Utilité actuelle de la biopsie nerveuse
Current usefulness of nerve biopsy
G. Said*
L
es progrès constants de l’électrophysiologie nerveuse
périphérique et de la neurogénétique ainsi que les
contributions successives des travaux antérieurs ont
rendu inutile, dans la très grande majorité des neuropathies péri-
phériques, la biopsie nerveuse (BN) pratiquée à visée diagnos-
tique. Il faut être conscient du fait qu’il s’agit d’un examen inva-
sif que l’on ne peut pas répéter et dont les indications doivent être
soigneusement réfléchies. Sa contribution au diagnostic et à la
prise en charge des patients est fonction d’un certain nombre
d’impératifs.
Le but de la BN n’est pas de confirmer que le patient a ou n’a pas
de neuropathie périphérique. L’examen clinique et l’étude électro-
physiologique répondent à ces questions. La BN n’arrive qu’en
dernière position dans l’ordre des examens complémentaires des
patients atteints de neuropathie, et il faut en peser soigneusement
l’indication. Ne pas connaître la cause d’une neuropathie n’est
pas suffisant pour indiquer une biopsie. Il faut que cette neuro-
pathie s’avère évolutive et invalidante ou s’inscrive dans un
contexte général, de maladie inflammatoire systémique par
exemple.
COMPLICATIONS DE LA BIOPSIE NERVEUSE
Des complications surviennent chez environ 10 % des patients.
Ce sont surtout des retards de cicatrisation, plus fréquents chez
les patients sous corticoïdes. Une gêne peut persister pendant plu-
sieurs mois dans le territoire de la biopsie, avec anesthésie et allo-
dynie. La perte de sensibilité se réduit des 9/10 en quelques mois
d’après Thériault et al. (1998). Le risque de développer des dou-
leurs résiduelles et des troubles sensitifs persistants est d’au-
tant plus grand qu’il y a moins de troubles sensitifs objectifs
avant la biopsie. Le patient doit être informé de ces risques avant
la biopsie.
INDICATIONS DE LA BIOPSIE NERVEUSE
Dans les neuropathies familiales, il reste peu d’indications de la
biopsie nerveuse. La possibilité de parvenir au diagnostic par géné-
tique moléculaire a considérablement limité les indications de la
biopsie nerveuse. Les différentes formes de la maladie de Charcot-
Marie-Tooth relèvent d’un diagnostic de génétique moléculaire,
que l’on orientera en précisant la nature axonale ou démyélini-
sante de la neuropathie et le mode de transmission, autosomique
dominant, lié à l’X, ou exceptionnellement récessif. Ce n’est que
lorsque la notion familiale manque et que les recherches des
mutations les plus fréquentes s’avèrent négatives qu’une biopsie
nerveuse peut éventuellement être envisagée.
Dans les formes sporadiques d’apparition précoce, lorsque manque
la notion de transmission récessive, une biopsie est nécessaire
pour écarter une polyradiculonévrite chronique d’installation pré-
coce, a fortiori si les conductions nerveuses montrent des ralen-
tissements asymétriques. Dans les cas de suspicion de fragilité
des nerfs à la pression, la plupart des patients sont porteurs de la
délétion caractéristique de 1.5-mégabase en 17p11.2-12. Ce n’est
qu’en l’absence d’anomalie de l’ADN qu’une biopsie peut être
envisagée pour montrer les épaississements multiples de la myéline,
en particulier sur les fibres isolées par la méthode du teasing.
Devant une neuropathie de progression relativement rapide affec-
tant préférentiellement les fonctions des petites fibres, avec le
plus souvent des troubles végétatifs, le diagnostic de neuropathie
amyloïde familiale doit être envisagé en l’absence de gammapa-
thie monoclonale, qui ferait évoquer la possibilité d’amylose à
chaînes légères. La notion familiale manque souvent du fait de la
fréquence des formes à révélation tardive, en particulier dans les
familles françaises. Dans ces cas, la biopsie nerveuse est néces-
saire pour visualiser et caractériser les dépôts des substances
amyloïdes, tout en sachant qu’une biopsie négative ne permet pas
d’écarter le diagnostic, du fait du caractère focal des dépôts. Dans
tous les cas, une confirmation de l’origine génétique de l’amylose
sera apportée par la mise en évidence d’une mutation du gène de
la transthyrétine.
LA BIOPSIE NERVEUSE DANS LES NEUROPATHIES
ACQUISES
Les polyneuropathies distales symétriques, longueur-dépendantes,
sont essentiellement dues à des toxiques médicamenteux, des
processus métaboliques ou nutritionnels affectant les axones et
entraînant des dégénérescences axonales distales. Dans ces cas,
la biopsie nerveuse ne peut montrer que les conséquences de cette
destruction axonale et ne donne d’indication que sur l’évolutivité
et la gravité des troubles. La biopsie permet au besoin d’étudier
les petites fibres et surtout les fibres amyéliniques en microscopie
électronique. Les lésions morphologiques devront dans tous les
cas être confrontées aux données cliniques et anamnestiques.
ÉDITORIAL
La Lettre du Neurologue - vol. IX - n° 1 - janvier 2005 3
* Service de neurologie, hôpital de Bicêtre, Le Kremlin-Bicêtre.