A C T U A L I T É Compte-rendu du 16e Congrès mondial de la FIGO Washington, 3-8 septembre 2000 ● F. Lécuru* L e congrès de la FIGO réunit tous les deux ans les meilleurs spécialistes de la discipline. À l’inverse de l’évolution récente de nombreuses réunions, tous les domaines de la gynécologie-obstétrique y sont abordés. On peut ainsi connaître l’état de la connaissance et les guidelines en AMP, contraception, obstétrique, chirurgie, oncologie, etc., mais aussi l’évolution des idées et les perspectives de recherche. Il est illusoire de vouloir faire un rapport complet du congrès. Ce compte-rendu renseigne sur l’évolution des idées en cancérologie pelvienne. STADIFICATION FIGO DES CANCERS GYNÉCOLOGIQUES Une session complète était consacrée à l’évolution nécessaire de la classification des principaux cancers gynécologiques. J.L. Benedet (Vancouver) a rappelé les progrès obtenus grâce aux classifications FIGO, qui permettent d’avoir un langage commun, et donc de mieux décider des schémas thérapeutiques et de mieux analyser les résultats. Cependant, ces classifications ne tiennent pas compte des progrès de l’imagerie ou de certaines techniques chirurgicales. De plus, le pronostic de certains stades montre que la gravité est sur- ou sous-estimée. H. Ngan a traité de l’intérêt d’une stadification chirurgicale du cancer du col. Il a rappelé que la stadification actuelle de ce cancer est purement clinique et qu’elle fait l’impasse sur le facteur pronostique majeur : l’envahissement ganglionnaire. L’examen clinique comme les techniques d’imagerie (échographie, scanner, IRM) ont une sensibilité d’environ 80 %. La scintigraphie FDG pourrait avoir une sensibilité plus élevée, mais elle reste à évaluer. L’autre intérêt d’une stadification chirurgicale serait une meilleure appréciation de l’extension paramétriale, puisqu’il est admis qu’il existe une discordance entre la stadification clinique et la stadification pathologique dans 20 à 50 % des cas. Enfin, cette stadification chirurgicale est acceptable, puisqu’elle peut être faite par cœlioscopie, limitant l’invasivité de la technique et les adhérences postopératoires, sources de complications en cas d’irradiation associée, notamment au niveau lomboaortique. Enfin, cette stadification pourrait être justifiée par ses conséquences thérapeutiques : traitement chirurgical exclusif des formes précoces sans atteinte ganglionnaire, association * Service de gynécologie-obstétrique, hôpital européen Georges-Pompidou, 20, rue Leblanc, 75015 Paris. 4 radio-chimiothérapie pour les formes localement avancées sans atteinte ganglionnaire para-aortique, chimiothérapie et/ou irradiation pour les atteintes para-aortiques, etc. Cependant, H. Ngan a insisté sur le fait que quelques-unes de ces approches constituent des voies de recherche et non des traitements démontrés, et qu’il reste à démontrer que la stadification chirurgicale améliore la durée ou la qualité de la survie des patientes. H. Bender (Düsseldorf) a présenté une revue critique de la stadification chirurgicale des cancers endométriaux préconisée par la FIGO. Il a rappelé que 90 à 95 % des lésions sont traitées chirurgicalement, et que la stadification fait partie de la prise en charge chirurgicale en routine. Inversement, beaucoup d’inconnues demeurent en termes de résultat. Les curages systématiques réalisés dans les stades 1 n’ont pas démontré de bénéfice de survie. Le rôle thérapeutique de la lymphadénectomie pour les stades plus avancés reste discuté. L’intérêt de la chimiothérapie reste à démontrer en cas de forme N+. La conclusion de cette présentation a été que la stadification chirurgicale des cancers de l’endomètre apparaît adaptée aux formes avancées, mais discutable pour les formes débutantes. S. Pecorelli (Brescia) a traité du cancer de l’ovaire. L’approche des formes avancées prête peu à discussion, tout au moins en termes de stadification. Inversement, rien n’est résolu pour les formes débutantes. Environ 25 % des stades 1 ont un envahissement ganglionnaire lombo-aortique. Ils sont donc classés parmi les stades 3. Cependant, leur pronostic n’a rien à voir avec celui des stades 3 péritonéaux. Le bénéfice thérapeutique obtenu, en cas de lésion débutante complètement réséquée, est donc très discutable. Le rôle thérapeutique de la lymphadénectomie n’est pas démontré pour ces cas. Inversement, certains auteurs estiment qu’il existe un bénéfice immunologique à laisser les ganglions indemnes en place. La place du curage dans les stades de début va très probablement être discutée dans les années à venir. En ce qui concerne les stades avancés, les choses sont plus simples. En l’absence de ganglions macroscopiquement envahis, la survie sans récidive est améliorée par le curage, mais pas la survie globale. Inversement, en présence de ganglions macroscopiquement envahis, les deux survies bénéficient du curage. En dehors des chiffres annoncés par ces différents exposés, on comprenait que l’idée était de tenter de simplifier la prise en charge des cancers précoces de bon pronostic et, au contraire, d’obtenir une stadification la plus précise possible des stades avancés, permettant d’adapter les traitements adjuvants à l’extension de la maladie. La Lettre du Gynécologue - n° 257 - décembre 2000 TRAITEMENT DU CANCER DU COL UTÉRIN La prise en charge thérapeutique des cancers du col est en pleine évolution. Il était normal qu’une des sessions d’oncologie lui soit consacrée. J. Sardie (Buenos Aires) a rappelé l’efficacité et les limites des traitements de référence : chirurgie et/ou radiothérapie. Il a insisté sur l’absence de variation notable de la survie, tous stades confondus, entre 1950 et 1992, dans les rapports annuels de la FIGO. Il a enfin présenté l’expérience de Buenos Aires utilisant la chimiothérapie néoadjuvante, soit avant chirurgie pour les stades de début, soit avant radiothérapie pour les stades avancés. Pour les stades de début, la chimiothérapie néoadjuvante augmente le taux de résécabilité, réduit les complications chirurgicales et améliore les résultats en termes de survie. Pour les stades avancés, la série de Buenos Aires montre que les patientes qui répondent à la chimiothérapie auront un meilleur contrôle local, quel que soit le traitement réalisé dans un deuxième temps, radiothérapie ou chirurgie. Ainsi la réponse à la chimiothérapie pourraitelle devenir un facteur prédictif du contrôle local. Les patientes répondeuses pourraient alors être irradiées. Les patientes non répondeuses pourraient être, selon Sardie, opérées... A. Schneider (Iéna) a présenté la place de la trachélectomie élargie. Il note que, depuis l’avènement de la cœlioscopie, l’axiome reliant radicalité chirurgicale et morbidité élevée avec des conséquences fonctionnelles n’est plus vrai. Dans le cancer du col, les techniques permettant l’identification du ganglion sentinelle, les curages endoscopiques, les curages paramétriaux avec la résection radicale de la portion vasculaire du ligament cardinal peuvent être réalisés avec une préservation des nerfs pelviens. Enfin, la trachélectomie, décrite par D. Dargent, permet de conserver la fertilité. Dans son expérience, A. Schneider rapporte, pour les tumeurs de moins de 2 cm sans embole lymphovasculaire, des résultats comparables à ceux des traitements radicaux de référence en termes de récurrence-survie. En revanche, jusqu’à 50 % des patientes ainsi traitées peuvent développer une grossesse. Il est à noter que ces traitements conservateurs font maintenant l’objet de publications venant d’à peu près tous les continents. Cependant, A. Schneider reste réaliste, et insiste sur la nécessaire validation prospective de ces techniques. E. Trimble (Bethesda) a fait le point sur les associations chimio-radiothérapiques. Il a notamment revu les 5 essais thérapeutiques publiés récemment, incluant des patientes dont les stades étaient compris entre Ib2 et IVa. Ces essais montrent que pour les femmes sans atteinte ganglionnaire lombo-aortique répondant à la chimiothérapie, le risque de décès par cancer cervical est réduit de 30 à 50 % par rapport à un traitement classique. Cependant, tous les sous-groupes ne bénéficient pas de ce traitement, et E. Trimble a parfaitement insisté sur la grande variation observée d’une publication à l’autre, en termes de dose d’irradiation, de protocole, de chimiothérapie, de respect du protocole, etc. Cependant, à partir de ces résultats, la prise en charge des patientes présentant un cancer du col localement avancé doit évoluer. En conclusion, la chimiothérapie néoadjuvante pour les cancers du col de gros volume, le traitement conservateur chirurgical des petits cols ou la chimio-radiothérapie concomitante des formes localement avancées pourraient supplanter rapideLa Lettre du Gynécologue - n° 257 - décembre 2000 ment la classique association radio-chirurgicale ou le traitement radiothérapique exclusif de ces patientes. DÉPISTAGE DU CANCER DE L’OVAIRE Depuis les premiers essais peu convaincants de dépistage du cancer de l’ovaire, il y a plus de 15 ans, les choses ont évolué. L’échographie a fait des progrès techniques considérables, l’exploration chirurgicale des masses suspectes s’est simplifiée avec la cœlioscopie, et la génétique a identifié des gènes de prédisposition. La non-rentabilité du dépistage du cancer de l’ovaire doit donc être rediscutée. B. Karlan (Los Angeles) a rappelé qu’en 1994, une conférence de consensus du NIH avait recommandé, pour les femmes ayant une généalogie évocatrice, de faire un dépistage par un examen clinique, une échographie transvaginale et un dosage du CA 125 annuels. Cependant, cette recommandation était basée sur une opinion d’experts, en l’absence de toute donnée démontrant l’efficacité de cette attitude sur la mortalité par cancer de l’ovaire. Depuis, les gènes BRCA1 et BRCA2 ont été identifiés et ont permis de constituer des cohortes de patientes présentant un risque génétique élevé de cancer ovarien. L’étude de ces cohortes nous montre que le dépistage ne doit pas se focaliser sur l’organe lui-même (l’ovaire), mais qu’il doit s’intéresser à l’ensemble de la cavité péritonéale, car il apparaît qu’un nombre important de ces patientes présente des cancers papillaires séreux péritonéaux probablement d’origine multifocale. Ainsi l’échographie n’est-elle peut-être plus la pierre angulaire du dépistage, et l’utilisation du CA 125 ou d’autres marqueurs pourrait prendre une place beaucoup plus importante que par le passé. En revanche, pour les femmes qui n’appartiennent pas à ce groupe à risque, le dépistage repose toujours sur l’échographie transvaginale et l’analyse des ovaires. Enfin, B. Karlan a fait l’inventaire des techniques en cours de développement ou d’expérimentation pour améliorer la sensibilité du dépistage chez ces patientes : nouveaux marqueurs sériques, échographie 3D, scintigraphie FDG, spectroscopie, frottis ovarien et péritonéaux, etc. N. Urban (Seattle) a donné le point de vue de l’épidémiologiste sur ce problème. Elle a rappelé qu’une politique de dépistage doit être réalisable et validée par un essai contrôlé en conservant un bon rapport coût/efficacité. Son analyse montre que la taille des groupes, la puissance de l’essai et le coût varient de façon inverse. Le facteur déterminant est la réduction escomptée de la mortalité. Diviser par 2 le taux de mortalité nécessite des effectifs et entraîne des coûts qui rendent la réalisation de tels essais illusoires. Le dépistage du cancer de l’ovaire va donc rester, pour quelques années encore, le domaine réservé des séries descriptives et des conférences d’experts. CONCLUSION La FIGO, qui est à l'origine des stadifications qui font référence, donne le ton, et montre que la cancérologie pelvienne évolue. À travers les exposés, on comprend que l'adaptation du traitement à la patiente et le respect de la qualité de vie deviennent des préoccupations majeures. ■ 5