Accident vasculair Utilisation des hormones sexuelles au titre de

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Accident vasculaire cérébral
O. Ille*
Évaluation du risque d’accident
vasculaire
◗ Accidents ischémiques cérébraux
La relation entre un AVC et la prise de
contraceptif oral (CO) est établie à
partir d’études de cohortes, ou
d’études cas-témoins. Ce type d’analyse ne met en évidence que l’existence d’un risque et non d’une relation
causale, en raison de l’hétérogénéité
des populations étudiées, qui peuvent
se distinguer par la nature et/ou le
dosage du contraceptif utilisé (estrogène, estroprogestatif ou progestatif de
2e ou de 3e génération) et/ou la prise en
compte ou non de facteurs de comorbidité vasculaire associés (1, 4, 5).
Une méta-analyse récente (1) indique
que l’utilisation des CO majore le
risque relatif (RR) d’AVC, que ce soit
pour les accidents artériels (RR = 2,75),
ou veineux (RR = 3). On déplore ainsi
un accident pour 24 000 femmes utilisatrices, ce qui apparaît relativement
faible, comparativement à l’incidence
des AVC dans cette classe d’âge chiffrée,
en Europe, à 1/100 000 avant 35ans et à
10/100 000 après 35ans (1, 2).
Ce risque persiste, quel que soit le
type de contraceptif utilisé, et ce
compte tenu des facteurs de risque
cardiovasculaire associés (6). En effet,
la présence de facteurs de risque
* Chef du service de neurologie,
CH F. Quesnay, Mantes-la-Jolie.
cardiovasculaire majore nettement le
RR d’AVC. Parmi ces facteurs, on
retient la consommation tabagique,
l’hypertension artérielle, un âge supérieur à 35 ans et l’existence d’un terrain migraineux (2,6-8). La présence
d’une hypertension majore ainsi ce
risque de dix fois (tableaux I et II), un
tabagisme de 7 fois (tableaux I et III)
et une forte dose en estrogène de 4 à
5 fois (tableau IV).
Tableau I. Variation du risque relatif
(RR) d’accident ischémique cérébral en
fonction de la présence de facteurs de
risque cardiovasculaire associés.
Facteurs de risque
vasculaire
Risque relatif (RR)
Âge > 35 ans
Migraine
Tabac
HTA
5,94 (1,89-18,7)*
6,59 (0,79-54,8)**
7,20 (3,23-16,1)*
10,7 (2,04-56,6)*
utilisation des hormones
sexuelles à visée contraceptive ou comme traitement substitutif de la ménopause
est liée à une augmentation du
risque d’accident vasculaire
cérébral (AVC) (1-3). Différents
facteurs concourent à majorer ce
risque. On présentera ici une
analyse de ces facteurs de risque
et on rappellera les recommandations d’utilisation de ces
hormones sexuelles, en distinguant la contraception orale de
l’hormonothérapie substitutive
de la ménopause.
Les AVC sous contraception orale
surviennent volontiers précocement,
souvent lors du premier trimestre
d’utilisation (2, 9), une prise prolongée ne constituant pas un facteur de
risque (9). Les accidents sont plus fréquents entre 25 et 29 ans, et 35 et
39 ans (figure). Le territoire carotidien
* Compte tenu de l’existence d’antécédent d’hypertension
artérielle et/ou d’un tabagisme associé. D’après (2).
** D’après (7).
Tableau II. Évaluation du risque d’accident ischémique cérébral (odds ratio tenant
compte de l’existence d’un tabagisme associé) en fonction de l’hypertension (d’après
[2]).
Hypertension
Non-utilisatrices de CO
Utilisatrices de CO
Non-hypertendues
1
2,71 (1,47-4,99)
Hypertendues
4,59 (2,39-8,82)
7,20 (2,04-56,6)
CO : contraceptif oral.
Tableau III. Évaluation du risque d’accident ischémique cérébral (odds ratio
tenant compte de l’existence d’antécédent d’hypertension artérielle) en fonction
du tabagisme (d’après [2]).
Tabagisme
Non-utilisatrices de CO
Utilisatrices de CO
Non-fumeuses
1
2,09 (1,03-4,5)
Fumeuses
1,24 (0,72-2,13)
7,20 (3,23-16,1)
CO : contraceptif oral.
104
Accident vasculaire cérébral
L’
Hormones et
accidents vasculaires cérébraux
Utilisation des hormones
sexuelles au titre de
contraception orale
O. Ille
Tableau IV. Évaluation du risque d’accident ischémique cérébral (odds-ratio sous
progestatif de 2e génération) en fonction du dosage en estrogène (d’après [2]).
Dosage
Sans surveillance TA
TA surveillée
< 50 µg
1,53 (0,69-3,39)
1,31 (0,49-3,52)
> 50 µg
5,30 (2,56-11)
3,80 (1,25-11,5)
Incidence (pour 100 000 utilisatrices)
Th ro m b o s e ve i n e u s e
8,0
Hémorragie cérébrale
4,0
Ar térite MI
0,0
20-24
25-29
30-34
35-39
I n f a rc t u s c é r é b ra l
40-44
Âge (années)
Figure. Incidence des complications cardiovasculaires chez les utilisatrices de CO.
D’après Farley TM. WHO Genève. J Epidemiol Comm Health 1998 ; 52 : 775.
Tableau V. Évaluation du risque d’hémorragie cérébrale (odds-ratio tenant compte
de l’existence d’un tabagisme associé) en fonction de l’hypertension (d’après [3]).
HTA
Non-utilisatrices de CO
Utilisatrices de CO
Non-hypertendues
1
1,05 (0,61-1,80)
Hypertendues
4,94 (2,98-8,19)
10,3 (3,27-32,3)
CO : contraceptif oral.
Tableau VI. Évaluation du risque d’hémorragie cérébrale (odds ratio tenant compte
de l’existence d’antécédent d’hypertension artérielle) en fonction du tabagisme,
chez les patientes de plus de 35 ans (d’après [3]).
Tabagisme
Non utilisatrices de CO
Utilisatrices de CO
Non fumeuses
1
2,39 (0,89-6,43)
Fumeuses
1,94 (1,23-2,93)
3,91 (1,54-9,89)
CO : contraceptif oral.
semble préférentiellement touché (9).
En cas d’infarctus, on peut signaler,
pour un tiers des patientes, la précession, dans les mois précédant l’accident, de manifestations ischémiques
Act. Méd. Int. - Neurologie (4) n° 4, mai 2003
transitoires dans le même territoire
(9). L’apparition ou la recrudescence
de céphalées migraineuses, quelques
jours à quelques semaines avant l’accident, est rapportée et doit alerter (9).
◗ Complications vasculaires cérébrales
hémorragiques
L’augmentation du risque de complications hémorragiques est moins
fréquemment soulignée (figure).
Cependant, il semble que ce risque
existe et qu’il concerne aussi bien les
hémorragies sous-arachnoïdiennes que
les hémorragies intracérébrales (2).
L’étude cas-témoins menée en 1996
par des spécialistes de l’Organisation
mondiale de la santé (2) indique, pour
les pays économiquement développés,
que ce risque est lié à l’âge des
patientes et, là encore, à l’existence de
facteurs de comorbidité associés.
Ainsi, ce n’est qu’après 35 ans que
l’on observe une augmentation du
risque d’hémorragie cérébrale (oddsratio chiffré à 2,11). La présence
d’une hypertension associée, majore
ce risque de 10 fois (tableau V), le
tabagisme de 3,91 fois (tableau VI).
La dose en estrogène, le type du progestatif utilisé ne semblent pas avoir
d’impact cliniquement significatif.
Physiopathologie
La physiopathologie des infarctus
cérébraux survenant sous CO n’est pas
comprise : une interaction avec les
mécanismes de coagulation endothéliale a été proposée et on a décrit
une augmentation de l’agrégabilité
plaquettaire, une diminution de l’antithrombine (10), une diminution de
l’activité fibrinolytique endothéliale.
Cependant, aucune corrélation absolue entre la présence de telle anomalie
et la survenue d’un AVC n’a pu être
établie. La présence d’anticorps antiéthinyl-estradiol a été rapportée, et un
mécanisme de type complexe-immuns
circulant responsable de lésions endothéliales a été avancé mais, là encore,
sans preuve établie. Enfin, plus
récemment a pu être évoquée une
augmentation de la sensibilité à l’ischémie cérébrale favorisée par une
dysrégulation des neuromédiateurs
excitateurs et inhibiteurs cérébraux.
105
Accident vasculaire cérébral
Accident vasculaire cérébral
Tableau VII. Recommandations concernant l’utilisation de CO en fonction de la
présence de facteurs de risque cardiovasculaire associés.
Âge (années)
Facteurs de risque*
Recommandations
< 35
+
-
Pas de contraception orale
Contraception possible
> 35
+ ou -
Pas de contraception orale
* ATCD thromboembolique, HTA, tabac, migraine, hyperlipidémie.
Recommandations
Il s’agit d’essayer d’annuler l’effet
délétère des facteurs de risque, notamment ceux de l’hypertension et du
tabac, par un traitement ou une prise
en charge adaptée. L’exclusion des
sujets à risque, notamment ceux ayant
déjà présenté des complications
thromboemboliques et les fumeuses,
paraît prudente. Le tableau VII
résume les conduites à tenir en fonction de l’âge de la patiente et de l’existence des facteurs de risque associés.
Utilisation des hormones
sexuelles au titre
d’hormonothérapie
substitutive de la ménopause
Évaluation du risque d’AVC
En prévention primaire, l’effet protecteur de l’hormonothérapie substitutive
longtemps affirmé est actuellement très
controversé. Ainsi, au cours d’une étude
randomisée versus placebo, menée chez
2 763 femmes coronariennes ménopausées (11) et testant l’intérêt d’une association progestérone et estrogène (acétate de médroxiprogestérone 2,5 mg par
jour et 0,625 mg d’estrogène), on n’objectivait pas de différence entre les deux
groupes après un suivi moyen de
4,1 ans. Le risque relatif d’infarctus
cérébral était chiffré à 1,18 (IC 95 % :
0,83-1,66), et cela compte tenu des facteurs de risque de comorbidité associés.
Plus récemment, une nouvelle étude
(12) randomisée versus placebo, menée
sur 16 608 patientes bien-portantes et
évaluant l’intérêt de la même associa-
tion, a confirmé l’absence de rôle protecteur après 5,2 ans de suivi : RR =
1,41 (IC 95 % : 1,07-1,85). L’étude a dû
être interrompue en raison d’un excès
de risque de cancer mammaire chez les
patientes sous hormonothérapie.
En prévention secondaire chez les
patientes ayant déjà présenté un AVC,
une étude récente (13) comparative et
randomisée en double aveugle versus
placebo a évalué l’intérêt d’une utilisation du 17 bêta-estradiol à 1 mg par
jour chez 664 femmes ménopausées
ayant présenté un accident vasculaire
cérébral. Après 2,8 ans de suivi moyen,
on ne montrait pas de diminution du
risque d’infarctus cérébral ou de décès
vasculaire, avec même une augmentation du risque de d’accident vasculaire
mortel (RR = 2,9) (13), et cela, au prix
de complications endométriales plus
fréquentes dans le groupe traité (13).
Recommandations
Dans l’état actuel des choses, on ne
peut recommander l’utilisation d’une
hormonothérapie substitutive dans le
seul but de prévenir les complications
cardiovasculaires cérébrales, que ce
soit en prévention primaire ou secondaire. Pour une femme sous hormonothérapie substitutive dans le but de prévenir l’ostéoporose, il n’y a pas lieu
d’interrompre cette opothérapie substitutive, sous réserve d’une possible
majoration du risque de cancer du sein
(12). Là encore, la prise en compte des
facteurs de risque cardiovasculaire
associés paraît fondamentale.
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Accident vasculaire cérébral
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