
8 | La Lettre du Pharmacologue • Vol. 27 - n° 1 - janvier-février-mars 2013
Méthodologie et optimisation des études cliniques chez l’enfant
DOSSIER THÉMATIQUE
Pharmacopédiatrie
les résultats recueillis chez l’ensemble des patients
qui ont été recrutés depuis le début de l’étude. La
dose administrée au patient suivant entrant dans
l’étude est celle qui, dans la nouvelle distribution
des probabilités calculées, a la probabilité la plus
proche de la probabilité cible (90 %, dans l’exemple
choisi). Cette méthode s’applique à chaque étape
jusqu’au recrutement de 20 à 25 patients seulement.
Ce nombre de patients n’est pas calculé mais a été
établi empiriquement par l’expérience antérieure
obtenue avec la méthode CRM, qui montre que,
au-delà de ce chiffre, la précision de l’estimation
de la réponse à la dose cible (ici, 90 %) ne s’accroît
pas significativement et que l’intervalle de crédibi-
lité encadrant la réponse moyenne à cette dose ne
diminue pas significativement. Il faut noter que l’on
parle ici d’intervalle de crédibilité et non d’intervalle
de confiance, car il s’agit de statistiques bayésiennes
et non fréquentistes.
Cette méthode a l’avantage majeur de ne nécessiter
qu’un groupe limité de patients, contrairement à
la méthode classique de comparaison de groupes
parallèles, de ne pas nécessiter de groupe placebo
et de faire en sorte que chaque nouveau patient ou
chaque nouveau groupe de patients reçoive une
dose dont la probabilité de succès est toujours plus
proche de la probabilité recherchée compte tenu du
fait que la dose administrée est déterminée par la
somme des informations accumulées au cours du
recrutement de tous les patients précédents.
Elle a l’inconvénient de s’appuyer sur un paramètre
qualitatif, si bien que, lorsque le paramètre est quan-
titatif, on est amené à choisir une limite dans l’échelle
quantitative pour séparer les succès des échecs,
sur des arguments de pertinence clinique. Cette
méthode suppose un recueil rapide de la réponse,
car la dose attribuée aux patients suivants dépend de
la réponse de l’ensemble des patients recrutés depuis
le début de l’étude. Cette méthode ne peut donc
pas s’appuyer sur un critère de jugement clinique
qui serait obtenu après plusieurs jours, semaines ou
mois, mais elle est adaptée aux critères permettant
un recueil rapide de la réponse, comme les critères
dits “intermédiaires”. Cette approche suppose une
organisation relativement sophistiquée, avec une
grande réactivité, pour communiquer rapidement la
réponse au centre de calcul et que celui-ci transmette
en retour très rapidement aux investigateurs la dose
à administrer au patient suivant. Cette organisation
n’est en pratique réalisable que dans le cadre d’une
étude monocentrique ou ne comprenant qu’un petit
nombre de centres.
Cette méthode a été utilisée chez le nouveau-né (4,
5), notamment dans une étude qui a été acceptée
pour le dossier de demande d’AMM par l’Agence
européenne des médicaments : l’étude de recherche
de dose de l’ibuprofène intraveineux dans la ferme-
ture du canal artériel (4).
Études d’efficacité et
de sécurité (études de phase III)
Test triangulaire
C’est une méthode séquentielle, car une analyse
statistique est faite non pas seulement à la fin de
l’essai, mais après chaque recrutement d’un petit
nombre de patients. À chaque analyse sont calculées
2 statistiques : la statistique Z, qui est une estima-
tion de la différence d’effet entre les 2 traitements
comparés, et la statistique V, en rapport avec la
somme d’informations accumulées depuis le début
de l’essai, et donc avec le nombre de patients inclus.
Les statistiques Z et V sont représentées respective-
ment en ordonnée et en abscisse d’un graphique qui
permet d’obtenir un point à chaque analyse statistique
(figure). Ce point est relié sur le graphique à une
valeur 0 qui se situe au milieu de l’axe des ordon-
nées. Chaque point est relié au précédent, si bien
que l’on obtient une ligne brisée appelée “chemin
de l’échantillon” (sample path). Cette ligne brisée
s’inscrit dans un triangle, qui donne son nom au
test. La base du triangle est l’axe des ordonnées et
Tableau. Méthode de réévaluation séquentielle pour la recherche de la dose efficace 90 dans
une gamme de 6 doses testées. Sont présentées, de haut en bas, la distribution des probabilités
de succès estimées a priori pour chacune de ces doses, puis, ligne par ligne, les probabilités de
succès estimées a posteriori pour chacune de ces doses en fonction du résultat clinique (succès
ou échec) pour chaque dose nouvellement testée (approche séquentielle) combiné aux résultats
de chacune des doses testées chez les patients précédemment inclus (approche bayésienne). La
dose attribuée à chaque nouveau patient est la dose dont la probabilité de succès a posteriori
était la plus proche de la probabilité cible (90 %) pour le patient précédent.
Patient
dose administrée
Réponse
clinique Gamme de doses testées
(n°) 1 2 3 4 5 6
Probabilité de succès estimée a priori (%)
35 50 70 90 95 100
Probabilité de succès estimée a posteriori (%)
1 3 Échec 3 4 6 9 12 21
2 6 Succès 9 12 19 35 64 70
3 6 Succès 12 18 28 59 62 84
9 6 Succès 23 33 51 77 86 96
10 5 Succès 25 37 56 81 89 97
13 5 Succès 31 45 65 87 93 99
14 4 Succès 35 47 67 88 94 99