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6mai 2009 1035
Du bovin et du séquençage
de son génome
et au bovin remontant à environ 95 mil-
lions d’années. Les réarrangements sur-
venus ultérieurement sont principalement
localisés dans les gènes impliqués dans
l’immunité, le métabolisme et la digestion.
Sans grande surprise, les auteurs de ce
travail estiment que ces changements
pourraient expliquer l’efficacité des rumi-
nants à convertir des fourrages énergéti-
quement pauvres en viande et lait.3
Leprojet «HapMap bovin» a quant à
lui dessiné une cartographie de la diver-
sité génétique dans les
différentes populations
bovines. L’analyse de
près de cinq cents ani-
maux de dix-sept po-
pulations (y compris la
race française Limou-
sine), montreque les bovins constituaient
initialement une population génétiquement
très diverse qui s’est structurée sous
l’effet de la domestication, la formation
des races via la sélection. Depuis la do-
mestication (il y a entre8000 et 10000
ans), les observations et les choix des
éleveurs ont conduit à la stabilisation de
plus de huit cents races aux aptitudes
très variées.
Les auteurs de ces recherches ne se
sont pas bornés à publier de manière
brute et sèche leurs résultats. Adoptant
une politique de plus en plus suivie, ils
en ont vanté les mérites et développé les
nouvelles perspectives qu’ils ouvrent. «Les
connaissances acquises par ce séquen-
çage ont des implications considérables
pour les filières bovines tant pour le lait
que pour la viande mais aussi en matière
de reproduction ou d’adaptation des es-
pèces (robustesse, bien-être), de techni-
ques d’élevage et d’impacts environne-
mentaux, assure-t-on auprès de l’Inra. La
sélection génomique des meilleures po-
pulations pratiquée par les éleveurs sera
ainsi optimisée.»
En d’autres termes, on devrait aller plus
vite et plus loin dans une pratique qui
consiste à sélectionner des reproducteurs
sur la base de leur valeur génétique pré-
dite à partir de marqueurs génétiques
répartis dans l’ensemble du génome. En
pratique, cette approche est rendue pos-
sible par la fameuse technique des puces
àADN. «Les données issues du séquen-
çage permettent le développement d’un
très grand nombrede marqueurs géné-
tiques et d’outils de génotypage à haut
débit, renouvelant complètement les mé-
thodes de gestion des populations pour
une sélection de nouveaux caractères,
dit l’Inra. Ainsi, les méthodes d’élevage
pourront être plus justement adaptées à
laphysiologie des animaux et de fait plus
durables. La connaissance du génome
va aussi faciliter l’identification des mu-
tations responsables de pathologies chez
les bovins.»
Pour plusieurs médias, la publication
deScience adonné lieu à diverses inter-
prétations. «Des chercheurs sont parve-
nus à séquencer le génome de la vache,
cequi devrait permettrede lever le voile
sur les secrets génétiques de la bonne
viande et du bon fro-
mage et faireavancer
la compréhension des
maladies bovines et hu-
maines» s’est enthou-
siasmé l’Agence Fran-
ce-Presse. Un enthou-
siasme il est vrai très largement partagé.
«Le séquençage du génome bovin va
permettre aux chercheurs de compren-
dre les causes génétiques des maladies
affectant le cheptel, de produirede la
viande et du lait plus sains tout en rédui-
sant pour les éleveurs la dépendance des
antibiotiques utilisés pour préserver la
santé des animaux, a ainsi déclaré Tom
Vilsack, ministre américain de l’Agricul-
ture dont le ministère a financé une par-
tie du projet. L’élevage est très important
pour le secteur agricole aux Etats-Unis
avec un cheptel bovin de 94 millions de
têtes estimé à 49 milliards de dollars.»
Et encore, selon le Dr Raynard Kington,
directeur par intérim des Instituts natio-
naux américains de la santé qui ont piloté
et cofinancé cette recherche : «Le séquen-
çage du génome bovin ouvreaussi une
autrefenêtresur notrepropregénome
car en comparant le génome humain à
ceux de nombreuses autres espèces ani-
males, nous pouvons mieux comprendre
le mécanisme génétique des maladies.»
Pour Shirley Ellis (Institut britannique pour
la santé animale), «cette recherche pour-
rait aboutir à une augmentation de la
production de lait dans le monde, à une
amélioration de la qualité de la viande et à
un cheptel résistant mieux aux mala-
dies». Et pour RichardGibbs, du Baylor
College de Houston et premier investiga-
teur, «il faut espérer que ces informations
génétiques seront exploitées pour réduire
l’impact environnemental de l’élevage».
Certains ne manqueront pas de voir là
une forme de scientisme.
Jean-Yves Nau
Après six années de travail c’est
fait : un consortium international
(300 chercheurs de 25 pays) con-
duit par le Centre de séquençage du Baylor
College of Medicine de Houston (Texas)
vient de publier dans les colonnes de
Science1la première analyse détaillée de
laséquence du génome bovin (Bos tau-
rus).«Ce travail apporte des informations
considérables sur la biologie de cette
espèce et sur l’évolution et l’analyse com-
parées des mammifères, souligne-t-on
auprès de l’Institut national français de la
recherche agronomique (Inra) qui a parti-
cipé à ce gigantesque travail. Il aura des
applications nombreuses pour les filières
bovines, en élargissant les outils et les
critères pour la sélection des animaux.»
Après le poulet et le chien, la vache
est le troisième animal domestique dont
le génome est entièrement séquencé. Le
séquençage du génome d’une vache fe-
melle de race Hereford a été prolongé
par diverses analyses des populations bo-
vines (dans le cadredu projet «HapMap
bovin») visant à produire une cartographie
de la diversité génétique dans les dif-
rentes populations, entregrands rameaux
taurins et zébus, et ce jusque dans les
différentes races bovines.2
On sait désormais que le génome bo-
vin est beaucoup plus proche de celui de
l’homme que ceux de la souris ou du rat.
«Il comprend au moins 22000 gènes, dont
la plupart se retrouvent chez l’homme,
explique-t-on auprès de l’Inra. La majo-
rité des chromosomes bovins correspon-
dent à de grands fragments de chromo-
somes humains, parfois des chromoso-
mes entiers.» Comment comprendrecette
grande conservation du génome entre
ces deux espèces ?En postulant l’exis-
tence d’un ancêtrecommun à l’homme
«… Les connaissances
acquises ont des implica-
tions considérables pour
les filières bovines …»
point de vue
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5janvier 2009
1Elsik CG, T
ellam RL, Worley KC. The Bovine Genome
Sequencing and Analysis Consortium. Le Consortium inter-
national a été conduit par différentes institutions nord-amé-
ricaines. Il a été pour l’essentiel financé principalement par
des fonds nord-américains (NHGRI, USDA, Etat du Texas,
Genome Canada) ainsi que par quelques autres Etats (Aus-
tralie,Nouvelle-Zélande,Norvège). Le Département de bio-
logie structurale et bioinformatique, Centre médical universi-
taire,Faculté de médecine de Genève a participé à ce travail.
La liste complète des auteurs et leurs appartenances est
consultable à l’adresse suivante: www.inra.fr/presse/sequence_
genome_vache_decryptee
2The Genome Sequence of T
aurine Cattle:Awindowto ru-
minant biology and evolution. Science 2009;324:522-8.
3Les personnes intéressées par l’histoiredu lait et de sa
consommation prendront connaissance avec le plus vif inté-
rêt du très riche ouvrage «Le lait, la vache et le citadin, du
XVIIeau XXesiècle» de Pierre-Olivier Fanica.Editions Quae
(c/o Inra, RD 10, 78026 Versailles cedex, France) www.quae.
com
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