Les observatoires de la prise en charge du patient )

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La Lettre du Pharmacologue - Volume 13 - n° 4 - avril 1999
MÉTHODOLOGIE
es contraintes nouvelles dans la définition de l'en-
vironnement de la santé apparues progressivement
depuis dix ans obligent les partenaires du système
de soins à redéfinir continuellement les règles de prise en
charge les mieux adaptées aux patients, aux médecins, à la
Sécurité sociale et aux systèmes d’assurances privées.
L'observation de l'utilisation du médicament en pratique quo-
tidienne doit pouvoir bénéficier de méthodologies fiabilisées
et validées fournissant des résultats sur lesquels puissent s'ap-
puyer médecins, patients, État et industriels du médicament.
Cette observation ne doit pas se limiter au seul médicament.
En effet, la prise en charge des patients par les médecins est
largement influencée par de nombreux paramètres médicaux
(intervention de spécialistes, de l'hôpital…), paramédicaux
(kinésithérapeute, infirmière…), sociaux (type de prise en
charge, arrêt de travail, temps partiel, aide à domicile…) et
individuels (âge, structure familiale…). Il est donc nécessaire
que ces paramètres puissent être enregistrés afin d'évaluer de
façon pragmatique le recours d'un patient aux systèmes de
soins, et de pouvoir envisager un aménagement le plus effi-
cient possible. L'observation des patients doit donc s'inscrire
dans la globalité.
MESURER LA PRISE EN CHARGE DU PATIENT
DANS SA GLOBALITÉ - LE CONCEPT DE L'OBSERVATOIRE
Pour essayer de répondre aux objectifs précédemment définis,
un tel observatoire devrait allier cinq qualités indispensables :
reproductibilité, simplicité, adaptabilité, qualité et standardi-
sation.
La reproductibilité assure la comparaison dans le temps du
“service global apporté” au patient.
La simplicité permet au médecin observateur de réaliser
une observation dans les conditions habituelles de la pratique
médicale sans surcharge de travail excessive.
L'adaptabilité l'autorisera à s'appliquer aux pathologies les
plus diverses.
La qualité de l'information recueillie est bien sûr indispen-
sable.
– La méthode doit être standardisée.
MÉTHODE DES OBSERVATOIRES REPRÉSENTATIFS
DES PATHOLOGIES (ORPTM)
C'est pour répondre aux exigences précédemment définies
que la méthode ORPTM a été développée.
Elle réalise des recueils longitudinaux des paramètres de la
prise en charge de patients présentant des pathologies chro-
niques.
APPROCHE PAR PATHOLOGIE
Le médecin généraliste est, parmi tous les professionnels de
santé, celui qui peut le plus facilement observer (et orienter)
au long cours la prise en charge d'un patient. Sa fonction et le
Les observatoires de la prise en charge du patient
atteint d’une pathologie (ORPTM)
Vers l'établissement de nouveaux standards méthodologiques
M. Childs*, J. Cayet*, E. Desnoyers*, J.L. Lagente*
RÉSUMÉ.
L'observation des pathologies chroniques, et des patients qui en souffrent, dans la réalité de leur prise en charge va devenir incon-
tournable dans une approche globale d'évaluation des systèmes de santé et de régulation de la consommation des soins. De nouvelles
approches méthodologiques structurées sont nécessaires pour mieux connaître les divers paramètres pouvant influencer cette prise en charge,
et le rôle des patients eux-mêmes. La méthode ORP (Observatoire Représentatif des Pathologies) en est une. Ses objectifs, sa méthodologie et
ses limites sont ici décrits.
Mots-clés :
Méthodologie - Prise en charge - Pathologie - Observatoires - Patients - Cohortes.
*MediSCAN, 75002 Paris.
L
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rôle qui lui incombe dans le contexte des réformes qui agitent
aujourd'hui le système de santé en font un pivot incontour-
nable. Cependant, il est important de lui faciliter le travail de
recueil de l'information pour s'assurer de sa collaboration sur
une durée longue et de ne pas modifier substantiellement son
mode de fonctionnement afin d'assurer un recueil non biaisé.
Le choix a donc été de se focaliser sur une seule pathologie.
Cela permet de simplifier le cahier de recueil pour l'intégrer à
l'exercice quotidien du médecin observateur et de se limiter à
un nombre de variables suffisant qui assure une analyse struc-
turée, en temps quasi réel, des modes de prise en charge
propres à une pathologie.
Les critères de base d'un Observatoire représentatif des patho-
logies sont donc les suivants :
réalisation par des professionnels indépendants des autorités
et des industriels ;
altération minime de la relation médecin/malade ;
observation d'une pathologie sans se limiter à l'étude phar-
maco-épidémiologique d'un médicament ;
calcul du nombre d'investigateurs et de patients et modes de
sélection en fonction des objectifs ;
monitorage et audit systématique des participants ;
–respect des contraintes éthiques et réglementaires ;
comité scientifique indépendant contrôlant les différentes
phases de l'observatoire ;
rémunération suffisante mais non excessive des médecins
participants.
Ainsi la méthode ORPTM ne se limite-t-elle pas à l'étude de la
prescription d'un médicament, mais s'ouvre à l'observation du
couple médecin/malade, sans biais de critères de sélection
pour les médecins ou pour les patients, dans une réalité quoti-
dienne globale. Elle a été développée par un comité scienti-
fique et médical multidisciplinaire dégageant, après une
réflexion et une stratégie, des objectifs communs à l'exploita-
tion des résultats.
DESCRIPTION DE LA MÉTHODE ORPTM
Description des cohortes observées
Au niveau national, une cohorte de 150 praticiens repré-
sentatifs de l'ensemble des médecins français observe
1500 patients.
Au niveau régional, 3 300 médecins observent
20 000 patients ; les médecins et les patients sont répartis
dans les vingt-deux régions sanitaires françaises afin de per-
mettre une description de chacune des régions (soit 150 méde-
cins pour chacune des 22 régions).
Les patients sont observés longitudinalement pendant un
minimum de 4 mois et ensuite cette période peut être renou-
velée par des multiples de 4 mois.
La comparaison de ces cohortes permet l’évaluation des dif-
férences de prise en charge interrégionales ; en effet, la nature
du recours aux soins et le besoin de prise en charge sont sou-
vent différents d’une région à l’autre.
Sélection des médecins
Pour l'observatoire national, un échantillon de médecins géné-
ralistes est tiré au sort sur des listes générales (par exemple :
fichier de La Poste, Guide Rosenwald…) ; la méthode des
quotas est appliquée à l'échantillon, selon les critères de repré-
sentativité suivants : sexe, âge (avec 4 tranches : < 40 ans,
40/50 ans, 50/60 ans et > 60 ans), répartition géographique
(22 régions administratives), mode d'exercice (secteur 1 ou 2)
et éventuellement la ruralité. Le recrutement s'effectue ensuite
par téléphone, dans l'ordre du tirage au sort. Pour les observa-
toires régionaux, les médecins sont recrutés après tirage au
sort sur des listes régionales (par exemple : fichier TVF…).
Sélection des patients
Chaque médecin inclut les patients présentant la pathologie
concernée en se référant à ses propres critères diagnostiques,
que cette pathologie soit ou non à l'origine de la consultation
et qu'elle soit ou non traitée. L'inclusion des 6 ou 10 patients
prévus (6 pour les cohortes régionales, 10 pour la cohorte
nationale) se fait consécutivement tout au long de ses consul-
tations, à partir d'une date transmise par téléphone. Afin
d'avoir des données les plus proches possibles de la réalité, le
seul critère d'exclusion est sa participation à un essai théra-
peutique.
Recueil des données
À l'inclusion de chaque patient, le praticien remplit une fiche
d'inclusion, puis, chaque fois que le patient est revu, une fiche
de suivi est complétée. Enfin, une fiche de synthèse est rem-
plie tous les quadrimestres pour les patients de l'observatoire
national.
La fiche d'inclusion recueille des informations dans les
domaines suivants : situation sociale, symptomatologie, his-
toire de la pathologie, antécédents personnels et familiaux,
rôle du médecin traitant dans la découverte de la pathologie,
prise en charge antérieure et actuelle de la pathologie.
La fiche de suivi est remplie à l'issue de toutes les consulta-
tions ou visites au cours desquelles la pathologie est évoquée,
directement ou indirectement, qu'elle soit ou non l'objet prin-
cipal de la consultation et qu'il y ait ou non modification de la
prise en charge du patient à l'issue de cette dernière. Les don-
nées ainsi recueillies portent sur les modifications de la situa-
tion professionnelle, l'évolution de la pathologie, le recours à
d'autres soins depuis la précédente consultation, la prise en
charge du médecin généraliste et ses raisons, la satisfaction du
patient (questionnaire rempli par le patient lors de la consul-
tation) et du médecin.
La fiche de synthèse indique les raisons d'un éventuel arrêt de
suivi du patient.
Monitorage, contrôle de la qualité et audit
Après le recrutement de chaque médecin observateur, il lui est
envoyé un manuel opératoire décrivant précisément chaque
phase de l'observatoire. Le monitoring des médecins est assu-
ré téléphoniquement, par une équipe spécialement formée, qui
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vérifie que les médecins ont bien compris les buts et les pro-
cédures de l'observatoire, et qui contrôle les fiches d'observa-
tion. Les télémoniteurs assurent, dès réception des fiches, une
première correction des incohérences flagrantes, et réalisent
le suivi des données incomplètes ; ils sont en contact perma-
nent avec les médecins observateurs tout au long de la période
de suivi.
De plus, au moins 5 % des médecins participant à l'observa-
toire national et 3 % des médecins participant aux observa-
toires régionaux sont audités sur site par des moniteurs des
observatoires afin de confronter certaines données du cahier
d'observation avec celles du dossier de consultation du
patient.
Enfin, la réalisation des différentes phases de l'observatoire
est validée par un comité scientifique indépendant.
“Data management” (analyse statistique)
Le “data management” est effectué selon les normes de qualité
des essais cliniques.
La taille de la cohorte nationale, déterminée selon des critères
statistiques a priori, permet de définir comme cliniquement
intéressants tout événement ou toute caractéristique ayant une
fréquence de survenue d'au moins 5 %, et comme clinique-
ment significatifs tout événement ou toute caractéristique
ayant une incidence d'au moins 10 %. Au niveau régional,
l'objectif poursuivi est la comparaison interrégionale des
caractéristiques des populations et des grandes stratégies de
prise en charge.
Aspects réglementaires
Les conventions proposées aux médecins pour participer à un
observatoire et leurs honoraires sont communiqués et soumis
au Conseil national de l'Ordre des médecins. La rétribution
proposée est liée au temps de remplissage moyen des cahiers
d’observation ; elle est environ l’équivalent de celle d’une
consultation conventionnée pour la visite initiale, et d’une
demi-consultation pour les visites de suivi. Le montant des
honoraires a été choisi pour qu’il ne soit pas la motivation
principale de la participation du médecin, et qu’il soit consi-
déré comme un dédommagement.
Les observatoires n’entrent pas dans le cadre de la loi Huriet
puisqu'ils ne modifient pas la relation médecin/patient.
La gestion informatique des données sur les patients de la
cohorte impose que le médecin signale à son patient sa parti-
cipation à l'observatoire, pour accord. Les patients reçoivent
ainsi les informations réglementaires prévues par la loi, et une
procédure d'accès aux données doit être mise en place.
Financement des observatoires
Les financements sont recherchés auprès des laboratoires
pharmaceutiques, des associations de médecins, des associa-
tions de patients et des payeurs (mutuelles ou assurances).
LIMITES DE LA MÉTHODE ORPTM
Toute méthodologie est un choix lié à l'objectif poursuivi, et
qui définit ses forces et ses limites. Les limites de cette métho-
de sont donc liées à ses choix méthodologiques, principale-
ment le choix du médecin généraliste comme observateur
dans les conditions les plus proches possibles de sa
pratique quotidienne. Ainsi, le recours aux autres médecins
n'est observé, le plus souvent, que de manière globale.
L'autoconsommation et l'observance du patient de même que
le rôle du pharmacien ne peuvent être évalués.
CONCLUSION
L'observation du recours aux soins des patients et l'évaluation
des stratégies de prise en charge prendront de plus en plus d'im-
portance pour les décisions réglementaires (AMM,
Commission de la transparence) et administratives (Sécurité
sociale et Comité économique du médicament), mais aussi
pour les autres acteurs de la santé (laboratoires pharmaceu-
tiques, groupements professionnels, associations de patients).
Dans ce cadre, la méthode ORPTM représente une nouvelle
approche structurée visant à mieux connaître un ensemble de
paramètres pouvant influencer la prise en charge des patients
chroniques et leur consommation de soins. Aujourd’hui, les
premières mises en œuvre de la méthode ont eu lieu grâce au
financement de laboratoires. L’hypertension et la migraine sont
en cours d’étude, et d’autres pathologies sont déjà planifiées.!
POUR EN SAVOIR PLUS...
Bégaud B. Dictionnaire de pharmacoépidémiologie. Éditions ARME-pharma-
covigilance, Bordeaux 1995.
–Jaillon P., Charpak Y., Puech A., Bégaud B. Critères d’évaluation des protocoles
d’enquêtes pharmacoépidémiologiques réalisées auprès des médecins praticiens.
La Lettre du Pharmacologue 1996 ; 10, 7 : 144-6.
COMITÉ SCIENTIFIQUE
M. P. Aigrain, ancien ministre de la Recherche
et de l’Industrie (Président). Pr P. Amouyel, épidé-
miologue généticien, Institut Pasteur, Lille.
M. F. Fagnani, économiste de la santé, CEMKA,
Bourg-la-Reine. Pr E. Vicaut, service de biostatis-
tique, Hôpital Lariboisière, Paris.
Les articles publiés dans La Lettre du Pharmacologue le sont sous la seule responsabilité de leurs auteurs.
Tous droits de reproduction, d'adaptation et de traduction par tous procédés réservés pour tous pays.
© février 1987 - EDIMARK S.A.
Imprimé en France - Differdange S.A. - 95110 Sannois - Dépôt légal 2etrimestre 1999
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