ne plus rien entendre. Elle semble vouloir se couper complètement du monde. La psychologue
l'a d'ailleurs retrouvé il y a quelques jours avec des boules de tissu profondément enfoncés
dans ses oreilles.
- Très bien. Faites moi un rapport écrit de cela et déposez le sur mon bureau dans la journée.
Prévenez moi dès qu'il y a du changement.
Les médecins parlent encore de certains cas, de certains problèmes. Je ne connais aucun nom
de patient. Ce sont tous des numéros. Le patient 12, la patiente 342, la patiente 513, le
patient 75, le patient 21, le patient 89, le patient 269, etc. Des chiffres... uniquement des
chiffres. La réunion se termine sur des explications dont je prends note avec le plus grand
soin. On me donne de nombreux conseils et on me souhaite beaucoup de courage avec ce
sourire figé bien trop vu déjà. A croire que ce centre est un enfer pour les médecins ! Ne
devrait-on pas d'abord penser au bien-être des patients ? Le statut de "petite nouvelle" ne
me plaît guerre, mais je dois malheureusement passer par là. Je veux apprendre et je ne veux
pas refaire les mêmes erreurs que dans le passé.
Ma première journée est un vrai calvaire. Aucun médecin ne prend le temps de
m'expliquer quoi que se soit. Je dois me débrouiller seule... Je suis perdue. On m'a demandé
de faire une visite de contrôle auprès du patient 543, mais j'ignore ou se trouve sa cellule.
J'ère dans les couloirs en espérant tomber dessus par hasard. A défaut de trouver le patient
543, je fais la rencontre du patient 58, du nom de Richard. C'est un homme d'un certain âge,
qui semble très calme. A première vue, on peut se demander ce qu'il fait ici. Son problème,
selon les médecins, est qu'il développe un comportement psychotique. Je prends le temps de
bavarder avec lui. C'est un homme cultivé, et charmant. Il me fait visiter sa cellule car il
comprend immédiatement que je suis nouvelle ici. Il tri ses chaussettes par couleurs, il range
sa chaise de manière à ce qu'elle soit à exactement 10 centimètres de son bureau, il ne
supporte pas que les pages d'un livre soient froissées, et lorsque quelqu'un prononce le mot
"désordre", il se met à pleurer pendant des heures en faisant sans cesse le tour de sa cellule.
Il réfléchi à voix haute, il parle seul. Certains confrères se demandent s'il ne commence pas à
avoir un dédoublement de personnalité. Je crois qu'il m'apprécie car j'ai le droit à un baise
main très noble et un sourire élégant. Richard est un patient léger. Il est conscient d'où il
est, et sait ce qu'il se passe autour de lui. Mais il est seul, n'a plus de famille alors il se plaît
dans ce centre. On ne lui cause aucun problème, donc il s'en satisfait. Ma quête reprend après