deux copies de la plupart des
régions du génome se répliquent à
peu près en même temps pendant la
phase S du cycle cellulaire. Ce
n’est pas vrai pour les régions
génomiques qui contiennent les
gènes soumis à l’empreinte, car la
région chromosomique d’origine
paternelle se réplique avant son
homologue maternel. Cette caracté-
ristique est observée dans tous les
types cellulaires et indépendam-
ment de l’expression des gènes de
la région. Elle concerne toutes les
séquences de la région, y compris
les séquences intergéniques et non
codantes, ou même les gènes dont
l’expression est habituellement bi-
allélique. De plus, la réplication
asynchrone est la seule caractéris-
tique des régions soumises à l’em-
preinte qui apparaît très vite après
la fécondation et disparaît dans la
lignée germinale juste avant l’en-
trée des cellules en méiose. En
effet, ni la méthylation des dinu-
cléotides CpG, ni l’expression
mono-allélique ne sont une caracté-
ristique permanente des gènes ou
des régions génomiques soumis à
l’empreinte parentale. Il n’y a que
la réplication asynchrone qui soit
observée en permanence dans les
cellules somatiques. Néanmoins,
l’importance de cette caractéris-
tique est largement sous-estimée
dans la littérature, probablement
parce qu’il s’agit d’une différence
fonctionnelle entre deux régions
homologues. Comme pour l’ex-
pression mono-allélique, il semble
plausible qu’il s’agisse d’une
conséquence de l’empreinte plutôt
que d’une cause.
L’interprétation des autres caracté-
ristiques des gènes soumis à l’em-
preinte, comme la méthylation, se
heurte à la même difficulté. S’agit-
il d’une cause ou d’une consé-
quence ? C’est dans cette optique
qu’il convient d’examiner les
mécanismes moléculaires du pro-
cessus de l’empreinte. En plus de
l’existence de la méthylation diffé-
rentielle des DMR, l’examen des
régions soumises à l’empreinte a
révélé des différences pour
d’autres types de modifications
épigénétiques, comme celles des
histones. Ces différences peuvent
conduire à un recrutement diffé-
rentiel des protéines régulatrices
(comme la protéine CTCF) et,
ainsi, à l’établissement d’une struc-
ture chromatinienne particulière
des domaines chromosomiques
paternels et maternels et à un envi-
ronnement nucléaire spécifique
à chacun d’eux (11). Toute diffé-
rence structurale entre les copies
7
Empreinte génomique parentale
et maladie endocrinienne