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aisant suite à ces recomman-
dations, les pouvoirs publics
ont créé la Haute Autorité en
santé (HAS), une structure indépen-
dante et consultative, à caractère
scientifique, chargée d’évaluer l’utilité
médicale de l’ensemble des actes
médicaux, des prestations et des pro-
duits de santé pris en charge par l’as-
surance maladie, de promouvoir les
bonnes pratiques et le bon usage
des soins auprès des assurés sociaux
et des professionnels de santé, et
d’inciter ces derniers à s’engager
dans une démarche de qualité. C’est
le professeur Laurent Degos* qui a
été nommé à la présidence de cette
instance. Auteur de nombreux arti-
cles scientifiques, c’est avant tout un
chercheur et un médecin. Inter-
venant au Club perspectives public,
privé, en juin 2005, le professeur
Laurent Degos donna la primeur des
premiers engagements de la HAS,
créée le 23 décembre dernier.
La qualité comme une science
Autorité administrative indépendante
(AAI), semblable, en cela à la COB
ou au CSA, la Haute Autorité n’agit
pas sur la réglementation en faisant
des lois et des décrets comme c’est
le cas des ministères de tutelle. Elle
n’est pas non plus une agence type
Afssaps ou InVs, dédiée à la Sécurité,
bien qu’elle ait repris certaines attri-
butions de l’Afssaps, comme la
Commission de la transparence. Son
rôle est d’être un médiateur dans le
monde de la santé tout en ayant un
rôle de modérateur avec comme
principal outil, la recherche de la qua-
lité définie sur des bases scienti-
fiques. Accréditation, certification,
agréments et marquages… plus que
la somme de toutes ses missions, le
but de la HAS est de provoquer un
réel engagement du médecin en
faveur de l’évaluation de la qualité de
ses prestations.
Cette approche multifactorielle et
pragmatique force à repenser les
procédures et à se placer dans un
rapport pertinence/efficience avant
celui de coût/efficacité, sachant qu’il
n’y a de vraies économies que celles
qui résultent d’un travail bien fait. La
qualité n’est alors plus une notion
figée dans le temps, mais peut être
représentée comme un vecteur de la
somme des comportements vers un
certain état de perfection. La qualité
n’est plus cette chose isolée donnant
lieu à un certificat, un standard pré
établi, mais elle devient un ensemble
d’actions, une volonté de progresser
dans toute entreprise de soins. Qu’il
s’agisse de la fabrication d’un médi-
cament, l’exécution d’un acte ou
l’établissement d’un diagnostic… On
conçoit ce que cette nouvelle
approche peut avoir de révolution-
naire dans un monde totalement
administré comme l’est la santé, en
France.
Un système par
et pour les pairs
La deuxième “révolution” paradigma-
tique de la HAS s’appuie sur la notion
de transversalité : coordonner, agir
en médiateur avec les différents
acteurs de santé. Réguler et mesurer,
agir par avis et par recommandations
et médiation plus que par décret,
voilà la stratégie du président de la
Haute Autorité. Cela a pour consé-
quence de considérer la qualité en
vie réelle. C’est-à-dire, au long cours
et non en fonction d’une AMM, par
exemple. Cela veut dire que le suc-
cès d’une molécule sera lié non seu-
Le Haut Conseil pour l’avenir de l’Assurance maladie avait souligné, dans
son rapport du 23 janvier 2004 adressé au gouvernement, la nécessité de
“structurer davantage le fonctionnement du système de soins, d’éprou-
ver la qualité et l’utilité de ce que l’on rembourse et d’entrer dans des
démarches exigeantes d’évaluation des pratiques et d’accréditation”.
0Haute Autorité en santé (HAS)
Laurent Degos : “la qualité en vie réelle”
Professions Santé Infirmier Infirmière N° 65 • août-septembre 2005
lement au service médical rendu,
mais aussi à des critères médico-éco-
nomiques établis sur la portée glo-
bale de son efficacité en fonction de
la réalité psychodynamique du ter-
rain. De même en ce qui concerne
les établissements de soins : leur
existence et leur fonctionnement doi-
vent faire l’objet d’un accompagne-
ment en vie réelle de leurs initiatives
et de leurs innovations, plutôt que de
chercher à répondre à des critères
procéduriers et administratifs, com-
me c’est le cas actuellement.
Un patient responsable
Mais tout cela doit être soutenu par le
patient qui doit devenir son propre
acteur de santé. C’est ainsi que, paral-
lèlement aux actions engagées auprès
de la profession (EPP, V2, certification,
etc.), l’effort de la Haute Autorité por-
tera aussi sur l’information du public
pour qu’il apprenne à se prendre en
charge. Cela implique une véritable
stratégie d’éducation en matière sani-
taire pour que changent certains com-
portements et se développe un plus
grand sens de responsabilité de cha-
cun vis-à-vis de sa santé ; surtout en
matière d’automédication.
En conclusion, la recherche de la qua-
lité doit être inhérente à toute
démarche professionnelle ou indus-
trielle, tout comme l’évaluation doit
être inséparable de la formation.
«Nous avons pris comme base des
principes que nous ne fonctionne-
rions que par et pour les pairs et de
supprimer toute approche par des
personnes qui seraient à la fois juges
et parties, » affirme Laurent Degos
pour qui l’objet de sa mission à la tête
de la Haute Autorité en santé est aussi
de redonner confiance à une méde-
cine par trop malmenée par le
tumulte des dernières décennies.
FE
* Le Pr Laurent Degos a découvert le moyen
de transformer une cellule maligne en cellule
normale, ouvrant ainsi une nouvelle voie au
traitement du cancer.
Infos ...
Jusqu’à sa nomination
Laurent Degos
présidait le conseil
d’administration de
l’Agence française
de sécurité sanitaire
des produits de
santé (Afssaps),
et le conseil
d’administration
de l’Établissement
français des greffes.
Il était également
Chef du service
clinique des
maladies du sang
à l’hôpital Saint-
Louis, professeur
d’hématologie à
l’université Paris-VII.
Actualité Profession
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