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La Lettre du Pharmacologue - Volume 20 - n° 1 - janvier-février-mars 2006
D
O S S I E R
En matière d’identification de risques et de possibilités de
défaillance des systèmes de détection, du début des essais cli-
niques en passant par l’AMM, jusqu’à la fin de l’exploitation
commerciale, le développement d’une spécialité pharmaceu-
tique parcourt plusieurs étapes impliquant peu ou prou la
pharmacovigilance. Au cours de ces différentes étapes peu-
vent être réalisées des évaluations non pertinentes, partiales,
voire même mensongères, ne serait-ce que par omission. La
qualité de ces évaluations dépend grandement des moyens et
des systèmes mis en place pour la détection des risques et de
leur compatibilité avec les dispositions réglementaires. Le
respect strict des dispositions réglementaires n’est toutefois
pas exonérateur en soi et ne garantit en rien l’efficacité des
systèmes, laquelle repose beaucoup sur des facteurs humains.
D u rant les essais cl i n i q u e s , le promoteur va décl a r er à l’autori t é
c o m p é t e n t e, dans les quinze jours suivant leur notifi c ation par
l ’ i nve s t i g at e u r , les é v é n e m e n t s et e ffe t s i n d é s i r ables
“ d é f i n i s
comme décl a rab l e s ”
, et tout fait nouveau intéressant la
re ch e rche ou le produit faisant l’objet de la re c h e rche et suscep-
t i b le de porter atteinte à la sécurité des personnes qui s’y prêtent.
Les événements
“ d é cl a rabl e s ”
dont il est ici question
( 3 )
s o n t
les événements indésirables grave s , type d’événement
“ q u i ,
quelle que soit la dose, e n t r aîne la mort , met en danger la vie du
p a rt i c i p a n t , nécessite une hospitalisation ou la pro l o n g ation de
l ’ h o s p i t a l i s a t i o n , p rovoque un handicap ou une incapacité impor-
tants ou durabl e s , ou bien se traduit par une anomalie ou une mal-
fo r m ation congénitales”
. De telles manife s t at i o n s , p u r ement fa c -
t u e l l e s , d o i vent être signalées aux autorités compétentes, s a n s
p r é j u ger de la re l ation de causalité avec le ou les produits utili-
sés. La situation méthodologique du
“ d o u b le insu”
,p ro p re à
l’essai comparat i f,e m p ê che d’ailleurs , à ce stade de l’instru c-
tion du dossier du patient impliqué, d ’ i d e n t i f ier la nat u r e du tra i-
tement reçu par celui-ci. Dès lors que la re l ation de causalité
peut être établ i e, l’événement peut devenir un effet indésirabl e ,
réaction nocive et non désirée reliée à un médicament ex p é r i-
m e n t a l , quelle que soit la dose administrée (l’événement grave
se tra n s fo rmant en effet indésirable grave ) , ou demeurer un évé-
nement interc u rre n t , o b s e rvé de façon coïncidente au tra i t e m e n t ,
si la re l ation de causalité n’est pas établ i e.
Déjà observé précédemment dans d’autres circonstances, un
effet indésirable sera réglementairement considéré comme
“attendu”.
Mais il existe des effets indésirables réglementai-
rement dénommés
“inattendus”
,
“ceux dont la nature ou la
gravité ne concorde pas avec les informations relatives au pro-
duit”
[par exemple l’information contenue dans la brochure
pour l’investigateur
(3)
]. Lors des essais cliniques réalisés
postérieurement à l’AMM, les effets indésirables gra ves
“inattendus”
prennent ce caractère au regard de la rédaction
du résumé des caractéristiques du produit (RCP).
Les effets identifiés comme
“inattendus”
car ne figurant pas
dans la version en cours de la brochure d’investigateur ont
vocation à figurer dans sa version postérieure mais il n’y a pas
ici d’automatisme. Le choix vise à sélectionner ceux qu’il est
p e r tinent de fa i re connaître aux inve s t i g at e u rs pour la sécuri t é
des personnes participant aux essais. Parallèlement, lors de
chaque essai clinique,un document d’information préalable
au consentement est rédigé à l’attention des personnes à qui
l’on propose de se prêter à la recherche biomédicale. Ce
document d’information présente notamment à ces personnes
“les bénéfices attendus, les contraintes et les risques prévi-
s i b l e s ”
s u s c e p t i bles de découler de leur part i c i p a t i o n , y
c o mpris en cas d’arrêt de la recherche avant son terme (article
L 1122-1 CSP). Dans ce document d’information, qui va
connaître plusieurs versions évolutives au cours du dévelop-
pement de la future spécialité vers l’AMM, en fonction des
connaissances acquises, figurent, naturellement, les effets
identifiés (graves ou non) que le promoteur juge nécessaire ou
pertinent de porter à la connaissance des patients, afin qu’ils
se déterminent quant à leur acceptation ou leur refus de parti-
ciper à la recherche. Il peut même être modifié au cours d’un
même essai si des effets indésirables nouveaux le nécessitent,
le Comité de protection des personnes (article L 1123-10
CSP) s’assurant, le cas échéant, que les personnes participant
à la recherche ont été informées de ces effets indésirables et
qu’elles confirment leur consentement. La liste de ces effets
peut différer de celle dressée à l’attention des investigateurs,
qui tend, elle, vers l’exhaustivité, du moins en matière de
risques graves.
Au moment de la composition du dossier de demande de
l’AMM d’un produit, toutes les connaissances relatives à sa
tolérance découlent de l’analyse de l’ensemble des effets
indésirables, graves comme non graves, collectés au cours des
essais cliniques. Ces éléments vont permettre la rédaction, par
le laboratoire pharmaceutique,d’un projet de RCP et de la
notice d’information, destinée à figurer dans le conditionne-
ment à l’attention des consommateurs, documents soumis à
l’approbation du directeur général de l’Agence française de
sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS).
Un guide de rédaction
(4)
du RCP recommande une présenta-
tion des effets indésirables fondée sur les taux d’incidence, et
propose des équivalents sémantiques :très courant ( 1/10),
courant ( 1/100 à < 1/10), peu courant ( 1/1 000 à 1/100),
rare ( 1/10 000 à 1/1 000), très rare ( 1/10 000), inconnu
(la fréquence ne pouvant être estimée à partir des données dis-
ponibles), cela à titre indicatif.
En même temps que les résultats des essais cliniques mis en
œ u v r e pour la démonstration de l’effet thérapeutique du pro d u i t
testé et de son absence de nocivité dans les conditions norm a l e s