8-000-C-10 Classification et modes de transmission des virus humains H. Agut, S. Burrel, D. Boutolleau Les virus sont des entités biologiques originales définies par leur structure et leur mode de réplication à l’intérieur des cellules hôtes. Le Comité international de taxonomie virale (ICTV) a élaboré une classification universelle des virus, fondée sur ces propriétés et définissant des niveaux taxonomiques de hiérarchie décroissante allant de l’ordre à l’espèce. Cette classification inclut actuellement sept ordres, plus de 100 familles, plus de 300 genres et plusieurs milliers d’espèces de virus différents infectant les animaux, homme inclus, les plantes et les bactéries. La structure et la stratégie de réplication des différents virus humains permettent de comprendre en partie leur mode de transmission. Les sources de virus sont dans ce cas les êtres humains eux-mêmes et certains animaux infectés. La transmission est soit horizontale, d’un sujet infecté à un sujet non infecté par propagation de particules virales ou de cellules infectées, soit verticale, des parents aux enfants par le biais d’une infection préalable des cellules germinales. Les virus pénètrent dans l’organisme par diverses voies, en infectant les muqueuses digestives, respiratoires, génitales, oculaires et en franchissant la barrière cutanée à travers des brèches accidentelles, ce qui permet ainsi leur inoculation directe dans le milieu intérieur. La barrière d’espèce, de définition imprécise, limite cette transmission mais n’est pas une protection absolue et son franchissement peut conduire à des émergences virales. La connaissance des voies et des fréquences de transmission est importante pour définir les mesures de prévention. © 2016 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Mots-clés : Taxonomie ; Structure ; Réplication ; Épidémiologie ; Prévention Plan ■ Introduction 1 ■ Structure et réplication des virus Structure virale Réplication virale intracellulaire Réplication dans l’organisme humain 2 2 2 3 ■ Classification des virus Systèmes de classification virale Taxonomie et nomenclature des virus humains 3 3 5 ■ Transmission des virus Sources des virus Mode de transmission Prévention de la transmission 6 6 7 9 ■ Conclusion 9 Introduction Dès l’émergence de la virologie comme discipline autonome, la classification des virus, c’est-à-dire leur regroupement en ensembles partageant des propriétés communes et portant le nom générique de taxons, est apparue indispensable mais nécessairement distincte de celle en vigueur dans les autres domaines de EMC - Maladies infectieuses Volume 13 > n◦ 2 > mai 2016 http://dx.doi.org/10.1016/S1166-8598(16)73602-7 la biologie. Cette classification s’est fondée initialement sur le pouvoir pathogène des virus, leur tropisme pour certains organes et leurs caractéristiques épidémiologiques, puis sur leurs propriétés physicochimiques et moléculaires. À cette classification, on a associé une nomenclature correspondant aux différents niveaux hiérarchiques du système de taxonomie virale. Ce système permet d’appréhender de façon unique un virus donné, de l’identifier sans ambiguïté que l’approche soit clinique, épidémiologique ou moléculaire, de le nommer en maintenant l’homogénéité des connaissances en virologie, et d’intégrer logiquement dans cette classification les nouveaux virus au fur et à mesure de leur découverte. Si elle valide et impose l’usage de la nomenclature associée, la taxonomie virale n’est pas supposée traduire à l’origine l’existence de relations phylogénétiques entre les différents taxons, car l’origine commune des virus ne peut être affirmée dans l’état actuel des connaissances. Le mode de transmission des virus est un aspect essentiel de leur épidémiologie. Interviennent entre autres dans ce processus la nature de la source de virus et de la porte d’entrée dans l’organisme humain, le caractère direct ou indirect de la transmission, l’importance de la charge infectieuse transmise. On distingue également les virus à transmission interhumaine stricte et ceux qui infectent aussi d’autres animaux. Dans ce deuxième cas, l’existence d’un réservoir animal et la voie particulière de transmission à l’homme, qu’il s’agisse de morsure, piqûre par un arthropode, inhalation ou ingestion de déjections 1 8-000-C-10 Classification et modes de transmission des virus humains animales, confèrent des caractères épidémiologiques spécifiques. À l’extrême, le franchissement de la barrière d’espèce par un virus ayant jusque-là épargné les êtres humains conduit parfois à une émergence virale, c’est-à-dire l’installation durable d’une forme d’infection humaine par ce virus. Dans ce phénomène, interviennent aussi fréquemment des changements plus ou moins brutaux des paramètres environnementaux. À l’intérieur d’une famille virale définie au sens taxonomique, les modes de transmission sont souvent différents. À l’opposé, des virus ayant un mode de transmission identique tels les arbovirus peuvent appartenir à des familles virales différentes. Tant la taxonomie que le mode de transmission sont dépendants des propriétés structurales et réplicatives des virus. La connaissance de ces propriétés est donc indispensable pour comprendre à la fois la classification et l’épidémiologie des virus humains. Par définition, sont exclus du présent texte les prions ou agents transmissibles non conventionnels responsables d’encéphalopathies spongiformes, les viroïdes et les acides nucléiques satellites transmissibles qui ne sont pas des virus au sens propre. Structure et réplication des virus “ Point fort Structure et classification des virus • Les particules virales ou virions ont une structure physicochimique simple constituée d’un seul type d’acide nucléique, d’une capside et, pour les virus enveloppés, d’une enveloppe ; cette structure les distingue de tous les autres micro-organismes pathogènes et des cellules eucaryotes. • Les virus se multiplient par une réplication des composants à l’identique qui est observée exclusivement à l’intérieur d’une cellule hôte et est distincte de la reproduction par division binaire des autres entités biologiques. • La structure et les mécanismes moléculaires de réplication des virus sont les fondements de la classification actuelle des virus et de leur nomenclature. • Dans la classification établie par le Comité international de taxonomie virale (ICTV), les différents niveaux hiérarchiques de classification virale sont, par ordre décroissant : les ordres, les familles, les sous-familles, les genres et les espèces. • Malgré le fait qu’elle tient peu compte a priori des propriétés physiopathologiques virales, la classification des virus est devenue un outil indispensable pour la compréhension et la prise en charge des infections virales humaines. en fonction de la longueur du génome mais, dans la plupart des cas, restreinte quand on la compare à celle des génomes des micro-organismes procaryotes ou eucaryotes. Le génome à ADN bicaténaire de certains mégavirus peut certes avoir une longueur dépassant un million de nucléotides mais, là encore, fait figure d’exception. Les génomes des virus à ADN sont constitués généralement de deux brins complémentaires, excepté ceux des Parvoviridae, des Anelloviridae et des Circoviridae qui sont faits d’un seul brin. Les génomes des virus à ARN sont constitués généralement d’un brin, excepté celui des Reoviridae qui est fait de deux brins complémentaires. La variabilité génétique des virus à ARN est, en général, beaucoup plus grande que celle des virus à ADN. Cette variabilité permet des adaptations multiples mais se révèle inversement un obstacle pour maintenir la viabilité de longs génomes continus du fait de l’accumulation possible de mutations létales. Cela expliquerait deux caractéristiques des génomes à ARN : leur taille restreinte et l’existence de génomes fragmentés qui permettraient, par complémentation et réassortiment entre fragments, de contrer l’apparition de mutations létales. La capside est un ensemble de protéines associées à l’acide nucléique, l’ensemble constituant la nucléocapside. La capside est l’assemblage de multiples copies d’un petit nombre de protéines différentes. Selon l’agencement de ces protéines autour de l’acide nucléique, on distingue deux types de capside. Dans les capsides à symétrie hélicoïdale, les protéines engainent l’acide nucléique enroulé en hélice, l’ensemble ayant une structure tubulaire. Dans les capsides à symétrie cubique, les protéines forment un polyèdre régulier, qui a les propriétés de symétrie d’un icosaèdre et contient en son sein le génome viral. Certaines capsides virales, comme celle du virus de l’immunodéficience humaine (VIH), ont une structure complexe qui n’entre dans aucune des deux catégories. L’enveloppe, dérivée des membranes cellulaires, est constituée principalement de phospholipides et a un impact notable sur la transmission des virus. En effet, la structure la plus externe d’une particule virale, capside ou enveloppe selon le cas, détermine l’infectiosité et le tropisme cellulaire des virus car elle porte les molécules permettant la fixation aux récepteurs cellulaires spécifiques. La stabilité de ces structures d’attachement conditionne donc le succès de l’infection virale qui va suivre. L’enveloppe des virus enveloppés est fragile car sa nature lipidique la rend très sensible à l’action de la dessiccation, de la chaleur, des pH extrêmes et des solvants des lipides tels que les détergents. La capside protéique est beaucoup plus résistante : ainsi les virus nus exigent pour être inactivés des agents chimiques agressifs tels que les dérivés chlorés, iodés ou les aldéhydes [1] . Les virus enveloppés conservent donc mal leur infectiosité dans le milieu extérieur ou dans des compartiments particulièrement hostiles de l’organisme tels que le tube digestif. À l’opposé des virus nus, leur transmission nécessite des contacts interhumains directs ou rapprochés, survenant dans un délai court. Cette règle générale a cependant des exceptions. Les Poxviridae et, dans une moindre mesure, les Hepadnaviridae sont des virus enveloppés plus résistants, vraisemblablement du fait d’une structure particulière de leur enveloppe, de sa richesse en protéines et de ses interactions avec le fluide biologique environnant. Réplication virale intracellulaire Structure virale Les particules virales, encore appelées virions, sont de petites structures biologiques, ayant en général de 20 à 300 nanomètres de diamètre, leur taille pouvant être exceptionnellement plus grande et dépasser le micromètre dans le cas de certains mégavirus. Quelle que soit leur taille, elles ont une structure spécifique comportant trois éléments caractéristiques : l’acide nucléique, la capside et l’enveloppe, cette dernière étant présente seulement pour les virus enveloppés et absente des virus nus. L’acide nucléique est d’un seul type pour un virus donné, acide désoxyribonucléique (ADN) ou acide ribonucléique (ARN), ce qui permet de distinguer deux grands ensembles, les virus à ADN et ceux à ARN. Cet acide nucléique porte l’information génétique spécifiquement virale. Cette information est de taille variable 2 Les virus ont impérativement besoin d’infecter une cellule pour être répliqués [2, 3] . Leur structure rudimentaire ne contient pas de système de biosynthèse ni de source d’énergie suffisants pour assurer leur réplication de façon autonome. Les virus se multiplient à partir de leur seul matériel génétique par un processus de réplication et d’autoassemblage, et non pas par croissance et division binaire comme les bactéries ou les cellules. Le génome viral, libéré dans la cellule hôte, dirige la fabrication de protéines virales et sa propre réplication en pratiquant un détournement des synthèses cellulaires. Les composants viraux s’associent entre eux par un processus d’autoassemblage. L’acquisition de l’enveloppe se fait par bourgeonnement de la nucléocapside à travers une membrane de la cellule. Ce processus aboutit à la construction et la libération de nouvelles particules virales en tous points semblables à la particule virale de départ. EMC - Maladies infectieuses Classification et modes de transmission des virus humains 8-000-C-10 Chaque virus a un tropisme particulier pour un type cellulaire donné. La cellule cible présente à sa surface un ou plusieurs récepteurs spécifiques sur lesquels se fixe le virus avant sa pénétration dans la cellule. La présence de ce ou ces récepteurs définit la sensibilité cellulaire à l’infection virale. La présence de cofacteurs cellulaires susceptibles d’aider le déroulement du cycle de fabrication du virus définit la permissivité cellulaire vis-à-vis de l’infection virale. La transcription des ARN messagers (ARNm) et la réplication du génome viral mettent souvent en jeu des enzymes spécifiques qui n’existent pas dans la cellule non infectée et sont nécessairement codées par ce génome. C’est le cas en particulier pour les virus à ARN, seuls représentants de la biosphère ayant cette forme d’acide nucléique pour conserver et transporter l’information génétique. Les ARN génomiques viraux ont une polarité positive quand ils portent les mêmes séquences nucléotidiques que les ARNm qui en dérivent et peuvent donc en théorie être immédiatement traduits en protéines par les ribosomes cellulaires. Les ARN génomiques viraux sont de polarité négative s’ils ont des séquences nucléotidiques complémentaires de celles des ARNm et nécessitent d’être transcrits par une ARN-polymérase (ou transcriptase) virale pour aboutir à l’expression protéique. Les virus à ADN, quant à eux, utilisent de façon variable les enzymes cellulaires. Ces stratégies de transcription et de réplication virales sont complémentaires des données structurales pour la classification des virus. Réplication dans l’organisme humain L’organisme humain est un ensemble complexe de tissus différents, protégés par l’action du système immunitaire. De multiples facteurs interviennent donc dans l’évolution de l’infection et dans la genèse des maladies associées. Cependant, l’infection virale dans ses grandes lignes se décrit par quelques schémas simples qui permettent eux aussi de distinguer les différents virus entre eux [4] . Après pénétration dans l’organisme, le virus se multiplie près de la porte d’entrée, dans un site primaire. L’infection peut ne pas dépasser ce site ou les tissus voisins, et on parle alors d’infection localisée. Les infections respiratoires par les virus grippaux ou les rhinovirus en sont de bons exemples. L’infection peut s’étendre par voie sanguine, lymphatique ou nerveuse, et atteindre un organe cible à distance du site primaire de multiplication. Il s’agit alors d’une infection généralisée, illustrée par les exanthèmes viraux et les hépatites virales où l’organe cible, ici la peau ou le foie, est atteint après la multiplication virale primaire dans le tractus digestif ou respiratoire, suivie d’une virémie. Les signes cliniques résultant par définition de l’atteinte de l’organe cible, la période d’incubation est ainsi plus longue pour les infections généralisées que pour les infections localisées. L’excrétion virale s’effectue à partir du site primaire, puis de l’organe cible. Finalement, l’action du système immunitaire inhibe la multiplication virale et aboutit à la guérison de l’infection, à moins que des lésions de l’organe cible n’aient été rapidement létales. Après la phase aiguë, l’infection virale peut persister sous forme chronique ou latente. Un des mécanismes invoqués est l’équilibre entre la production virale induisant l’infection de nouvelles cellules et la destruction par le système immunitaire des cellules infectées. Un autre mécanisme est la persistance du génome viral au sein du génome cellulaire avec une expression très faible ou nulle des gènes viraux. L’intégration par liaison covalente aux chromosomes cellulaires est réalisée par les Retroviridae pour lesquels la transcription inverse de l’ARN en ADN et l’intégration sont des étapes obligées du cycle de multiplication virale. Dans la majorité des autres cas, il n’y a pas d’intégration vraie mais une ou plusieurs copies du génome viral persistent de façon indépendante, souvent sous forme épisomale, dans le noyau cellulaire. Cette forme de persistance survient quasi exclusivement pour les Herpesviridae, mais il faut noter qu’une intégration chromosomique vraie de l’herpèsvirus humain 6 (HHV-6) est observée chez environ 1 % de la population générale [5] . Quel que soit son mécanisme, cette persistance du génome viral peut conduire à des réactivations ultérieures avec expression de l’ensemble des gènes viraux et production de virus infectieux. EMC - Maladies infectieuses Classification des virus Systèmes de classification virale Les propriétés prises en compte pour établir la classification des virus sont diverses : • morphologiques : la taille et la forme des particules virales, la présence d’une enveloppe, la symétrie de la capside ; • génomiques : la nature de l’acide nucléique viral, sa longueur, sa séquence nucléotidique, son organisation génétique et son mode de réplication ; • physicochimiques : la masse de la particule virale, sa densité, le coefficient de sédimentation ou la sensibilité à certains agents inactivateurs ; • biologiques : le tropisme cellulaire ou tissulaire du virus, son pouvoir pathogène chez l’homme ou l’animal, son antigénicité ; • épidémiologiques : la transmission par un vecteur. Ainsi, la taxonomie tient compte de la variabilité bien connue des virus en ne faisant pas dépendre leur classification d’un seul paramètre [6, 7] . S’il n’y a pas a priori de hiérarchie définie dans cet ensemble de propriétés, l’analyse moléculaire, incluant notamment les comparaisons de séquences nucléotidiques, a supplanté progressivement les caractéristiques biologiques. Certaines classifications fondées seulement sur les propriétés biologiques sont cependant conservées en marge de la taxonomie habituelle pour leur valeur informative en médecine : par exemple le groupe des arbovirus qui rassemble les virus de familles distinctes qui sont transmis par les arthropodes (arthropod-borne virus). Parmi les différents modes de classification qui ont jalonné l’histoire de la virologie, deux d’entre eux méritent d’être décrits plus précisément parce qu’ils sont complémentaires et toujours utilisés actuellement. La classification élaborée en 1971 par Baltimore est fondée sur la nature moléculaire du génome viral et les mécanismes conduisant à la transcription des ARNm viraux [8] . Sept classes, désignées par des nombres romains, sont définies d’après la nature et le nombre de brins de l’acide nucléique du virus, son caractère éventuellement segmenté, sa polarité dans le cas des virus à ARN et son association à une transcriptase inverse (Fig. 1). À peu près simultanément, l’ICTV a mis en œuvre et développé un mode de classification plus ambitieux qui s’applique à l’ensemble des virus des bactéries, des plantes et des animaux [9] . L’ICTV publie régulièrement des mises à jour de cette classification qui est devenue la référence en taxonomie virale. Elle se fonde sur plusieurs niveaux de taxons classés selon une hiérarchie décroissante : l’ordre, la famille, la sous-famille, le genre et l’espèce. Ces niveaux permettent de regrouper des virus à partir de propriétés qui leur sont communes et les distinguent spécifiquement d’autres groupes de virus occupant un niveau hiérarchique équivalent. Jusqu’à un certain degré, ces regroupements reflètent une relation phylogénétique entre les virus concernés, relation qui est plus ou moins proche en fonction de la position hiérarchique des taxons tels qu’ils sont définis. Cependant, la construction d’un arbre phylogénétique unique de l’ensemble du monde viral paraît infondée dans l’état actuel des connaissances [9] . Les ordres sont désignés par le suffixe « -virales ». Sept ordres seulement sont reconnus actuellement : chacun d’entre eux regroupe plusieurs familles virales mais l’ensemble ne concerne que 26 familles virales, soit une minorité d’entre elles. Ces ordres sont les Caudavirales et les Ligamenvirales regroupant des virus des bactéries et des archéobactéries, les Tymovirales regroupant des virus des plantes, les Herpesvirales regroupant tous les herpèsvirus du monde animal, les Nidovirales regroupant en particulier les coronavirus et les artérivirus, les Mononegavirales regroupant en particulier les bornavirus, les filovirus, les rhabdovirus et les paramyxovirus, et les Picornavirales regroupant en particulier les picornavirus. Les familles virales sont désignées par le suffixe « -viridae » et leur nombre dépasse 100 actuellement. Parmi elles, on peut citer comme exemples les Herpesviridae, les Alloherpesviridae et les Malacoherpesviridae qui correspondent respectivement aux herpèsvirus des oiseaux et mammifères (dont les hommes), à ceux des amphibiens et des poissons, et à ceux des mollusques. Les sous-familles, 3 8-000-C-10 Classification et modes de transmission des virus humains Acide nucléique Symétrie capside Complexe ADN Présence enveloppe Structure génome (enzyme associée) Classification Baltimore Exemple de famille Bicaténaire linéaire I Poxviridae Bicaténaire linéaire I Herpesviridae Bicaténaire circulaire (transcriptase inverse) VII Hepadnaviridae Bicaténaire linéaire I Adenoviridae Bicaténaire circulaire I Papillomaviridae Monocaténaire circulaire II Circoviridae Monocaténaire linéaire II Parvoviridae Monocaténaire polarité + IV Coronaviridae Monocaténaire polarité – V Paramyxoviridae Monocaténaire polarité – segmenté V Orthomyxoviridae Monocaténaire polarité + IV Virgaviridae Monocaténaire polarité + IV Flaviviridae Bicaténaire segmenté III Reoviviridae Monocaténaire polarité + IV Picornaviridae Monocaténaire polarité + (transcriptase inverse) VI Retroviridae Oui Oui Cubique Non Oui Hélicoïdale ARN Non Oui Cubique Non Complexe Oui Figure 1. Organisation schématique de la classification des virus. La figure présente les principaux caractères structuraux et fonctionnels pris en compte par la taxonomie virale, avec des exemples de familles virales définies selon la classification du Comité international de taxonomie virale (ICTV) et leur position dans la classification de Baltimore. désignées par le suffixe « -virinae », correspondent à un niveau de classification inconstant, situé entre la famille et le genre, tel que celui des sous-familles Alphaherpesvirinae, Betaherpesvirinae et Gammaherpesvirinae au sein de la famille des Herpesviridae. Les genres, désignés par le suffixe « -virus », constituent des sousensembles à l’intérieur d’une famille et éventuellement d’une sous-famille : par exemple les genres Enterovirus, Aphtovirus, Parechovirus et Hepatovirus au sein de la famille des Picornaviridae. On compte actuellement plus de 300 genres différents. Les espèces virales constituent le niveau le plus bas de la classification de l’ICTV. Bien qu’il ait fait l’objet d’une réflexion approfondie au sein de l’ICTV et qu’il ait des corollaires intuitifs dans les autres classifications du monde vivant, le concept d’espèce virale reste assez flou et changeant [10–12] . Ainsi, depuis 2013, une espèce est définie comme un groupe monophylétique de virus dont les propriétés peuvent être distinguées de celles des autres espèces par de multiples critères [9] . Une espèce virale n’apparaît donc pas comme une catégorie universelle définissable par un ou plusieurs caractères nécessaires et suffisants, comme le sont les genres et les familles. L’espèce est désignée par le nom courant du virus qui trouve son origine dans une des multiples propriétés du virus concerné : maladie associée (virus de la rougeole), signes cliniques exprimés en langue locale 4 (virus chikungunya), lieu géographique (virus West Nile), notion d’appartenance à une famille virale et chronologie de sa découverte (HHV-6). Le nom courant en langue anglaise, écrit en caractères italiques et avec une majuscule au premier mot (Measles virus pour le virus de la rougeole) est maintenant proposé comme le nom international officiel d’une espèce virale [10] . L’espèce peut être divisée en types, sous-types, variants et souches sur des critères antigéniques et/ou génétiques de plus en plus fins, avec une classification qui, à ce niveau, ne dépend plus de l’ICTV mais de groupes de spécialistes internationaux. Classiquement, les sérums de sujets infectés convalescents ou d’animaux immunisés permettaient de distinguer les sérotypes au sein d’une même espèce virale, par exemple les types 1 et 2 du virus herpes simplex. Le degré d’homologie des séquences nucléotidiques des génomes viraux assure actuellement la même fonction et on parle alors de génotypes au lieu de sérotypes, par exemple pour les papillomavirus humains. Au sein d’une espèce ou d’un type, des distinctions plus subtiles en sous-types et variants sont possibles en utilisant des sérums immuns obtenus après adsorption croisée des anticorps ou surtout des anticorps monoclonaux de spécificité très étroite. Une souche correspond à une préparation homogène de virus, obtenue après amplification par culture d’un clone viral au EMC - Maladies infectieuses Classification et modes de transmission des virus humains 8-000-C-10 Tableau 1. Les principales familles de virus humains à acide désoxyribonucléique. Famille Sous-famille Genre Exemple d’espèce (nom courant du virus) Enveloppe Adenoviridae ND Mastadenovirus Adénovirus – Herpesviridae Alphaherpesvirinae Simplexvirus Varicellovirus Herpes simplex virus Varicelle-zona + + + Cytomegalovirus Cytomégalovirus Roseolovirus Herpèsvirus humain 6 + Gammaherpesvirinae Lymphocryptovirus Rhadinovirus Virus Epstein-Barr Herpèsvirus humain 8 + + Polyomaviridae ND Polyomavirus Virus JC – Papillomaviridae ND Alphapapillomavirus Betapapillomavirus Papillomavirus humain 16 Papillomavirus humain 5 – – Parvoviridae Parvovirinae Erythroparvovirus Dependoparvovirus Virus B19 Virus adénovirus-associé 2 – – Poxviridae Chordopoxvirinae Orthopoxvirus Parapoxvirus Molluscipoxvirus Vaccine Virus de l’Orf Virus du molluscum contagiosum + + + Hepadnaviridae ND Orthohepadnavirus Virus de l’hépatite B + Anelloviridae ND Alphatorquevirus TTV – Betaherpesvirinae TTV : Torque teno virus ; ND : non décrite ; + : présence ; – : absence laboratoire. La notion d’isolat est différente car un isolat, obtenu lors du processus d’isolement par la mise en culture d’un échantillon biologique infecté, est parfois hétérogène du fait de la présence de plusieurs clones viraux distincts présents dans le même échantillon. La purification de l’isolat avec amplification d’un des clones viraux au laboratoire conduit effectivement à une souche. Le développement de l’amplification génique (polymerase chain reaction [PCR]) et du séquençage en profondeur à haut débit a permis la caractérisation de nombreux virus non cultivables. Le concept d’une population virale définie seulement par sa séquence nucléotidique sans qu’il y ait eu obtention d’un isolat ou d’une souche en culture mériterait probablement une dénomination spécifique. Taxonomie et nomenclature des virus humains Les principales familles virales contenant des virus humains sont citées dans les Tableaux 1 et 2. Malgré l’aspect arbitraire de certains choix initiaux et les changements introduits du fait des progrès technologiques, la taxonomie des virus humains sous sa forme actuelle paraît solide. Dans de nombreux cas, elle a anticipé l’évolution des connaissances et les données de biologie moléculaire ont pleinement confirmé la pertinence de la discrimination fondée initialement sur les données morphologiques et biochimiques. La stabilité de la taxonomie virale n’est cependant pas absolue et des aménagements sont effectués au fur et à mesure que certains virus sont découverts ou mieux caractérisés. Ainsi, le genre Flavivirus, dont le prototype est le virus de la fièvre jaune, a quitté, il y a plusieurs années, la famille Togaviridae pour donner naissance à la famille Flaviviridae. À sa suite, le genre Pestivirus, qui ne contient actuellement que des virus animaux et qui était classé dans les Togaviridae, a été aussi classé dans les Flaviviridae. Le virus de l’hépatite C, identifié en 1989, a été inclus dans cette famille mais s’est révélé différent des virus des genres Pestivirus et Flavivirus, et est ainsi devenu le virus prototype du genre Hepacivirus. L’utilité de la taxonomie virale pour la classification de virus nouvellement découverts est bien réelle. La méthode de classification, quelles que soient les propriétés virales prises en considération, doit respecter la hiérarchie des niveaux taxonomiques : on définit ainsi séquentiellement la famille, le genre et l’espèce en veillant bien à utiliser comme bases de comparaison des niveaux équivalents. La découverte de virus originaux, ne pouvant s’intégrer dans aucune famille existante, a conduit à créer de nouvelles familles telles que celle des Hepadnaviridae pour le EMC - Maladies infectieuses virus de l’hépatite B ou celle des Anelloviridae pour le Torque teno virus (TTV). Pour les virus identifiés très récemment, on ne dispose souvent pas de données suffisantes pour effectuer complètement leur classification dans une famille, un genre ou une espèce. Ces virus sont répertoriés mais restent en attente de classement définitif jusqu’à nouvel ordre. Ainsi, le virus de l’hépatite delta est en attente de création d’une famille qui puisse l’accueillir depuis plusieurs années. Pour faciliter la désignation des virus de connaissance récente, on tend à leur donner un nom courant fondé sur le numéro d’ordre de découverte sans préjuger de la classification précise qui va être ultérieurement adoptée. Ainsi, les herpèsvirus humains, découverts en 1986, 1990 et 1994, ont été appelés HHV-6, HHV-7 et HHV-8 respectivement. Cependant, les noms provisoires ne sont dorénavant acceptés que s’ils s’inscrivent déjà dans le schéma taxonomique décrit plus haut et ont été approuvés par l’ICTV. Accolée au système de taxonomie, la nomenclature des virus est en théorie bien définie. En ce qui concerne l’ordre, la famille et le genre, la première lettre est à écrire en majuscule et le nom dans son entier en italiques. Cette pratique est souvent peu commode, surtout si on doit décliner le nom d’une espèce virale en précisant à la fois la famille, la sous-famille et le genre. En usage courant, on tend à simplifier les dénominations et à parler de la famille des flavivirus plutôt que des Flaviviridae. Cependant, parler des flavivirus sans plus de précision introduit une ambiguïté entre la famille, un genre ou un groupe de virus appartenant à un de ces genres. Ce type d’usage ambigu est donc à proscrire. Selon les récentes recommandations de l’ICTV, les noms officiels d’espèce sont les noms en langue anglaise écrits en italique et avec une majuscule à la première lettre du premier mot. Les autres mots du nom n’ont une majuscule que s’ils sont des noms propres ou des parties de noms propres. On écrit ainsi : Measles virus, Human herpesvirus 6, Rift Valley fever virus. Ce mode d’écriture s’applique aux espèces considérées comme des entités abstraites mais non aux populations virales de cette espèce que l’on continue à désigner dans la langue locale, sans majuscule (sauf pour les noms propres) et en caractères romains. Pour reprendre l’exemple précédent, on écrit en anglais Measles virus, Human herpesvirus 6, Rift Valley fever virus et, en français, « virus de la rougeole », « herpèsvirus humain 6 », « virus de la fièvre de la vallée du Rift » pour parler des virus qui infectent un individu donné ou sont manipulés dans un contexte expérimental précis. Les noms courants de virus en anglais ont été ainsi promus de fait au rang de dénominations officielles internationales. Une dénomination latine à deux mots, plus consensuelle de prime abord, avait été antérieurement proposée avec, par exemple, les termes Herpesvirus hominis et Herpesvirus varicellae pour désigner respectivement les virus herpes simplex et 5 8-000-C-10 Classification et modes de transmission des virus humains Tableau 2. Les principales familles de virus humains à acide ribonucléique. Famille Sous-famille Genre Exemple d’espèce (nom courant du virus) Enveloppe Picornaviridae ND Enterovirus Hepatovirus Parechovirus Rhinovirus Virus de l’hépatite A Parechovirus humain – – – Caliciviridae ND Norovirus Sapovirus Virus Norwalk Virus Sapporo – – Astroviridae ND Mamastrovirus Astrovirus humain – Coronaviridae Coronavirinae Alphacoronavirus Coronavirus humain 229E + Flaviviridae ND Flavivirus Hepacivirus Virus de la fièvre jaune Virus de l’hépatite C + + Togaviridae ND Alphavirus Rubivirus Virus Chikungunya Virus de la rubéole + + Rhabdoviridae ND Vesiculovirus Lyssavirus Virus de la stomatite vésiculeuse Virus de la rage + + Paramyxoviridae Paramyxovirinae Respirovirus Morbillivirus Rubulavirus Henipavirus Virus para-influenza Virus de la rougeole Virus des oreillons Virus Hendra + + + + Pneumovirinae Pneumovirus Metapneumovirus Virus respiratoire syncytial Métapneumovirus humain + + Filoviridae ND Marburgvirus Ebolavirus Virus Marburg Virus Ebola Zaïre + + Bornaviridae ND Bornavirus Virus de la maladie de Borna + Orthomyxoviridae ND Influenzavirus A Influenzavirus B Influenzavirus C Virus de la grippe A Virus de la grippe B Virus de la grippe C + + + Bunyaviridae ND Orthobunyavirus Hantavirus Nairovirus Phlebovirus Virus Bunyamwera Virus Hantaan Virus de la fièvre hémorragique Congo Crimée Virus de la fièvre de la vallée du Rift + + + + Arenaviridae ND Mammarenavirus Virus Lassa + Reoviridae Sedoreovirinae Spinareovirinae Rotavirus Coltivirus Rotavirus humain Virus de la fièvre à tique du Colorado – – Retroviridae Orthoretrovirinae Deltaretrovirus Lentivirus HTLV de type 1 Virus de l’immunodéficience humaine de type 1 + + Hepeviridae ND Orthohepevirus Virus de l’hépatite E – ND ND Deltavirus Virus de l’hépatite delta + HTLV : human T-lymphotropic virus ; ND : non décrite ; + : présence ; – : absence. le virus de la varicelle et du zona. Elle n’a finalement pas été retenue, en partie du fait des difficultés à définir les espèces virales, en particulier en virologie des plantes. Avec la consolidation de la taxonomie virale, de nouvelles propositions de dénominations latines ont été faites mais sans succès auprès de l’ICTV [13] . Les difficultés dans la désignation des espèces virales se prolongent dans l’utilisation de leurs noms abrégés. Il semble excessif d’avoir des abréviations propres à chaque langue car les acronymes contribuent peu à la défense et à la promotion d’une langue nationale mais, en revanche, rendent les données confuses s’ils sont mal utilisés. Ainsi, pour les virologues français, l’usage conjoint de HIV et VIH, de HBV et VHB, de Epstein-Barr virus (EBV) et virus d’Epstein-Barr (VEB) n’est pas toujours facile à gérer. Le succès des sigles en langue française est d’ailleurs variable en fonction des virus : grand pour VIH (qui a été reconnu comme sigle international) vis-à-vis de HIV, modeste pour VEB vis-à-vis de EBV, nul pour virus T-lymphotropique humain (VLTH) vis-à-vis de human T-lymphotropic virus (HTLV). L’usage généralisé des abréviations dérivées du nom courant en anglais, si elles étaient unanimement reconnues, pourrait simplifier, une fois n’est pas coutume, nos moyens d’expression. Transmission des virus Sources des virus Les virus ont absolument besoin d’un hôte cellulaire pour leur réplication et la structure des particules virales libres est défini- 6 tivement fixée, sans aucune possibilité d’engendrer des formes transmissibles de haute résistance telles que les spores bactériennes ou fongiques. Les virus sont ainsi transmis soit en tant que particules virales libres, soit en tant que virus intracellulaires en cycle réplicatif ou en état de latence. Dans les deux cas, après leur libération par la personne infectée, leur survie dans le milieu extérieur est conditionnée par la fragilité plus ou moins grande des particules virales et des cellules infectées et elle est toujours limitée. La transmission d’un virus met donc en jeu de façon rapprochée dans le temps et dans l’espace un organisme infecté et un organisme réceptif. Le premier est qualifié de réservoir quand l’infection s’y développe de façon asymptomatique. Pour les virus humains, la source de virus est le plus souvent un être humain infecté. Tous les sujets infectés, symptomatiques ou asymptomatiques, infectés de façon aiguë ou chronique, peuvent transmettre les virus dans la mesure où des particules virales ou des cellules infectées sont présents en quantité suffisante dans leurs sécrétions. Les sujets porteurs asymptomatiques ou en phase d’incubation constituent le danger le plus important car non identifié sur le plan clinique. Les collectivités humaines à haute densité de personnes sont un milieu particulièrement propice pour la propagation des infections virales. Ainsi, le personnel de santé peut être un maillon de la chaine épidémique, en particulier pour les infections transmises par voie respiratoire ou digestive [14] . Cependant, la présence de virions ou de cellules infectées dans un produit biologique d’origine humaine ne signifie pas forcément que l’infection virale puisse être transmise par un échantillon de ce produit. D’autres facteurs tels que la charge virale, la présence de facteurs inhibiteurs ou, au contraire, favorisants dans le milieu EMC - Maladies infectieuses Classification et modes de transmission des virus humains 8-000-C-10 “ Point fort Transmission des virus • Les virus sont transmis sous la forme de particules virales douées de pouvoir infectieux et de cellules infectées contenant des virus en phase de réplication ou en situation de latence. • La structure des particules virales est un facteur essentiel de leur capacité de transmission, la majorité des virus enveloppés étant plus fragiles dans le milieu extérieur que les virus nus. • Un autre facteur essentiel pour comprendre l’épidémiologie des infections virales humaines est la distinction entre les virus infectant exclusivement les êtres humains et ceux infectant aussi d’autres animaux. • La seule présence d’un virus dans un produit biologique ne suffit pas à affirmer sa transmissibilité ; celle-ci n’est démontrée que par des études épidémiologiques. • Un même virus peut être transmis par plusieurs voies différentes. • Les actes médicaux et les séjours hospitaliers sont des sources possibles et fréquentes de transmission virale, ce qui souligne la nécessité de la prévention par les mesures d’hygiène, la reconnaissance des personnes à risque, la vaccination et la chimiothérapie antivirales quand elles sont disponibles. biologique concerné, la susceptibilité génétique et la protection immunitaire du receveur sont susceptibles de moduler la transmissibilité du virus. En fin de compte, cette transmissibilité n’est démontrée formellement que par des études épidémiologiques. La source de virus peut aussi être un animal infecté. La transmission à l’homme survient directement, par exemple par morsure, indirectement au contact de déjections contaminées, ou par le biais d’un vecteur arthropode qui sert de relais actif entre l’animal et l’homme, le virus se répliquant aussi à l’intérieur du vecteur. Cette transmission de l’animal à l’homme est bien connue pour des virus comme les virus de la rage, de la grippe, de la fièvre jaune. La multiplication anormale de vecteurs ou la mise en contact accidentelle d’hommes et d’animaux occupant des niches écologiques différentes aboutit parfois à l’émergence de nouvelles formes d’infections virales associées au franchissement de la barrière d’espèce. Cela a été observé récemment pour des virus des familles Hantaviridae, Orthomyxoviridae, Paramyxoviridae, Filoviridae, Coronaviridae. Des bouleversements écologiques dus à des événements naturels ou à des activités humaines (modification des cours d’eau, colonisation des zones forestières, élevage intensif) sont susceptibles d’amplifier encore ces processus. L’infection virale peut s’arrêter lors du premier passage chez l’homme, l’être humain se comportant comme un cul-de-sac sur le plan épidémique, ou au contraire continuer à se propager par transmission interhumaine avec une possible adaptation du virus. Beaucoup d’arguments permettent actuellement de conclure que l’épidémie due au VIH trouve son origine dans la transmission à l’homme de virus simiens [15] . La pratique des xénogreffes pourrait faire craindre le franchissement de la barrière d’espèce par d’autres virus animaux, par exemple des rétrovirus ou des herpèsvirus, dans des conditions particulièrement défavorables pour le sujet greffé : implantation directe de l’organe contaminé dans le milieu intérieur, traitement immunosuppresseur associé [16–18] . Mode de transmission Un même virus peut être transmis par diverses voies. Cette transmission, quand elle est horizontale, c’est-à-dire entre deux individus distincts, se fait essentiellement par voie percutanée ou à EMC - Maladies infectieuses travers une muqueuse. La transmission verticale, c’est-à-dire d’un parent à son enfant avant la naissance, se fait par voie transplacentaire, génitale ascendante ou plus rarement lors de la fécondation du fait de l’infection des cellules germinales. Cette transmission est quantifiable et modélisable [19] . Des études épidémiologiques bien conduites permettent en particulier de déterminer le taux basal de reproduction de l’infection, exprimé de façon abrégée par l’acronyme R0 . Cette valeur correspond au nombre moyen de nouveaux cas d’infection issus de la transmission virale à partir d’un individu contagieux unique, au sein d’une population totalement sensible à cette infection. À partir de ces mesures, des modèles mathématiques peuvent être développés pour mieux comprendre le déroulement des épidémies virales, anticiper leur évolution et évaluer l’impact potentiel des mesures de prévention. Plusieurs modes de transmission sont schématiquement reconnus en fonction de la porte d’entrée dans l’organisme humain (Tableau 3). La peau intacte est un obstacle absolu pour la pénétration des virus dans l’organisme mais la plus minime lésion de la barrière cutanée peut servir de porte d’entrée : ce sont ces petites lésions qui sont à l’origine de l’infection par les papillomavirus humains responsables des verrues. À l’opposé, le contact avec une muqueuse reste le mode d’entrée privilégié des virus dans l’organisme humain. Les muqueuses de la bouche et du pharynx, des tractus respiratoire, digestif et génital sont particulièrement exposées tout comme la conjonctive de l’œil. Les altérations préalables de ces muqueuses, d’origine mécanique, toxique ou infectieuse, favorisent d’une façon générale la transmission virale. Les cellules locales constituent le plus souvent le site de multiplication primaire du virus. L’effraction de la barrière cutanée ou d’une muqueuse livre directement accès au compartiment systémique. Cette effraction peut être accidentelle, provoquée par une morsure, une blessure par un objet tranchant ou piquant, une piqûre de moustique ou de tique, ou intervenir lors d’un acte médical. La transmission lors de l’administration de produits sanguins et lors d’une greffe d’organe en est un cas particulier aggravé souvent par l’importance de la charge virale et la fragilité des défenses du sujet receveur. Au cours d’une grossesse, la transmission de la mère à son fœtus par voie transplacentaire ou par infection ascendante du liquide amniotique survient préférentiellement lors d’une primoinfection, la propagation du virus dans l’organisme étant facilitée par l’absence d’immunité maternelle préexistante. Cette infection congénitale est à distinguer des infections périnatales au cours desquelles le virus est transmis à l’enfant par des échanges sanguins, des contacts entre muqueuses ou des effractions cutanées dans la période qui entoure l’accouchement. L’allaitement maternel est une autre cause de transmission virale dans la période postnatale immédiate. La transmission verticale du virus, à partir du sperme paternel, a été également évoquée, notamment dans le cadre du développement de la procréation médicale assistée [20] . À la diversité des portes d’entrée dans l’organisme, s’ajoute la diversité des tissus, cellules et fluides biologiques qui véhiculent l’infection virale d’un individu à un autre. Leur nature conditionne en grande partie le risque de transmission et les modalités de survenue des épidémies. La transmission par voie respiratoire se fait classiquement soit par des aérosols, soit par des microgouttelettes constitués des sécrétions respiratoires émises par la personne infectée. La différence entre ces deux produits biologiques infectieux tient à la taille des particules vectrices de l’infection qui conditionne leur capacité de dissémination spatiale autour de la personne émettrice, les aérosols étant constitués de particules plus petites diffusant sur une plus longue distance. Ainsi, les virus de la varicelle et de la rougeole, transportés préférentiellement par des aérosols, sont considérés comme très facilement transmissibles, avec des valeurs de R0 dépassant 10. Ils constituent de très bons exemples de virus enveloppés fragiles mais très contagieux, à l’origine d’infections communautaires à développement rapide. La période de contagiosité maximale commence à la fin de la période d’incubation et est le plus souvent reconnue seulement a posteriori ; elle ne se prolonge que quelques jours après le début des signes cliniques. Il faut noter que le virus respiratoire syncytial, archétype des virus à 7 8-000-C-10 Classification et modes de transmission des virus humains Tableau 3. Modes de transmission de certains virus humains. Contact avec muqueuse Effraction cutanée ou muqueuse Virus Respiratoire Oro-pharyngée et gastro-intestinale Génitale Oculaire Blesssure, piqûre Vecteur arthropode Sang Greffe Maternofœtale Adénovirus + + – + – – – – – Virus herpes simplex – + + + – – – – + Varicelle-zona + (+) – + – – - - + Cytomégalovirus – + + – – – + + + Herpèsvirus humain 6 – + – – – – – + + Virus Epstein-Barr – + (+) – – – + + – Papillomavirus humain – + + – + – – – – Parvovirus B19 + – – – – – + – + Vaccine – – – + + - – – – Virus de l’hépatite B – + + – + – + + + Poliovirus – + – – – – – – – Virus de l’hépatite A – + – – – – (+) – – Rhinovirus humain + – – – – – – – – Norovirus humain – + – – – – – – – Astrovirus humain – + – – – – – – – Coronavirus humain + (+) – – – – – – – Virus de la fièvre jaune – – – – - + – – – Virus de la dengue – – – – – + – – – Virus de l’hépatite C – – (+) – + – + + – Virus de la rubéole + – – - – – – – + Virus de la rage – – – + + – – + – Virus para-influenza + – – - – – – – – Virus de la rougeole + – – – – - – – – Virus des oreillons + – – – - – – – – Virus respiratoire syncytial + + – – – – – – – Virus Ebola – + + (+) + – + – – Virus de la grippe A + – – – – – - – – Virus Hantaan + – – – – – – – – Virus de la fièvre de la vallée du Rift – – – - – + – – – Virus Lassa – + + + + – + – – Reovirus humain + + – - – – – – – Rotavirus humain – + – - – – – – – Virus de la fièvre à tique du Colorado – – – - – + – – – HTLV – + + – – – + + – Virus de l’immunodéficience humaine – – + + + – + + + Virus de l’hépatite delta – – – – + – + – – HTLV : human T-lymphotropic virus ; + : mode de transmission établi ; – : mode de transmission non décrit. transmission aérienne, est aussi transmis par les mains ou les vêtements, le virus varicelle-zona par contact avec les lésions cutanées. La transmission par voie digestive, qualifiée de fécale-orale, concerne des virus nus résistants, aptes à conserver longtemps leur infectiosité aussi bien dans le tube digestif, compartiment hostile de l’organisme, que dans le milieu extérieur. Certains de ces virus sont des agents de gastro-entérites, tels que les rotavirus, les astrovirus et les norovirus. D’autres infectent le tube digestif de façon asymptomatique et ne donnent des signes cliniques que quand ils ont atteint leur organe cible : le foie pour le virus de l’hépatite A, le système nerveux central pour les poliovirus. L’excrétion fécale de tous ces virus est en général prolongée, pouvant dépasser la période de symptomatologie clinique. La transmission par contact avec les muqueuses concerne à la fois des virus enveloppés et des virus nus. Ces derniers, du fait de leur meilleure résistance dans le milieu extérieur, sont plus aptes à provoquer des transmissions en série, à l’origine d’épidémies. Ainsi, la transmission iatrogène de virus agents de conjonctivites se fait plus facilement pour les adénovirus, virus nus, que pour les virus herpes simplex, virus enveloppés. Cependant, le titre infectieux élevé de certains virus enveloppés dans les sécrétions biologiques explique en partie leur caractère très contagieux mal- 8 gré leur apparente fragilité : c’est le cas du cytomégalovirus présent dans les urines des jeunes enfants infectés, des virus Lassa et Ebola, agents de fièvres hémorragiques, présents dans les urines et le sang des sujets atteints. La transmission par voie sexuelle implique les différents virus qui peuvent être présents dans les lésions ou les sécrétions génitales (Tableau 3). La transmission des virus par le sang ou d’autres tissus apparaît comme un des soucis majeurs de santé publique des dernières décennies. Elle concerne des domaines très divers : blessures accidentelles du personnel soignant, toxicomanie par voie intraveineuse, examens médicaux invasifs, transfusion des produits sanguins labiles, administration de médicaments dérivés du sang, transplantation d’organes, implantation de biomatériaux. Elle implique des virus hautement pathogènes, parmi lesquels le VIH et les virus des hépatites B et C qui restent les plus redoutés. Les titres infectieux dans le sang ou les tissus, la localisation intra- ou extracellulaire du virus, sa résistance dans le sang induisent des caractéristiques épidémiologiques propres. Le virus de l’hépatite B, relativement résistant et présent à très haut titre dans le plasma, présente un risque beaucoup plus élevé que le HTLV, présent uniquement dans les cellules sanguines et ayant un niveau de réplication plus modeste. On évoque volontiers la transmission « sous le toit » du virus de EMC - Maladies infectieuses Classification et modes de transmission des virus humains 8-000-C-10 l’hépatite B, pour décrire sa propension à être transmis du sujet infecté à son entourage proche par le biais de minimes contaminations sanguines. À l’opposé, la virémie du virus de l’hépatite A, qui précède l’apparition des signes cliniques, est de courte durée et le risque de transmission sanguine de ce virus, même s’il existe, est très réduit. La transmission à partir du tissu nerveux, incluant l’œil, a été décrite pour le virus de la rage transmis lors de greffes de cornée [21] . cales, la classification virale actuelle a confirmé sa validité et son utilité comme trait d’union entre l’infectiologie clinique et l’étude biologique approfondie des virus. “ Points essentiels • Les virus sont des entités biologiques ayant une structure simple et un mode de réplication spécifique qui les distinguent de tous les autres micro-organismes. • Ils bénéficient d’une classification et d’une nomenclature originale qui définissent des ordres, des familles, des sous-familles, des genres et des espèces virales. • Leur mode de transmission est en partie influencé par leurs propriétés structurales mais aussi par d’autres paramètres que permettent d’identifier les études épidémiologiques. • La transmission des virus peut être prévenue par des procédures spécifiques. Prévention de la transmission L’hygiène reste un des moyens les plus efficaces de la lutte contre la transmission des virus. Toutes les stratégies utilisées contre les infections par d’autres agents que les virus ont leur utilité et ont contribué à définir des précautions dites « standard » lors de la manipulation de produits biologiques ou lors de l’exposition accidentelle à ceux-ci. Parmi ces recommandations, il faut citer l’hygiène des mains, l’utilisation préférentielle de matériel médical à usage unique, les circuits adaptés d’élimination des déchets, la désinfection des surfaces de travail. Les mesures d’isolement ont une portée plus limitée du fait que la période de contagiosité commence souvent avant le début des signes cliniques. Ces mesures d’isolement sont indispensables pour les cas de fièvre hémorragique et très souhaitables pour les viroses très contagieuses par voie respiratoire telles que la rougeole ou la varicelle, notamment dans les communautés d’enfants. Les vaccins sont un mode de protection individuel très efficace et contribuent à réduire la dissémination virale en réduisant le nombre des individus sensibles à l’infection au sein d’une population. L’administration d’immunoglobulines polyvalentes ou spécifiques est un substitut provisoire de la vaccination et n’a pas son efficacité de prévention au niveau collectif. Le traitement par des antiviraux spécifiques peut être donné à titre prophylactique après exposition avérée à un virus pathogène afin de prévenir la primo-infection et donc le risque de transmission ultérieure. Ce traitement est donné à titre curatif devant une infection diagnostiquée active et limite ainsi le risque de transmission virale, à court terme en diminuant la charge virale et à plus long terme en induisant la guérison de l’infection. Pour les virus à transmission parentérale, le criblage des donneurs de sang et d’organes est effectué en vue d’exclure du don les sujets à risque. Ce crible comporte systématiquement actuellement la recherche des infections par le VIH, les virus de l’hépatite B et C, le virus HTLV. La déleucocytation des produits sanguins labiles constitue une mesure de prévention particulièrement efficace contre la transmission des virus intraleucocytaires, au premier rang desquels le cytomégalovirus et le HTLV. En ce qui concerne le risque de développer une primo-infection sévère à cytomégalovirus chez des receveurs qui ne sont pas infectés par ce virus, les donneurs d’organe sont spécifiquement testés pour l’existence d’une infection à cytomégalovirus dans le but de définir au mieux les mesures de prévention : choix du greffon en fonction du statut du receveur, indication d’un traitement antiviral prophylactique. Conclusion La connaissance de la classification des virus et de leur mode de transmission est indispensable pour comprendre, traiter et prévenir les infections virales humaines. La classification virale universelle proposée par l’ICTV, quasiment la seule utilisée actuellement, est fondée avant tout sur des critères biochimiques. À ce titre, elle conserve un caractère quelque peu arbitraire. Elle ne tient pas compte non plus de l’histoire évolutive des virus, encore très obscure mais englobant d’intenses transferts génétiques entre les différentes espèces virales aussi bien qu’entre elles et leurs hôtes cellulaires, ce qui rend encore plus complexes les études phylogénétiques virales [6] . Cette histoire évolutive permettrait d’imaginer d’autres systèmes de classification, fondés prioritairement sur d’autres critères que les homologies de séquence nucléotidique, tels que les similitudes morphologiques des capsides ou les stratégies de réplication des génomes viraux. Cependant, confrontée aux données épidémiologiques et médiEMC - Maladies infectieuses Déclaration d’intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts en relation avec cet article. 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Inserm, CIMI-Paris U1135, Paris, France. Toute référence à cet article doit porter la mention : Agut H, Burrel S, Boutolleau D. Classification et modes de transmission des virus humains. EMC - Maladies infectieuses 2016;13(2):1-10 [Article 8-000-C-10]. Disponibles sur www.em-consulte.com Arbres décisionnels 10 Iconographies supplémentaires Vidéos/ Animations Documents légaux Information au patient Informations supplémentaires Autoévaluations Cas clinique EMC - Maladies infectieuses Cet article comporte également le contenu multimédia suivant, accessible en ligne sur em-consulte.com et em-premium.com : 1 autoévaluation Cliquez ici © 2016 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 30/10/2016 par Universite Lyon I Claude Bernard (19411). Il est interdit et illégal de diffuser ce document.