La névrite optique idiopathique est la plus fréquente des neuro-
pathies optiques aiguës chez les patients de moins de 45 ans.
Au moins les deux tiers sont des femmes. Dans les zones à haut
risque, telles que l’Europe du Nord et le nord des États-Unis,
l’incidence annuelle est environ de 3 pour 100 000, tandis que,
dans les zones à bas risque, l’incidence est évaluée à 1 pour
100 000. Les patients s’améliorent typiquement en quelques
semaines, quel que soit le traitement administré. Le risque de
SEP certaine après un épisode isolé de névrite optique est esti-
mé autour de 75 % à 15 ans.
L’essai thérapeutique “Optic neuritis Treatment Trial” (ONTT),
un grand essai multicentrique nord-américain lancé au début
des années 1990 afin d’évaluer l’effet des corticoïdes dans les
névrites optiques idiopathiques isolées, a fourni d’importantes
informations sur l’histoire naturelle, le pronostic et le traite-
ment de cette affection (1, 2).
Quatre cent cinquante-sept patients âgés de 18 à 45 ans avec
une névrite optique isolée ont été examinés dans les 8 jours sui-
vant la baisse d’acuité visuelle. Tous ont été suivis sur au moins
6mois. Une cohorte de 388 patients a été suivie durant 5 ans.
Soixante-quinze pour cent étaient des femmes, et l’âge moyen
était de 32 ans. Une douleur, typiquement aggravée par les
mouvements oculaires, était présente chez 92 % des patients.
Le disque optique était œdémacié chez 35 % d’entre eux et
normal chez 65 %. Des déficits du champ visuel étaient fré-
quemment trouvés dans les 30° centraux et incluaient aussi
bien des déficits en arc ou altitudinaux, que des scotomes cen-
traux (2, 3). Le bilan initial, incluant un bilan sanguin compre-
nant sérologies syphilitiques et facteurs antinucléaires, radio-
graphie pulmonaire, IRM cérébrale et ponction lombaire, n’a
que rarement révélé un autre diagnostic que celui de névrite
optique idiopathique. Cette étude a donc conclu que ces exa-
mens complémentaires n’étaient pas nécessaires au diagnostic
de névrite optique idiopathique (4). Néanmoins, pour certaines
populations au sein desquelles l’incidence de maladies inflam-
matoires systémiques est élevée (telles que la sarcoïde chez les
Noirs américains), il peut être justifié de réaliser certains de ces
examens complémentaires avant de retenir le diagnostic de
névrite optique idiopathique (5).
L’ONTT a confirmé que l’IRM est un moyen puissant de prédire
le risque ultérieur de SEP certaine. En effet, les patients ayant
au moins 3 lésions sur l’IRM cérébrale avaient un risque de
SEP certaine de 32 % à 2 ans, tandis que les patients ayant une
IRM normale avaient un risque de 5 % (2, 4). Après cinq ans
de suivi, le risque de SEP était de 51 % chez les patients ayant
au moins 3 lésions sur l’IRM et de 16 % chez les patients ayant
une IRM normale (6). Parmi les patients de l’ONTT ayant une
IRM anormale, d’autres facteurs moins puissants permettaient
de prédire le risque ultérieur de SEP. Il s’agit de l’existence de
symptômes neurologiques non spécifiques survenus avant la
névrite optique (tels que de vagues paresthésies, par exemple)
et d’un antécédent de névrite optique dans l’œil controlatéral
(un antécédent de névrite optique dans le même œil était un cri-
tère d’exclusion et n’a donc pas pu être évalué dans l’ONTT).
Parmi les patients ayant une IRM normale lors de l’évaluation
initiale et aucun antécédent de symptômes neurologiques, les
facteurs augmentant le risque de SEP incluaient la race cauca-
sienne, le sexe féminin, un antécédent familial de SEP, le siège
rétrobulbaire (absence d’œdème papillaire), l’existence de dou-
leurs et un épisode d’infection virale précédant la névrite
optique. L’absence de douleur, la présence d’un œdème papil-
laire et le caractère modéré de la baisse d’acuité visuelle étaient
associés avec un faible risque de SEP dans le groupe de
patients ayant une IRM normale (6).
Le traitement des névrites optiques idiopathiques isolées a
varié au cours des vingt dernières années ; il incluait principa-
lement les corticoïdes par voie orale, intraveineuse ou rétrobul-
baire et les immunoglobulines. L’ONTT a remis en cause la
prescription de corticoïdes par voie orale dans les névrites
optiques idiopathiques (2, 4). Une évaluation “officielle” des
différents essais thérapeutiques incluant des patients avec une
névrite optique isolée a récemment été réalisée par des experts
de l’American Academy of Neurology afin de fournir des
recommandations pour le traitement des patients présentant une
névrite optique inflammatoire idiopathique (1). Dans cette
revue, 24 publications reflétant environ 20 études ont été analy-
sées (la plus grande et la plus importante d’entre elles étant
l’ONTT) (1).
Les patients inclus dans l’ONTT ont été randomisés dans trois
différents traitements : 1) prednisone par voie orale (p.o.)
(1 mg/kg/j) durant 14 jours ; 2) méthylprednisolone intra-
veineuse (i.v.) (250 mg, 4 fois par jour) durant 3 jours, suivie
par prednisone p.o. (1 mg/kg/j) pendant 11 jours ; 3) placebo
p.o. pendant 14 jours. Comparé au placebo et au traitement par
prednisone p.o., le traitement intraveineux était associé à une
récupération plus rapide de l’acuité visuelle mais à aucun béné-
fice à long terme. La plus grande différence en termes de récu-
pération visuelle était maximale durant les deux premières
semaines. Après un an de suivi, il n’y avait aucune différence
significative entre les trois groupes pour ce qui concerne l’acuité
visuelle, la sensibilité aux contrastes, la vision des couleurs et
le champ visuel. Le traitement par prednisone p.o. seule non
seulement n’était d’aucun bénéfice mais était associé à une
augmentation du risque de récidive de névrite optique dans
l’œil initialement atteint aussi bien que dans l’œil controlatéral.
Durant les 2 premières années de suivi, un nouvel épisode de
névrite optique dans l’un des deux yeux est survenu chez 30 %
des patients traités par prednisone p.o. et chez 14 % des
patients traités par voie i.v. (2, 4). Les effets secondaires des
traitements par corticoïdes étaient mineurs, et aucun patient n’a
eu d’effet secondaire persistant, suggérant que la prescription
de corticoïdes à forte dose chez des patients traités en ambula-
toire n’est pas dangereuse (7). La récupération visuelle après
une névrite optique (incluant l’acuité visuelle et le champ
visuel) était rapide et est survenue dans le premier mois chez la
majorité des patients. À 6 mois, 94 % des patients avaient une
acuité visuelle d’au moins 8/10 et 75 % avaient récupéré au
moins 10/10 (8). Ainsi, l’absence de récupération dans le
La Lettre du Neurologue - n° 8 - vol. V - octobre 2001 345