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La Lettre du Sénologue - n° 7 - février 2000
e dépistage de masse organisé (DO) du cancer du
sein est un sujet d’actualité qui nous conduit à vous
proposer un second volet au dossier “Dépistage orga-
nisé du cancer du sein” (le premier volet a été publié dans La
Lettre du Sénologue, n° 6, novembre 1999).
Une revue des essais historiques a permis d’affirmer l’impact
du dépistage sur la mortalité, sous réserve d’une méthodologie
optimale. En France, des campagnes de dépistage se sont
mises en place progressivement, et nous nous proposons d’en
détailler quelques-unes dans cette deuxième partie. Ces expé-
riences, échelonnées dans le temps, sont intéressantes à
connaître, compte tenu de l’extension à l’ensemble du pays
annoncée par l’État.
En France, dès 1989, dans le cadre du Fonds National de Pré-
vention, d’Education et d’Information Sanitaire (FNPEIS), six
campagnes expérimentales (Alpes maritimes, Ardennes, Bas-
Rhin, Bouches-du-Rhône, Rhône, Sarthe) de dépistage ont été
mises en place. Quatre autres ont suivi en 1991. En 1994, une
extension progressive du programme est alors envisagée, d’où
la création d’un Comité national de pilotage, dont la mission
est d’homogénéiser l’organisation et les pratiques des diffé-
rents programmes, de promouvoir l’assurance de qualité et
l’évaluation. Un cahier des charges est établi, où l’on retrouve
quatre points principaux : l’assurance de qualité des examens
de dépistage, la formation des médecins et des autres profes-
sionnels, la participation la plus large possible de la population
concernée et le suivi épidémiologique avec évaluation du pro-
gramme. Cela impose évidemment un suivi thérapeutique ulté-
rieur adapté et de qualité.
Dès 1996, vingt départements participèrent au programme ; il
y en a actuellement trente et un. Le modèle est décentralisé,
avec environ 2 500 mammographes (pour comparaison, il y en
a 200 en Angleterre). À titre d’exemple, en 1985, on dénom-
brait, en France, 4 500 radiologues et 5 000 manipulateurs
(pour 400 en Angleterre). Les programmes des 31 départe-
ments s’adressent actuellement à 2 500 000 femmes de 50 à
69 ans, soit environ la moitié de la population française de
cette tranche d’âge.
Les résultats des plus anciennes campagnes dans l’ordre chro-
nologique (rapportés par Alain Brémond, Béatrice Gairard et
Brigitte Séradour), avec leurs vagues successives, montrent
leur impact et leur efficacité, mais aussi leurs difficultés. La
mise en œuvre des campagnes de nouvelle génération est inté-
ressante pour une future généralisation : nous attendons avec
intérêt vos commentaires éventuels.
Il faut signaler également l’existence de deux programmes un
peu différents, non financés par le FNPEIS, en 1990 dans
l’Hérault et en 1994 dans l’Orne, utilisant des structures
mobiles et s’adressant aux femmes de 40 à 69 ans : l’expé-
rience de l’Hérault est rapportée ici par Patrick Boulet.
Parmi les expériences européennes, celle de Luxembourg est
particulièrement riche d’enseignements ; elle est rapportée par
Marie-Christine Wagnon.
À côté de ce système organisé, la pratique du dépistage indivi-
duel est très répandue en France, bien qu’on lui reproche en
général un biais de sélection et sa non-évaluation. Cependant,
un essai d’évaluation a été réalisé dans un centre privé de
Tourraine (Michel Granger) ; nous vous le rapportons en vous
laissant juge des résultats obtenus.
Enfin, nous pouvons conclure ce dossier par une question cru-
ciale pour l’avenir : Avons-nous encore le choix entre ces deux
types de dépistage ? (Le dépistage organisé gagnera en crédibi-
lité grâce aux modalités uniformisées de “deux incidences,
double lecture, tous les deux ans” À ce prix, et avec rigueur et
conviction, il devrait s’imposer).
Introduction
Anne Lesur*, Edith Netter*
L
* Centre Alexis-Vautrin, Vandœuvre-lès-Nancy.
DÉPISTAGE ORGANISÉ
DES CANCERS DU SEIN (II)
DÉPISTAGE ORGANISÉ DES
CANCERS DU SEIN
DOSSIER THÉMATIQUE
1re partie
Introduction
René Gilles
Le dépistage du cancer du sein :
un bénéfice pour l’exercice médical ?
Pierre Haehnel
Dépistage organisé des cancers du sein :
quelles leçons peut-on tirer des essais
historiques ?
Marie-Hélène Dilhuydy, Béatrice Barreau,
Joseph Stinès
La contribution de l’analyse économique
au débat sur le dépistage des cancers :
l’exemple du cancer du sein
François Eisinger, Jean-Paul Moatti
Dépistage du cancer du sein
avant 50 ans et après 70 ans
Henri Tristant
En conclusion
Joseph Stinès
HISTORIQUE
C’est en novembre 1985 que se réunit, à l’initiative du Conseil
général du Rhône, une commission de cancérologie dont
l’objectif était de proposer des actions dans le domaine de la
prévention et du dépistage des cancers. Le dépistage du cancer
du sein fut retenu comme action prioritaire. Un groupe de tra-
vail se constitua pour déterminer les modalités d’une telle
action. Rappelons qu’à cette date aucune action de cette
ampleur n’avait été envisagée en France et les données dispo-
nibles provenaient de pays européens, dont la Suède. L’un de
nous avait fait un court séjour auprès du Dr Tabar, qui venait de
publier les résultats de l’expérience dite “des deux Comtés”. Il
fut décidé d’emblée d’utiliser les moyens existants, c’est-à-dire
des installations de radiologie des secteurs public et privé.
L’accent fut mis sur l’évaluation. Un registre des cancers fut
institué après un enregistrement de tous les cas de cancer du
sein de l’année 1985, constituant l’état des lieux avant le dépis-
tage réalisé par le Dr Annie Sasco, épidémiologiste. Parallèle-
ment, il fut prévu d’emblée d’enregistrer le suivi des femmes
dépistées. Une des plus grandes difficultés fut la mise au point
des convocations. La CNIL nous orienta vers l’utilisation des
fichiers des caisses d’Assurance maladie. Malheureusement, les
fichiers informatiques étaient morcelés en dix-huit fichiers. Le
centre de calcul de l’université Claude-Bernard nous prêta heu-
reusement son concours pour fusionner, trier les doublons et
établir un fichier de femmes de 50 à 70 ans du département.
Une expérience pilote commença en mai 1987 et se poursuivit
jusqu’en juin 1988. Elle portait sur un échantillon de
30 000 femmes. Le financement était assuré par le Conseil géné-
ral du Rhône et la Caisse primaire d’Assurance maladie de
Lyon. Par un arrêté du 13 septembre 1989, le département deve-
nait un site pilote, et la généralisation était obtenue en 1992.
MODALITÉS PRATIQUES
Le fichier d’origine est mis à jour régulièrement, incorporant
les femmes qui atteignent l’âge de 50 ans et celles qui viennent
résider dans le département. Chaque organisme d’Assurance
maladie s’est assuré auparavant de l’accord des femmes pour
la transmission des données au centre de dépistage, conformé-
ment à l’avis de la CNIL.
Les femmes sont invitées l’année de leurs 50, 53, 56, 59, 62,
65, 68 et 70 ans. Une relance est adressée à celles qui ne répon-
dent pas. Les mammographies (une seule incidence oblique par
sein) sont réalisées dans l’un des 88 centres de radiologie.
Les clichés sont ensuite adressés au centre de dépistage, où ils
sont relus de façon quotidienne par huit radiologues. Ceux-ci
évaluent la qualité des clichés, notent les anomalies retenues
(par une troisième lecture en cas de discordance), puis adres-
sent les résultats à la patiente et au médecin désigné par elle.
Toutes les données sont saisies dans un fichier informatique.
Par la suite, des demandes d’information sont adressées au
médecin de la patiente pour connaître les suites données à un
résultat positif. S’il n’a pas été consulté, la patiente est de nou-
veau alertée. Les résultats des examens et des interventions
éventuelles sont saisis dans le dossier. Une étude réalisée à
l’aide du registre des cancers du sein permet de connaître les
cancers de l’intervalle et les cancers des “non-répondantes”.
Le registre permet aussi de suivre l’évolution des paramètres
pronostiques dans le département depuis 1985.
RÉSULTATS
Taux de rappel
Il a beaucoup varié avec le temps (tableau I).
Le taux de rappels le plus élevé se situe dans la tranche d’âges
50-54 ans et le plus bas dans la tranche d’âges 65-69 ans. Il
diminue avec le rang de l’examen de chaque femme.
Taux de biopsies
(tableau I)
Il a diminué de moitié, particulièrement chez les femmes exa-
minées pour la première fois, ce qui traduit une meilleure
sélection des patientes opérées.
Taux de cancers
(tableau I)
Il a diminué avec le temps, y compris pour les dépistages inci-
dents. Cela traduit peut-être le fait que les patientes invitées à
l’âge de 50 ans ont, de plus en plus souvent, déjà subi des
mammographies antérieures, en particulier dès l’âge de 40 ans.
Cependant, le taux de détection reste élevé, autour de 5,5 pour
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La Lettre du Sénologue - n° 7 - février 2000
Année Taux de rappels Taux de biopsies Taux de cancers
(%) (%) (quel que soit
le rang de l’examen)
1990 10,6 1,5 7,7
1991 9,2 1,3 5,9
1992 8,3 1,2 6,4
1993 7,7 1,0 5,6
1994 8,2 1,0 4,9
1995 7,0 0,8 4,7
1996 6,1 0,7 4,1
1997 4,9
Tableau I. Taux de rappels, de biopsies et de cancers en fonction du
temps.
Dépistage du cancer du sein
dans le département du Rhône
Alain Brémond*, I. Courtial**
* Centre régional de lutte contre le cancer Léon-Bérard, Lyon.
**Association pour le dépistage des maladies du sein dans le Rhône, 28, rue
Servient, 69003 Lyon.
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La Lettre du Sénologue - n° 7 - février 2000
e programme de dépistage du cancer du sein
ADEMAS a débuté en 1989 dans le Bas-Rhin. Il
s’agissait au départ d’une campagne pilote du pro-
gramme “Europe contre le cancer”, avec le soutien du minis-
tère des Affaires sociales, du Conseil général du Bas-Rhin, du
Conseil régional et des caisses d’Assurance maladie. Après
son lancement, l’ADEMAS s’est également orientée vers la
mise en œuvre d’un programme d’assurance qualité qui porte à
la fois sur les qualités du test,
avec mise en place du suivi
télématique des équipements radiologiques du département, et
sur le développement de l’évaluation, à tous les stades de la
démarche diagnostique et thérapeutique.
MODALITÉS PRATIQUES DU DÉPISTAGE
La campagne ADEMAS a eu pour originalité d’utiliser les
structures existantes, aussi bien publiques que privées.
Résultats du programme de dépistage
du cancer du sein dans le département
du Bas-Rhin (programme ADEMAS)
Béatrice Gairard*, C. Guldenfels*, P. Haehnel*, C. Kleitz*, P. Schaffer*
L
* ADEMAS, 10, rue de Leicester, 67080 Strasbourg Cedex.
1 000 en 1996. La baisse la plus spectaculaire a été observée
chez les femmes de 60 à 69 ans, pour qui le taux de détection
est passé de 11 à 4,5 pour 1 000 femmes examinées. Ce sont
elles, en effet, qui ont eu le plus grand nombre d’examens de
dépistage depuis l’initiation du programme.
Résultats en fonction de l’âge
(tableau II)
Le tableau II montre que la spécificité de la mammographie
de dépistage est meilleure à mesure que les femmes avancent
en âge : les faux positifs sont nombreux entre 50 et 54 ans.
Malgré une stabilité du taux de biopsies, le nombre de cancers
détectés et traités augmente avec l’âge. Cela se traduit par un
plus faible nombre de biopsies, chirurgicales inutiles chez les
femmes plus âgées. On peut regretter le faible développement
des techniques de microbiopsie pour ces images anormales.
Résultats selon le rang de l’examen (
tableau III)
Les taux de rappels, taux de biopsies et taux de cancers dimi-
nuent avec le rang de l’examen, alors que la valeur prédictive
positive de la biopsie augmente. Cette meilleure sélection des
indications de la biopsie est en partie due à la possibilité de
comparer les mammographies avec les précédentes, toutes
archivées au centre de dépistage.
Au total, 810 cancers ont été dépistés entre 1990 et 1996 ; 108,
soit 15 %, sont des carcinomes canalaires in situ. Parmi les
cancers qui ont eu un curage axillaire, 70,7 % n’ont pas
d’envahissement ganglionnaire ; 77 % mesurent moins de
deux centimètres et 32 % moins d’un centimètre.
CONCLUSION
Malgré une amélioration sensible au cours des années, des pro-
grès restent à faire, notamment dans la sélection des patientes
opérées, mais aussi pour l’unification des différentes modalités
de dépistage. Celle-ci permettra une meilleure connaissance du
cancer du sein et probablement une meilleure prise en charge
diagnostique et thérapeutique.
Âge Taux de Taux de Taux de cancers Valeur
rappels biopsies (quel que soit prédictive
(%) (%) le rang de l’examen) positive
pour 1 000
50-54 ans 9,6 1,0 3,9 38,7
55-59 ans 7,8 1,0 4,9 49,6
60-64 ans 7,5 1,0 5,6 57,4
65-69 ans 6,6 1,1 6,8 64,4
Tableau II. Variations en fonction de l’âge.
Rang Taux de Taux de Taux de cancer Valeur
rappels (%) biopsies (%) (pour 1000) prédictive
positive
1er examen 8,9 1,2 5,9 49,9
2eexamen 6,7 0,8 4,6 59,2
3eexamen 5,3 0,7 4,3 63,0
Tableau III. Taux de rappels, taux de biopsies, taux de cancers et
valeur prédictive positive de la biopsie.
Elle concerne toutes les femmes résidant dans le département du
Bas-Rhin, âgées de 50 à 65 ans, assujetties à l’une des caisses
d’Assurance maladie ayant accepté de participer à ce pro-
gramme. Elle leur rappelle régulièrement le rythme de deux ans
par l’envoi d’une lettre accompagnée des clichés de la vague
précédente. Ce rappel est possible grâce à la mise en place d’un
fichier informatisé de toutes les patientes qui se présentent spon-
tanément au dépistage. Ce résultat est obtenu grâce à un travail
d’incitation et d’information majeure auprès des médecins trai-
tants qui ont tous été contactés personnellement.
Seules sont exclues du dépistage et subissent d’emblée une
procédure diagnostique les femmes qui ont des antécédents
familiaux de cancer du sein au premier degré, diagnostiqué
avant cinquante ans, les femmes suivies antérieurement pour
une image atypique, une lésion frontière ou un cancer du sein,
ou celles qui présentaient un signe clinique suspect de cancer
(ride, fossette ou tumeur, écoulement sanglant).
Le test de dépistage comporte une seule incidence latérale
médio-oblique externe couvrant l’ensemble du sein, ce sans
examen clinique.
Au centre coordonnateur, une deuxième lecture de tous les cli-
chés est réalisée en aveugle par d’autres lecteurs, plus spéciali-
sés en sénologie que les précédents. Ils sont au nombre de
cinq. Une troisième lecture est effectuée en cas de discordance
entre les deux premiers groupes de lecteurs.
Le nombre de radiologues participant au programme est de
101. Ils exercent dans des cabinets privés et publics répartis
sur l’ensemble du département.
Un système de contrôle de qualité régulier de la chaîne mam-
mographique est assuré par le CAATS (Centre d’évaluation et
d’Assurance de qualité des Applications Technologiques dans
le domaine de la Santé), organisme privé spécialisé dans le
contrôle de qualité des appareils de radiologie.
RÉSULTATS
Participation du 15 mai 1989 au 31 décembre 1997
Sur cette période, 171 767 mammographies ont été réalisées,
dont 63 367 chez des femmes qui se sont présentées spontané-
ment pour le premier examen de dépistage.
Pour les vagues ultérieures, les femmes sont invitées par l’ADE-
MAS, avec l’envoi d’un courrier et des clichés antérieurs, leur
rappelant la nécessité de refaire un cliché de dépistage deux ans
après l’examen précédent : 46 982 femmes ont participé à la
deuxième vague, 35 541 à la troisième et 22 083 à la quatrième.
Participation à la vague prévalente
Le taux de participation cumulatif calculé pour la cohorte des
femmes qui avaient de 50 à 64 ans en 1989 (recensement
INSEE, 1990) est de 31,6 % au bout de 1,5 an, de 41,9 % au
bout de 2,5 ans et de 58,1 % au bout de 8,5 ans.
Ce taux de participation est sous-évalué. En effet, pour la
cohorte des femmes de 60 à 64 ans, le nombre d’entre elles qui
peuvent bénéficier d’un dépistage diminue avec le temps,
puisque, au bout de deux ans, celles qui avaient 64 ans en 1989
ont 66 ans deux ans plus tard et ne peuvent de ce fait être
dépistées dans le cadre de la campagne. Il en est de même, au
bout de trois ans, pour les femmes qui avaient 63 ans en 1989.
De ce fait, la participation, pour les femmes de cette tranche
d’âge, se limite à 42,6 % à partir de 1994.
Le taux de participation est également plus bas du fait des cri-
tères d’exclusion assez larges (voir précédemment), faisant que
beaucoup de femmes ont immédiatement des examens diagnos-
tiques. Les femmes qui n’appartiennent à aucune des caisses
d’Assurance maladie participant au programme ont également
d’emblée des examens mammographiques de diagnostic.
Si l’on ajoute au taux de participation au programme ADE-
MAS ces examens hors dépistage, on trouve un taux de cou-
verture qui atteint 51,6 % au bout de 2,5 ans, 77,1 % au
31 décembre 1997, et 77 % pour la cohorte des femmes âgées
de 50 à 64 ans en 1989.
Participation aux vagues ultérieures
Parmi les femmes ayant bénéficié d’un dépistage incident,
85 % ont bénéficié d’une deuxième mammographie, en
moyenne 24 mois plus tard ; parmi ces dernières, 91 % ont eu
une troisième mammographie, et 92 % de celles de ce dernier
groupe ont eu une quatrième mammographie.
CONCLUSION
Au terme de cette présentation des résultats du programme
ADEMAS au bout de 8 ans de fonctionnement, il est permis de
penser que le dépistage “à la française”, faisant appel aux
structures existantes et non pas à des centres spécialisés, est
possible, et qu’il permet de réduire la mortalité par cancer du
sein. Cependant, pour aboutir à un tel résultat, il est indispen-
sable d’organiser ce dépistage et de l’évaluer en permanence,
et de mettre en place un système d’assurance qualité.
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La Lettre du Sénologue - n° 7 - février 2000
Elle n’utilise pas de convocation, mais favorise la parti-
cipation active de la population cible par motivationdes
participants.
1er examen 2eexamen 3eexamen 4eexamen
Nombre 59 069 43 845 31 297 14 449
de dépistages
Taux de rappel 8,7 3,6 2,4 2,3
(%)
VPP dépistage 6,3 9,9 17 15,1
(%)
VPP biopsie (%) 48,8 67,2 80,4 72,5
Nombre de cancers 328 158 127 50
détectés
Taux de détection 5,5 3,6 4,0 3,5
(pour 1 000)
Taux de cancers 35,2 32,8 40,6 35,3
10 mm (%)
Taux de N+ (%) 29,1 33,1 21,7 18,9
Tableau I. Autres indicateurs précoces d’efficacité au 31 décembre 1996.
VPP : valeur prédictive positive.
n 1989, une première expérience pilote de dépistage
a été initiée dans le département : 3 000 femmes ont
bénéficié d’une mammographie dans 9 centres de
radiologie.
Dès 1990, avec le soutien du Fonds National de Prévention, le
programme a invité, tous les trois ans, l’ensemble de la popu-
lation de 50 à 69 ans. La population cible des Bouches-du-
Rhône comprenait 190 000 femmes. L’ensemble des assurées
des différents régimes et des mutuelles était concerné.
Le nombre des centres de radiologie publics et privés a pro-
gressivement augmenté : 60 centres participaient en 1990, 110
en 1994. Un recueil départemental des biopsies mammaires a
été créé dès 1990 pour réunir l’ensemble de tous les résultats
histologiques, quels que soient l’âge ou le diagnostic.
Les mammographies de dépistage ont toutes été soumises à
une double lecture. La deuxième lecture a été centralisée et
effectuée par un comité fixe de 6 à 8 radiologues spécialisés en
sénologie. En cas de test de dépistage anormal, la patiente a été
examinée dans le cadre du système de soins habituel. Le pro-
gramme n’a pas géré la prise en charge thérapeutique des ano-
malies détectées. Le suivi des dépistages anormaux a été
connu dans 97 % des cas.
Un programme d’assurance qualité radiologique a été mis en
place en 1993. Des visites semestrielles de chaque centre ont
permis d’homogénéiser la qualité des matériels radiologiques.
Un cahier des charges a dû être accepté par les centres habili-
tés par le programme. Quinze pour cent des centres ont
renoncé à poursuivre ce programme entre 1993 et 1997.
Un programme d’assurance qualité anatomopathologique a aussi
démarré en 1993. Les 30 laboratoires y participant ont accepté
une fiche de recueil identique et ont suivi des formations pour
obtenir une meilleure concordance sur les diagnostics.
Entre 1993 et 1998, trois campagnes se sont déroulées, et
223 000 mammographies ont été réalisées. La participation
moyenne a été de 48 %. Le pourcentage de tests jugés positifs
est resté assez bas, de l’ordre de 3,5 %. Au total, 1 050 cancers
ont été détectés, dont 35 à 40 % avaient un diamètre de 10 mm
ou moins. Le taux de détection a été supérieur à 5 ‰ lors de la
première mammographie ; il a été de 4 ‰ lors de la deuxième
ou troisième mammographie. Le taux de cancers de l’intervalle
sur trois ans (après test négatif) a été de 2,5 cancers pour mille
femmes dépistées. La qualité des clichés s’est largement amé-
liorée mais les échecs du dépistage ont été d’autant plus nom-
breux que l’intervalle a été plus long. Les résultats obtenus sur
24 mois ont été de 1,5 ‰, ce
qui est un taux comparable à
celui des autres programmes
européens.
Des enseignements multiples
ont été tirés du programme au cours de ces neuf années, tant
sur le plan du fonctionnement que sur celui de la recherche.
– Les professionnels du secteur public et du secteur privé, en
collaborant, ont réussi à améliorer non seulement la qualité du
dépistage, mais aussi la qualité de l’ensemble des mammogra-
phies du département.
– La base de données qui a été constituée a pu servir à des
études épidémiologiques, anatomopathologiques, radiolo-
giques et économiques. Cette base a permis de développer un
centre de formation pour les radiologues, les manipulateurs,
les physiciens et les ingénieurs biomédicaux.
– Chaque centre de radiologie a reçu régulièrement l’évalua-
tion de ses résultats par rapport à l’ensemble des lecteurs et les
corrections à envisager pour devenir plus performant.
– Les méthodes de mesure de la qualité radiologique ont été
validées par le programme européen EUREF. Cela nous a per-
mis de comparer nos résultats à ceux des autres programmes
étrangers.
– Des études en collaboration avec le laboratoire de physique
de la faculté des sciences de Saint-Jérôme ont été entreprises
sur le traitement des images par ordinateur en vue d’améliorer
leur détection.
– Sur le plan de la santé publique, des enquêtes chez les
femmes participant ou non au programme ont pu préciser
l’impact de l’invitation sur les diverses classes sociales de la
population. Il est clair que le programme a sensibilisé à la pré-
vention les femmes les moins médicalisées. Dix pour cent
d’entre elles étaient seulement surveillées par un gynécologue.
Le dépistage organisé du cancer du sein :
l’expérience des Bouches-du-Rhône
Brigitte Séradour*
* ARCADES (Association pour la recherche et le dépistage des cancers du sein),
hôpital de la Timone, Bâtiment F, rue Jean-Moulin, 13005 Marseille Cedex.
E
Âge N Tests Biopsies Cancers Cancers/biopsies
positifs chirurgicales détectés
50-59 80 364 4,3 % 0,7 % 3,6 ‰ 48 %
60-69 105 748 4 % 0,9 % 6,1 ‰ 62 %
70-72 13 435 2,7 % 0,6 % 4,5 ‰ 76 %
Total 199 547* 4,1 % 0,8 % 5 ‰ 58 %
Tableau I. Dépistage du cancer du sein (Bouches-du-Rhône, 1990-
1997).
*130 915 premières mammographies ; 68 632 deuxièmes ou troisièmes
mammographies.
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