L Le dépistage de la rétinopathie diabétique Santé publique Screening for diabetic retinopathy

Images en Ophtalmologie
Vol. III
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janvier-février-mars 2009
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Santé publique
Le dépistage de la rétinopathie diabétique
Screening for diabetic retinopathy
A. Lecleire-Collet, A. Erginay, P. Massin
(Service d’ophtalmologie, hôpital Lariboisière, Paris)
L
a rétinopathie diabétique (RD) reste une cause impor-
tante de malvoyance et la première cause de cécité chez
les sujets de moins de 60 ans, dans l’ensemble des pays
industrialisés
(1, 2)
. Au bout de 20 ans d’évolution du diabète,
plus de 90 % des diabétiques de type 1 et plus de 60 % des dia-
bétiques de type 2 ont une RD
(2)
. Dans l’étude Entred (Échan-
tillon national témoin représentatif des personnes diabétiques),
la prévalence de la RD chez les patients diabétiques, d’après
les médecins traitants, est de 9,9 %, mais elle est certainement
sous-estimée du fait d’un taux de dépistage de cette pathologie
inférieur à 50 % ; 3,4 % des patients interrogés déclaraient avoir
perdu la vue d’un œil, et 14,5 % avoir été traités au laser pour
une RD
(3)
.
Cette évolution handicapante est due à une prise en charge
souvent trop tardive de cette affection. En effet, la RD reste
silencieuse pendant de nombreuses années : elle ne devient
symptomatique qu’au stade des complications. Seul un examen
effectué régulièrement peut permettre de la diagnostiquer
précocement, et de la traiter. La cécité et la malvoyance liées à
la RD peuvent en effet souvent être évitées grâce au traitement
par laser, dont l’effi cacité a été depuis longtemps démontrée
par des études randomisées
(4)
. Enfi n, l’ETDRS a établi que le
traitement par laser focal de l’œdème maculaire permettait
de ralentir la baisse visuelle
(5)
.
Recommandations pour le dépistage de la RD
et état des lieux en France
Des stratégies de dépistage de la RD ont été défi nies afi n de
faire reculer la malvoyance et la cécité liées à cette pathologie,
et un examen du fond d’œil annuel est préconisé pour tout
patient diabétique depuis le début des années 1990
(6)
par
un grand nombre de pays. En France, il est recommandé par
lAlfediam (Association de langue française pour l’étude du
diabète et des maladies métaboliques) depuis 1996
(7)
, par
lAnaes (Agence nationale d’accréditation et d’évaluation en
santé) depuis 1999
(8)
et par la HAS (Haute Autorité de santé)
depuis 2007
(9)
.
Cependant, cet examen n’est pas encore réalisé chez tous
les patients diabétiques. En effet, moins de 50 % des patients
diabétiques inclus dans les enquêtes de la CNAMTS (Caisse
nationale d’assu rance maladie des travailleurs salariés) et
l’étude Entred avaient consulté un ophtalmologiste au cours
de l’année précédente
(3, 10)
. L’absence de dépistage a des
causes mul tiples, principalement un manque d’information
des patients, une sensibilisation insuffi sante des médecins,
la négligence des personnes à risque, la précarité
(3)
; la
diminution du nombre des ophtalmologistes, déjà réelle dans
certaines régions, s’ajoutera à ces diffi cultés. Pour combattre
ces différents obstacles, la diversifi cation des modalités de
dépistage semble indispensable.
Examens actuels permettant le dépistage
(et le diagnostic) de la rétinopathie diabétique
Le dépistage de la RD se fait actuellement soit par ophtal-
moscopie indirecte à la lampe à fente avec dilatation pupil-
laire (traditionnel “fond d’œil”), soit par les photographies
du fond d’œil (rétinographie) avec ou sans dilatation pupil-
laire.
Pour ces deux examens, l’interprétation repose sur les clas-
sifi cations connues et validées de la RD
(9, 11)
.
Ophtalmoscopie indirecte à la lampe à fente avec dilatation
pupillaire
Cet acte est réalisé par l’ophtalmologiste après dilatation
pupillaire. Il a l’avantage d’être précédé d’un examen ophtal-
mologique complet. Néanmoins, il a l’inconvénient d’être long
et, si sa spécifi cité est excellente – de l’ordre de 99 % –, sa
sensibilité pour détecter toute forme de RD ou une forme
sévère de RD est généralement inférieure à 80 %
(9)
. Enfi n, il
ne permet pas la réalisation d’un contrôle qualité, du fait de
l’absence de documentation.
Photographies du fond d’œil, avec ou sans dilatation pupil-
laire
L’avantage majeur de cet acte est sa bonne sensibilité pour
détecter la RD, supérieure à celle de l’examen du fond d’œil
(9)
.
Récemment, la conférence européenne de Liverpool sur le
dépistage de la RD l’a désigné comme la méthode de réfé-
rence
(9)
.
Par ailleurs, cet acte peut être réalisé sans mydriase (ce qui
augmente son acceptabilité), il autorise un contrôle qualité et
l’interprétation des photographies peut être différée dans le
temps et l’espace. Enfi n, il s’agit d’un acte rapide, et qui peut
être réalisé par un technicien non médecin.
Figure 1. Photographies non mydriatiques de dépistage, centrées
l’une sur la macula (partie centrale de la rétine) [a], l’autre sur la
papille (partie nasale de la rétine) [b], et mettant en évidence une
rétinopathie diabétique non proliférante modérée, selon la clas-
sifi cation de dépistage.
Figure 2. Photographie non mydriatique de dépistage centrée sur
la macula et mettant en évidence une maculopathie diabétique,
selon la classifi cation de dépistage.
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L’inconvénient de la photographie du fond d’œil est l’impos-
sibilité d’interpréter les clichés chez certains patients, due à
l’insuffi sance de dilatation naturelle de la pupille, fréquente
chez les diabétiques, et à la cataracte
(9)
. En cas de mauvaise
qualité des clichés pris sans dilatation pupillaire, une dilata-
Lésions de rétinopathie diabétique
(microanévrysmes et microhémorragies)
Lésions de rétinopathie diabétique :
exsudats secs
tion de la pupille, sous surveillance médicale, permet dans
certains cas d’obtenir des clichés interprétables, en utilisant
le même appareil.
L’acte est réalisé grâce à un appareil appelé “rétinographe
non mydriatique”. Le technicien peut ne pas être un médecin
(infi rmier, opto métriste, orthoptiste) ; l’important est qu’il
ait été formé et qu’il fasse l’objet d’une évaluation régulière.
Deux photographies sont suffi santes pour le dépistage de la
RD : l’une centrée sur la macula, l’autre centrée sur la papille
(fi gures 1, 2)
.
L’interprétation des photographies par l’ophtalmologiste peut
se faire en présence du patient, mais également à distance,
grâce à la télétransmission des photographies, envoyées sous
format numérique. Récemment (fi n 2007), la HAS a validé à
la fois l’acte d’interprétation différée des photographies par
un ophtalmologiste et l’acte de prise de photographie par un
infi rmier ou un orthoptiste
(9)
.
Une classifi cation a été spécialement élaborée pour le dépistage
de la RD par les photographies du fond d’œil
(fi gures 1, 2)
(11)
.
Seuls les patients diabétiques ne présentant pas de RD et ceux
présentant une RD non proliférante minime sont concernés
par le dépistage par photographies du fond d’œil. Les patients
présentant une RD non proliférante modérée ou plus grave ou
une maculopathie diabétique devront être vus en consultation
par un ophtalmologiste pour un examen plus complet de la
rétine et un éventuel traitement
(9)
.
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Tableau. Dépistage de la rétinopathie diabétique.
Diabète de type 1
Photographies du fond d’œil (FO) de dépistage (ou examen du FO
± photographies du FO) 3 ans après le début du diabète
Photographies du FO de dépistage
(ou examen du FO ± photographies du FO) annuelles
Diabète de type 2
Photographies du FO de dépistage (ou examen du FO
± photographies du FO) dès la découverte du diabète
Photographies du FO de dépistage
(ou examen du FO ± photographies du FO) annuelles
Circonstances particulières justifi ant
une surveillance ophtalmologique rapprochée
Jeunes diabétiques de type 1 : surveillance renforcée entre 16 et 18 ans
Grossesse : dépistage avant la grossesse ou au début de celle-ci
en l’absence de rétinopathie diabétique : surveillance trimestrielle
et en post-partum
en présence d’une rétinopathie diabétique (même minime) :
surveillance mensuelle
Normalisation rapide de la glycémie
Diabète très mal équilibré
Chirurgie de la cataracte
Décompensation tensionnelle ou rénale
Ce type de dépistage peut être réalisé dans des établissements
hospitaliers publics ou privés (coopération entre service de
diabétologie et d’ophtalmologie), au cabinet, dans le cadre de
“réseaux diabète” de médecins libéraux, dans des centres de
santé, des sites mobiles…
L’objectif de cette nouvelle technique de dépistage est d’aug-
menter la proportion de patients dépistés, avec un examen de
dépistage de qualité.
Fréquence du dépistage
(tableau)
Chez l’adulte diabétique de type 1, le dépistage sera annuel,
en commençant 3 ans après le diagnostic du diabète
(12)
. Chez
l’enfant diabétique de type 1, il sera également annuel, à partir
de l’âge de 10 ans
(13)
. Chez les adolescents et les adultes
jeunes, un dépistage tous les 3 à 6 mois est nécessaire quand
le diabète est mal équilibré.
Chez le diabétique de type 2, le début de la maladie est souvent
inconnu, et l’examen ophtalmologique initial peut déjà décou-
vrir une RD plus ou moins évoluée (dans 20 % des cas). Le
dépistage de la RD se fera ainsi annuellement dès le diagnostic
du diabète
(14)
.
En cas de grossesse, un dépistage trimestriel est nécessaire
en l’absence de RD, mensuel en cas de RD minime.
Enfi n, en dehors du dépistage, en présence d’une RD non proli-
férante modérée ou d’un stade plus grave ou en cas d’œdème
maculaire, le suivi ophtalmologique (acuité visuelle, examen à
la lampe à fente, prise de la tension oculaire, examen du fond
d’œil, réalisation de 6 à 9 photographies du fond d’œil avec ou
sans examen par tomographie à cohérence optique, angio-
graphie rétinienne à la fl uorescéine, etc.) sera fonction de la
gravité de la RD (tous les 4 à 6 mois, voire plus fréquemment)
et du traitement institué (panphotocoagulation rétinienne,
photocoagulation maculaire, injection intra-vitréenne, chirurgie
vitréorétinienne, etc.).
IIII
Références bibliographiques
1.
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9.
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tion des photographies du fond d’œil, suite à une rétinographie avec ou sans
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10.
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tion du service médical, département soins de ville/mission statistique.
Programme de santé publique sur la prise en charge du diabète de type 2 :
évolution de la prise en charge des diabétiques non insulinotraités entre 1998
et 2000. Paris : CNAMTS, 2002.
11.
Lecleire-Collet A, Erginay A, Angioi-Duprez K et al. Classifi cation simpli-
ée de la rétinopathie diabétique adaptée au dépistage par photographies du
fond d’œil. J Fr Ophtalmol 2007;30:674-87.
12.
Haute Autorité de santé. Rapport juillet 2007. Diabète de type 1 de
l’adulte. www.has-sante.fr
13.
Haute Autorité de santé. Rapport juillet 2007. Diabète de type 1 de l’enfant
et de l’adolescent. www.has-sante.fr
14.
Haute Autorité de santé. Rapport juillet 2007. Diabète de type 2.
www.has-sante.fr
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