Intervention de M. Ali Benflis à l’occasion de l’ouverture du... Constitutif de Talaiou El Houriyet.

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Intervention de M. Ali Benflis à l’occasion de l’ouverture du Congrès
Constitutif de Talaiou El Houriyet.
Alger, le 13 juin 2015
Monsieur le Président ;
Chers et honorable invités qui avez accepté d’être des nôtres
aujourd’hui ;
Messieurs les membres du Bureau du Congrès ;
Mesdames et Messieurs les délégués ;
Mesdames et Messieurs ;
Je ne peux entamer cette intervention sans en réserver la part la plus
chaleureuse à tous nos invités qui honorent de leur présence le
Congrès Constitutif de Talaiou El Houriyet. Nous sommes
particulièrement sensibles à votre acceptation de notre invitation et
nous vous sommes infiniment reconnaissants de pouvoir vous
compter parmi les nôtres.
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Il y a parmi nous les anciens Chefs de Gouvernement, Messieurs,
Belaid Abdeslam, Mokdad Sifi et Ahmed Benbitour qui ont tant
donné au pays à un moment où l’appel du devoir se faisait pressant,
où la responsabilité était lourde à assumer et où le service de l’Etat
comptait plus que tout.
Il y a aussi parmi nous les dignes représentants de cette génération
de géants qui ont produit la glorieuse Révolution de Novembre ; je
veux citer Athmane Belouizdad, Djamila Bouhired et…………. ; c’est à
eux et à des hommes de leur trempe que nous devons la renaissance
de l’Etat national, le recouvrement de l’indépendance de notre pays
et la libération de notre peuple du joug infamant de l’abjection
coloniale ; je salue à travers eux toutes les moudjahidates et les
moudjahidines présents parmi nous, aujourd’hui, qui se sont levés à
un moment où le don de soi pour le pays signifiait un don de sang et
un don de vie. Longue vie à eux et gloire à nos martyrs.
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Il y a en outre, parmi nous les Présidents et les membres des
directions des partis politiques ainsi que d’éminentes personnalités
nationales engagées dans l’action politique. Il s’agit de la grande
famille de l’opposition nationale ; cette opposition légitime,
responsable et résolue qui n’anime aucun autre motif et aucun autre
motif et aucune autre considération sinon le progrès pour notre pays
et le bonheur pour notre peuple.
Chacune et chacun des dirigeants de la Coordination nationale pour
la Transition démocratique et du Pôle des Forces du Changement sait
l’estime, la considération et les sentiments fraternels que je porte
envers lui.
Les liens de compagnonnage politique qui nous unissent sont
puissants et leur puissance vient de notre volonté commune d’aider à
changer un présent que notre pays ne mérite pas et à lui préparer un
devenir plus digne de lui.
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Il y a, enfin, parmi nous d’anciens officiers supérieur et officiers
généraux de notre Armée nationale populaire, digne héritiers de la
glorieuse Armée de Libération nationale.
L’ANP a une place à part dans le cœur de toutes les algériennes et de
tous les algériens. Elle est le bras armé du peuple qui ne faiblit pas et
le rempart inviolable de la République. Face aux dangers et aux périls
qui menaçaient la Nation, hier comme aujourd’hui, le pays est
redevable à ses vaillantes forces armées de sa protection et de sa
défense.
Nos délégués à ce Congrès sont rassemblés aujourd’hui pour fonder
une nouvelle formation politique. Cette rencontre a donc plusieurs
portées.
Politiquement, il s’agit de la création d’un parti ; juridiquement, il
s’agit d’un Congrès Constitutif pour satisfaire aux exigences de la loi ;
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et, administrativement, il s’agit de se conformer aux procédures
requises pour l’obtention de son agrément par notre parti.
Formellement, se sont là les objectifs de cette rencontre mais une
telle lecture serait forcément réductrice si elle ne devait s’en tenir
qu’à cela ; car cette rencontre ne peut être réduite à ces seules
considérations formelles et procédurales.
Ce dont il s’agit aujourd’hui, véritablement , c’est le début d’un
parcours pour des femmes et des hommes déterminés à ne pas
rester silencieux, résignés ou non concernés alors que la Nation est
accablée par l’épreuve et que notre peuple s’interroge sur le sort que
lui prépare un présent lourd d’incertitudes et de périls.
Ce dont-il s’agit en ces instants, c’est aussi la réaction de femmes et
d’hommes qui refusent de rester sourds à l’appel du devoir, de
reculer devant l’adversité ou de se replier sur eux-mêmes alors que la
République est menacée dans ses fondements, que l’Etat national est
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fragilisé, que la cohésion de la Nation est mise en danger et que les
équilibres les plus essentiels de notre société sont sérieusement
atteints.
Ce dont-il s’agit en cette heure c’est, enfin, des femmes et des
hommes qui se sont levés pour dire que l’échec n’est pas une fatalité,
que l’immobilisme ou la régression ne sont pas indépassables et que
même d’un présent aussi sombre peut naître la lumière du jour.
Ces femmes et ces hommes se sont levés pour dire que les solutions
aux nombreuses crises qui assaillent notre pays de toutes parts
existent et qu’elles sont là à portée de nos mains ; qu’il est grand
temps de sortir de toutes les impasses vers lesquelles le pays a été
conduit ; qu’il y a une autre voie à suivre pour remettre notre pays
dans le sens de la marche d’un monde dont-il ne soutient pas le
rythme et dont-il est marginalisé et exclu ; et que notre pays mérite
d’autres ambitions que celles dans lesquelles il est confiné : se
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lamenter sur les occasions perdues, regretter les rendez-vous
manqués, trouver un sens aux échecs qui se sont accumulés sous nos
yeux et prier pour voir, enfin, la fin du tunnel qui tarde à se laisser
entrevoir.
Créer un parti politique dans les conditions actuelles prévalant dans
notre pays n’aurait aucun sens s’il ne s’agissait que du plaisir de créer
un parti politique. Car tout le monde, ici, sait parfaitement que faire
de la politique dans notre pays n’est pas une partie de plaisir tout
comme elle n’est ni une sinécure ni une activité ludique gratifiante.
Créer donc un parti politique dans une telle conjoncture c’est
accepter de relever un défi, d’aller au devant de l’épreuve et de
l’adversité. Nous acceptons donc de relever ce défit, de faire front
face à l’épreuve et à l’adversité qui nous attendent et de consentir
les sacrifices qui nous sont demandés.
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Créer un parti politique pour le plaisir de créer un parti politique
n’aurait aucun sens, non plus, tant l’idée même du pluralisme
politique tarde à s’ancrer dans les mentalités, dans la culture et les
mœurs politiques par lesquelles se caractérise notre système
politique imposé à notre pays. Le pluralisme politique n’est entouré
d’égards et encouragé que s’il est fait de cette matière que l’on
appelle allégeance, soumission et obéissance. S’il est par contre
l’expression d’une vision ou d’une idée différente, s’il prend la forme
de critique ou d’un avis contraire ou s’il est la manifestation d’une
velléité de contrôle ou de demande de reddition des comptes, il est
alors harcelé, pourchassé et puni.
Dans notre système politique, il n’y a de place que pour un pluralisme
politique maîtrisé, contrôlé et asservi et aucune pour un pluralisme
politique qui se conçoit comme contre-pouvoir ou comme
pourvoyeur de projets politiques différents.
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Notre système politique a l’ouïe musicale particulièrement délicate :
il n’accepte qu’une seule partition – la sienne- et ne tolère aucune
voix discordante ou note dissonante.
Créer un parti politique pour le simple plaisir de créer un parti
politique n’aurait aucun sens, enfin, tant l’environnement politique
général qui distingue notre pays est si peu propice à ce genre
d’entreprise. Dans un environnement aussi peu démocratique, en
l’absence d’un Etat de droit et dans le cadre d’un système politique
négateur des attributs les plus élémentaires de la citoyenneté et si
peu respectueux des choix du peuple souverain, la création d’un parti
politique peut apparaître comme un contre-sens, une anomalie ou
une incongruité.
Notre système politique n’a pas seulement rendu problématique la
création de partis politiques. Il a aussi jeté le discrédit sur l’action
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politique, sur la pratique politique et sur le militantisme politique luimême.
L’appartenance à un parti politique est avant tout un acte civique.
Militer est un droit politique constitutionnel. Et l’action politique,
d’une manière générale, participe du désir de se mettre à la
disposition de la communauté nationale et de servir l’intérêt général.
Elle suppose une culture de l’Etat et une idée élevée de la
citoyenneté. Elle est le « moi » mis au service d’autrui.
Au total, constitutionnellement, militer est un droit politique et
civique ; politiquement, c’est la citoyenneté qui exerce l’un de ses
attributs fondamentaux ; et moralement c’est le don de soi à
l’altérité.
Le système politique national a tout fait pour descendre le
militantisme de son piédestal. Le militantisme qui se déploie en
dehors du cercle restreint de ses clientèles est pour lui douteux et
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suspicieux ; bien plus, il l’assimile souvent à un comportement antipatriotique ; ou pire, il lui arrive de le stigmatiser comme intelligence
avec l’ennemi.
Pour ce système, il y a le bon et le mauvais militantisme. Le bon
militantisme , le militantisme choyé et entouré de toutes les faveurs
est celui qui se contente de faire partie de ses clientèles, d’entrer
docilement dans la course vers les accès rentiers et de chanter ses
louanges chaque jour que Dieu fait.
Et puis, il y a pour notre système politique ce qu’il considère être le
mauvais militantisme par excellence. Notre système politique
n’arrive même pas à concevoir que l’on puisse militer en s’opposant à
lui ; il n’arrive pas à imaginer que le militantisme puisse prendre la
forme d’idées, de visions ou de projets politiques différents des
siens ; il lui est particulièrement difficile dans la mentalité et dans la
culture politique qui lui sont propres d’admettre le fait que pouvoir
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et opposition sont les deux éléments indissociables d’un même
binôme qui porte le nom de démocratie ; et il n’entend toujours pas
reconnaitre qu’un pouvoir politique qui ne s’exerce pas sous le
contrôle vigilant et intransigeant d’une opposition politique
responsable et légitime n’est pas un pouvoir démocratique et qu’il
porte un autre nom, celui de pouvoir autocratique et totalitaire.
Pourtant ce sont toutes ces raisons et toutes ces conditions qui ont
tout pour être décourageantes, dissuasives et rédhibitoires qui nous
ont, au contraire, incités – et j’irai jusqu’à dire contraints- femmes et
hommes rassemblés au sein de Talaiou El Houriyet- à créer notre
parti politique qui s’apprête à voire le jour et à faire ses premiers
pas.
Nous ne manquons ni de réalisme ni de lucidité ; nous ne péchons
pas par excès d’optimisme ou de naïveté ; nous ne sous-estimons ni
la difficulté de la tâche que nous nous sommes librement assignée ni
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le nombre et la diversité des obstacles qui jalonneront le chemin que
nous avons décidé de suivre.
C’est en femmes libres et en hommes libres que nous nous sommes
levés pour nous ranger du côté de toutes celles et de tous ceux qui
ressentent au plus profond d’eux-mêmes que l’Algérie a besoin d’eux
en ces moments cruciaux et qui répondent à son appel.
C’est en femmes libres et en hommes libres que nous nous sommes
levés pour mettre nos mains dans les mains de toutes celles et de
tous ceux qui, à l’unisson avec nos concitoyennes et nos concitoyens,
veulent le changement et le renouveau.
C’est en femmes libres et en hommes libres que nous nous sommes
levés pour ajouter un rang aux rangs de toutes celles et de tous ceux
qui, en leur âme et conscience, pensent que l’heure est à la défense
de la République, à la préservation de l’Etat national qui est notre
bien le plus précieux, à la protection de la cohésion de la Nation qui
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subit des coups de boutoirs de toutes parts et à prémunir notre
société contre un surcroit de déchirures et de ruptures
profondément déstabilisatrices.
Dans notre pays nous avons des droits inaliénables et des libertés
imprescriptibles. Et c’est en femmes libres et en hommes libres que
nous nous sommes levés pour nous joindre à toutes celles et à tous
ceux qui ne transigent pas sur le respect de leurs droits et qui ne
s’accommodent pas des atteintes à leurs libertés qui ne se comptent
plus.
Monsieur le Président ;
Honorables invités ;
Mesdames et Messieurs les Congressistes ;
Mesdames et Messieurs ;
Si l’environnement politique général dans notre pays n’est guère
incitatif à l’action politique, ni stimulant pour elle, l’état immérité
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dans lequel se trouve notre pays et toutes les attentes insatisfaites
de notre peuple suffisent pour réduire toutes nos hésitations –même
les plus fortes-, pour nous pousser à affronter tous les obstacles –
même ceux qui paraissent insurmontables- et pour aller au-delà de
tous les motifs de découragement qui sont réels et nombreux.
L’appel du devoir n’est pas un appel auquel l’on peut rester sourd ;
l’état affligeant du pays n’est pas un état dont on peut détourner le
regard ; et la responsabilité que nous avons envers notre peuple n’est
pas une responsabilité que l’on peut fuir ou que l’on peut refuser
d’assumer.
Et c’est de cela qu’il s’agit aujourd’hui pour chacune et pour chacun
d’entre nous : de devoir, de responsabilité et de réponse à l’appel de
l’Algérie, notre pays, pour lequel rien ne compte et rien ne se
mesure : ni la détermination ni l’abnégation pas plus que l’effort ou
le sacrifice.
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Et de fait notre pays est confronté à une crise globale, au sens plein
de ce concept. Il s’agit d’une crise systémique globale avec toutes ses
dimensions politiques, économiques et sociales.
Oui, c’est le système politique national qui est au cœur de la crise de
régime à laquelle notre pays est confronté.
Oui, c’est le système politique national qui est au cœur de la fragilité
et de la précarité de l’économie nationale qui n’existe pas comme
modèle rationnel et cohérent avec pour résultante inévitable
l’assujettissement de toute une Nation et de tout un peuple à toutes
les formes de dépendances devenues inacceptables et intolérables.
Et s’il y a des mains étrangères dont nous devrions tous sans
exception nous préoccuper bien légitimement ce sont bien ces mains
étrangères là dont nous dépendons pour nous nourrir, pour nous
soigner, pour réaliser nos infrastructures et nos équipements publics,
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pour nous alimenter en eau potable, et en électricité et même pour
gérer à notre place nos ports, nos aéroports, et bientôt nos hôpitaux.
Oui, c’est le système politique national qui est au cœur de la
dévitalisation de notre société, des dysfonctionnements dont elle est
atteinte, des ruptures d’équilibres qui s’opèrent en son sein et de la
perte de son système de valeurs et de ses repères moraux.
Au plan politique, la crise de régime est sous nos yeux et nous
pouvons en lire les tenants et les aboutissants à livre ouvert.
L’Algérie vit une vacance du pouvoir qu’il est vain de tenter de cacher
par des procédés les uns plus vains et plus dérisoires que les autres.
Les institutions sont illégitimes de la base au sommet du fait du fléau
de la fraude qui a lui aussi pris une dimension systémique. La vacance
du sommet de l’Etat à produit son effet boule de neige et ce sont
toutes les institutions constitutionnelles qui se sont retrouvées en
situation de quasi-cessation d’activités. Toute l’administration
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publique est entrée en léthargie faute d’orientations et de directives.
Le vide généré par la vacance du pouvoir a été comblé par des forces
extra-constitutionnelles qui ont pris possession du centre de la
décision nationale. Et, en ce moment même où nous sommes réunis
ici, dans tout le pays bruissent les rumeurs ou des fuites et sont jetés
peut-être, une fois encore, des ballons sondes pour vérifier
l’acceptabilité et faisabilité d’une opération de clonage de notre
système politique au moyen de ce qu’il est devenu commun de
désigner sous l’appellation de transmission héréditaire ou cooptée du
pouvoir.
Voilà à quoi est réduit tout notre système politique aujourd’hui :
gérer une vacance du pouvoir dont les retombées échappent à son
contrôle jour après jour ; maintenir le statu quo c'est-à-dire
l’immobilisme pour que rien ne bouge et rien ne change ; veiller à la
survie du régime politique par tous les moyens ; et préparer les
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conditions de son clonage ultérieur en ne reculant devant aucune
méthode même la plus manifestement anti-républicaine, et antinationale, je veux dire l’hérésie de la transmission héréditaire ou
cooptée du pouvoir.
Comme vous le voyez et comme le voient avec nous toutes les
algériennes et les algériens, leurs besoins, leurs attentes et leurs
aspirations sont loin- très loin-des préoccupations du régime
politique en place dans notre pays. La préoccupation centrale et
exclusive de ce régime politique est focalisée sur la vacance du
pouvoir et sa gestion pour l’immédiat et pour l’avenir prévisible. Ce
régime politique est plus inquiet pour son devenir que pour celui du
pays tout entier. Il n’a plus de vision, d’ambition ou de projet pour la
Nation ; il n’a que sa pérennité pour obsession.
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Il gère les affaires de l’Etat par l’improvisation et avec beaucoup de
légèreté et de désinvolture comme le révèlent toutes ces décisions
aussitôt annoncées et aussitôt annulées.
Il n’y a pas plus urgent et plus vital pour le pays que la sortie de cette
crise de régime qui affaiblit l’Etat, fragilise la cohésion de la Nation et
perturbe les équilibres les plus essentiels de notre société.
Au plan économique, l’échec se constate partout où se dirigent les
regards. La crise énergétique mondiale actuelle est venue donner la
mesure de cet échec. Notre pays est aussi impréparé face à ce
retournement de conjoncture et dans l’incapacité d’en amortir les
chocs qu’il l’était dans les années 80 ; et nos gouvernants en sont
réduits à recourir aux mêmes expédients que ceux utilisés à cette
même période.
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Nous ne disposons toujours pas d’un modèle rationnel et, cohérent
sur lequel reposerait une économie dynamique, compétitive et
productrice de richesse.
Nous n’avons pas une économie mais plusieurs. Nous avons une
économie bureaucratique qui coexiste avec une économie qui n’a
retenu de l’économie de marché et du libéralisme que leurs aspects
les plus sauvages ; nous avons une économie formelle sclérosée et
une économie informelle parfaitement organisée avec sa logique, ses
règles et même ses structures ; nous avons des enclaves réduites de
modernité économique au sein d’un système dont la marque
distinctive est l’archaïsme. Le régime politique en place a cédé aux
facilités, aux délices et aux attraits d’une économie rentière et a fait
manquer au pays toutes les occasions en or qui se sont présentées à
lui pour diversifier les sources de création de la richesse nationale.
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Il a installé tout le pays dans une triple dépendance ravageuse : une
dépendance à l’égard d’une seule source de richesse, une
dépendance quasi-totale à l’égard des revenus générés par cette
seule richesse et une dépendance presque entière à l’égard de
l’étranger pour ce que nous consommons et ce que nous réalisons.
Le régime politique en place a épuisé des sommes phénoménales
dans des plans de relance qui n’ont absolument rien relancé. Ces
sommes qui ont fait certainement la fortune de quelques uns mais
surement pas celle du pays donnent le vertige mais créent aussi le
sentiment d’un immense gâchis.
Pourquoi donc notre économie est-elle dans un tel état alors qu’elle
avait entre les mains tous les moyens de son essor ? Les éléments
de réponse à cette question s’imposent d’eux-mêmes.
 Premièrement, dans sa logique de confinement de toutes les
libertés, le régime politique en place a multiplié les entraves
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devant la liberté d’initiative, la liberté d’entreprendre et la
liberté de créer de la richesse. Il a tout fait pour favoriser l’acte
d’importation et dissuader l’acte de production.
 Deuxièmement, en matière économique nos gouvernants
naviguent à vue. Aucun secteur économique ne dispose d’une
visibilité – et donc d’une stratégie – à court, moyen et long
terme. Nous avons le sentiment tenace qu’en matière
économique nos gouvernants avancent à tâtons et que leurs
avancées sont plus guidées par des humeurs ou des instincts
que par des normes et des règles auxquelles les nations plus
développées que la notre se tiennent strictement.
 Troisièmement,
nous
ne
disposons
pas
d’un
modèle
économique que nous bâtissons avec patience et persévérance,
cela est un fait établi ; mais même ce qui nous sert de cadre ou
de système économique est régulièrement bouleversé et remis
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en cause. Cette instabilité de notre cadre économique est la
résultante directe de la navigation à vue et des tâtonnements de
nos gouvernants. Elle a un rôle majeur dans les retards et les
échecs que l’économie nationale accumule.
 Quatrièmement, toutes nos lois de finances et toutes nos
politiques publiques sont devenues, pour une grande part, de
simples instruments de distribution de la rente. Elles ont cessé
d’être conçues chez nous comme les leviers privilégiés du
dynamisme de l’économie nationale.
 Cinquièmement, la démagogie et le populisme sont les ennemis
mortels de toute économie qui se veut dynamique, compétitive
et performante, or ; durant toute la dernière décennie, le
populisme et la démagogie ont envahi avec force le terrain
économique national. Ils ont eu pour fonction essentielle de
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permettre au régime politique en place d’acheter la paix sociale
qui est synonyme de l’achat de sa pérennité et de sa survie.
Le plus grand regret pour nous et sans doute pour les générations à
venir est et sera qu’une décennie d’opulence financière sans
précédent et qui ne se renouvellera certainement pas de sitôt a
offert à notre pays une occasion en or pour bâtir une économie digne
de ce nom qui n’a pas été saisie.
En faisant succéder mécaniquement des plans de relance à d’autres
plans de relance où seuls les montants annoncés comptaient, nos
gouvernants ont oublié le plus essentiel : la performance d’une
économie ni se mesure pas à l’ampleur des ressources financières qui
y sont injectés mais à la capacité de ses structures de les absorber,
d’en faire un usage efficient et de les transformer en moyen de
création de richesses nouvelles. Une économie archaïque dont les
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défaillances structurelles ne sont pas reformées ne peut se suffire de
la seule injection de disponibilités financières, quelle que soit leur
importance, et se dispenser des nécessaires réformes structurelles –
nombreuses et profondes – dont l’économie nationale qui reste à
construire a un besoin pressant.
A l’impasse politique et à l’impasse économique s’ajoute l’impasse
sociale dont il importe de ne sous estimer ni l’acuité ni le haut degré
de sensibilité.
Les équilibres au sein d’une société et sa stabilité dépendent avant
tout de la relation de confiance qui s’établit entre les gouvernants et
les gouvernés. Or cette relation de confiance est manifestement
rompue. Désormais nos gouvernants font face à la société plus qu’ils
ne la guident, l’écoutent, lui répondent et s’acquittent de ce qu’elle
attend d’eux.
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Bien plus, les médiations politiques, économiques et sociales sont
d’une importance vitale dans toute société moderne. Ce sont ces
médiations qui entretiennent et assurent l’écoute, la concertation et
le dialogue entre les gouvernants et les gouvernés.
Pour pouvoir assumer un tel rôle, elles doivent être représentatives
et légitimes. Or dans notre pays des médiations clientélistes et
rentières ont supplanté les véritables médiations politiques,
économiques et sociales et les ont dépossédées de leur fonction de
courroie de transmission entre gouvernants et gouvernés. Le résultat
en est qu’il y a une rupture de ces canaux d’écoute, de concertation
et de dialogue par lesquels la société se sent impliquée et prise en
ligne de compte dans la gestion des affaires publiques.
Ce constat ne serait pas complet si l’on n’y ajoutait pas les effets
destructeurs du clientélisme, du népotisme, du clanisme et du
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régionalisme auxquels le régime politique en place a redonné un
nouveau souffle.
Ce constat ne serait pas complet si l’on n’y ajoutait pas le
déséquilibre régional patent qui affaiblit l’homogénéité de notre
société comme cela est le cas pour le grand sud de notre pays.
Ce constat ne serait pas complet si l’on n’y ajoutait pas la
dévalorisation de l’effort, du travail et du compter sur soi au sein de
notre société dans laquelle s’est développé la course à l’argent
faciles, le souci d’accéder à une part de la rente et la mentalité de
l’assistanat.
Ce constat ne serait pas complet, enfin, si l’on n’y ajoutait pas le fléau
des fléaux que constituent toutes les formes de la prédation des
richesses nationales : la corruption, les malversations et la
dilapidation de l’argent public.
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En plus d’être un manquement politique majeur, et une hémorragie
dans le corps de l’économie nationale tous ces fléaux sont
l’expression d’une faillite et d’une déchéance morales.
C’est sans doute, avant tout, à l’ensemble de ces fléaux que sont
dues la perte du système de valeurs et des référents moraux de notre
société.
La crise politique connaitra son règlement ; l’économie nationale se
relèvera de ses échecs et comblera ses retards ; mais toutes ces
ruptures et ces déséquilibres qui affectent si profondément notre
société seront bien plus durs à résorber.
Monsieur le Président,
Honorables invités,
Mesdames et Messieurs les congressistes,
Mesdames et Messieurs,
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J’ai eu l’honneur et le plaisir d’être associé à l’ouverture des congrès
régionaux préparatoires à ce congrès constitutif qui se sont tenus à
Oran, à Béchar, à Constantine, à Ouargla et à Blida. Partout où je me
suis rendu, la même remarque m’était faite et les mêmes questions
m’étaient posées : « nous savons que le pays ne va pas au mieux et
nous savons pourquoi mais parlez nous d’espoir ; y-a-t-il encore de
l’espoir ? Ou sont les sources de l’espoir ? Comment peut-on faire
bon usage de ces sources d’espoir qui nous restent ?
L’espoir et ses sources intarissables sont dans l’histoire même de
notre vieille nation. L’histoire de notre nation elle-même est une
grande leçon d’espoir. Et c’est de cette grande leçon d’espoir que
nous devons tirer tous les enseignements pour le présent et pour
l’avenir. Après chaque échec, après chaque défaite , après chaque
revers, cette nation a toujours su puiser du plus profond d’elle30
même la résilience, la force morale et les ressources inépuisables
qu’elle porte en elle-même pour se relever, résister, triompher des
adversités, continuer à avancer et ne jamais abandonner sa place
parmi les autres nations. Face aux revers, à l’échec, à la défaite ou à
l’adversité.
Cette nation n’a jamais succombé au fatalisme ; elle n’a jamais
accepté le sort contraire ; elle n’a jamais reculé devant l’adversité ; et
n’a jamais refusé un combat que sa survie imposait.
C’est dans l’adversité que cette nation à su toujours trouver les
leviers les plus puissants de son sursaut, de son ressaisissement et de
son renouveau.
Si l’histoire de cette nation est une leçon d’espoir toujours
renouvelée, elle est aussi une leçon de résistance qui ne s’est jamais
démentie.
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L’espoir et ses sources sont aussi dans notre peuple lui-même. Un
peuple comme le nôtre ne cède pas au désespoir ; il n’accepte pas le
pessimisme ; il ne s’attarde pas dans les impasses et par-dessus tout,
il refuse les horizons fermés. Des tragédies et des malheurs ont
frappé notre peuple à travers sa longue et belle histoire. D’autres
peuples que lui ne s’en seraient pas relevés ; mais notre peuple à su
transformer chaque tragédie comme le moment d’un nouveau
départ et chaque malheur comme une occasion pour ressouder ses
rangs et mobiliser ses forces pour aller de l’avant plus déterminé et
plus puissant.
L’espoir et ses sources sont dans toutes ces richesse naturelles
nombreuses et variées dont Dieu le Tout Puissant a doté notre pays
comme autant de bénédictions dont nous n’avons toujours pas su
faire le meilleur usage pour bâtir une économie prospère qui satisfait
pleinement les besoins de notre peuple et répond à ses attentes.
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L’espoir et ses sources sont dans nos concitoyennes et dans nos
concitoyens qui, face aux grands défis, savent unir leurs rangs et leurs
forces et rassembler leurs volontés individuelles en une grande
volonté nationale pour les relever.
L’espoir et ses sources sont dans notre jeunesse à laquelle nous
tournons le dos alors qu’à travers elle c’est un fait à l’avenir que nous
tournons le dos. Toutes les nations du monde considèrent leur
jeunesse comme la plus précieuse de leurs ressources et c’est entre
ses mains qu’elles mettent les clefs de leur devenir. Comme toutes
les jeunesses du monde, la nôtre rêve de créer, de produire et de
construire ; elle aspire à être utile pour la communauté nationale ;
elle rêve de servir la nation et d’être partie prenante dans sa
grandeur.
L’espoir et ses sources sont dans la femme algérienne envers laquelle
toute la société à une dette – la dette de la citoyenneté – dont nous
33
devons nous acquitter pour lui permettre à l’égal de son frère,
l’homme, de réaliser elle aussi ses rêves et ses ambitions pour
l’Algérie ; ses rêves et ses ambitions ne sont pas différents des
nôtres ; ils portent sur un Etat puissant et respecté ; une nation
prospère et unie ; et une sociétés ouverte et tolérante.
L’espoir et ses sources, sont enfin, dans les élites de la nation ; ces
élites ignorées et dédaignées ; ces élites qui font peur alors qu’elles
rassurent ; ces élites marginalisées et exclues ; ces élites que l’on
forme à grands frais pour, ensuite, rapidement se dispenser de leurs
qualifications, de leur expertise et de leur talent.
Voila tous les dépositaires de nos espoirs qui ne peuvent disparaitre
et voila leurs sources nombreuses qui ne peuvent se tarir.
Les motifs de l’espoir sont là. La foi en l’avenir ne s’est pas éteinte.
Les crises auxquelles notre pays est confronté sont nombreuses et
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dangereuses. Mais leur règlement n’attend ni l’homme providentiel
ni des faiseurs de miracles.
Le règlement de toutes ces crises existe ; il est possible sans heurts et
sans ruptures. Ce règlement est en chacun d’entre nous et sa
réalisation est un devoir collectif. Ce règlement est à portée de nos
mains. Il n’exige que la sagesse, la lucidité et le courage des hommes
de bonne volonté. Et c’est par la sagesse, la lucidité et le courage que
se construisent les grandes nations.
Comment les grandes nations se construisent-elles sinon en
accompagnant les mutations de leurs sociétés et en s’employant à
répondre à leurs attentes ? Notre société a connu de profondes
transformations mais notre système politique est resté le même d’où
sa position décalée par rapport à la société et d’où le besoin de
changement.
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Comment les grandes nations se construisent-elles sinon en étant à
l’écoute de leurs peuples, en leurs indignant le chemin du progrès et
en les rassemblant autour d’un projet politique qu’ils acceptent et en
lequel ils croient ? Le régime politique en place dans notre pays
n’est plus porteur d’un projet politique rassembleur et en cela il est
devenu lui-même un obstacle majeur au renouveau politique,
économique et social de notre pays.
Comment les grandes nations se construisent-elles sinon par et pour
le respect de la citoyenneté et des attributs qui lui sont attachés ? La
citoyenneté est le moteur de la construction des Etats modernes.
Aussi longtemps que la citoyenneté sera ignorée ou méprisée dans
notre pays, il ne pourra pas prétendre prendre rang parmi ces
nations avancées.
Comment les grandes nations se construisent-elles sinon par la stricte
observance du choix du peuple souverain dont ses dirigeants tirent
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leur légitimité, leur représentativité et leur crédibilité ? Et c’est
l’alternative démocratique et elle seule qui pourra donner le signal
de départ du renouveau politique, économique et social de notre
pays.
Comment les grandes nations se construisent-elles sinon en se
dotant d’Etats de droit véritables ou la Constitution et les lois sont
respectées, où les institutions sont au service des citoyens, où la
justice est indépendante, où l’administration est impartiale, où tous
les citoyens sont égaux devant la loi et où tout exercice d’une
autorité est soumis au contrôle et à la reddition des comptes ? Sans
un Etat de droit dans notre pays nous continuerons à accumuler les
retards et les échecs comme nous continuerons à nous laisser
distancer par les autres nations qui ont fait le choix des Etats de droit.
Comment les grandes nations se construisent-elles sinon en
s’astreignant aux normes de la bonne gouvernance ? C’est par la
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bonne gouvernance que se gagnent la stabilité politique, la
performance économique et la quiétude sociale.
Comment les grandes nations se construisent-elles sinon dans la
promotion des droits et des libertés au moyen de laquelle des
femmes et des hommes se sentent comme des citoyens à part
entière assumant leurs devoirs mais jaloux de leurs libertés ?
Une société des droits et des libertés est une société dynamique,
épanouie, créative et productive.
Monsieur le Président,
Honorables invités,
Mesdames et Messieurs les congressistes,
Mesdames et Messieurs,
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Ce Congrès Constitutif de Talaiou El Houriyet aura à se prononcer sur
l’ensemble de ces questions comme sur bien d’autres qui concernent
la grave situation dans laquelle se trouve notre pays.
A cette fin, ce congrès adoptera le projet politique de notre parti qui
sera soumis au jugement de notre peuple. De même notre congrès
est appelé à examiner 8 résolutions d’une importance particulière
dans la mesure où elles portent sur des problématiques et des
dilemmes majeurs auxquels notre pays est actuellement confronté.
Dans notre projet politique comme dans ces résolutions nous
établissons des constats ; nous proposons une vision et une
démarche ; et nous formulons des solutions réalistes et praticables.
Notre projet politique sera désormais entre les mains de nos
concitoyennes et de nos citoyens ; ce projet n’a pas été conçu dans
un autre dessein que celui de les servir ; il n’a pas une finalité autre
que celle d’être une contribution de notre part aux côtés des autres
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contributions qui existent et avec lesquelles il converge sur le seul
but qui compte : celui du sursaut patriotique et du redressement
national.
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