Choc anaphylactique aux corticoïdes : conduite à tenir M

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P O I N T
Choc anaphylactique aux corticoïdes :
conduite à tenir
!
P o i n t s
A. Saraux*, B. Garo**, V. Devauchelle*, P. Le Goff*
f o r t s
" Les manifestations anaphylactiques aux corticoïdes sont rares mais possibles.
" La plupart d’entre elles ne semblent cependant
pas être de nature immune, et sont donc plus
anaphylactoïdes qu’anaphylactiques.
" Le diagnostic de réaction anaphylactique est
sabilité dans de telles manifestations. Pourtant plusieurs rhumatologues de la région de Brest nous ont fait part de leurs
observations de réactions locales (urticaire ou œdème) et générales (urticaire généralisée, bronchospasme ou angiœdème)
après des injections intra-articulaires de corticoïdes, ce qui nous
a incités à réfléchir sur la conduite à tenir dans de tels cas.
EXISTE-T-IL DES RÉACTIONS SYSTÉMIQUES
ANAPHYLACTOÏDES AU COURS DES INJECTIONS DE CORTICOÏDES ?
clinique.
" Le SMUR doit être contacté dès que possible
pour une prise en charge médicalisée.
" Les kits d’injection d’épinéphrine prêts à l’emploi dosés à 1 mg/1ml (Anahelp ® , Anakit ® ) sont
les meilleurs traitements que l’on puisse proposer en attendant le SAMU.
L
es rhumatologues sont les prescripteurs habituels des
corticoïdes, dont ils connaissent bien les effets secondaires à court et long terme. Cependant, parmi les effets
secondaires les moins bien connus, on peut citer les réactions
anaphylactiques (hypersensibilité de type 1), qui peuvent poser
des problèmes spécifiques du fait de leur gravité.
Classiquement, les corticoïdes sont réputés doués de propriétés anti-allergiques, si bien que l’on n’évoque pas leur respon-
* Service de rhumatologie, hôpital de la Cavale-Blanche, CHU de Brest.
** Service des urgences, hôpital de la Cavale-Blanche, CHU de Brest.
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En 1991, Fulcher et Katelaris (1) ont pu retrouver dans la littérature plus de 30 cas de réaction systémique aux corticoïdes.
Parmi ces cas, une grande majorité était secondaire à des injections intraveineuses, mais des observations étaient aussi rapportées après des injections intramusculaires, des prises per
os, des injections intra-articulaires, et même des voies locales
cutanées. Les auteurs notaient que les réactions étaient le plus
souvent secondaires à des stéroïdes chimiquement modifiés et
non à de l’hydrocortisone naturelle, que l’allergie à l’aspirine
pouvait être un facteur prédisposant et qu’il n’y avait pas de
réaction croisée d’un mode d’administration à l’autre (certains
patients qui avaient réagi après des injections intraveineuses
n’avaient pas d’effet secondaire avec des prises orales). Les
manifestations observées étaient essentiellement des rashs
cutanés, le plus souvent urticariens, parfois accompagnés d’angiœdème, de bronchospasme et d’hypotension. Les auteurs
notaient que les tests intradermiques semblaient pouvoir prédire le risque de réaction croisée avec d’autres agents stéroïdes,
même si le nombre de cas était limité.
En pratique rhumatologique de ville, c’est surtout lors des infiltrations que l’on peut craindre les manifestations allergiques
aiguës. Mace et al. (2), en 1997, ont rapporté un cas de choc
anaphylactique induit par une injection intra-articulaire d’acétate de méthylprednisolone et ont revu les cas, publiés précéLa Lettre du Rhumatologue - n° 264 - septembre 2000
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demment, de réaction allergique systémique à la suite d’une
corticothérapie dans la littérature rhumatologique. Ils en ont
recensé 24, dont 18 par voie intra-articulaire. Au moins une
autre observation (3), non citée dans leur revue de la littérature, a été publiée par Larsson en 1989. En outre, quatre observations de réaction systémique allergique au décours d’injections dans les parties molles ont été publiées. Il s’agit, là
encore, d’urticaire, de bronchospasme ou de choc anaphylactique. Les manifestations se sont produites avec divers produits, parmi lesquels on retrouve, outre la méthylprednisolone,
l’hydrocortisone et l’acétonide de triamcinolone.
On constate une bradycardie, une hypotension, et une reprise
rapide de la conscience une fois le malade couché. Après
quelques minutes de repos allongé, la symptomatologie disparaît, la tension artérielle redevient normale, et le patient peut
regagner son domicile, de préférence accompagné.
Au total, on peut conclure que les publications de manifestations anaphylactiques aux corticoïdes sont rares dans la littérature rhumatologique, mais qu’elles existent.
Le diagnostic de réaction anaphylactique est clinique : le
pouls est petit et filant, les extrémités sont rouges et chaudes ;
la tension artérielle est habituellement effondrée, avec une différentielle pincée, mais peut être normale ou élevée dans les
premières minutes. D’autres signes sont parfois présents : urticaire ou érythème diffus, œdème facial, douleurs abdominales,
vomissements et diarrhées. Des difficultés respiratoires peuvent être associées, rapportées à un œdème laryngé ou à un
bronchospasme. La perte de conscience ne survient que tardivement dans les formes sévères. Un arrêt cardiaque peut survenir brutalement et à tout moment.
QUEL EST LE MÉCANISME ÉTIOPATHOGÉNIQUE
DES MANIFESTATIONS ANAPHYLACTOÏDES
AUX CORTICOÏDES ?
Il est très difficile de conclure au vu des publications, sur la
responsabilité de la molécule du dérivé cortisonique injecté.
En effet, dans quelques cas publiés, on note qu’un agent anesthésique ou un autre produit a été administré de façon concomitante. Néanmoins, des cas indiscutables ont été rapportés, y
compris chez des patients asthmatiques aggravés par les corticoïdes seuls. La plupart des réactions ne semblent cependant
pas être de nature immune, c’est-à-dire qu’elles sont plus anaphylactoïdes qu’anaphylactiques, les IgE n’augmentant pas (1).
Seuls les tests intradermiques semblent avoir un intérêt pour
authentifier la responsabilité du produit injecté. Les sulfites
contenus dans certaines préparations pourraient être en cause.
CONDUITE À TENIR EN CAS DE MALAISE AU
COURS D’UNE INFILTRATION (4-6)
La symptomatologie débute habituellement par un malaise de
survenue brutale, en pleine conscience, parfois précédé de
sueurs et de nausées, d’une sensation de chaleur ou de picotements axillaires, et d’une pâleur cutanée.
Il faut alors et rapidement :
– arrêter si besoin l’infiltration en cours,
– allonger le patient,
– surélever ses jambes,
– vérifier l’état de conscience du patient en lui parlant et en le
stimulant,
– prendre le pouls et si possible mesurer la pression artérielle.
Il s’agit le plus souvent d’un simple malaise vagal de survenue brutale (quelques secondes).
La Lettre du Rhumatologue - n° 264 - septembre 2000
Le choc anaphylactique
Le choc anaphylactique est plus rare, mais d’une tout autre
gravité qui justifie la mise en route sans délai d’un traitement
approprié. Les signes cliniques apparaissent en quelques
minutes.
Le traitement du choc anaphylactique est l’adrénaline : le
patient étant toujours en décubitus dorsal, jambes surélevées,
il faut injecter, en intramusculaire ou en sous-cutané, 0,25 à
0,5 mg d’adrénaline. Il existe des kits d’injection d’épinéphrine
prêts à l’emploi dosés à 1 mg/ml (Anahelp®, Anakit®) : une
dose de 0,25 ml peut être injectée, immédiatement et ainsi de
suite jusqu’à trois ou quatre doses en l’absence d’amélioration clinique. Si l’on dispose d’un abord veineux (ce qui n’est
pas le cas au cabinet du rhumatologue, mais à l’arrivée aux
unités d’urgences) et en cas d’échec de l’injection sous-cutanée ou musculaire, il convient de diluer une ampoule d’adrénaline de 1 mg dans 10 ml de chlorure de sodium et d’injecter progressivement le mélange par paliers de 0,5 à 1 ml, toutes
les minutes, jusqu’au rétablissement d’une pression artérielle
satisfaisante.
À tout moment de l’évolution, il faut veiller à la perméabilité
des voies aériennes.
Les corticoïdes n’ont pas d’intérêt immédiat car ils possèdent
une action retardée. Ils n’ont donc pas d’indication et sont
même contre-indiqués dans un tel contexte. Les antihistaminiques n’ont pas d’indication thérapeutique devant un tel
tableau.
Le SMUR doit être contacté dès que possible pour une prise
en charge médicalisée plus appropriée : voie veineuse de gros
calibre, oxygénothérapie par voie nasale à fort débit, apport
de solutés cristalloïdes ou macromoléculaires, traitement par
glucagon à la dose de 1 à 5 mg en intraveineux en cas de traitement par bêtabloquants. Le patient doit être admis en hospitalisation dans un service d’urgences pour une surveillance
d’au moins 12 heures, compte tenu du risque de récidive des
manifestations allergiques.
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L’adrénaline standard doit être présente dans toute trousse
d’urgence. Les kits prêts à l’emploi, d’un coût de 70 à 110 F,
doivent être conservés à l’abri de la lumière et au réfrigérateur à une température comprise entre 2 et 8 °C. Il convient
d’en noter la date de péremption et de les remplacer au besoin.
R
É F É R E N C E S
B I B L I O G R A P H I Q U E S
1. Fulcher DA, Katelaris CH. Anaphylactoid reaction to intraveinous hydrocortison sodium succinate : a case report and literature review. Med J Aust 1991 ;
154 : 210-4.
2. Mace S, Vadas P, Pruzanski W. Anaphylactic shock induced by intra-articular
injection of methylprednisolone acetate. J Rheumatol 1997 ; 24 : 1191-4.
CONCLUSION
Les réactions anaphylactiques sont une urgence médicale qui
justifie la mise en route sans délai d’un traitement approprié.
Les formes graves sont heureusement rares. Au décours d’un
tel accident, la prise en charge rhumatologique du patient doit
être réévaluée et un bilan allergologique envisagé.
"
3. Larsson LG. Anaphylactic shock after intra-articular administration of triamcinolone acetonide in a 35 years old female. Scand J Rheumatol 1989 ; 18 : 441-2.
4. Lachgar T. Choc anaphylactique aux asperges blanches. Le Concours Médical
1999 ; 121 : 14-6.
5. Staikowsky F, Bedock B. Accidents allergiques graves. In : Cours supérieur de
médecine d’urgence. Arnette Ed, Paris : 1999 ; 21-9.
6. Erwan PW. ABC of allergics anaphylaxis. Br Med J 1998 ; 316 : 1442-5.
AUTOQUESTIONNAIRE FMC
Devant un malaise au cours d’une infiltration, on doit :
c. injecter immédiatement un corticoïde i.m. ou i.v.
a. évoquer un malaise vagal
d. rechercher une urticaire et prendre le pouls
b. évoquer un choc anaphylactique
e. appeler le SAMU en cas d’œdème facial
RÉPONSES FMC
a, b, d, e.
AVENTIS PHARMA - ROUSSEL DIAMANT (Arava),
encarté entre les pages 18 et 19 ;`
ASTRA ZENECA (Mopral), p. 2 ;
CHIESI S.A. (Cycladol), p. 26 ;
GRÜNENTHAL (Contramal et Naprosyne),
p. 52 et p. 42 ;
22
MAYOLY SPINDLER (Nabucox), p. 45 ;
MONSANTO FRANCE S.A. (Artotec), p. 23 ;
ROCHE NICHOLAS (Aleve), p. 15 ;
SCHERING-PLOUGH (Remicade), p. 51 ;
WHITEHALL (Caltrate), p. 35.
La Lettre du Rhumatologue - n° 264 - septembre 2000
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