La Lettre du Sénologue • n° 52 - avril-mai-juin 2011 | 25
MISE AU POINT
En 1996, le Dr Donald Mc Kenzie, médecin physiolo-
giste à l’université de Vancouver eut l’idée, extrême-
ment novatrice, voire provocante pour l’époque, de
créer un équipage de dragon ladies avec des femmes
traitées pour un cancer du sein (11). Cela pouvait
paraître insensé, voire dangereux, car toutes ces
femmes avaient eu un curage axillaire et, à l’époque,
les activités motrices du membre supérieur étaient
totalement contre-indiquées à cause du risque de
lymphœdème. Le Dr Mc Kenzie pensait au contraire
qu’une activité physique progressive, encadrée par
des équipes spécialisées (infirmières, préparateurs
sportifs ou kinésithérapeutes) pouvait être possible,
voire bénéfique pour les femmes, en "réactivant" des
voies de circulation lymphatique par un effet "actif"
de la musculature.
De plus, le mouvement effectué dans le dragon boat
peut assez bien s’adapter à cette pathologie, car il
se fait du haut vers le bas, avec une participation
importante de la musculature dorsale.
Le premier équipage de 24 femmes fut créé en
janvier 1996 ("Abreast in the boat") et l’expérience
montra que non seulement aucune ne développa
de lymphœdème secondaire mais plusieurs d'entre
elles constatèrent même une amélioration de la
mobilité de l’épaule (12).
Diverses publications ont relaté ces expériences,
en soulignant également l’importance de l’esprit
d’équipe et la solidarité entre ces femmes, qui leur
avait permis de voir différemment la vie après le
cancer. Les équipages de dragon ladies se sont depuis
multipliés, d’abord au Canada (13), aux États-Unis,
en Australie, puis en Asie et en Europe.
Expérience rémoise
Au cours de l’été 2008, Sylvie Cappellone, oncopsy-
chologue à Reims (clinique de Courlancy), rencontra
en Italie Luigia Maggiore, capitaine de l’équipe de
dragon ladies" de Florence, qui s’était constituée
peu de temps avant. Avec Bruno Cutuli, cancéro-
logue travaillant dans le même établissement, ils
montèrent le projet d’une conférence grand public
pour faire connaître cette pratique et apporter par ce
biais une aide aux femmes traitées. Cette première
conférence eut lieu le 4 décembre 2008 à la mairie de
Reims. Elle avait pour objectif d’apporter une infor-
mation au public sur le cancer du sein (en montrant
en particulier l’impact bénéfique du dépistage) et,
pour la première fois dans la région, de donner la
parole aux femmes atteintes par la maladie, qui
purent ainsi apporter leurs témoignages, parallè-
lement à celui des femmes florentines, qui étaient
venues spécialement pour l’occasion (soutenue par
le comité de jumelage Reims-Florence).
Cette conférence fut le point de départ symbolique
de la constitution de l’association "Ensemble pour
Elles" (EPE).
L’association a pour but d’apporter une information
et une aide aux femmes qui sont ou qui ont été
atteintes d’un cancer du sein. EPE favorise l’écoute
et le respect de la parole des femmes atteintes par la
maladie, elle apporte une aide morale ou matérielle,
par des actions d’accueil, d’information, ainsi que
par l’animation d’activités culturelles et sportives.
EPE essaye également d’améliorer les relations entre
les femmes traitées, les médecins et le personnel
paramédical. De plus, elle apporte au grand public
des informations relatives au cancer du sein. Pour
cela, l’association organise un "réseau" de femmes
ayant connu la maladie afin qu’elles se soutiennent
et s’entraident mutuellement en restant solidaires.
Elle organise également des événements spor-
tifs dans lesquels sont recherchés surtout l’esprit
d’équipe et l’aide mutuelle plutôt que la compéti-
tion, ainsi que des rencontres artistiques et cultu-
relles diverses dans lesquelles les femmes peuvent
être actrices ou spectatrices de l’événement.
Enfin, EPE organise des conférences et réunions
publiques sur tous les thèmes qui touchent le cancer
du sein. L’association a été reconnue officiellement
en mars 2009.
L’activité de dragon boat en constitue l’originalité,
et grâce à la collaboration des Régates Rémoises
et l’aide bénévole de plusieurs jeunes entraîneurs
(Alexandre Perrin, Élodie Berrot, Thomas Argenson
du club Reims Olympique Canoë kayak), un premier
groupe de femmes a pu s’entraîner grâce à un bateau
prêté par le club de Rouen. Six d’entre elles ont parti-
cipé à la Vogalonga 2009, la grande régate annuelle
Références
bibliographiques
1. Bouillet T. Apport de l’exercice
physique en pratique cancérolo-
gique : soins de support, traite-
ment, prophylaxie ? Oncologie
2008;10:1-6.
2. Maruti SS, Willett WC, Feskanich
D, Rosner B, Colditz GA. A prospec-
tive study of age-specific physical
activity and premenopausal
breast cancer. J Natl Cancer Inst
2008;100:728-37.
3. Maitre C. De l’importance de
l’activité physique dans la préven-
tion du cancer du sein. Bull Cancer
2009;96:543-51.
4. Bouillet T, Serin D, Zelek L. Pour
une reconnaissance de l’activité
physique comme soin de support.
Onko Plus 2009;1:29.
5. Holmes MD, Chen WY, Feskanich
D et al. Physical activity and survival
after breast cancer diagnosis. JAMA
2005;293:2479-86.
6. Pierce JP, Stefanick ML, Flatt SW
et al. Greater survival after breast
cancer in physically active women
with high vegetable-fruit intake
regardless of obesity. J Clin Oncol
2007;25:2345-51.
7. Holick CN, Newcomb PA, Tren-
tham-Dietz et al. Physical activity
and survival after diagnosis of inva-
sive breast cancer. Cancer Epidemiol
Biomakers Prev 2008;17:379-86.
8. Irwin ML, Mc Tiernan A, Berns-
tein L et al. Relationship of obesity
and physical activity with C-peptide,
leptin, and insulin-like growth
factors in breast cancer survivors.
Cancer Epidemiol Biomarkers Prev
2005;14:2881-8.
9. Ohira T, Scmitz KH, Ahmed RL,
Yee D. Effects of weight training on
quality of life in recent breast cancer
survivors. The weight Training for
Breast cancer Survivors (WTBS)
study. Cancer 2006;106:2076-83.
Les dragon ladies de Florence et Reims à la Vogalonga 2010 sur le Grand Canal de Venise.
Séno 52 juin2011 -ok.indd 25 21/06/11 10:07