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Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition (XII), n° 4, juillet-août 2008 et n° 5, septembre-octobre 2008
thématique
Dossier
L
e diabète au cours de la gros-
sesse est une pathologie regrou-
pant des situations cliniques,
métaboliques et physiopathologiques
très différentes : diabète de type 1, dia-
bète de type 2 et diabète gestationnel.
Le diabète prégestationnel est de plus
en plus fréquent en raison de l’aug-
mentation de la prévalence du diabète
de type 2 chez les femmes jeunes.
Les complications chez l’enfant sont
à court terme la macrosomie et, à long
terme, un risque plus élevé de surve-
nue de syndrome métabolique. La
fréquence de la macrosomie a dimi-
nué uniquement dans le diabète ges-
tationnel grâce à la mise en place d’un
dépistage et d’un traitement préventif
au cours de la grossesse. Cependant,
la prévalence de la macrosomie reste
élevée dans les diabètes prégestation-
nels (30 à 50 %) comparé à la popu-
lation générale (10 %). Cette observa-
tion pose l’hypothèse de l’intervention
de facteurs autres que glycémiques
dans la survenue de la macrosomie.
La macrosomie est définie par un
poids, rapporté à l’âge gestationnel
et au sexe, supérieur au 90e percentile
(1). À court terme, elle est responsa-
ble d’une dystocie des épaules et de
lésions traumatiques liées à la diffi-
culté d’extraction : paralysie du plexus
brachial et fractures des clavicules (2).
Les enfants macrosomes nés de mères
diabétiques se distinguent des enfants
macrosomes de la population géné-
rale par un excès de masse grasse tho-
racique (3). À long terme, ces enfants
présentent un risque élevé d’obésité,
d’insulinorésistance et de diabète. On
parle dans ce contexte de programma-
tion fœtale (4).
La croissance fœtale est définie
comme l’augmentation de la masse
Conséquences placentaires du diabète
et macrosomie fœtale
Placental dysfunction in diabetes and macrosomia
Isabelle Fajardy*
* Laboratoire de biochimie, centre de biologie et pathologie, CHRU de Lille.
Le placenta est un organe multiple, nourricier, métabolique et humoral ;
il s’adapte continuellement à l’environnement maternel et fœtal.
Le placenta transfère mais également secrète des molécules.
Les deux cellules clés de cet organe sont : le syncytiotrophoblaste
(STB), à l’interface placenta/mère, et la cellule endothéliale, à l’interface
placenta/fœtus.
Le développement du placenta comprend trois phases : différenciation
des trophoblastes en villosités (interface maternelle), développement du
réseau vasculaire (interface fœtale) et expansion de la masse placentaire.
Ces phases sont liées à l’expression orchestrée dans l’espace et dans le
temps d’un grand nombre de molécules.
Le diabète maternel s’accompagne de complications fœtales dont la
plus courante est la macrosomie. Cette complication persiste dans 30 à
50 % des cas de diabètes antérieurs à la grossesse malgré une prise en
charge thérapeutique adaptée.
Le degré d’atteinte placentaire diffère en fonction du type de diabète : il
est structural dans le diabète prégestationnel, et uniquement fonctionnel
dans le diabète gestationnel.
Il existe des similitudes entre tissu adipocytaire et placenta sur la sécré-
tion des adipocytokines.
L’inflammation et le stress oxydatif sont impliqués dans les altérations
placentaires.
Les recherches sur le placenta permettront de mieux comprendre
la physiopathologie de la morbidité fœtale et de mettre en place des
marqueurs biologiques de prédiction.
Mots-clés : Diabète – Macrosomie – Placenta – Inflammation.
Keywords: Diabetes – Macrosomia – Placentae – Inflammation.
points FORTS
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thématique
fœtale entre la fin de l’embryoge-
nèse et la naissance. Elle se mesure
généralement en termes de poids et
de taille fœtale par rapport à l’âge
gestationnel, non sans que soient pris
en considération un développement
et un fonctionnement harmonieux
des organes et tissus. Cela implique
une parfaite adéquation entre apport
de nutriments et besoins du fœtus,
et un équilibre spatio-temporel
entre croissance tissulaire et diffé-
renciation. C’est là qu’intervient le
placenta, organe unique car formé
de cellules provenant de deux orga-
nismes et d’une durée de vie courte.
Pendant longtemps, le placenta a été
considéré comme un organe inerte,
un simple filtre à nutriments et gaz
sanguins. Depuis une vingtaine d’an-
nées, les travaux se sont succédé qui
ont montré que le placenta est un véri-
table organe complexe et invasif, avec
des fonctions endocrines et paracrines
qui sont altérées dans des pathologies
telles que le diabète maternel ou la
pré-éclampsie (5). Malgré le rôle
essentiel joué par cet organe au cours
du développement fœtal, les méca-
nismes moléculaires et cellulaires qui
président à son développement restent
largement méconnus.
Après un rappel des différentes
étapes du développement placentaire,
des facteurs moléculaires en jeu et
de leur régulation, nous évoquerons
les modifications placentaires asso-
ciées au diabète, en distinguant le
diabète prégestationnel et le diabète
gestationnel.
Le développement
placentaire
Les étapes
Le placenta est un organe compor-
tant deux surfaces interactives :
une surface fœtale, avec l’endothé-
lium vasculaire fœtal et les cellules
endothéliales (EC), et une surface
maternelle, avec le syncytiotro-
phoblaste (STB) ancré dans l’en-
domètre. L’évolution des espèces a
rapproché ces deux surfaces et en
a simplifié l’architecture en suppri-
mant les intermédiaires de manière
à permettre l’échange direct le plus
adapté aux besoins du fœtus. Par
ailleurs, la ramification en arbres
villositaires permet d’augmenter
considérablement les surfaces
d’échange entre le compartiment
maternel (STB) et le compartiment
fœtal (endothélium) dès le deuxième
mois de la grossesse.
La mise en place de ces structures
comprend deux phases. La première
qui implique surtout le cytotro-
phoblaste (CTB) [premier mois],
comporte quatre étapes :
l’implantation du blastocyte dans
la muqueuse utérine (6 jours) ;
la prolifération cellulaire du CTB
et la formation de lacunes et espace
intervilleux (8 jours) ;
la différenciation des CTB soit en
STB à l’origine des arbres villositai-
res soit en CTB extravilleux (CTB
ev) très mobiles ;
l’invasion de l’endomètre utérin
par les CTB ev.
Dès la fin du premier mois débute
une deuxième phase, dite de “crois-
sance placentaire”, impliquant l’en-
dothélium fœtal, avec un remodelage
vasculaire et le développement du
réseau vasculaire fœtal (18 jours).
Enfin se produit une expansion de la
masse placentaire, du deuxième mois
jusqu’à la fin de la grossesse. Les
deux cellules clés régulatrices des
transferts mère/fœtus sont le STB,
localisé à l’interface maternelle, et
l’EC vasculaire, à l’interface fœtale.
Ces cellules vont tout au long de la
grossesse sécréter un grand nombre
de molécules : hormones, transpor-
teurs, cytokines, protéases, permettant
un dialogue entre les trois acteurs que
sont la mère, le placenta et le fœtus.
Implication des facteurs de
croissance dans la régulation
Les facteurs de croissance placentaires
jouent un rôle important dans l’inva-
sion cytotrophoblastique et dans l’an-
giogenèse, et conditionnent les futurs
échanges materno-fœtaux. Les facteurs
principaux sont les IGF (insulin-
like growth factors). La famille des
IGF comprend deux protéines effec-
trices, IGF1 et IGF2, deux récep-
teurs distincts, IGF1R et IGF2R, et
six protéines porteuses, IGFBP1 à
IGFBP6 (6). Les IGF sont impliqués
dans la croissance et la différenciation
cellulaires. Ils sont produits en grande
partie par le foie ; mais de nombreux
organes, dont le placenta, sont capa-
bles de les synthétiser. Le principal
régulateur de la synthèse et de la
sécrétion des IGF est l’hormone de
croissance hypophysaire GH (growth
hormone). Pendant la grossesse, la GH
hypophysaire est remplacée progressi-
vement par le variant placentaire PGH
(7). L’IGF2, exprimée par le CTB
du côté fœtal, est impliquée dans le
comportement invasif du CTB. Sur
le versant maternel, les cellules déci-
duales sécrètent les IGFBP (binding
proteins), protéines liant les IGF et
modulant leur action (8). Les facteurs
de croissance IGF et leurs protéines
porteuses sont impliqués dans la
croissance fœtale. Les taux d’IGF1 et
d’IGFBP3 sont corrélés positivement
au poids de naissance (9). Le taux
d’IGF2 est corrélé positivement à
l’index pondéral (poids de naissance/
taille au cube). L’inactivation du gène
de l’IGF1 ou de l’IGF2 chez la souris
induit un retard de croissance intra-
utérin (RCIU) [10]. Chez l’homme,
dans le syndrome de Beckwith-Wied-
mann, une surexpression d’IGF2
placentaire par levée d’empreinte
parentale entraîne une croissance
accélérée et une macrosomie (11). Un
tel mécanisme n’est pas retrouvé dans
les placentas de femmes diabétiques
de type 1 (12).
Diabète et conséquences
placentaires
Les observations
Les études morphométriques des
placentas de patientes ayant un
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thématique
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Figure 1. Diabètes et développement placentaire.
Sont présentées les 3 phases de formation et de croissance du placenta ainsi que les périodes
critiques d’agression en cas d’environnement diabétique. Un diabète précoce prégestationnel
aura des conséquences sur les étapes de formation, alors qu’un diabète tardif gestationnel (DG)
aura un impact limité à l’expansion de la masse placentaire et donc un effet sur la fonction plus
que sur la structure (CTB : cytotrophoblaste ; EC = cellule endothéliale).
Diabète prégestationnel : effets à long terme
Diabète gestationnel :
effets à court terme
CTB EC
Implantation
Prolifération
Invasion
Différenciation
Différenciation
en villosités
Réseau vasculaire
Expansion
de la masse
placentaire
Gestation
D’après Deshoye G. et al. Diabetes Care 2007;30:S120-S126.
Figure 2. Conséquences fœtales et placentaires de l’hyperglycémie maternelle.
MÈRE PLACENTA FŒTUS
Glycémie
Synthèse
de la matrice
extracellulaire
(épaississement)
Glucose fœtal Flux sanguin
Hypoxie fœtale
Métabolisme aérobie
Insuline fœtale
Surface EC
Capillaires
Angiogenèse
VEGF, EGF2
Synthèse de glycogène et dépôt
Expression de gènes placentaires
Poids placentaire avec
ratio placenta/fœtus
diabète prégestationnel mettent
en évidence des modifications de
volume, de surface et de longueur,
avec une hypertrophie et une
augmentation du poids. L’observation
histologique montre des villosités
immatures, des dépôts de glycogène
et une infiltration de l’espace endo-
thélial par des macrophages, tradui-
sant un état inflammatoire (13).
Le réseau capillaire vasculaire est
augmenté et anarchique. Ces désor-
dres surviennent quel que soit le
type de diabète : prégestationnel ou
gestationnel. Cependant, les anoma-
lies sont plus marquées en cas de
diabète prégestationnel, comportant
notamment des défauts de l’invasion
trophoblastique et de la maturation
villositaire qui suggèrent un rôle de
l’état hyperglycémique précoce anté-
rieur à l’implantation.
Dans le diabète gestationnel, l’im-
prégnation hyperglycémique est
plus tardive (deuxième trimestre de
gestation), et c’est la phase d’expan-
sion de la masse placentaire qui sera
touchée (figure 1).
Les mécanismes et hypothèses
La physiopathologie de la macro-
somie fœtale au cours des grossesses
diabétiques reste mal connue. Elle
dépend de l’apport en nutriments,
du statut endocrinien (hormones,
facteurs de croissance) fœtal et
maternel, de la qualité du transfert
placentaire, et de la réponse fœtale
et placentaire à cet environnement
diabétique.
Hypothèse métabolique
Métabolisme glucidique (figure 2) :
le métabolisme glucidique est
modifié pendant toute la gros-
sesse, avec une insulinorésistance
hépatique et musculaire à partir du
deuxième trimestre nécessitant une
sécrétion d’insuline importante pour
maintenir l’euglycémie. Au cours
des grossesses diabétiques, le fœtus
est soumis à une hyperglycémie
chronique maternelle, par diffu-
sion facilitée du glucose à travers le
placenta, responsable d’un hyperin-
sulinisme fœtal compensatoire. Cet
hyperinsulinisme fœtal, en raison du
rôle trophique de l’insuline, a fait
l’objet de l’une des premières hypo-
thèses pour expliquer la macrosomie
chez ces enfants (14).
L’insuline entraîne une croissance
fœtale accélérée avec un excès de
masse grasse, ce qui explique qu’un
meilleur contrôle de la glycémie
diminue l’incidence de la macro-
somie. Néanmoins, l’insuline n’est
pas le seul facteur en cause, puisque
la macrosomie persiste dans 30 %
des cas au cours du diabète préges-
tationnel malgré un bon contrôle
glycémique (1).
La diffusion passive du glucose par
gradient de concentration est égale-
ment facilitée par les transporteurs
de glucose GLUT3, dont l’expres-
sion est augmentée au cours des
grossesses chez les patientes ayant
un diabète de type 1 (15).
Le placenta exprime des récepteurs à
l’insuline dont l’expression varie au
cours du développement placentaire :
expression limitée au STB en début
de grossesse puis à la cellule endo-
théliale au troisième trimestre (16).
Cette variation spatio-temporelle de
l’expression suit donc les deux inter-
faces impliquées dans le dialogue
materno-fœtal ; elle est parallèle aux
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Dossier
thématique
niveaux et aux lieux de sécrétion de
l’insuline maternelle puis fœtale. Il
est actuellement admis que l’insu-
line maternelle régule la croissance
placentaire en interagissant avec le
STB et en y altérant la sécrétion de
nombreuses molécules qui agiront
localement mais aussi à distance avec
effet de rétrocontrôle chez la mère.
Au cours de la grossesse, le fœtus
prend le relais en matière de sécré-
tion d’insuline, avec effet sur les EC
et les macrophages résidents, sécré-
tion de différents facteurs déversés
dans le sang fœtal et dotés d’un effet
de rétrocontrôle sur le fœtus.
Cette évolution spatio-temporelle de
l’expression des récepteurs à l’in-
suline illustre parfaitement l’effet
compartimenté de la mère sur le
CTB et du fœtus sur l’EC.
Les effets indirects de l’insu-
line fœtale sur le placenta sont
la synthèse et l’accumulation de
glycogène au niveau des vaisseaux
(EC), à partir du glucose maternel
stocké. Ce mécanisme est facilité
par la coexpression par l’EC des
transporteurs de glucose GLUT1
3 et 4, et d’une protéine précur-
seur du glycogène, la glycogénine,
surexprimée dans le placenta au
cours du diabète gestationnel (17).
L’hypoxie fœtale générée par l’hy-
perinsulinémie constitue un autre
effet indirect. L’insuline, stimulant
du métabolisme aérobie du glucose,
augmente les besoins en oxygène
du fœtus, entraînant une hypoxie
fœtale et placentaire. Cette hypoxie
modifie l’expression d’un grand
nombre de gènes tels que l’HIF
(hypoxy inducible factor) et des
facteurs angiogéniques (18). Cela
entraîne une multiplication des vais-
seaux capillaires et l’expansion de
la surface d’échange placentaire,
ce qui explique le poids placentaire
plus élevé observé au cours des gros-
sesses diabétiques.
Hypothèse lipidique : l’observation
faite par Knopp, chez des enfants de
mères ayant un diabète gestationnel,
d’une meilleure corrélation du poids
de naissance au taux de triglycérides
maternels qu’aux glycémies mater-
nelles a montré pour la première
fois l’implication des lipides dans la
macrosomie diabétique (19).
Au cours de la grossesse normale,
l’hyperlipidémie maternelle est
physiologique. Elle s’explique par
le stockage maternel des graisses
au cours des premier et deuxième
trimestres, grâce à l’hyperphagie,
à l’augmentation de la lipogenèse
et de l’activité de la lipoprotéine
lipase (LPL). Au troisième trimestre,
la tendance est inverse, avec une
lipolyse, favorisée par l’insulinoré-
sistance maternelle, augmentant les
apports fœtaux en acides gras. L’ap-
port en acides gras, surtout essentiels
(acides linoléique et linolénique), a
une importance majeure pour le
développement fœtal, notamment
cérébral. Il dépend du degré de lipo-
lyse maternelle, des apports alimen-
taires mais aussi du taux de transfert
placentaire, faisant intervenir de
nombreux acteurs. Les acides gras
captés par le placenta sont issus prin-
cipalement des lipoprotéines plas-
matiques mais aussi des acides gras
libres liés à l’albumine. Après liaison
aux récepteurs des lipoprotéines,
les acides gras des lipoprotéines
sont libérés par les lipases placen-
taires (20). Ils sont ensuite stockés
ou transférés au fœtus. Les acides
gras libres bénéficient d’une diffu-
sion facilitée grâce aux protéines
porteuses (FABP) [21].
L’accroissement du transport lipi-
dique placentaire pourrait donc
contribuer à la constitution de la
macrosomie par le biais d’un stoc-
kage de ces acides gras. Certaines
études retrouvent un transfert accru
de lipides au cours des grossesses
diabétiques (22), ainsi qu’un stoc-
kage excessif en lipides et en glyco-
gène (23). Le rôle respectif des
anomalies quantitatives du profil
lipidique et des modifications quali-
tatives des acides gras maternels et
fœtaux (pourcentage des acides gras
mono-insaturés ou poly-insaturés)
n’a pas été exploré.
La piste inflammatoire :
causes et conséquences
Le rôle joué par l’augmentation de
l’inflammation placentaire dans le
diabète est l’une des pistes actuel-
lement étudiées. L’augmentation de
l’inflammation placentaire est géné-
ratrice de stress oxydant et d’apop-
tose cellulaire, avec perturbation de
l’expression d’un grand nombre de
gènes, dont les facteurs de croissance
et les transporteurs de nutriments
(24). Au cours de toute grossesse,
de manière physiologique, il existe
un état inflammatoire basal néces-
saire à la réussite de l’implantation
et au bon déroulement de la gesta-
tion. On observe dans le diabète une
surexpression placentaire d’un grand
nombre de molécules pro-inflamma-
toires : cytokines (TNF, IL-1, IL-6),
adipocytokines (leptine), prostaglan-
dines (PGE2, COX-2), marqueurs
du stress oxydant (Nos) [25]. L’exa-
cerbation de ce processus au cours
du diabète est une des origines des
troubles de la croissance placentaire
(26). Chaque cytokine possède des
effets propres. Le TNF limite les
capacités d’invasion des CTB au
premier trimestre et stimule l’apop-
tose dans les CTB à terme. Il induit
une insulinorésistance. La leptine a
des effets mitotiques, d’angiogenèse,
et stimule l’expression de molé-
cules responsables de la synthèse de
médiateurs lipidiques de l’inflam-
mation, comme la phospholipase
A2 (PLA2) [27]. Ces cytokines
interviennent dans la régulation de
l’action de l’insuline ; l’augmenta-
tion de leur taux induit une insulino-
résistance maternelle nécessaire à la
poursuite de la grossesse.
Les anomalies du métabolisme lipi-
dique et glucidique sont probable-
ment en cause dans l’augmentation
des phénomènes inflammatoires.
Dans le cas du diabète prégesta-
tionnel, ces anomalies sont précoces ;
elles interviennent dès l’implantation.
La synthèse de prostaglandines, faci-
litée par l’hyperlipidémie maternelle,
est accrue et exacerbe la réponse
inflammatoire. Elle est probable-
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thématique
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ment responsable d’un risque accru
d’avortements spontanés précoces.
L’hyperglycémie a pour conséquence
une augmentation du métabolisme
aérobie du placenta et, de ce fait, une
production accrue de radicaux libres.
Ces radicaux libres (ROS) entraînent
secondairement une accumulation
de peroxynitrites (Nos) toxiques,
augmentant la réaction inflamma-
toire (28). Il est intéressant de noter
que le placenta et le tissu adipocytaire
présentent des profils de sécrétion de
cytokines et d’adipocytokines très
proches, sauf en ce qui concerne l’adi-
ponectine, qui n’est pas synthétisée
par le placenta. Ces similitudes entre
tissu adipocytaire et placenta ont fait
évoquer l’existence d’un “dialogue”
entre eux au cours de la grossesse
(24). La régulation de ces sécrétions
est assurée par le TGF-β (activateur)
et les PPAR-γ (inhibiteurs) [27].
Les liens entre inflammation et trou-
bles de la croissance fœtale, et notam-
ment la macrosomie, n’ont pas été
établis clairement jusqu’à présent.
Conclusions
et perspectives
Nous avons vu que, dans un contexte
de diabète prégestationnel, les alté-
rations placentaires sont précoces,
structurales – avec désorganisation
de la formation des villosités – et
fonctionnelles. En cas de diabète
gestationnel, plus tardif au cours de
la grossesse, les effets sont unique-
ment fonctionnels. Cette différence
pourrait peut-être expliquer pourquoi
il est plus facile de diminuer par trai-
tement les fréquences de survenue de
macrosomie en cas de diabète gesta-
tionnel qu’en cas de diabète préges-
tationnel. Tout se passe comme si,
dans le diabète prégestationnel, tout
se jouait avant la gestation et qu’une
ambiance utérine hyperglycémique
était délétère. Une telle analyse nous
encourage à proposer une optimisa-
tion de la prise en charge diététique et
thérapeutique en rétablissant l’eugly-
cémie dès le diagnostic de diabète
gestationnel, et en préconceptionnel
pour les diabétiques de type 1 et de
type 2. Cela a aussi des conséquences
en termes de dépistage précoce du
diabète gestationnel chez les femmes
à risque et pour une incitation à des
accompagnements préconception-
nels chez les femmes diabétiques de
type 1 ou 2 désireuses de mettre en
route une grossesse.
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