GRET agridoc L’élaboration des droits nationaux sur les ressources génétiques : Quelques illustrations Zone géographique Mots clés Echelle d’action Public(s) cible(s) Tous pays Ressources génétiques, Droit international, Brevets, Semences Cadre légal ; Droit international et national Responsables d’organisations professionnelles, Décideurs politiques Introduction Le principe de la souveraineté des Etats est au cœur de la Convention sur la diversité biologique (CDB), élaborée lors de la Conférence de Rio adoptée au Sommet de la terre à Rio de Janeiro en 1992 et ainsi que du Traité sur les ressources génétiques végétales pour l’alimentation et l’agriculture, récemment négocié sous les auspices de la FAO (novembre 2001). Au titre de ces accords, les Etats disposent de la possibilité de réglementer l’accès aux variétés végétales, mais ont aussi l’obligation de les conserver pour une utilisation durable. La CDB est entrée en vigueur le 29 décembre 1993 et s’applique de façon contraignante à toutes les parties qui l’ont signée (plus de 170 signataires). Le traité signé à Rome n’entrera, lui , en vigueur que lorsque 40 Etats l’auront signé, ce qui devrait être le cas à la fin de 2002. Ces dispositions ont incité de nombreux Etats à élaborer des législations pour protéger leurs ressources et cadrer le partage des bénéfices éventuels née de leur utilisation commerciale. Le mouvement a été sérieusement amorcé depuis 1995 en Asie et en Amérique latine, où tous les grands pays recelant des ressources biologiques sauvages ont produit des textes de réglementation. En Afrique, le mouvement est plus lent à s’engager. La signature du traité, qui confirme le principe de la souveraineté nationale mais précise son application aux plantes cultivées (leur cas n’était pas bien traité par la CDB) va encourager encore plus de pays à négocier des législations. La présente fiche aborde les marges de manœuvre qui existent en la matière du fait de ces conventions internationales et examine deux exemples de législations qui se mettent aujourd’hui en œuvre. Agridoc est un réseau d’information et de documentation financé par le ministère français des Affaires étrangères Comprendre Les ressources génétiques concernées peuvent être classées en au moins six catégories différentes, pour lesquelles les marges de manœuvre liées aux accords internationaux ne sont pas les mêmes : Les variétés issues de la sélection moderne, qui sont ou ont été commercialisées et que l’on peut elles même classer en cinq catégories : Les variétés classiques protégées par un certificat d’obtention végétale (COV), délivré selon les règles de l’UPOV (cf. fiche Gestion des ressources génétiques :le contexte des accords internationaux)1. - Les variétés transgéniques protégées à la fois par un brevet et par un COV ; - Les variétés transgéniques protégées uniquement par brevets ; - Les variétés commerciales qui sont tombées dans le domaine public et ne sont plus protégées2 ; A ces ressources modernes s’ajoutent : Les variétés et cultivars traditionnels, issus de la sélection empirique des agriculteurs, qui, selon les espèces ou les régions du monde peuvent avoir disparu ou au contraire représenter la totalité des surfaces cultivées ; Les espèces sauvages plus ou moins apparentées aux précédentes, et qui représentent souvent le matériau originel à partir duquel les variétés cultivées (protégées ou non traditionnelles ou modernes, dans le même pays ou sur un autre territoire) ont été sélectionnées. Contrairement à ce qui est souvent le cas avec les brevets (encore que tout dépende de chaque législation nationale sur les brevets), la protection UPOV autorise, dans certaines limites, la réutilisation des semences par celui qui cultive une variété (privilège du fermier). De la même façon, une variété protégée par un COV peut être utilisée librement par un tiers pour en créer une nouvelle, si la variété mère n’est pas essentielle dans le patrimoine génétique de la variété dérivée : c’est la réserve de l’obtenteur. Ces deux derniers points fondent toute la valeur de la protection sui generis que les accords de l’OMC autorisent en alternative à un système de brevets, en ce qui concerne les inventions végétales. Concernant les variétés non protégées, les Etats signataires du Traité s’engagent à les laisser circuler librement, et renoncent à réclamer des droits de propriété (sauf éventuellement de modestes frais correspondant à la multiplication des semences). Dans ce contexte, l’élaboration de droits nationaux peut donc concerner : L’accès aux ressources sauvages ou non cultivées, et le partage des avantages qui leur sont liés entre les entreprises qui proposent leur valorisation, le pays, et les communautés paysannes qui ont préservé ces ressources ; L’élaboration d’un droit national des brevets appliqués au vivant, dans le système imposé par l’OMC (si le pays en question est membre de l’organisation). Ainsi, les Accords sur les droits de propriété intellectuelle liés au commerce (Adpic ou Trips) donnent jusqu’à 2006 aux pays signataires pour créer ou renforcer leur législation protégeant les inventions. L’élaboration des conditions d’accès aux variétés cultivées non protégées de leur territoire, en principe libre en vertu du traité signé à Rome, mais sur lequel des nuances continuent à exister. 1 Pour bénéficier le da protection UPOV, une variété doit être : - distincte de toute variété existante notoirement connue - suffisamment homogène - stable - nouvelle (elle ne doit pas avoir été commercialisée avant la date du dépôt de la demande de protection) 2 La durée d’un COV est au minimum de 20 ans pour les espèces annuelles et de 25 ans pour les espèces pérennes. Agridoc est un réseau d’information et de documentation financé par le ministère français des Affaires étrangères Sur les plantes cultivées non protégées, la pratique commune en matière d’échange de matériels génétiques est la réciprocité. L’échange se fait essentiellement à partir de collections rassemblées dans les centres de recherche On parle alors de collections ex situ, pour marque qu’elles ne sont plus exactement dans leur environnement naturel. Sur le plan juridique, cette pratique tend à se formaliser au travers d’accords de transfert de matériel. Parmi les clauses les plus fréquentes de ces accords figuraient jusqu’à présent : l’autorisation d’utilisation du matériel fourni « à des fins de recherche seulement » ; l’interdiction de toute propriété intellectuelle sur le matériel fourni en tant que tel, et parfois sur des gènes identifiés à l’intérieur de ce matériel ; la transmission au fournisseur de matériel des informations scientifiques obtenues à partir de ce matériel ; l’interdiction de transfert à des tiers du matériel génétique fourni ; des clauses de partage des droits de propriété intellectuelle et/ ou de licence obligatoire au fournisseur de la ressource génétique. Désormais, un pays signataire du traité de Rome ne pourra plus, pour les espèces considérées par ce traité, réclamer des droits de propriété intellectuelle pour lui même, mais pour un « fonds spécial multilatéral ». Pour les ressources sauvages, la collecte se fait au contraire in situ, et donne lieu selon les cas ; soit à un accord particulier entre un Etat et une entreprise privée, lui conférant une exclusivité de prospection sur une zone géographique particulière en contrepartie de versements financiers (initiaux et en redevance) ; de contrats d’association pluripartenariale (agences gouvernementales et universités du nord, universités et organisations de développement du Sud, industrie privée), conférant aux partenaires du nord un droit de prospection et d’évaluation du matériel contre redevances, taxes d’accès, équipement et formation, recherche sur des priorités locales. Eclairages L’executive order des Philippines Cette législation a été adoptée le 18 mai 1995. Pour toute prospection de matériel génétique, elle prévoie : l’accord des communautés autochtones selon leurs lois coutumières ; l’obtention d’un « accord de recherche ». Il peut s’agir d’un accord « académique », attribué aux seules Universités et institutions académiques ou de recherche philippines , entités gouvernementales ou entités intergouvernementales reconnues. Toute autre institution ou personne doit obtenir un accord de recherche « commercial ». les dispositions minimales de ces accords de recherche : dépôt aux Philippines du matériel végétal récolté, évaluation écologique de l’état de la région prospectée, information des autorités de « toute découverte si un produit commercial est dérivé d’une telle activité », paiement d’une redevance ou d’autres formes de compensation, participation de chercheurs philippins à l’activité et transfert d’équipements aux philippines aux frais du collecteur « commercial », taxe d’accès fixe. Les Philippines reconnaissent aujourd’hui que cette législation, produite dans l’enthousiasme qui a fait suite à la CDB3, a en fait eu un effet dissuasif auprès des utilisateurs potentiels de ressources génétiques. Particulièrement les institutions du secteur public, peu habituées à cette gestion commerciale de leurs partenariats, se sont détournées des Philippines pour préférer les pays voisins lorsqu’il s’agissait d’établir des relations de partenariat scientifique durable. 3 Encouragés à la fois par certaines ONG qui voyaient là une source de revenus pour les communautés indigènes, et par l’industrie privée, pressée de mettre en place un droit privé sur l’utilisation des ressources génétiques, les pays possesseurs de biodiversité ont largement surestimé la valeur commerciale que représentait pour eux le nouvel « or vert »… Agridoc est un réseau d’information et de documentation financé par le ministère français des Affaires étrangères La taxe fixe, établie a priori à l’égard de tout prospecteur avant même qu’il ne puisse évaluer l’intérêt du matériel génétique en question, a aussi particulièrement freiné les prospections commerciales. Un cade régional d’accès : le pacte andin Le pacte Andin, qui rassemble cinq pays membres (Bolivie, Colombie, Equateur, Pérou et Vénézuéla) a établi de son coté, en 1996, un « système commun d’accès aux ressources génétiques ». Une démarche régionale est particulièrement appropriée sur ce sujet, dans la mesure où les ressources sauvages de la biodiversité (essentiellement celles de l’Amazonie) sont en fait diffuses sur le territoire de ces cinq Etats. L’absence du Brésil, qui a préféré une législation qui lui soit propre, vient toutefois sérieusement restreindre la portée de cet effort. Le texte du pacte Andin prévoie une procédure d’accord préalable à la récolte de matériel génétique, à la fois auprès de l’autorité nationale compétente et des « communautés locales ». Des dispositions encadrent l’information publique, la participation nationale aux recherches. Elles rendent obligatoires un soutien à la conservation et à l’utilisation durable des ressources génétiques et le dépôt de spécimens. Le problème de ce texte réside dans son ambition à couvrir très largement non seulement les ressources sauvages elles–mêmes, mais aussi « leurs dérivés et les ressources génétiques d’espèces migratoires se trouvant pour des raisons naturelles sur le territoire des Etats membres ». Les espèces cultivées se trouvent donc concernées : la liberté d’accès à une partie des collections des Centres internationaux de recherche présents dans les cinq pays pourrait se trouver menacée. Une telle interprétation, en tous cas, serait contradictoire avec le traité signé à Rome. Débattre La signature du Traité sur les ressources génétiques végétales pour l’alimentation et l’agriculture renforce l’intérêt des Etats à se doter de législations nationales, et, pour ceux qui l’ont déjà fait depuis la mise en application de la CDB et de l’accord TRIPPS de l’OMC, à adapter celles ci au nouveau contexte international qu’il crée. Le traité prévoie que l’organe de suivi qu’il met en place devra proposer à la communauté internationale un accord type de transfert de matériel qui marquera plus précisément le droit des échanges des espèces cultivées. L’interprétation des clauses sur les droits de propriété intellectuelle reste aussi à faire. Au sein de chaque Etat (ou de groupes d’Etats qui, comme l’UEMOA, se dotent d’une politique agricole commune), l’espace est ouvert pour la négociation, avec les des organisations professionnelles agricoles, des dispositifs qui devront permettre de veiller à la libre utilisation du matériel reçu des autres pays. Auteur : Didier Pillot Saisie le : 15/12/01 Agridoc est un réseau d’information et de documentation financé par le ministère français des Affaires étrangères POUR ALLER PLUS LOIN Contacts GRAIN Site web : www.grain.org FAO Via delle terme di Caracalla –01100 Rome (Italie) Site web : www.fao.org/biodiversity Union internationale pour la protection des obtentions végétales (UPOV) 34, chemin des Colombettes, CH-1211 Geneva 20 Tel. : (41-22) 338 91 11, Fax ++(41-22) 733 03 36 Site web : www.upov.org Organisation mondiale du commerce (OMC) Rue de Lausanne 154, CH-1211 Genève 21, Suisse Site web : www.wto.org/english/tratop_e/trips_e.htm Solagral Parc scientifique agropolis – Bat 14 Tel. : + 33 (0)4 99 23 22 80, Fax : + 33 (0)4 99 23 22 60 E-mail : [email protected] - Site web : www.solagral.org Référence bibliographique Génomique ; les risques d’appropriation du vivant -Courrier de la Planète n° 57, 2000, III Feyt, H., Sontot A. – Aspects juridiques de la valorisation des ressources végétales – Cahiers Agriculture, vol. 9, n° 5, 403-16, Sept-Oct 2000 Agridoc est un réseau d’information et de documentation financé par le ministère français des Affaires étrangères