À ÉDITORIAL Le dépistage organisé du cancer colorectal

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ÉDITORIAL
Le dépistage organisé du cancer colorectal
est devenu une réalité en France1
J. Faivre*
À
1
D’après La Lettre de l’Hépato-gastroentérologue 2007;X(1-2):3-4.
* Registre bourguignon des cancers
digestifs Inserm U866, Faculté de médecine et CHU de Dijon.
court terme, seule une politique de
dépistage de masse peut faire évoluer de
manière significative le grave problème
que pose le cancer colorectal. Trois études
contrôlées réalisées dans des populations bien
définies indiquent qu’il est possible de diminuer
de 14 à 18 % la mortalité par cancer colorectal
en faisant, tous les 2 ans, un test de recherche
d’un saignement occulte dans les selles chez les
individus des deux sexes âgés de 50 à 74 ans, à
condition que la participation soit d’au moins
50 %. Chez les participants au dépistage, la diminution de mortalité se situe entre 33 et 39 %
selon les études (1-3). Ces données ont conduit
à l’inscription du dépistage du cancer du côlon
dans le Code européen contre le cancer et à
une Recommandation de la Commission européenne elle-même (4, 5). Actuellement, le seul
test validé dans de larges populations est le test
Hemoccult®. Des programmes nationaux sont
en cours ou en voie de démarrage en Allemagne,
en Angleterre, en Finlande, en Autriche et en
Hollande et des études pilotes au Danemark,
en Irlande, en Suède, en République tchèque
et en Belgique. Aux États-Unis, la stratégie de
dépistage est laissée au choix de chaque individu.
En pratique, le choix dépend beaucoup de ce que
permet l’assurance médicale souscrite.
Pour obtenir une diminution significative de la
mortalité, il faut avoir recours à un dépistage
organisé permettant un contrôle de qualité du
programme. Les gastroentérologues sont des
experts en ce qui concerne le dépistage du cancer
colorectal. Ils doivent continuer à se mobiliser
pour informer les généralistes, comme ils l’ont
fait avec succès dans les programmes pilotes.
Les conditions permettant d’obtenir un taux de
participation élevé sont maintenant bien établies
en France. Le test doit être remis pendant une
période de 4 à 6 mois par les médecins traitants,
puis adressé par la poste aux personnes n’ayant
pas consulté. La formation des généralistes et
des médecins du travail est essentielle : plus de
90 % des tests qu’ils remettent sont faits. Leur
lecture doit être centralisée dans des centres
agréés et effectuée par des équipes entraînées
et formées pour limiter le taux de positivité
à 2 %. Cette organisation est nécessaire pour
permettre un accès de tous au dépistage en
faisant bénéficier chacun de la même garantie
de qualité.
Un cahier des charges du dépistage tenant
compte des principes énoncés ci-dessus et des
expériences françaises a été établi. Il a été publié
au Journal officiel en 2006. Au total, 23 départements ont été retenus comme départements
pilotes. Des résultats, parfois partiels, sur la
participation sont disponibles dans 15 départements. Elle atteignait ou dépassait 50 %
dans sept départements. Elle se situait entre
35 % et 45 % dans sept autres départements,
et était faible (32 %) dans deux départements,
qui jusqu’ici n’avaient pas appliqué le cahier des
charges dans son intégralité. Ces deux départements ont annoncé, au vu des résultats, une
évolution de leur stratégie… En ce qui concerne
les marqueurs de qualité du programme, les
résultats obtenus sont encourageants. Les taux
de positivité du test de dépistage se situent
entre 2 et 3 %, la coloscopie découvre un cancer
dans 10 % des cas (variations de 8 à 14 %) et un
adénome dans 30 à 40 % des cas. Au total, les
résultats indiquent que chaque fois que le dépistage est organisé de manière rigoureuse, il est
possible de reproduire les résultats des études
expérimentales. Cela a conduit le ministre de
la Santé à décider de généraliser le dépistage
du cancer colorectal. À la suite d’une sélection
rigoureuse, 20 nouveaux départements ont été
retenus en novembre 2005 par le Comité technique sur le dépistage du cancer colorectal. Il a
fallu se battre contre des idées fausses qui circulaient, notamment celle concernant la Caisse
nationale d’assurance maladie, qui dénonçait les
lenteurs incompréhensibles pour le déblocage
des financements. La Société nationale française
de gastroentérologie a été, depuis plus de 5 ans,
à la pointe du combat. Après un an d’effort, la
décision d’extension a été officialisée. Un nouvel
appel d’offre a été lancé en janvier 2007 permettant de retenir progressivement les départements
retardataires. Les derniers sont sur le point de
proposer le test aux populations concernées. On
peut annoncer avec certitude que le dépistage du
cancer colorectal sera enfin devenu une réalité
sur tout le territoire en 2008.
O
Références bibliographiques
1. Kronborg O, Fenger C, Olsen J, Jorgensen OD,
Sondergaard O. Randomized study as screening for
colorectal cancer with faecal-occult-blood test.
Lancet 1996;348:1467-71.
2. Hardcastle JD, Chamberlain JO, Robinson MHE
et al. Randomized controlled trial of faecal-occult-
blood screening for colorectal cancer. Lancet
1996;348:1472-7.
3. Faivre J, Dancourt V, Lejeune C et al. Reduction
in colorectal cancer mortality by fecal occult blood
screening in a controlled study in France. Gastroenterology 2004;126:1674-80.
4. Advisory Committee on cancer prevention.
Recommendations on screening in the European
Union. Eur J Cancer 2000;36:1473-8.
5. Council of the European Union. Council recommendation of 2 December 2003 on cancer screening.
Offi cial Journal of the European Union.
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