PLACE DE L’ACTIVITÉ PHYSIQUE ET DU SPORT ADAPTÉS EN MÉDECINE PHYSIQUE ET DE RÉADAPTATION Dr P. CALMELS (1), Dr X. DEVILLARD (1-4), Dr D. TRIVEL (1-4), Dr J.-F. PATRY (2), Dr F. MOUTET (3),Dr. M. BEZ (1-4) I - INTRODUCTION Les deux objectifs principaux de la rééducation sont la réduction du niveau d’incapacité, et la réduction du handicap lorsque le sujet retourne dans son environnement. Cependant, incapacité et handicap sont déterminés par de nombreux facteurs : le patient et son histoire personnelle, la pathologie et les déficiences qui en découlent, l’environnement (physique, humain, socio-économique). La médecine physique et de réadaptation, tout en tenant compte de ces différents facteurs, ne les influence pas tous, et pourtant tous peuvent avoir une influence sur le résultat de la rééducation. Les acteurs du processus de rééducation sont également multiples. Ils comprennent l’équipe rééducative, le patient dont les attentes et besoins sont pris en compte dans la personnalisation des objectifs de rééducation, ainsi que l’environnement humain et social. Les preuves « scientifiques » de l’efficacité de la rééducation sont peu nombreuses, ce qui rend plus difficile l’établissement de standards de soins. Le consensus d’experts et les données pragmatiques issues de l’expérience générale permettent de pallier en partie ce manque pour la définition des critères de qualité et d'efficacité. De plus, la notion de temps est fondamentale : le résultat de la rééducation s’apprécie en effet à court terme (à la sortie de la structure rééducative), mais aussi et surtout à moyen et long terme, pour vérifier le maintien des gains fonctionnels, et leur traduction en termes de handicap et de qualité de vie, lorsque le sujet est retourné dans son environnement habituel et a retrouvé son mode de vie au sein de la société. Le thème de l'activité physique adaptée (APA) ou du sport adapté est un thème reconnu, important dans la prise en charge rééducative (en France on distingue l'acti-vité physique pour le handicap moteur et le sport adapté pour le handicap mental). En fait le sport constitue un des outils permettant le travail de l'activité physique. Historiquement, pour le handicap physique il revient à Sir Ludwig Gudmann d'avoir développé cette activité pour les blessés médullaires juste après la deuxième guerre mondiale. En pratique l'instauration d'une activité physique structurée au sein des services ou centres de médecine physique et de réadaptation reste encore assez rare. L’existence de clubs extérieurs aux centres pour la pratique du sport pour les personnes handicapées ainsi que la mise en place d’équipements adaptés pour ces patiquants sont également assez mal réparties sur le territoire. L'activité physique adaptée ou le sport adapté est un des moyens à mettre en oeuvre pour la réadaptation, à condition de savoir développer leur pratique aux différents stades de la prise en charge, et d'utiliser leurs bénéfices en concordance avec les objectifs déterminés par l'équipe rééducative et le patient. II - ACTIVITES PHYSIQUES/SPORTS ADAPTES 1- Activités physiques et Sports Adaptés L’activité physique a été schématisée selon un concept associant la santé et la force physique, la recherche du vertige au sens d’une émotion intense, l’expérience esthétique, l’expérience sociale, le catharsis, et l’expérience d’une force d’ascèse. Chaque individu pratiquant l’activité physique va rechercher certains de ces éléments, et plus ou moins les développer. Ces différents éléments donnent à l’activité physique un caractère multidimensionnel. On peut estimer, quelque soit le type de pratiquant, « valide » ou « handicapé », que ces éléments se révèlent identiques et qu'il ne suffit pas d'être initié à l'activité physique pour la pratiquer, il faut bien sûr être « motivé ». Ceci reste vrai même s'il semble que diverses conditions, en particulier environnementales (manque d'équipements, d'accessibilité, de clubs, et d'encadrement) puissent être à l'origine d'une plus faible pratique du sport pour les sujets handicapés par rapport aux valides. Il nous parait important de différencier activité physique « de sport » qui est en relation directe avec la « perfor-mance » et surtout la « règle » permettant des confrontations et « l'activité physique » plus liée à la pratique d'un exercice physique souvent individuel et à un niveau de condition physique. C'est le caractère « adaptée » qui permet d'envisager la possibilité d'une pratique, d'un développement physique, d'un entraînement et d'un reconditionnement afin de retrouver les mêmes bénéfices face à des affections handicapantes ou maladies chroniques que chez le sujet valide. De ce fait, nous parlerons essentiellement de « l'activité physique adaptée » dont il est important d'essayer de déterminer différentes approches, même si le sport est un moyen de développer la condition physique, objet de l'activité physique. 2 - Activités physiques et qualité de vie Il est de plus en plus rapporté dans notre société au mode de vie « sédentaire » l'intérêt de la pratique d'une activité physique, et que ce soit en pratique individuelle ou de groupe, la place et le temps consacrés aux activités physiques de loisirs ou aux sports sont de plus en plus importantes. Par contre l'activité physique n'est que rarement évaluée directement dans les mesures de la qualité de vie, sinon dans la dimension des « relations sociales », qui intègre entre autre la capacité à pratiquer le sport de loisir ou des activités physiques. Ceci peut-être dû au fait que l'activité physique est directement liée aux capacités physiques et fonctionnelles qui constituent les facteurs essentiels de l'évaluation de « la qualité de vie » chez les personnes handicapées. Pourtant de plus en plus d'études mettent en évidence le bénéfice de la pratique d’une activité physique sur la sensation de bien-être, pour des sujets présentant des lésions médullaires, des douleurs chroniques en particulier rhumatismales et d’une manière générale des affections chroniques invalidantes. III - INTERETS DE L'ACTIVITE PHYSIQUE ET DU SPORT ADAPTES 1 - Conditions médicales chroniques, handicap et qualité de vie L’analyse tridimensionnelle développée par l’OMS, déficience, incapacité, handicap, comme conséquence des maladies, a généralisé l’importance d’une prise en charge à court et long terme. Elle définit les conditions médicales chroniques qui se caractérisent par une prise en charge prolongée, des risques secondaires de mortalité, de morbidité et de perturbations fonctionnelles, psychiques et sociales. De cette approche globale et multidisciplinaire, mettant en jeu différents facteurs : - variabilité individuelle, culturelle et environnementale ; - approche médico-sociale ; - enseignement et état d’esprit des thérapeutes; s'est développé la définition du handicap et son retentissement selon le concept de « qualité de vie ». 2 - Activité physique et maladie chronique : L’intérêt physiologique et clinique de la pratique d’une activité physique pour le valide, enfant, adulte ou personne âgée comme facteur de meilleur état de santé et de prévention du vieillissement est largement reconnu. Il en est de même pour certaines affections où l'exercice physique est primordial dans le traitement (affections cardiovasculaires) ou au moins largement recommandé (affections respiratoires, métaboliques (insuffisance rénale, diabète), etc. Cet intérêt physiologique a également été rapporté par de nombreux auteurs pour des patients présentant des affections invalidantes stables, mettant en évidence l’amélioration de l’état de santé, la diminution des complications en l’absence de risque majeur. De même, parce qu’il est reconnu une perte des capacités physiques à l'effort dans le cadre de nombreuses affections chroniques, suite à des modifications physiologiques, à l'alitement ou à l'immobilisation, un reconditionnement physique est de plus en plus souvent proposé dans les programmes de rééducation. Inversement, bien que la pratique d’une activité physique par le sujet valide peut présenter un risque, essentiellement traumatique (osseux, musculaire, ligamentaire) et qu'il peut en être de même pour le sujet présentant une affection chronique invalidante ou un handicap (lésions orthopédiques, cutanées, viscé-rales…), ce risque apparaît modéré selon les données de la littérature se rapportant aux sportifs handicapés de haut niveau. La pratique d'une activité physique offre surtout sur le plan physiologique la possibilité : • d'augmenter le niveau de capacité énergétique du sujet. Ceci est indispensable pour le maintien de l’autonomie dans les activités quotidiennes d’un sujet présentant des conditions médicales chroniques, activités qui à elles seules sollicitent une énergie insuffisante pour développer ou maintenir ce niveau énergétique; • de maintenir les capacités fonctionnelles et de développer les systèmes de suppléances ; • d'assurer un entraînement physique et de diminuer les restrictions psychologiques et donc l'appréhension (changer de statut social = devenir sportif) ; Elle contribue par ailleurs à : • entretenir une relation sociale, avec ceux qui participent aux exercices ; • développer l'autonomie fonctionnelle en particulier les possibilités de déplacements ; • participer au soutien psychologique en permettant aux patients à réinvestir son corps. 3 - Applications cliniques : Sur le plan clinique, l'utilisation de l'activité physique est habituelle, développée dans l'ensemble de la prise en charge des patients en médecine physique et de réadaptation. Il nous parait important de mettre en valeur d'une part la composante « rééducative » à la phase rééducative de la prise en charge, en service ou en centre de rééducation essentiellement, visant à améliorer les conditions physiques et l'autonomie du sujet et d'autre part la composante « réadaptative ou psycho-sociale » permettant une meilleure réinsertion sociale. - composante rééducative : Elle est sous-tendue dans la pratique d'une activité physique précoce essentiellement d'endurance par les effets physiologique, biomécanique, fonctionnel : - en contribuant à lutter contre les risques de l'immobilité, contre la désadaptation à l'effort et en diminuant les risques de sédentarité, - en constituant un des moyens de la rééducation au même titre que les techniques de kinésithérapie ou d’ergothérapie, en s'intégrant par des activités globales et fonctionnelles, aux objectifs de mobilisations articulaires, de renforcements musculaires, de rééducation posturale et proprioceptive, de verticalisation et d'adaptation à l'effort, d'autonomisation dans les activités quotidiennes en particulier aux déplacements, d'apprentissage à l'utilisation des aides techniques (orthèses, fauteuils roulants), - en développant par des exercices globaux, des activités ludiques, des activités de groupe, des mises en situation parfois un peu extrêmes qui permettent de diminuer les appréhensions, d'offrir les conditions des limites sécuritaires et d'améliorer les capacités fonctionnelles et par ce biais l'autonomie. - en intégrant certaines consignes habituelles d'éducation (préventions des appuis, surveillance cutanées, apport hydrique important, etc), mais aussi en contribuant directement à l'éducation du patient par l'initiation d'une activité physique (soit pratiquée antérieurement, soit nouvelle), pour le plaisir et pour en suggérer ultérieurement la pratique à l'extérieur. Cependant l'aspect psychologique important ne doit pas être négligée à cette phase car il permet de montrer au sujet la capacité à effectuer de nombreuses activités dont il se croyait incapable ou qu'il croyait impossible pour lui, à découvrir ses potentialités physiques malgré sa déficience, à reconstruire son image corporelle, à reprendre confiance en lui et à se surpasser. Enfin l'aspect social est aussi à prendre en compte à cette phase car l'activité physique en groupe va permettre de favoriser les relations sociales par des activités ludiques, en relation avec les autres offrant ainsi une ouverture sur le monde extérieur, l'affrontement avec le regard des autres et la réussite sur ses appréhensions. - composante réadaptative : On considère cette composante réadap-tative comme celle entreprise durant la prise en charge en soins dans une structure de rééducation, mais plus encore la phase tertiaire visant à la réinsertion sociale, le plus souvent au domicile. La pratique d'une activité physique adaptée, soit en pratique collective au sein de clubs, associations et fédérations spécifiques (Sport Adapté ou Handisport), soit intégrée au sein de groupes ou clubs de « valides », soit dans le cadre d'une pratique individuelle ou familiale dans l'environnement personnel permet de développer les aspect psychologiques et sociaux largement reconnus du sport (affrontement avec les autres et réussite envers les autres) et de toutes activités de loisir. Cette possibilité est d'autant plus aisée que le patient a pu bénéficier d'une initiation, d'une information et d'une éducation à la pratique d'une activité physique, inclue dans le programme thérapeutique durant la phase des soins. Bien souvent cependant, une période transitoire est nécessaire entre la reprise d'une activité physique, de loisir ou sportive, au sein d'un groupe et la sortie de la structure de soins, correspondant à la période durant laquelle le sujet retrouve « ses marques », l'organisation de son mode de vie à domicile, et parfois progresse dans la période de deuil. L'accompagnement à cette période, comme il se fait sur le plan médical et des soins, doit aussi pouvoir intégrer l'activité physique, car bien souvent l'environnement en terme de structures d'accueil, de groupes, associations, clubs, et équipements, est plus ou moins restreint ou difficile à « accéder » pour le sujet présentant un handicap. 4) Exemples Nous ne développerons pas les différentes activités physiques et sportives qui peuvent être envisagées pour des handicapés, tout en insistant sur la nécessité d'associer pratiques d'activités physiques de loisirs et sport quelque soit le niveau de pratique. Nous insistons aussi sur le caractère éducatif de la pratique de l'activité physique comme élément d'une bonne santé, d'une hygiène de vie, indispensable dans le cadre d'affections chroniques ou invalidantes pour prévenir les risques accentués de la sédentarité, de l'immobilisation, du vieillissement, et de certains effets négatifs de thérapeutiques sur l'appareil locomoteur par exemple. Par ailleurs, l'activité physique englobe tous les éléments initiaux d'un reconditionnement physique suite à une immobilité prolongée ou à une désadaptation cardiovasculaire physiologique (exemple des lésions médullaires). De même le champ d'application des affections pouvant bénéficier de la pratique d'une activité physique adaptée s'est largement étendu, les contre-indications étant de plus en plus restreintes. Au-delà des habituelles indications pour les blessés médullaires, les amputés, les infirmes moteurs, les spina bifida, les myopathes, se sont développées des pratiques pour les diabétiques, les artéritiques, les cardiaques, les asthmatiques, etc, et actuellement de plus en plus de pathologies de l'appareil locomoteur lui-même, rhumatismes dégénératifs et inflammatoires, lombalgies, douleurs chroniques et hémiplégies vasculaires. Il nous semble important actuellement de définir les activités possibles pour ces sujets, les modalités de pratique, les intérêts spécifiques, le contrôle du risque, et les procédures techniques de mise en place. Ceci ouvre largement la porte à des éventualités de programme de recherche clinique sur des protocoles d'entraînement ou de reconditionnement physique pour les populations de sujets présentant un handicap ou une affection chronique, mais aussi sur le rôle de l'activité physique adaptée à moyen et long terme, en particulier préventif de certaines complications d'ordre médicale ou psychologique. Ceci peut se formaliser par la place et le rôle de la Médecine Physique et de Réadaptation au sein des formations STAPS dans le cadre de la filière activité physique adaptée. IV - MODALITES PRATIQUES Sur le plan pratique, il nous parait important de pouvoir proposer une activité physique adaptée au sein même de la structure de rééducation, afin de pouvoir : associer ces activités dans le programme thérapeutique (par exemple : classe fauteuil, recondi-tionnement à l'effort et à l'endurance, musculation, pratique de certaines activités d'adresse, jeux de balles, jeux de raquette, natation, etc) ; - intégrer dès ce stade l'aspect éducatif bénéfique d'une activité physique régulière ; - faire connaître les activités possibles lorsque le sujet sera à domicile, et l’initier selon son choix à des activités nouvelles, - intégrer le sujet à une participation à certaines activités effectuées à l'extérieur au sein de clubs ou d'associations. Les difficultés résident le plus souvent pour certains services ou centre à mettre en place ce type d'activité dans un programme de soins, compte tenu des besoins d'un personnel spécifique et qualifié (enseignant d'éducation physique option activité physique adaptée), et d'un encadrement pour les activités à des fins de sécurité et d'aides au déplacements, à l'habillage, au transport. Au-delà du personnel se retrouvent des difficultés d'équipement (salles, gymnases, matériels,…), d'organisation (certaines activités ayant lieu en fin de journée ou début de soirée), d'interprétation (activités de soins ? de loisir ? ou d'occupation ?) même pour certains personnels de l'équipe de soins, et enfin difficultés techniques car la pratique même de certaines activités est parfois peu codifiée même au sein des structures de formation des enseignants spécialisés (UFR-STAPS : Unités de formation et de Recherche Sciences et Techniques des Activités Physiques et Sportives). Le développement de cette activité physique adaptée est d'emblée acceptée par les patients si une place est véritablement donnée au professeur d'éducation physique au sein de l'équipe de soins, lui permettant de connaître les caractéristiques médicales, physiologiques et psychologiques du patient, les contre-indications, et d'intégrer les moyens offerts par cette technique dans le projet thérapeutique du patient Ainsi de nombreuses structures s'organisent sous couvert d'associations (type loi 1901) pour développer l'activité physique adaptée, s'ouvrant ainsi la possibilité d'une pratique de ces activités au sein même de la structure de soins mais aussi à l'extérieur, pouvant intégrer ainsi les patients en période de soins et ceux vivant à domicile, en phase de réinsertion ou insérés. V - CONCLUSIONS Ainsi, d'une manière générale, la place de l'activité physique adaptée en Médecine Physique et de Réadaptation est prépondérante par : - les possibilités de re-entraînement à l'effort et de l'initiation de la pratique physique ; - les possibilités de réinsertion psychologique et sociale à la phase de réadaptation ; - les possibilités éducatives à l'égard du patient et de sa propre prise en charge ; - le développement de nouvelles procédures de prise en charge rééducatives et également réadaptatives intégrant l'activité physique comme un véritable moyen thérapeutique dans les programmes de rééducation et réadaptation en prenant en compte la dimension fonctionnelle. 1 - Département de Médecine Physique et Réadaptation, GIP Exercice-Université Jean Monnet, CHU de SaintEtienne, 42055 Saint-Etienne Cedex 2 2 - Centre de Rééducation Fonctionnelle, 65200 Bagnéres de Bigorre 3 - Centre de Rééducation de Pen-Bron, 44420 La Turballe 4 - Association Ph7, CHU de Saint-Etienne 42000 Saint-Etienne Copyright ANMSR retour page d'accueil ANMSR