
Correspondances en Onco-Hématologie - Vol. VII - n° 2 - avril-mai-juin 2012
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Applications de la vaccination en oncologie hématologique
Pasteur sur l’éradication de la variole et du choléra du
poulet, la découverte de la vaccination par ces hommes
est à la base des concepts de l’immunologie moderne.
Il est possible d’induire de plusieurs façons une immu-
nité adaptative envers un agent infectieux donné. La
première stratégie a été de provoquer délibérément
une infection bénigne avec le pathogène non modifié.
C’est sur ce principe qu’était fondée la variolisation,
dans laquelle l’inoculation d’une faible quantité de
matière séchée provenant d’une pustule variolique
causait une infection modérée suivie d’une protec-
tion durable contre toute réinfection. Cependant, la
variolisation peut être suivie d’une infection grave, une
variole fatale survenant dans 3 % des cas. E. Jenner a
été à l’origine d’un progrès considérable en montrant
qu’une infection avec un analogue bovin de la variole
(la vaccine : variole bovine) procurait une immunité
protectrice contre la variole humaine sans faire courir
le risque d’une maladie grave (22).
Les premières expériences du x
i
x
e
siècle ont permis
d’établir les principes généraux d’une vaccination sûre
et efficace. Le développement des vaccins au début
du xxe siècle a ensuite suivi 2 voies empiriques : la pre-
mière a été la recherche d’organismes atténués ayant
un pouvoir pathogène réduit pour stimuler l’immu-
nité adaptative ; la seconde a été le développement de
vaccins fondés sur des organismes tués, puis sur des
composants purifiés issus de ces pathogènes. Cette
seconde voie est particulièrement séduisante pour les
patients immunodéprimés, chez qui l’injection d’un
vaccin vivant peut causer une infection mortelle.
Le BCG comme adjuvant de l’immunothérapie
antitumorale
En 1904, Mycobacterium bovis est isolé chez une vache
atteinte de tuberculose mammaire. Dès 1908, Calmette
et Guérin cultivent, à l’institut Pasteur de Lille, cette bac-
térie afin d’obtenir des cultures homogènes avec une
meilleure dispersion des bacilles. Après 231 passages
pendant 13 ans, Calmette et Guérin observent, à la fin
de la Première Guerre mondiale, que cette mycobactérie
a perdu sa virulence pour devenir une mycobactérie
“atténuée”. Le bacille de Calmette-Guérin était né. C’est
en 1921 que, pour la première fois, un enfant est vacciné
contre la tuberculose au moyen de cette mycobactérie
atténuée. À cette époque, cette souche bactérienne ne
pouvait être utilisée qu’à partir de cultures fraîches de
mycobactéries. C’est pourquoi différentes souches ont
été développées à partir de la souche française et distri-
buées à travers le monde. Les conditions de culture et la
propagation des souches à travers le monde expliquent
la dérive génétique des différents “BCG”. Sous la directive
de l’OMS, afin de limiter la dérive des souches, les prépa-
rations de bacilles sont actuellement lyophilisées à partir
de stocks issus de la souche mère. Par ailleurs, il a été
clairement démontré que seuls les bacilles vivants ont la
possibilité d’induire une réponse immune antitumorale.
L’effet antitumoral lié aux mycobactéries a été observé
pour la première fois par Pearl en 1929, qui, lors de
l’analyse d’une série nécropsique, notait que les patients
atteints de tuberculose développaient moins de
tumeurs malignes que la population générale. En 1953,
un chirurgien américain, après avoir constaté la régres-
sion d’un lymphosarcome chez un patient atteint d’un
érysipèle, introduit l’utilisation d’extraits bactériens
comme traitement adjuvant des tumeurs (23). En 1966,
J.E. Coe et al. démontrent que la vessie peut être le
site de réactions d’hypersensibilité retardées au même
titre que la peau (24). Et, en 1969, G. Mathé utilise pour
la première fois le BCG en thérapeutique humaine
antitumorale dans le cadre de leucémies aiguës (25).
Dans l’expérience de G. Mathé, 30 patients souffrant
d’une leucémie aiguë lymphoblastique (LAL) ont reçu
une chimiothérapie d’induction, puis 20 patients ont
bénéficié, dès la rémission clinique et hématologique
atteinte, d’une injection de BCG avec ou sans cellules
leucémiques irradiées. La figure 4 illustre la durée de la
Figure 4. Immunothérapie active par injection de BCG
dans les LAL. Le BCG est injecté chez des patients en rémis-
sion après la phase d’induction. Dans le groupe “témoins”,
le BCG est injecté seul, dans le groupe “immunothérapie”,
le BCG est injecté avec des cellules leucémiques irradiées
(D’après G. Mathé et al., Lancet 1969).
100
80
60
40
20
0
15
30
60
120
240
480
960
1 150
Jours après chimiothérapie
Témoins
(n = 10)
Immunothérapie
(n = 20)
Rémission (%)