– Enfin, 10 à 20 % des familles atteintes de syndrome HNPCC sont également à risque de cancer extracolorectal,
l'affection étant dans ce cas dénommée “cancer family syndrome” (ou syndrome de Lynch II) (1). La plus fréquen-
te de ces tumeurs, l'adénocarcinome de l'endomètre, impose une prise en charge spécifique des apparentés qui est
basée, selon les recommandations de l’ICG-HNPCC, sur l'échographie endovaginale annuelle à partir de l’âge de
30 ans (7). La réalisation d'une hystérectomie prophylactique avec ovariectomie bilatérale peut être également
envisagée chez les femmes porteuses d’une mutation identifiée ou ayant déjà développé un cancer colorectal (1).
Enfin, une surveillance spécifique doit être réalisée dans certaines familles à risque de cancer de l’estomac ou des
voies urinaires.
Cinq gènes délétères, localisés dans différentes régions du génome, ont été identifiés dans le syndrome HNPCC :
hMLH1, hMSH2, hPMS1, hPMS2 et très récemment hMSH6/GTBP (8-10). Le produit de ces cinq gènes forme un
complexe multiprotéique qui assure la reconnaissance, l'excision et la réparation des mésappariements de l'ADN
secondaires aux erreurs de réplication. L'altération de l'un de ces gènes entraîne donc, après inactivation de l'autre
copie, l'accumulation d’erreurs non corrigées dans les tumeurs (9). Ces erreurs sont particulièrement fréquentes
dans les séquences répétitives mono-, di-, tri- ou tétranucléotidiques dénommées microsatellites, ce qui entraîne
l’apparition de nouveaux allèles de taille variable dans la tumeur. L'apparition de ces nouveaux allèles, absents à
l’état constitutionnel, définit l’instabilité génomique ou phénotype RER+ (Replication ERror).
Confirmer l'existence d'un syndrome HNPCC chez un malade atteint de cancer colorectal constitue la première aide
que peut apporter la biologie moléculaire. En effet, si la recherche d'une mutation délétère dans des situations cli-
niquement douteuses est une option trop lourde pour être envisagée d'emblée, la caractérisation du statut RER
constitue à l'évidence une alternative très séduisante. Ainsi, un phénotype RER+ est observé dans 92 à 100 % des
cancers colorectaux liés à un syndrome HNPCC contre seulement 3 à 17 % des cancers colorectaux en apparence
sporadiques. Plus que la simple définition biologique du phénotype RER+ qui repose sur le pourcentage et le type
de microsatellites instables (11, 12), la principale limite de ce test réside dans le fait que s’il permet de reconnaître
un syndrome HNPCC chez un malade atteint, il n’est bien sûr d’aucune utilité pour le diagnostic présymptomatique
des apparentés. De plus, ce test ne possède qu’une sensibilité médiocre pour les autres tumeurs du spectre HNPCC,
en particulier les adénomes colorectaux non transformés (13) et les adénocarcinomes de l'endomètre (14). Enfin,
comme pour toute étude de l'ADN, ce test ne peut être réalisé qu'en l'absence de fixation de la tumeur dans le liqui-
de de Bouin et de préférence à partir de tissu congelé, ce qui doit être indiqué à l’anatomopathologiste ayant en
charge la pièce de colectomie.
Le second apport potentiel de la biologie moléculaire réside dans la possibilité de diagnostic présymptomatique
chez les apparentés lorsque le diagnostic de syndrome HNPCC est confirmé. Bien que les altérations de hMLH1 et
hMSH2 représentent à elles seules près de 90 % des mutations germinales connues (15), l'hétérogénéité génétique
de la maladie rend relativement laborieux ce diagnostic présymptomatique. Cette approche ne peut être simplifiée
par l'étude du phénotype, car il n'existe pas de corrélation nette avec le phénotype, en dehors d'une incidence un
peu plus élevée des cancers extracolorectaux chez les porteurs d’une mutation du gène hMSH2 (16, 17). Enfin, et
surtout, il faut insister sur le fait que la mutation délétère ne peut être détectée que dans 75 % des cas environ et
que, de ce fait, un test négatif ne permet pas d'exclure le diagnostic.
Si ces cinq dernières années ont donc été extrêmement fructueuses pour la compréhension de la génétique du syn-
drome HNPCC, permettant le développement d’outils diagnostiques performants, leur transfert vers la pratique cli-
nique ne semble pas s'être encore complètement opéré. Plus que le manque d’information, c’est sans doute le délai
important lié à toute étude moléculaire qui est en cause, ce qui, par exemple, ne permet pas de guider en semi-
urgence l'attitude chirurgicale face à un cancer du côlon suspect de s'intégrer à un syndrome HNPCC. Les nou-
Éditorial
6
Act. Méd. Int. - Gastroentérologie (12), n° 1, janvier 1998