> ACTUALITÉS oncosciences Coordonné par S. Faivre (hôpital Beaujon, Clichy) et C. Tournigand (hôpital Saint-Antoine, Paris) > Cancer Research > Clinical Cancer Research > Journal of the National Cancer Institute > Nature Medicine > Oncogene > Science > Un nouveau principe dans les essais de recherche de dose : une dose spécifique à chaque patient et une poursuite au-delà de la phase I ACTUALITÉS oncosciences L’ 6 objectif principal d’un essai de phase I est l’identification de la dose optimale du médicament testé. Idéalement, d’un point de vue thérapeutique, ces essais doivent être conçus pour traiter le plus grand nombre de patients à doses optimales. Dans le développement des cytotoxiques, il existe un principe de relation linéaire entre la dose et l’efficacité, et donc entre la dose et la toxicité. Ce principe peut être contesté dans le développement des nouvelles molécules dites “ciblées”. Avec le recul, il est devenu évident que la tolérance au traitement peut être influencée par différents facteurs comme l’âge, le sexe, les fonctions organiques et le profil génétique, affectant la clairance ou le métabolisme du produit. A. Rogatko et al. (1) proposent de nouveaux principes pour l’évaluation des nouvelles thérapies anticancéreuses : – la dose doit pouvoir être adaptée aux caractéristiques de chaque patient ; – la recherche de dose doit être poursuivie au-delà de la phase I, dans les essais de phase II et III. Suivant ces principes, une méthode bayésienne appelée EWOC (2) (Escalation With Overdose Control Method) est présentée. Il s’agit d’une méthode de recherche de dose, développée initialement pour minimiser le nombre de patients traités à dose toxique, définissant, a priori, la proportion attendue de patients traités sous la MTD. Le procédé a ensuite été étendu dans le but de permettre l’incorporation de données spécifiques à chaque patient pour le calcul de la dose optimale. Cette méthodologie est illustrée par un essai de phase I du PNU-214565, chez des patients traités pour une tumeur gastro-intestinale. La toxicité de ce produit dépend à la fois de la concentration plasmatique en anticorps antiSEA (Staphylococcal Enterotoxin A, neutralisant l’action du médicament) et de la dose reçue. À l’issue de cet essai, la dose recommandée varie d’un index de 1 à 40 en fonction de la concentration en anticorps des patients. Au-delà de la phase I, les auteurs incitent à poursuivre les essais de phase II et III selon un schéma (figure) incluant différentes étapes d’analyse de toxicité et d’efficacité, permettant un ajustement des doses au fur et à mesure de l’obtention des données. Paradigme standard Essai clinique Phase I Phase II Phase III temps Paradigme proposé temps La Lettre du Cancérologue - Suppl. Les Actualités au vol. XIV - n° 6 - décembre 2005 Pour aller de plus en plus vite dans le développement des molécules, de nombreuses stratégies d’escalade de dose en phase I ont été proposées. La plus répandue est la CRM (Continual Reassessment Method), fondée sur une approche dynamique qui propose de traiter chaque patient au palier de dose le plus proche de la dose maximale tolérée (DMT), estimé suivant un modèle évolutif reposant sur les observations précédentes (3). Dans ce cas, la cible n’est plus une minimisation des patients sur-traités, mais des patients sous-traités, qui conduit le schéma de l’essai. D’autres stratégies consistent à définir des sous-groupes de patients en termes de risque de toxicité a priori et à utiliser une stratégie différente d’escalade de doses pour chaque sous-groupe, comme s’il y avait plusieurs essais. Mais la définition des sous-groupes est arbitraire, et une relation éventuelle entre la DMT et le pronostic des patients n’est pas prise en compte (4-6). De manière historique, les essais de phase I ont été validés pour déterminer la DMT de produits cytotoxiques. Avec le développement d’essais d’association et de thérapeutiques ciblées, l’escalade de dose de type 3 + 3 n’est plus optimale. De nouvelles stratégies sont nécessaires. Plusieurs méthodologies statistiques sont envisageables pour déterminer une dose minimale efficace. Cependant, ces nouveaux modèles nécessitent une logistique plus sophistiquée, avec un renforcement de la collaboration entre les cliniciens, pour l’obtention des données cliniques a priori, et l’équipe de biostatistiques, pour la définition du modèle et les simulations successives en fonction des données obtenues en cours d’essai. N. Houédé-Tchen Institut Bergonié, Bordeaux > A. Rogatko et al. Clinical Cancer Research 2005;11:5342-6. Po u r en sa v o i r p l u s . . . 1. Rogatko A, Babb JS, Tighiouart M et al. New paradigm in dose-finding trials: patient-specific dosing and beyond phase I. Clin Cancer Res 2005; 11:5342-6. 2. Babb J, Rogatko A, Zacks S. Cancer phase I clinical trials: efficient dose escalation with overdose control. Stat Med 1998;17:1103-20. 3. O’Quigley J, Pepe M, Fisher L. Continual reassessment method: a practical design for phase I clinical trials in cancer. Biometrics 1990;46:33-48. 4. O’Quigley J, Shen LZ, Gamst A. Two-sample continual reassessment method. J Biopharm Stat 1999;9:17-44. 5. Mick R, Ratain MJ. Bootstrap validation of pharmacodynamic models defined via stepwise linear regression. Clin Pharmacol Ther 1994;56:217-22. 6. Piantadosi S, Liu G. Improved designs for dose escalation studies using pharmacokinetic measurements. Stat Med 1996;15:1605-18. > La métalloprotéinase MMP1 : un marqueur de la progression tumorale mammaire ? L’ hyperplasie canalaire atypique multiplie par cinq le risque de cancer du sein infiltrant. L’analyse morphologique ne permettant pas de déterminer avec précision cette évolutivité, il s’avère nécessaire de caractériser des marqueurs biologiques spécifiques afin de mieux déterminer l’évolutivité de ces lésions. Actuellement, aucun marqueur de ce type n’a été identifié. À l’aide de puces Affymétrix®, les auteurs ont comparé le transcriptome de 6 lésions d’hyperplasie canalaire atypique (HCA) avec cancer du sein infiltrant (concomitant ou non) à celui de 10 lésions d’hyperplasie canalaire atypique sans survenue de cancer du sein dans les 5 ans après le diagnostic d’HCA. Cinq cent quarante gènes sont exprimés de façon différentielle, dont 10 sont déjà identifiés comme impliqués dans la progression du cancer du sein (1). Parmi les gènes les plus sous-exprimés se trouvent, ceux codant pour des suppresseurs de tumeur et des protéines de liaison aux facteurs de croissance ; parmi les plus surexprimés figurent des gènes codant pour des protéines de contrôle du cycle cellulaire, des proteïnes, de synthèse des acides nucléiques, des estrogènes, et des gènes de dégradation de la matrice extra-cellulaire, dont MMP1, déjà connu pour son rôle dans la tumorigenèse mammaire. Une étude immunohistochimique de MMP1 montre que seules 4 lésions parmi 30 précancéreuses SANS cancer du sein sont MMP1 positives versus 63 lésions positives, parmi 73 lésions précancéreuses AVEC cancer du sein infiltrant. Enfin, le taux d’ARNm étudié en real time quantitative RT-PCR dans 30 échantillons de lavage ductal est prédictif d’une évolution défavorable. Ces tests simples pourraient aider à l’identification des lésions bénignes à risque de développer un cancer du sein infiltrant. F. Lerebours Centre René-Huguenin, Saint-Cloud > Poola I et al. Identification of MMP-1 as a putative breast cancer predictive marker by global gene expression analysis. Nat Med 2005;11(6):481-3. Po u r en sa v o i r p l u s . . . 1. Ma XJ et al. PNAS. 2003. > Un set de 21 gènes de valeur pronostique et/ou prédictive de la réponse au tamoxifène controversée dans les cancers du sein L a détermination des facteurs anatomocliniques étant insuffisante pour prédire avec précision le devenir des patientes atteintes de cancer du sein, la recherche de marqueurs génoty- La Lettre du Cancérologue - Suppl. Les Actualités au vol. XIV - n° 6 - décembre 2005 7 > ACTUALITÉS oncosciences Coordonné par S. Faivre (hôpital Beaujon, Clichy) et C. Tournigand (hôpital Saint-Antoine, Paris) > Cancer Research > Nature Medicine > Clinical Cancer > Oncogene Research > Science > Journal of the National Cancer Institute piques pronostiques est constante, et notamment de marqueurs pouvant poser ou non l’indication de traitement adjuvant dans les cancers N-. La meilleure façon d’étudier la valeur pronostique pure d’un marqueur est de le faire en l’absence complète de traitement adjuvant. Le problème est que, désormais, cette situation est rare, une chimiothérapie étant prescrite dans environ 80 % des cancers N-. Les études rétrospectives trouvent donc ici leur place, à cela près que les échantillons ont le plus souvent, dans ce cas, été conservés en paraffine et qu’ils n’ont pas été congelés. Les auteurs ont utilisé ici un set de 21 gènes (16 d’intérêt et 5 de référence*) caractérisé en RT-PCR sur échantillons en paraffine. Ce set multigène a été corrélé au risque de rechute à distance (moyenne de suivi : 18 ans) chez 149 patientes N- n’ayant reçu aucun traitement adjuvant. La corrélation entre l’essai en RT-PCR et les données immunohistochimiques (HER2, ER, PR) est bonne. Il n’est pas mis en évidence de valeur pronostique de ce set dans cette population, alors que dans la population de l’essai du NSABP B14, ce même set s’est révélé capable de prédire la rechute chez des patientes traitées ou non (groupe placebo) par tamoxifène adjuvant (1). Quoi qu’il en soit, l’approche technologique est intéressante et faisable, mais requiert sans doute de plus larges études. *ER, PR, HER2, Ki67, STK15, survivine, cycline B1, MYBL2, BCL2, GRB7, BAG1, GSTM1, cathepsine L2, stromélysine 3, CD68, SCUBE2. F. Lerebours Centre René-Huguenin, Saint-Cloud > Esteva FJ et al. Prognostic role of a multigene reverse transcriptase assay in patients with node-negative breast cancer not receiving adjuvant systemic therapy. Clin Cancer Res 11:3315-19. Po u r en sa v o i r p l u s . . . 1. Paik S et al. N J Med, 2004. 8 > Le polymorphisme du codon 118 de ERCC1 est un facteur prédictif de la réponse à l’association 5-FU + oxaliplatine des patients atteints de cancer colorectal métastatique L e groupe de l’Institut GustaveRoussy s’est intéressé à l’un des polymorphismes de l’enzyme ERCC1, impliquée dans le système de réparation de l’ADN par excision de nucléotide (NER). Ce système joue en particulier un rôle majeur dans la réparation des adduits des dérivés du platine sur l’ADN. L’oxaliplatine possède une activité antitumorale dans les cancers colorectaux, alors que d’autres dérivés comme le cisplatine et le carboplatine sont peu actifs. Différents travaux ont montré qu’une expression élevée du gène ERCC1 est associée à une résistance des cancers ovariens, gastriques et coliques à la chimiothérapie contenant des sels de platine. Le but de cette étude était de déterminer si le polymorphisme “synonyme” du gène ERCC1 au niveau du codon 118 pouvait être associé à l’efficacité clinique de la chimiothérapie des cancers colorectaux métastatiques. Ce polymorphisme synonyme entraîne la substitution d’une cytosine dans le codon 118 (C > T), ce qui provoque le changement du codon AAC en AAT ; tous deux codant une asparagine. Quatre-vingt-onze patients (âge moyen de 55,1 ans) au total ont été inclus dans une étude rétrospective, qui ont tous reçu en première ligne une chimiothérapie à base de 5-FU seul (54,9 %) ou en association avec soit l’oxaliplatine (31,9 %) soit l’irinotécan (13,2 %). Le génotypage des 91 patients pour le polymorphisme du codon 118, réalisé à partir La Lettre du Cancérologue - Suppl. Les Actualités au vol. XIV - n° 6 - décembre 2005 de l’ADN extrait de tissu sain, révèle que 20 patients (22 %) sont homozygotes communs (C/C), 30 (33 %) homozygotes variants (T/T) et 41 (45 %) hétérozygotes (C/T). La prévalence des allèles C et T est respectivement de 55,5 % et 44,5 % dans le codon 118. Le taux de réponses objectives à l’association 5-FU + oxaliplatine est significativement plus élevé (p = 0,018) dans le groupe de patients de génotype T/T que dans le groupe de patients homozygotes communs ou hétérozygotes. Inversement, aucune différence significative n’est observée quand les patients reçoivent une chimiothérapie à base de 5-FU seul (p = 0,407) ou en association avec l’irinotécan (p = 0,305). Une recherche de perte d’hétérozygotie d’un allèle a été entreprise à partir d’ADN génomique extrait des tissus tumoraux des 41 patients de génotype hétérozygote pour le codon 118. Il s’avère que seul un patient (2,4 %) présente une perte d’hétérozygotie, l’allèle C étant maintenu. Plusieurs publications avaient rapporté que l’expression de ERCC1 était plus fortement diminuée lorsqu’il portait l’allèle variant T que lorsqu’il portait l’allèle commun C. Une explication serait que les deux codons codent effectivement une asparagine, mais que le codon AAT serait significativement moins abondant que le codon AAC, ce qui entraînerait, chez les patients homozygotes variants T/T, une diminution de l’efficacité de la traduction. Différentes études in vitro sur des lignées cellulaires de carcinomes humains ovariens confirment que le génotype commun C/C du codon 118 de ERCC1 est plus efficace dans la réparation des lésions de l’ADN induites par les sels de platine. Cette étude est la première qui montre que le polymorphisme de ERCC1 au niveau du codon 118 affecte la réponse tumorale à une chimiothérapie 5-FU + oxaliplatine dans les cancers colorectaux. Ce polymorphisme pourrait être un critère moléculaire utile pour prédire la sensibilité à l’oxaliplatine de patients atteints de cancers colorectaux métastatiques. V. Le Morvan Institut Bergonié, Bordeaux > Viguier J et al. Clinical Cancer Research 2005;11:6212-7. > Effet sur la sensibilité à l’imatinib d’un single nucleotide polymorphism (SNP) dans la région codante de ABL L a leucémie myéloïde chronique (LMC) est liée à une anomalie chromosomique résultant d’une translocation entre les chromosomes 9 et 22, qui conduit d’une part à une anomalie morphologique, avec un raccourcissement du chromosome 22 (chromosome de Philadelphie), et d’autre part à une anomalie fonctionnelle, due à la formation sur le chromosome 22 du gène BCR-ABL, qui code la protéine de fusion Bcr-Abl. Cette protéine a une activité tyrosine kinase non liée à un récepteur, excessive, non régulée. Elle entraîne des phosphorylations excessives, en cascade, provoquant un effet mitogène. Bien que la chimiothérapie classique entraîne une rémission dans 50 % des cas, seuls 20 % des patients survivront. L’arrivée, il y a déjà quelques années, de traitements consistant à cibler l’activité tyrosine kinase a révolutionné le traitement de cette pathologie, mais très vite des mécanismes de résistance sont apparus. La résistance acquise à l’imatinib est fréquemment associée à des mutations dans le domaine kinase de Bcr-Abl qui interfèrent avec la fixation des médicaments. Il est évident que des mutations dans la boucle de fixation à l’ATP (P-loop) seront associées à un mauvais pronostic. L’analyse des mutations du domaine kinase de Bcr-Abl chez des patients atteints de LMC a révélé la présence d’un SNP à la position 247 (K247R) dans (ou proche de) la boucle P. Ce SNP conduit à la substitution d’une lysine à une arginine. Les patients Bcr-Abl-K247R pourraient avoir une réponse suboptimale à l’imatinib. Après avoir identifié ce polymorphisme, les auteurs ont entrepris de déterminer la fréquence allélique de ce SNP K247R en criblant 213 donneurs de sang anglais, qui constituaient le groupe contrôle, et 157 patients atteints de LMC, issus du département d’hématologie de Leipzig (Allemagne). L’âge moyen de ces patients était de 53 ans (20 à 78 ans), avec un ratio homme-femme de 1 : 0,99. Le génotypage de ce SNP K247R a été réalisé par séquençage classique, Restriction Fragment Length Polymorphism (RFLP) et analyse par Single Strand Conformation Polymorphism (SSCP). Des analyses biochimiques et des tests de prolifération cellulaire ont été effectués afin de déterminer l’influence de ce polymorphisme sur la sensibilité à l’imatinib et au desatinib. Pour ce faire, des cellules Ba/F3 ont été transfectées avec la forme sauvage de ABL pour le polymorphisme K247R et la forme variante. Des tests de prolifération ont alors été effectués sur ces cellules stables en présence ou absence d’imatinib (0-1 mM) et de desatinib (0-32 mM). Les résultats de cette étude montrent que la fréquence allélique de ABL-K247R est très faible et qu’elle n’est pas significativement différente dans la population de patients atteints de LMC et dans la population contrôle. Trois patients sur cinq possédant l’allèle lysine n’ont pas présenté la réponse cytogénétique majeure attendue, ce qui suggère que l’allèle lysine peut être liée à une moindre sensibilité à l’imatinib. Il est en effet possible qu’un changement d’acide aminé dans la boucle P à la position 247 modifie sa conformation et entraîne une diminution de la fixation du médicament. Cependant, aucune différence significative de sensi- bilité à l’imatinib n’est observée entre les cellules Ba/F3 exprimant Bcr-Abl-WT et celles exprimant Bcr-Abl-K247R, alors que les cellules Ba/F3 exprimant Bcr-AblT315L sont fortement résistantes à l’imatinib. Les auteurs suggèrent que la protéine Bcr-Abl-K247R pourrait moduler la biologie de la maladie indépendamment de la sensibilité à l’imatinib. Pour affirmer cette hypothèse, il est nécessaire de collecter les données de réponse à l’imatinib sur une cohorte plus importante de patients atteints de LMC et possédant Bcr-Abl-K247R. Cet allèle lysine de la protéine Bcr-Abl ne peut être considéré comme une mutation nécessitant un changement de stratégie thérapeutique, à moins qu’il n’y ait d’autres signes de réponse inadéquate au médicament. V. Le Morvan Institut Bergonié, Bordeaux > Croosman LC et al. Leukemia 2005;19:1859-62. > Un gène inhibiteur de la sénescence est impliqué dans la résistance aux agents anticancéreux A lors que l’apoptose a occupé, pendant une décennie, le devant de la scène comme unique modalité de mort cellulaire induite par les médicaments anticancéreux, on revient enfin à une vision plus diversifiée et moins dogmatique: la sénescence compte certainement parmi les mécanismes ultimes de l’activité des agents cytotoxiques, en aval de leur interaction avec leur cible primaire. Les gènes impliqués dans la mise en place de cet arrêt de croissance cellulaire – ou s’opposant à cette mise en place – commencent à être identifiés et caractérisés. C’est le cas du gène SIRT1, gène “de longévité” identifié comme tel dans des organismes inférieurs comme la levure ou la La Lettre du Cancérologue - Suppl. Les Actualités au vol. XIV - n° 6 - décembre 2005 9 > ACTUALITÉS oncosciences Coordonné par S. Faivre (hôpital Beaujon, Clichy) et C. Tournigand (hôpital Saint-Antoine, Paris) > Cancer Research > Nature Medicine > Clinical Cancer > Oncogene Research > Science > Journal of the National Cancer Institute drosophile, puis chez la souris. Peu de choses sont encore connues sur les mécanismes par lesquels il protège de la sénescence, mais le lien entre sénescence et cytotoxicité a encouragé à étudier son rôle comme facteur de résistance à la chimiothérapie. Les auteurs de ce papier ont généré tout un panel de lignées tumorales humaines résistantes à des agents anticancéreux, par la méthode classique d’exposition prolongée à des doses infra-toxiques et progressivement croissantes d’agents cytotoxiques. Dans toutes les lignées résistantes apparaît une surexpression de SIRT1. Ils ont ensuite recherché, chez quelques patients, la présence de SIRT1 avant et après chimiothérapie, et observé son induction; la protéine Sirt1 se révèle bien être une molécule de réponse au stress, ce qui n’est pas le cas des autres membres de la famille. Cette réponse apparaît à des doses de doxorubicine (5 nM) qui induisent une inhibition de croissance, mais n’apparaît plus à la dose (1 μM) qui induit l’apoptose, et elle survient dès 24 heures ; pour culminer après 24 heures de contact avec cet agent. Les auteurs apportent aussi, à l’aide de l’outil maintenant classique de l’inhibition par ARN interférents, quelques éléments concernant le mécanisme par lequel le gène SIRT1 contribue à la résistance à la chimiothérapie. La transfection d’un siARN réduit fortement l’expression du gène dans les cellules résistantes et sensibilise ces cellules à la doxorubicine. Cette transfection s’accompagne également d’une diminution de l’expression du gène MDR1, directement impliqué dans la résistance comme on le sait depuis longtemps. À l’inverse, la transfection de SIRT1 s’accompagne d’une augmentation de l’expression de la glycoprotéine P, produit du gène MDR1. Il ressort de ce travail que le gène de longévité SIRT1 pourrait jouer un rôle 10 important dans le déterminisme de l’activité des agents anticancéreux et constituer, pourquoi pas, une nouvelle cible pour de nouveaux traitements. J. Robert Institut Bergonié, Bordeaux > Chu et al. Cancer Research 2005;10183-7. > Nécessité d’inhiber simultanément la voie PI3K et la voie des MAP kinases pour induire l’apoptose de cellules déficientes en PTEN L e récepteur de l’EGF (EGFR) est une cible devenue primordiale pour le développement thérapeutique, que ce soit à l’aide de petites molécules comme le gefininib ou à l’aide d’anticorps comme le cétuximab. Pourtant, les altérations oncogéniques de l’EGFR semblent relativement rares et leur fréquence ne dépasse pas 10 à 15 % dans le cancer du poumon non à petites cellules (CBNPC), par exemple. L’EGFR commande plusieurs voies de signalisation conduisant à la prolifération ou à l’inhibition de la mort cellulaire : la voie des MAP kinases est la mieux connue, la voie de la PI3 kinase (PI3K) est également d’une importance cruciale. L’un des régulateurs majeurs de cette voie est la phosphatase PTEN, qui sépare précisément le groupement phosphate en 3 du phosphatidylinositol-3,4,5triphosphate mis en place par la PI3K, réversant ainsi l’action de cette dernière et empêchant l’activation de PKB/AKT et de la cascade qui suit. Les mutations de PTEN, gène suppresseur de tumeurs important, sont fréquentes dans plusieurs types de cancers et permettent l’activation de cette voie de prolifération, indépendamment de l’activation de l’EGFR. Les auteurs montrent que la restauration de l’activité PTEN par un vecteur inductible sensibilise les cellules aux inhibiteurs de La Lettre du Cancérologue - Suppl. Les Actualités au vol. XIV - n° 6 - décembre 2005 l’EGFR, ce dernier devenant essentiel pour la prolifération cellulaire. Pourtant, la perte d’activation d’AKT, consécutive à la restauration de PTEN, n’est pas suffisante pour induire la mort cellulaire sous l’effet de l’inhibition de l’EGFR : il faut en outre l’intervention d’une MAP kinase, et c’est le blocage simultané de la voie PI3K et de la voie MAPK qui permet de déclencher l’apoptose en réponse à l’inhibition de l’EGFR. Le responsable en est la protéine BAD, une protéine pro-apoptotique de type “BH3 only” qui agit en inhibant BCL-2 : ce dernier est phosphorylé sur la sérine 126 par AKT et sur la sérine 112 par une MAP kinase. Chacune de ces phosphorylations l’inactive en permettant sa séquestration par une protéine 14-3-3. L’inhibition simultanée de ces phosphorylations explique l’effet synergique de l’inhibiteur de l’EGFR et de la restauration de PTEN. Une approche pas à pas permet aux auteurs de décortiquer cet intéressant mécanisme sur un modèle in vitro, de vérifier sa validité in vivo et de proposer d’associer un inhibiteur de l’EGFR et un inhibiteur de PI3K ou d’AKT (un inhibiteur de mTOR, placée en aval d’AKT, ne pourrait convenir) pour obtenir un effet synergique dans les tumeurs ayant une mutation de PTEN - glioblastomes, cancers de la prostate et autres. J. Robert Institut Bergonié, Bordeaux > She QB et al. Cancer Cell 2005;8:287-97. > Le rôle de la protéine Ku86 dans la radio-sensibilisation induite par les inhibiteurs de topo-isomérases I L es agents anticancéreux inhibiteurs de topo-isomérases I de la famille des camptothécines sont très utilisés dans le traitement d’un grand nombre de cancers. Au niveau moléculaire, l’activité cytotoxique de ces agents est liée à la formation de cassures double-brin de l’ADN dont l’origine provient de la collision d’une fourche de réplication qui progresse le long de la double hélice d’ADN avec les complexes ADN-topo-isomérases I stabilisés par le médicament. À l’heure actuelle, on ne connaît pas encore le ou les mécanismes de réparation de ce type de dommages, même si plusieurs études ont impliqué le système de réparation de l’ADN par recombinaison non homologue ou NHEJ. Dans cet article, Shi et al. s’intéressent au rôle de Ku86 dans l’effet de radiosensibilisation des inhibiteurs de topoisomérases I qui est observée lorsque ces médicaments sont administrés en même temps ou avant le traitement par les rayonnements ionisants. Ku86 est une protéine clé du système NHEJ. Ku86 reconnaît l’ADN au niveau des cassures double-brin et se lie à ses extrémités en complexe avec les protéines Ku70, DNA-PKcs et Artémis. En utilisant deux modèles distincts de lignées de hamster, les auteurs montrent qu’un prétraitement court à la camptothécine induit une plus forte toxicité des radiations ionisantes dans les cellules déficientes en Ku86 que dans les cellules contrôles exprimant Ku86. En revanche, l’absence ou la présence de Ku86 n’affecte pas la cytotoxicité de la camptothécine seule. Ce résultat assez inattendu suggère que les dommages de l’ADN induits par les inhibiteurs de topo-isomérases I ne sont pas réparés par le système NHEJ, contrairement à ce qui avait été publié dans des études antérieures utilisant d’autres modèles cellulaires. Les auteurs montrent que l’effet accru de radio-sensibilisation obtenu avec la camptothécine dans les cellules Ku86 déficientes n’est pas observé avec d’autres agents endommageant l’ADN tels que les inhibiteurs de topo-isomérases II ou le cisplatine ou avec les poisons de tubuline. Ils évoquent, en revanche que l’effet est comparable à celui obtenu pour d’autres inhibiteurs de topo-isomérases I non camptothécines tels que les indolocarbazoles. Même si le mécanisme n’est pas décrit en totalité, les auteurs montrent que l’effet radiosensibilisant de la camptothécine nécessite la formation des cassures double-brin de l’ADN. En effet, un prétraitement des cellules Ku86-déficientes avec de l’aphidicoline, un inhibiteur de la réplication qui empêche la collision des fourches avec les complexes ADN-topo-isomérases I stabilisés par l’inhibiteur, supprime l’effet radiosensibilisant de la camptothécine. L’ensemble de ces résultats suggère donc que, dans les modèles utilisés, l’effet de radiosensibilisation par un cotraitement ou un prétraitement des cellules à la camptothécine est modulé par Ku86 et nécessite la formation réplicationdépendante de cassures de l’ADN. Ces résultats montrent également que le mécanisme de cette radiosensibilisation est différent du mécanisme de cytotoxicité de la camptothécine seule. De plus, ce travail remet en cause les données antérieures concernant le(s) mécanisme(s) potentiels de réparation des cassures de l’ADN induites par les inhibiteurs de topo-isomérases I. P. Pourquier Institut Bergonié, Bordeaux [email protected] > Shi et al. Cancer Res 2005;65:9194-9 La Lettre du Cancérologue - Suppl. Les Actualités au vol. XIV - n° 6 - décembre 2005 11