Délit d'im@ges
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était à genoux. En acceptant la reddition, Lee sauvait ce qui pouvait l’être encore. Antietam aura
été une grande victoire sudiste, mais à quel prix ? Les victoires de Fredericksburg et de
Chancellorsville avaient été des victoires à la Pyrrhus. Ce sont des vainqueurs en guenilles. Lee
dira : « Il ne me reste rien d’autre à faire que d’aller rencontrer le général Grant. Et je préférerais
mille morts que d’avoir à faire ça. Mais c’est notre devoir de vivre. »
— Dans votre ouvrage, vous rappelez judicieusement les innombrables crimes de guerre
commis par les Nordistes dans le Sud, ainsi que l’ignoble politique de « rééducation » qui y
fut appliquée par Washington. En œuvrant malgré tout pour la réconciliation, Lee n’a-t-il pas
fait preuve de naïveté ?
— Il n’avait peut-être pas mesuré le degré de haine qui animait Lincoln et son entourage. Mais, là
encore, il espérait une paix honorable entre soldats, tablant sur la loyauté des officiers qui, tous,
avaient été ses condisciples à West Point, puis dans les guerres qui suivirent. C’était compter
sans les politiciens nordistes qui, non contents d’organiser le pillage du Sud, voulaient rééduquer
les Sudistes, ces « ploucs arriérés ». Il interviendra plusieurs fois pour protéger les siens des
exactions génocidaires des Yankees. Souvent avec succès. Avec ce résultat que le Sud n’a rien
perdu de ses convictions. Aujourd’hui, quand vous allez dans le Dixieland, vous n’avez pas
l’impression – et tout au contraire – que le Sud a été vaincu.
— Au regard de celle d’un Jefferson Davis, refusant jusqu’à sa mort de prêter serment à
l’Union, comment l’attitude de Lee fut-elle – et est-elle – perçue par les partisans de la
Confédération ?
— A la différence de Lee, qui fut intouchable après la reddition, Jefferson Davis fut
ignominieusement traité par les vainqueurs. Il fut arrêté, jeté en prison les fers aux pieds dans une
cellule froide et humide. Le témoignage de sa femme est éloquent à cet égard : « Les murs
détrempés, la nourriture trop mauvaise pour être mangée, le manque de sommeil dû aux rondes
incessantes des sentinelles autour de la cage de fer, la lumière jamais éteinte, tout cela rendit mon
mari brûlant de fièvre et épuisa rapidement ses forces. » Il ne tentera jamais, comme cela lui fut
offert, de récupérer sa citoyenneté américaine, ce qui est tout à son honneur. L’attitude de Lee,
qui eut (comme sa femme encore plus ultra que lui sur le sujet) des positions de rupture avec les
nouveaux maîtres, est aujourd’hui perçue dans le Sud comme la tentative désespérée de ne pas
ajouter du malheur au malheur.
— Bien que figure emblématique du sud et de ses valeurs, le général Lee est également
honoré par un Nord mercantiliste et peu amène avec les vaincus. Comment expliquez-vous
ce phénomène ?
— Par la stature même de Lee, surnommé « l’homme de marbre ». Il ne faut pas oublier que,
pendant la guerre, le Nord ne fut pas unanimiste contre le Sud. Il y eut même, à commencer par
New York où éclatèrent des émeutes sanglantes contre le gouvernement fédéral, de nombreuses
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