les héroïques et riantes fables de la Grèce ont disparu ; la nation des miracles, le
peuple de Dieu languît dispersé ; l’orgueilleuse Carthage est détruite.
Nous avons suivi tous les pas du colosse romain depuis son berceau jusqu’à sa
tombe ; nous avons décrit son accroissement rapide, son habileté profonde, sa
force, sa gloire, sa grandeur, sa liberté, son luxe, sa corruption, sa décadence, sa
servitude ; nous entendons encore le bruit de sa chute, et nous venons de voir
ses derniers débris écrasés dans Byzance : par les farouches enfant de Mahomet.
Au signal de la destruction de l’empire romain en Italie, l’Occident est devenu la
proie des sauvages guerriers du nord. Une moitié du monde s’est vue esclave et
musulmane, l’autre chrétienne, mais barbare ; les arts, les lumières, les
richesses, la civilisation de tant de siècles ont fui devant le fer des Celtes et des
Scandinaves ; l’Olympe est sans Dieux, le Parnasse sans Muses.
Le voile sombre de l’ignorance s’est étendu sur ces belles contrées, où les
sciences jetaient naguère un si vif éclat : ce Capitole où montaient tant de
triomphateurs, ce Forum où Cicéron enchaînait par son éloquence une foule
attentive, cette superbe Rome que Virgile enorgueillissait en ressuscitant les
héros troyens, cette cité célèbre où les vers harmonieux d’Horace disposaient le
cruel Octave à faire chérir le pouvoir d’Auguste, où le sévère Tacite faisait pâlir
les tyrans, ne retentissent plus que des cris de guerre des Hérules, des Goths et
des Lombards..
L’indomptable Espagne a succombé sous les coups des Suèves, des Visigoths ;
les Vandales l’ont traversée pour ravager l’Afrique ; enfin la Gaule, depuis
longtemps plus tranquille, plus riche, plus florissante que l’Italie, la Gaule
inondée par un torrent dévastateur de Goths, de Bourguignons, de Huns,
d’Allemands, d’Alains et de Francs, a vu ses champs dépouillés, ses écoles
désertes, des temples renversés, ses cirques détruits, ses villes incendiées.
La Gaule, jadis la terreur de Rome et l’effroi de l’Asie ; la Gaule, qui coûta dix
années de travaux à César ; la Gaule, rempart inexpugnable de l’empire contre
les Germains ; la Gaule, si heureuse sous les Antonins, si paisible sous
Constance, si chère à Julien, la Gaule est devenue l’esclave de mille tyrans.
Nous la voyons couverte d’épaisses ténèbres, mais, elle n’est qu’abattue et non
détruite ; à la lueur sanglante des glaives meurtriers qui se choquent dans son
sein, admirons ses efforts pour se relever ! Bientôt elle va civiliser ses farouches
vainqueurs ; bientôt, cette Gaule fameuse, se frayant une nouvelle route à la
gloire, va, sous le nom brillant de France, disputer encore à Rome son antique
renommée, fonder un nouvel empire d’Occident, servir d’exemple au monde par
ses lois, l’étonner par ses triomphes, l’éclairer par ses chefs-d’œuvre, l’enrichir
par son commerce et répandre la splendeur de son nom et de ses armes
jusqu’aux extrémités de la terre.
C’est de cette France prospère que doit s’élever un nouveau monde plus durable,
plus riche, plus puissant, plus éclairé que l’ancien ; c’est de cette France
glorieuse que sortiront tant de royaumes célèbres ; tant de génies immortels ;
c’est de cette France, capitole des héros modernes, asile des sciences, musée
des arts, panthéon de tous les talents, que nous allons retracer l’histoire.
Qu’à ce beau nom de France la vieillesse se glorifie par ses souvenirs ! que l’âge
mûr suive avec fierté les progrès de la grandeur, toujours croissante pendant
quinze siècles, d’un empire qui ne laisse point encore prévoir sa décadence ! que
la jeunesse surtout étudie avec ardeur ces fastes d’un pays dont elle est l’espoir.