6 Actualité Profession 0Haute Autorité en santé (HAS) Laurent Degos : “la qualité en vie réelle” Le Haut Conseil pour l’avenir de l’Assurance maladie avait souligné, dans son rapport du 23 janvier 2004 adressé au gouvernement, la nécessité de “structurer davantage le fonctionnement du système de soins, d’éprouver la qualité et l’utilité de ce que l’on rembourse et d’entrer dans des démarches exigeantes d’évaluation des pratiques et d’accréditation”. F aisant suite à ces recommandations, les pouvoirs publics ont créé la Haute Autorité en santé (HAS), une structure indépendante et consultative, à caractère scientifique, chargée d’évaluer l’utilité médicale de l’ensemble des actes médicaux, des prestations et des produits de santé pris en charge par l’assurance maladie, de promouvoir les bonnes pratiques et le bon usage des soins auprès des assurés sociaux et des professionnels de santé, et d’inciter ces derniers à s’engager dans une démarche de qualité. C’est le professeur Laurent Degos* qui a été nommé à la présidence de cette instance. Auteur de nombreux articles scientifiques, c’est avant tout un chercheur et un médecin. Intervenant au Club perspectives public, privé, en juin 2005, le professeur Laurent Degos donna la primeur des premiers engagements de la HAS, créée le 23 décembre dernier. Infos ... Jusqu’à sa nomination Laurent Degos présidait le conseil d’administration de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps), et le conseil d’administration de l’Établissement français des greffes. Il était également Chef du service clinique des maladies du sang à l’hôpital SaintLouis, professeur d’hématologie à l’université Paris-VII. La qualité comme une science Autorité administrative indépendante (AAI), semblable, en cela à la COB ou au CSA, la Haute Autorité n’agit pas sur la réglementation en faisant des lois et des décrets comme c’est le cas des ministères de tutelle. Elle n’est pas non plus une agence type Afssaps ou InVs, dédiée à la Sécurité, bien qu’elle ait repris certaines attributions de l’Afssaps, comme la Commission de la transparence. Son rôle est d’être un médiateur dans le monde de la santé tout en ayant un rôle de modérateur avec comme principal outil, la recherche de la qualité définie sur des bases scientifiques. Accréditation, certification, agréments et marquages… plus que la somme de toutes ses missions, le Professions Santé Infirmier Infirmière N° 65 • août-septembre 2005 but de la HAS est de provoquer un réel engagement du médecin en faveur de l’évaluation de la qualité de ses prestations. Cette approche multifactorielle et pragmatique force à repenser les procédures et à se placer dans un rapport pertinence/efficience avant celui de coût/efficacité, sachant qu’il n’y a de vraies économies que celles qui résultent d’un travail bien fait. La qualité n’est alors plus une notion figée dans le temps, mais peut être représentée comme un vecteur de la somme des comportements vers un certain état de perfection. La qualité n’est plus cette chose isolée donnant lieu à un certificat, un standard pré établi, mais elle devient un ensemble d’actions, une volonté de progresser dans toute entreprise de soins. Qu’il s’agisse de la fabrication d’un médicament, l’exécution d’un acte ou l’établissement d’un diagnostic… On conçoit ce que cette nouvelle approche peut avoir de révolutionnaire dans un monde totalement administré comme l’est la santé, en France. Un système par et pour les pairs La deuxième “révolution” paradigmatique de la HAS s’appuie sur la notion de transversalité : coordonner, agir en médiateur avec les différents acteurs de santé. Réguler et mesurer, agir par avis et par recommandations et médiation plus que par décret, voilà la stratégie du président de la Haute Autorité. Cela a pour conséquence de considérer la qualité en vie réelle. C’est-à-dire, au long cours et non en fonction d’une AMM, par exemple. Cela veut dire que le succès d’une molécule sera lié non seu- lement au service médical rendu, mais aussi à des critères médico-économiques établis sur la portée globale de son efficacité en fonction de la réalité psychodynamique du terrain. De même en ce qui concerne les établissements de soins : leur existence et leur fonctionnement doivent faire l’objet d’un accompagnement en vie réelle de leurs initiatives et de leurs innovations, plutôt que de chercher à répondre à des critères procéduriers et administratifs, comme c’est le cas actuellement. Un patient responsable Mais tout cela doit être soutenu par le patient qui doit devenir son propre acteur de santé. C’est ainsi que, parallèlement aux actions engagées auprès de la profession (EPP, V2, certification, etc.), l’effort de la Haute Autorité portera aussi sur l’information du public pour qu’il apprenne à se prendre en charge. Cela implique une véritable stratégie d’éducation en matière sanitaire pour que changent certains comportements et se développe un plus grand sens de responsabilité de chacun vis-à-vis de sa santé ; surtout en matière d’automédication. En conclusion, la recherche de la qualité doit être inhérente à toute démarche professionnelle ou industrielle, tout comme l’évaluation doit être inséparable de la formation. « Nous avons pris comme base des principes que nous ne fonctionnerions que par et pour les pairs et de supprimer toute approche par des personnes qui seraient à la fois juges et parties, » affirme Laurent Degos pour qui l’objet de sa mission à la tête de la Haute Autorité en santé est aussi de redonner confiance à une médecine par trop malmenée par le tumulte des dernières décennies. FE * Le Pr Laurent Degos a découvert le moyen de transformer une cellule maligne en cellule normale, ouvrant ainsi une nouvelle voie au traitement du cancer.