73
A l'admission, l'enfant était apathique,
apyrétique. Ses yeux étaient secs, très enfoncés, et
la langue était sèche. Le pli cutané s’effaçait très
lentement. L’enfant était immédiatement classé
comme diarrhéique avec déshydratation sévère.
Par ailleurs, Rosine présentait des signes
d'amaigrissement évident et sévère. Elle n’avait
pas de pâleur palmaire et aucun œdème au niveau
du pied. Les résultats d’une coproculture, réalisée
en urgence lors de l’hospitalisation montraient la
présence de Vibrio cholerae O1. La patiente a été
alors réhydratée par perfusion de soluté de Ringer
au lactate et par de la SRO (et a été traitée par
tétracycline (50 mg/kg) en 3 prises pendant 3 jours
consécutifs. L’évolution a été rapidement favora-
ble avec arrêt des vomissements et normalisation
des selles dès le 2ème jour. 5 jours plus tard, l’enfant
a été transférée au service de pédiatrie pour
récupération nutritionnelle). L'enquête épidémio-
logique n'a pas permis de mettre en évidence le
mode de transmission : aucun séjour en zone
endémique, aucun contact avec des personnes ayant
voyagé récemment en zone d'endémie et/ou atteinte
de troubles digestifs aigus, aucune consommation
d'aliments suspects d'être contaminés (fruits,
poissons, légumes...) lors des jours précédant le
début des signes. Enfin, aucun cas secondaire
recensé dans l’entourage.
DISCUSSION
Douze mois après l'atteinte des Comores (Grande
Comore en février 1998) [3,5], le vibrion a gagné
Madagascar en mars 1999. Le premier cas de
choléra a été suspecté à Mahajanga (partie Nord-
Ouest de l'île) chez un enfant hospitalisé le 22 mars
1999 au Centre Hospitalier Universitaire de
Mahajanga (CHU), Hôpital d'Androva, pour diar-
rhée aiguë, liquide, profuse, accompagnée de vo-
missements et de déshydratation. Les résultats d'une
coproculture, réalisée lors de l'hospitalisation,
montraient la présence de vibrion, identifié par
l'IPM le 26 mars 1999 comme Vibrio cholerae,
sérogroupe O1, biotype Eltor, sérotype Ogawa.
L'épidémie s'est étendue dans la province de
Mahajanga avant d’atteindre la province
d'Antananarivo le 23 avril 1999 [1]. Au 10 juin
1999, 66 cas ont été confirmés bactériologiquement
dans la province de Mahajanga et 8 dans la province
d'Antananarivo. Le nombre total actuel des cas
suspects cumulés notifiés à Madagascar est de
3 706 cas parmi lesquels, on note 215 décès (létalité
globale de 5,8%) [3].
La période de survenue de choléra chez nos 2
fillettes a coincidé avec les 2 semaines d'épidémie
observées dans la courbe épidémique des cas et
décès hebdomadaires suspects de choléra
domiciliés à Antananarivo-ville (semaine du 30
avril-6 mai et du 7-13 mai 1999).
On peut s'étonner du nombre relativement peu
élevé d'enfants atteints de choléra dans notre étude
alors que nous étions en pleine période scolaire :
5 enfants originaires d'Antananarivo, tous âgés de
5 ans, hospitalisés pour diarrhées suspectes sur les
178 admis, soit une morbidité de 2,8 % alors que les
données de la littérature précisent que le choléra
n'affecte que l'espèce humaine et surtout les enfants
[7,8].
Dans une expérience du choléra africain, à propos
de 395 cas observés dans 2 centres de traitement du
Sud Dahomey, Aubry et al [9] ont trouvé 15 enfants
ayant moins de 5 ans sur les 395 enregistrés, traités
pendant la poussée épidémique.
Nous insisterons sur le fait qu'aucun enfant n'est
décédé pendant la période d’étude. Le même constat
a été fait par Aubry et al au Dahomey [9]. On sait que
les problèmes de réanimation sont différents chez
l’adulte et chez les enfants en particulier les moins
de 5 ans, et que chez ces derniers, la mortalité est
plus élevée. Pendant la poussée épidémique, les 5
enfants âgés de moins de 15 ans traités ont été
réanimés au Centre de traitement du choléra avant
d’être transférés en milieu spécialisé (Service de
Pédiatrie de l'hôpital), comme c’était le cas de la
deuxième observation, pour récupération
nutritionnelle. Dans l'observation n°1 rapportée ici,
la consommation des fruits provenant de zone
endémique, le contact avec son oncle, quoique
asymptomatique, mais ayant voyagé récemment en
zone endémique, en étaient fortement et
probablement à l'origine comme il a été écrit dans la
littérature [7]. Le développement des transports
aériens, permettant l'arrivée en pays non endémi-
que de personnes en période d'incubation ainsi que
l'importation d’aliments frais contaminés, jouent
un rôle important dans l'apparition de choléra dans
des pays non endémiques comme cela a été décrit
dans plusieurs pays [10].
Par ailleurs, l'enquête épidémiologique n'a pas
permis d'identifier le véhicule et le mode de
contamination de la seconde observation.
La bactérie responsable du choléra est le vibrion
cholérique, un bacille mobile, Gram négatif, oxydase
(+) appartenant à l’espèce Vibrio cholerae [1].
Le vibrion identifié par l'IPM au cours de l'épi-
démie est V. cholerae sous-groupe O1, biotype Eltor,
sérotype Ogawa. Il s'agit d'un parmi les quelques
155 sérogroupes O identifiés au sein de l'espèce
V. cholerae, responsable d'épidémies de choléra
depuis 1883 [9]. Depuis 1992, des flambées de