164 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XIX - n° 3 - mars 2010
ÉDITORIAL
Survivre !
Survive!
F. Scotté 1
1 Service d’oncologie médicale, hôpital européen Georges-Pompidou, Paris.
E
lle vient de terminer son traitement contre le cancer du
sein qui lui avait été diagnostiqué l’année précédente.
À la sortie du cabinet de consultation de son oncologue,
elle reste un peu sonnée par cette nouvelle. Plus de traite-
ment, plus d’allers-retours à l’hôpital, plus de piqûres sur son
bras ou dans son boîtier, que l’on va bientôt enlever, d’ailleurs.
Elle devra faire des examens, régulièrement, plus sérieuse-
ment qu’elle ne l’avait fait avant l’apparition de la maladie.
On lui a prescrit un traitement hormonal, pour continuer à
lutter contre le risque de récidive. Elle a entendu parler de ce
traitement et d’effets secondaires ressentis, et elle a un peu
peur de cette nouvelle thérapie. Sa grand-mère n’en avait
pas reçu au cours de son cancer, mais ce n’était pas le même,
lui a-t-on dit. Une voisine lui en a également parlé. Elle va
chercher des informations sur Internet.
Retrouver ses enfants, son mari…
Elle pense à ses collègues de travail, ceux qui l’ont aidée,
ceux dont elle n’a plus de nouvelles depuis ce fameux jour,
lorsqu’on lui a appris. Il va d’ailleurs falloir qu’elle y retourne, à
ce travail. Quel travail, pour quel avenir, elle qui est si jeune ?
En a-t-elle un, d’avenir ?
Malgré tout, ce soir, elle va fêter cette sorte de renaissance
avec les siens, la vie sans traitement, la vie sans maladie, la
vie…
La vie après le cancer est souvent considérée comme un
nouveau départ par les patients ; elle est parfois même quali-
fi ée de “renaissance”. Ce peut être également un grand saut
vers l’inconnu, nourri d’angoisses et de ruptures, encore des
ruptures.
Ce temps particulier de la prise en charge des patients et de
leurs proches fait l’objet d’une attention particulière depuis
peu de temps et intègre les propositions du Plan cancer 2
récemment présenté.
Comment prendre en charge certaines souffrances expri-
mées, dont les remèdes sont peu connus ? Comment aborder
des plaintes, parfois inavouées, intimes ? C’est au travers de
quelques-unes de ces souffrances potentielles que nous
avons tenté d’aborder ce sujet diffi cile du patient “survi-
vant”. À propos de sémantique, ne pourrait-on pas défi nir
un nouveau terme pour qualifi er ces “héros ordinaires” ? ■
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