Obsession.
Chapitre 1
"Le noir m'étouffe ce soir et le froid m'engourdit. Je me sens fragile lorsque ma
chambre est plongée dans cette obscurité. L'atmosphère semble changer, je ne reconnais
plus rien. Je ne me sens plus en sécurité. Je suis comme une enfant qui a peur du monstre
sous son lit. Mais je sais que lorsque l'heure du couché approche, il vient... Il vient me hanter,
me torturer quand tout le monde est insouciamment endormi. Personne ne sait, tout le monde
ignore mes cris. Je suis prisonnière de la nuit, fantôme de la vie, qui ère désespérément à la
recherche d'une quelconque aide, d'une réponse. Le noir est là, il prend possession de ma
chambre et je suis entourée de ses bras menaçants. Assise sur mon lit, je me résigne à
attendre. Longtemps j'ai essayé de lutter, mais il est toujours plus fort que moi. Le regard
dans le vide, les mains posées sur mes genoux, je regarde les aiguilles de la pendule avancer.
Les battements de mon cœur se mettent au rythme du "tic-tac" régulier qui résonne dans la
pièce. C'est le seul son qui s'entend. Même mon souffle est inaudible. Puis soudain, un
murmure. C'est lui. Il est là, comme chaque soir... Il se rapproche jusqu'à être tout près de
moi. Je n'ai même pas le courage d'agir. J'attends encore. J'attends jusqu'à ce que les mots
soient clairs."
Alors ? Tu es encore assise là sans rien faire ? Quand vas-tu réagir ?
Je ne bouge pas, car je sais ce qu'il va se passer ensuite. Il va crier, m'insulter et me faire du
mal. C'est chaque fois pareil. Et j'ai beau appeler à l'aide, il ne se passe jamais rien.
- Tu décides encore de m'ignorer hein ? Je vais te faire voir moi qui est le plus fort de nous
deux ! Je finirai bien par te faire plier.
Sa voix est rauque et menaçante. L'obscurité le rend d'autant plus effrayant. Il me rend
cinglée!
- Faites le taire ! Mais faites le taire par pitié ! Ne le laissez pas me faire du mal.
J'ai beau crier, rien ni personne ne l'empêche de parler. Le choc est violent. Ma tête heurte
le mur avec force et le sang coule le long de mon front. Étourdie, mes mains se posent sur le
mur face à moi. Mon souffle est rapide et court. La douleur est vive.
- S'il vous plaît... Aidez moi ! Je hurle.
- Tu vas la fermer oui ! Je t'ai déjà dit que ça aggrave ton cas de crier ainsi ! Laisse moi faire,
ça vaut mieux pour toi. Regarde dans quel état tu es !
- Tais-toi !
Je sens ma chair s'ouvrir, je sens la brûlure envahir tout mon être. Le frisson. Le sang est
comme un drap qui m'enveloppe. J'ai beau me boucher les oreilles, je l'entends encore.
- Vas t'en ! Laisse moi tranquille... Tu vas me tuer si tu continues.
Les menaces sont loin de l'effrayer, bien au contraire. Les mains dans mes cheveux, ma tête
va exploser.
- Non ! Non ! Je crie.
Je me réfugie dans le coin de ma chambre. Les objets volent de tous les côtés. La chaise se
brise contre un mur, la lampe explose dans une vive étincelle, et mes livres traversent la
chambre dans un bruit de pages froissées. Je cris plus fort dans l'espoir fou que quelqu'un
m'entende, mais je sais très bien que personne ne viendra. Ça n'a aucun sens, aucun intérêt.
Je me sens comme un agneau coincé dans les griffes du loup...
- Ça brûle...
Une douleur vive me brûle, et me yeux se ferment d'épuisement en laissant mon corps dans ce
bain de sang. Je suis plongée dans un noir encore plus obscure, et un silence total. Je ne sais
pas ce qui est le plus angoissant entre le silence morbide et le bruit dévastateur...
Le médecin-chef a un ton grave, l'air sérieux. On sait rien qu'à son regard que c'est lui qui
donne les ordres à tout le service de psychiatrie. On m'a un peu prévenue avant la réunion.
Plusieurs fois on m'a dit "tu verras, le patron c'est celui qui fait le plus peur !". Ce n'est pas
vraiment rassurant... Nous sommes tous autour d'une grande table, comme les chevaliers de la
table ronde. C'est à la fois très solennel et très ironique. Chacun se regarde du coin de l'œil,
les uns épient les autres sans cesse. A se demander qui sont véritablement les fous ici.
Bonjour à tous. Comme vous le savez, dès aujourd'hui nous comptons une nouvelle
recrue dans nos rangs. Voici le Dr. T., elle vient d'obtenir son diplôme et sera donc durant la
première semaine en binôme avec le Dr. L. Soyez indulgent avec elle, elle ne connait ni les
lieux, ni les habitudes de travail de chacun ! Je compte sur vous pour la former, l'intégrer au
mieux et au plus vite dans notre équipe.
Il se tourne vers moi et d'un sourire froid et professionnel m'adresse un "Bienvenue parmi
nous Mlle T.". Je lui répond en inclinant la tête puis observe timidement mes confrères. Tout
le monde s'interroge du regard pour savoir qui je suis. J'ai l'impression d'être l'attraction de
l'année de ce centre médical... Mon nouveau chef interrompt mes rêveries en interrogeant les
deux médecins de garde la nuit dernière.
- En parlant du Dr L., puis-je avoir des explications sur ce qu'il s'est passé avec la patiente
342 cette nuit ?
La patiente 342 n'a plus de nom. Elle n'est plus qu'un chiffre, un cas parmi tant d'autres. Je
soupire et imagine bêtement pouvoir changer les choses...
- Oui Monsieur. La patiente 342 a fait une nouvelle crise, comme presque chaque soir ces
dernières temps. Parfois elle se calme au bout de quelques minutes, mais cette nuit, nous
avons été contraints de lui faire une injection. Elle était violente, agressive. Son état semble
se détériorer semaine après semaine. La patiente 342 s'est violemment frappé la tête contre
le mur cette nuit. Elle est donc en observation auprès du Dr S. car sa plaie est profonde.
Nous avons vu la psychologue chargé de ce cas, et elle nous a informé que cette patiente
refuse tout contact, qu'elle ne prononce plus un mot et se bouche sans cesse les oreilles pour
ne plus rien entendre. Elle semble vouloir se couper complètement du monde. La psychologue
l'a d'ailleurs retrouvé il y a quelques jours avec des boules de tissu profondément enfoncés
dans ses oreilles.
- Très bien. Faites moi un rapport écrit de cela et déposez le sur mon bureau dans la journée.
Prévenez moi dès qu'il y a du changement.
Les médecins parlent encore de certains cas, de certains problèmes. Je ne connais aucun nom
de patient. Ce sont tous des numéros. Le patient 12, la patiente 342, la patiente 513, le
patient 75, le patient 21, le patient 89, le patient 269, etc. Des chiffres... uniquement des
chiffres. La réunion se termine sur des explications dont je prends note avec le plus grand
soin. On me donne de nombreux conseils et on me souhaite beaucoup de courage avec ce
sourire figé bien trop vu déjà. A croire que ce centre est un enfer pour les médecins ! Ne
devrait-on pas d'abord penser au bien-être des patients ? Le statut de "petite nouvelle" ne
me plaît guerre, mais je dois malheureusement passer par là. Je veux apprendre et je ne veux
pas refaire les mêmes erreurs que dans le passé.
Ma première journée est un vrai calvaire. Aucun médecin ne prend le temps de
m'expliquer quoi que se soit. Je dois me débrouiller seule... Je suis perdue. On m'a demandé
de faire une visite de contrôle auprès du patient 543, mais j'ignore ou se trouve sa cellule.
J'ère dans les couloirs en espérant tomber dessus par hasard. A défaut de trouver le patient
543, je fais la rencontre du patient 58, du nom de Richard. C'est un homme d'un certain âge,
qui semble très calme. A première vue, on peut se demander ce qu'il fait ici. Son problème,
selon les médecins, est qu'il développe un comportement psychotique. Je prends le temps de
bavarder avec lui. C'est un homme cultivé, et charmant. Il me fait visiter sa cellule car il
comprend immédiatement que je suis nouvelle ici. Il tri ses chaussettes par couleurs, il range
sa chaise de manière à ce qu'elle soit à exactement 10 centimètres de son bureau, il ne
supporte pas que les pages d'un livre soient froissées, et lorsque quelqu'un prononce le mot
"désordre", il se met à pleurer pendant des heures en faisant sans cesse le tour de sa cellule.
Il réfléchi à voix haute, il parle seul. Certains confrères se demandent s'il ne commence pas à
avoir un dédoublement de personnalité. Je crois qu'il m'apprécie car j'ai le droit à un baise
main très noble et un sourire élégant. Richard est un patient léger. Il est conscient d'où il
est, et sait ce qu'il se passe autour de lui. Mais il est seul, n'a plus de famille alors il se plaît
dans ce centre. On ne lui cause aucun problème, donc il s'en satisfait. Ma quête reprend après
de vagues indications de Richard et je découvre couloir après couloir chaque patient de ce
centre psychiatrique qui est bien plus riche que je ne le croyais.
Chapitre 2
Je tourne en rond aujourd'hui... Les médecins refusent que je sorte de ma cellule. Elle
est une véritable prison. Je n'en peux plus d'être ici, je n'en peux plus de cette souffrance.
Je veux simplement qu'on me débarrasse de lui ! Qu'on me laisse tranquille... qu'on me laisse
tranquille. Je ne comprends pas pourquoi il s'entête à hanter mes nuits ainsi. Personne ne
comprend rien ici, je n'ai toujours pas la moindre réponse. A chaque fois que j'essaie
d'expliquer ce qu'il se passe on me prend pour une cinglée. Il y a les deux abrutis de médecins
qui sont chargés de me surveiller qui sont à ma porte. Ils parlent d'une certaine Dr T. Elle est
nouvelle. Il paraît qu'elle est bien gaulée. En tous cas, c'est ce que disent mes chiens de
garde. Peut être qu'elle peut m'aider. Encore faudrait-il que je puisse sortir de pour la
rencontrer. Je ne dois pas crier si je veux sortir, je ne dois pas crier... Le noir approche. Je
sens l'angoisse monter en moi progressivement. Je ne dois pas crier... Je sais que d'ici peu il
va revenir... Je n'y échappe plus, ça en devient presque une habitude. La peur? Je ne sais plus
ce que c'est exactement. Je ne sais pas bien. Je l'ai su, avant. Les premières fois qu'il venait,
j'avais peur. Un frisson qui m'envahissait le corps, me glaçait la peau jusqu'au levé du jour. Je
ne criais pas, je ne pouvais pas. C'est comme si c'est deux mains entouraient ma gorge pour la
serrer jusqu'à ce que le souffle me manque... Comme si ses doigts pénétraient ma peau jusqu'à
la brûlure... la déchirure... Maintenant, je n'ai même plus la force de le repousser... Je sais que
je ne peux rien contre lui. Je suis trop faible... Il est trop fort... Je ne dois pas crier... Il
prend petit à petit le contrôle de mon âme, de ma tête, de mon corps... J'ai besoin de
réponses, mais je crois avoir bien trop de questions... Et à quoi me servirait de comprendre si
je suis enfermée ici... Que dois-je faire ?... Ai-je un rôle à jouer... ?
* * *
Je suis face à la porte de la patiente 342. Deux médecins sont là, à discuter de tout et de
rien comme si le monde autour d'eux n'était pas réel. Je me demande si je dois entrer pour
voir qui est cette patiente 342 faire demi tour et nier son existence un jour de plus. A la
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